La bataille du Bois des Caures

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Carte du Bois des Caures, indiquant les positions des chasseurs le 21 février 1916
Carte du Bois des Caures, indiquant les positions des chasseurs le 21 février 1916. Source : Musée Emile Driant.

Le 20 février, Driant écrit dans l'une de ses dernières lettres : "L'ordre du général Bapst (...), la visite de Joffre hier prouvent que l'heure est proche et, au fond, j'éprouve une satisfaction à voir que je ne me suis pas trompé en annonçant il y a un mois ce qui arrive, (...) Leur assaut peut avoir lieu cette nuit comme il peut encore reculer de plusieurs jours, mais il est certain."

Corps 1

Situation stratégique

Le bois des Caures occupe une légère hauteur, orientée du Sud-ouest au nord-ouest. Long de 3 km, large de 800 m, il domine au nord la ligne de front, au-delà de laquelle se trouvent Flabas et Ville-devant-Chaumont. C'est vers celles-ci que se dirigent les deux branches de la route qui vient de Verdun en passant par Vacherauville et la ferme Mormont. La bifurcation, dans le bois, est un point essentiel du terrain. Le bois des Caures est encadré à l'ouest par le bois d'Haumont, à l'est par le bois de Ville et l'Herbebois.

L'organisation tactique

Elle est composée de trois positions échelonnées en profondeur. En lisière nord, est la ligne des "grands gardes", éléments de tranchées isolés, couverts par un réseau continu de barbelés. Plus en arrière, dans le bois, la ligne principale de résistance. Ce sont de petits ouvrages gabionnés désignés par la lettre S suivie d'un numéro. La ligne de repli, ou ligne des R, complète le dispositif. Le PC du colonel est un abri bétonné, à proximité du carrefour et de l'ouvrage RE.

Le Bois des Caures dans les affrontements de 1916

Le 21 février, le bois des Caures est à la charnière des deux divisions du XXXe Corps d'Armée du général Chrétien. A l'ouest, la 72e division d'infanterie du général Bapst tient le secteur qui s'étend de la Meuse à la route de Ville. Sa brigade de droite (143e, colonel Vaulet) a deux bataillons (des 165e et 362e régiments d'infanterie dans le bois d'Haumont, et le groupement Driant dans le bois des Caures. A l'est, la 51e division d'infanterie est en ligne entre la route de Ville et la région du bois de Maucourt. Sa brigade de gauche (général Rogerie) a un bataillon (du 164e régiments d'infanterie) dans le bois de Ville, et un bataillon renforcé (164e régiments d'infanterie et 2 compagnies du 243e régiments d'infanterie) dans l'Herbebois.

L'armée allemande en 1916

Le dispositif allemand comprend trois corps d'armée : à l'ouest, le Vile corps de réserve doit enlever le bois d'Haumont . au centre, le XVIIle corps est chargé du bois des Caures . à l'est, le IIIe corps doit attaquer le bois de Ville et l'Herbebois, puis pousser sur Douaumont.

Corps 2

 

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Les combats

C'est la 21e division d'infanterie. allemande, premier échelon du XVIIIe corps, qui fait face au groupement de chasseurs. Ses quatre régiments représentent 8 à 10.000 hommes. Les nôtres, renforcés par quelques éléments du 165e régiments d'infanterie, sont environ 1.200. Pour les appuis, sur les 12 km de front du secteur principal d'attaque, il y a 270 canons français. La moitié sont des 75 modernes, mais les autres sont des pièces lourdes à tir lent, système de Bange, dépourvues de toute mobilité.

Contre eux, 850 pièces allemandes bien adaptées, dont 540 lourdes. Et les dotations en munitions sont à l'avenant. A l'aube du 21 février, le 59e est en première ligne, sous les ordres du commandant Renouard. Le 56e, avec le capitaine Vincent, est en réserve a la1 ferme Mormont. Le colonel Driant est justement en inspection dans le bois et, voyant le bombardement, décide de rester au PC avancé voisin de l'ouvrage R2. Le docteur Baudru et le père de Martimprey s'y affairent, car c'est aussi le poste de secours. Dans la matinée, un coup direct défonce la pièce qui sert du bureau au colonel et tue son secrétaire, le lieutenant Petitcollot, qui s'y trouvait. A 16 heures, le bombardement cesse : c'est le signal du début de l'attaque d'infanterie.

Le bois des Caures est attaqué sur la lisière nord, mais il est également débordé par des éléments infiltrés le long du bois d'Haumont. Le bois de Ville et l'Herbebois sont entamés. Le poids de ce début d'attaque est principalement supporté par les compagnies Seguin et Robin, qui font face au nord-ouest. Le combat est particulièrement acharné à la tranchée 16, où sont le sergent Legrand et 6 chasseurs, et à l'abri 17, défendu par le sergent Léger et 5 hommes. Les chasseurs perdent une partie de la première ligne, mais conservent celle tenue par la "grand'garde" de droite du 59è, Un combat confus et violent se déroule dans le bois : S7, S'7 et les tranchées, 12 et 12' sont perdus, puis repris à la baïonnette au début de la nuit sous la conduite du lieutenant Robin. Vers 22 H.30, c'est l'accalmie. La partie occidentale du bois, au nord de la ligne des R, est toujours parcourue par nos patrouilles. Le 56è, arrive en renfort dans la soirée, comble les vides du 59è, ainsi que ceux du 165è régiments d'infanterie dans le ravin du bois d'Haumont. Le lendemain, le bombardement reprend, et dure toute la matinée.

A midi, sous la neige, c'est l'assaut. La 6è division d'infanterie allemande échoue devant l'Herbebois, mais la 5è division d'infanterie. s'empare du bois de Ville. Le bois des Caures, ainsi débordé par l'est, est menacé également sur son flanc ouest, où des masses du volume d'un régiment débouchent du bois du Miroir et s'engouffrent dans le ravin du bois d'Haumont. Les trois compagnies de première ligne sont dépassées par deux régiments, submergées, réduites par deux bataillons laissés en-arrière à cette fin. La compagnie Seguin s'enferme dans S7 et S8, y succombe dans un combat a la grenade. La compagnie Robin subit le même sort. Le sergent Avet, du 56e, réussit à se cacher dans la tranchée 12 . il mettra neuf heures pour rejoindre nos lignes, la nuit suivante. Face au nord-est, la compagnie Vigneron, attaquée et tournée par deux bataillons, disparaît elle aussi. Les pionniers allemands incendient les abattis au lance-flammes. La résistance se concentre sur la ligne des R : à R2, où sont Driant et 120 chasseurs, à R3 où est la demi-section du sergent Lépine, à R4 et R5, tenus par la compagnie Quaegebeur, qui se relie au 165è régiments d'infanterie.

Vers 15 H., un régiment ennemi emporte R3, isole le noyau central où restent alors Driant et 80 survivants. Le colonel fait le coup de feu dans la position du tireur à genoux, une caisse de grenades à portée de la main : c'est le suprême recours lorsque les armes deviennent inutilisables. Des schrapnells éclatent au-dessus d'eux, les Allemands sont de plus en plus nombreux et se rapprochent. Un groupe de mitrailleurs rend compte qu'un 77 est en batterie sur la route de Ville et prend la position de revers, la position devient cependant insoutenable face à la puissance de feu allemande. La ferme d'Anglemont est occupée, les Allemands s'infiltrent jusqu'à Joli-Coeur, au sud du bois, dont ses tirailleurs garnissent la lisière. Les officiers décident le repli en direction de Beaumont. La compagnie Simon assure la couverture en partant la dernière . son arrière-garde, la section Spitz, est anéantie en quelques instants.

Les dernières heures

Le colonel Driant ne manifeste aucune hâte, s'arrête un moment au poste de secours puis, un peu plus loin, pour panser le chasseur Papin blessé. Parvenu au bord d'un trou d'obus, où se terrent les sergents Hacquin et Coisne avant de reprendre leur progression, il tourne sur lui-même et tombe, face au bois, frappé à la tête. Ecartant la terre avec leurs mains, les deux sous-officiers rampent jusqu'à lui, mais se rendent compte qu'il est trop tard. Très vite, les Allemands surviennent et les font prisonniers. En l'absence de ces seuls témoins directs, l'incertitude va planer de longues semaines sur le sort exact du colonel. Dans la soirée, une dizaine d'officiers et environ 110 chasseurs se rassemblent à Vacherauville.

La légende du Bois des Caures

Très vite, la légende s'empara des chasseurs de Driant. Le sentiment populaire s'exprimait alors volontiers par des chansons, et la Grande Guerre en inspira de nombreuses. Celle que le barde breton Théodore Botrel composa pour la circonstance se termine par cette strophe : "Repose, calme et confiant . La terre où tu dors - ô Driant !- Va, ne sera plus dans un an Terre allemande !.... Tes petits chasseurs -tes enfants-Tés vengeurs, demi-triomphants, Avec toi mort, entrent, vivants, Dans la légende !"

 
Source : MINDEF/SGA/DMPA

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