Les cinq étudiants du Lycée Buffon

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Les cinq étudiants du Lycée Buffon

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Monument Aux étudiants résistants, jardin du Luxembourg, Paris.
Monument Aux étudiants résistants, jardin du Luxembourg, Paris. Source : MINDEF/SGA/DMPA. Photo : Jean-Noël Liabeuf

 

Des lycéens contre l'Allemagne nazie.

Corps 1

 

1940 / 1941 : le lycée Buffon entre en résistance

 

Juin 1940, les troupes allemandes occupent Paris et plus de la moitié de la France. Source : Collection DMPA

 

Après la défaite et la signature, le 22 juin 1940, de l'armistice qui aboutit à l'occupation d'une partie du territoire national par les troupes allemandes, tous les Français ne se résignent pas. Tandis que, répondant à l'"Appel du 18 juin", certains parviennent à rejoindre le général de Gaulle en Angleterre, d'autres choisissent de poursuivre la lutte de l'intérieur. Des noyaux de résistance se forment . les actes de résistance, individuels ou collectifs, se font de plus en plus nombreux. Dans les facultés et les lycées parisiens, la rentrée scolaire s'effectue dans une atmosphère de sourde opposition. Des tracts appelant à la lutte commencent à circuler, des slogans anti-allemands apparaissent sur les murs.

Au lycée Buffon, comme dans d'autres établissements, le mouvement de résistance se dessine, tant chez les élèves que chez les enseignants. Le 11 novembre, ils sont présents dans le cortège des étudiants venus fleurir la tombe du Soldat inconnu lors de la manifestation patriotique organisée à l'Arc de Triomphe en dépit de l'interdiction des autorités allemandes et de la préfecture de police. Ils le sont encore parmi la foule qui défile devant la statue de Jeanne d'Arc, place des Pyramides, le 11 mai suivant.

Le même désir d'agir, de lutter par tous les moyens contre l'occupant, anime Jean-Marie Arthus (15 ans en 1940), Jacques Baudry (18 ans), Pierre Benoit (15 ans), Pierre Grelot (17 ans) et Lucien Legros (16 ans). Distribuant des tracts, collant des papillons, ils multiplient les appels auprès de leurs camarades. Ils s'efforcent de leur faire comprendre que la guerre n'est pas finie, qu'il faut lutter contre l'armée d'occupation. Ils installent une petite imprimerie qui leur permet de reproduire leurs appels chez l'un d'entre eux où ils cachent également leurs premières armes. Ils prennent un pseudonyme : Marchand, André, Francis, Paul, Jeannot. Les services de police s'inquiètent des activités de ces jeunes gens dont ils ne connaissent pas encore l'identité.

 

Source : Collection DMPA

 

Au cours de l'année 1941, les groupes et les réseaux de résistance se développent . les attentats et les sabotages se multiplient contre l'occupant dont les mesures de répression s'intensifient. Les cinq condisciples décident durant l'hiver de s'engager plus avant dans la résistance armée en adhérant au mouvement qui donnera naissance aux "Francs-Tireurs et Partisans Français".

La répression contre les étudiants du lycée Buffon

En avril 1942, le professeur Burgard, chef du mouvement de résistance "Valmy", est arrêté à son domicile par la Gestapo. La réaction de ses élèves est immédiate. Ils décident de protester publiquement. Durant les vacances de Pâques, ils organisent une manifestation qui se déroule le jeudi 16, jour de la rentrée. À la récréation du matin, une cinquantaine d'élèves d'autres établissements, conduits par Lucien Legros, force l'entrée du lycée et rejoint le groupe de Buffon, mené par Pierre Benoit. Jean-Marie Arthus, Jacques Baudry et Pierre Grelot sont chargés de surveiller et de donner l'alerte en cas de danger. Pendant dix minutes, tracts et appels sont lancés. Les élèves commencent à se disperser alors que la cloche retentit mais un agent du lycée a fait fermer les issues et prévenir la police. Les cinq jeunes gens réussissent à s'enfuir. Lucien Legros et Pierre Benoit, fichés comme "jeunes gens très dangereux", recherchés, sont désormais obligés de vivre dans la clandestinité.

Source : DR

 

Loin de cesser, l'activité des cinq amis s'intensifie. Ils participent à des attentats contre des officiers allemands, lancent des grenades contre un amiral allemand et ses invités au cours d'une réception donnée à bord d'une vedette sur la Seine. Ils glissent des tracts sous des portes, collent des affiches… accomplissant tous ces gestes, "petits" et "grands", qui contribuent à saper le moral de l'occupant et à entretenir un climat d'insécurité.

Les 3 et 4 juin 1942, quatre d'entre eux sont arrêtés, sur dénonciation. Seul Pierre Benoit parvient à s'échapper. Le 17 juin, Lucien Legros, Jean-Marie Arthus et Pierre Grelot comparaissent devant le tribunal spécial de Paris pour avoir participé à une manifestation rue de Buci. La sanction est sans appel : travaux forcés à perpétuité pour les trois jeunes gens. Compromis par ailleurs dans des attentats contre les troupes d'occupation, ils sont remis, ainsi que Jacques Baudry, à la Gestapo. Pierre Benoit, en fuite, est condamné à mort par contumace.

À la tête d’un groupe FTP, ce dernier, sous le pseudonyme de "L'Étudiant", poursuit la lutte. Installé à Fontainebleau avec son équipe, il dirige des opérations de sabotage contre des voies ferrées et des aérodromes. Blessé par balle au cours d'une opération, il gagne Paris à pied pour y recevoir des soins. Signalé comme chef terroriste très dangereux, il est activement recherché dans toute la France. Le 28 août, il est arrêté près de la gare Saint-Lazare et rejoint ses camarades à la prison de la Santé.

Le 15 octobre, après un nouveau procès, les cinq jeunes gens sont condamnés à mort par le tribunal de la Luftwaffe et transférés à la prison de Fresnes. Ils poursuivent leur action au sein même de la prison où ils s'efforcent de rallier leurs gardiens et refusent de recevoir la visite de l'aumônier allemand car il porte l'uniforme SS. Considérés comme fortes têtes, ils sont privés de courrier et de visites. Jacques Baudry et Lucien Legros tentent à deux reprises de s'évader mais sont repris in extremis à la dernière enceinte et mis aux fers. Le 8 février 1943, ils sont fusillés au stand de tir d'Issy-les-Moulineaux et enterrés au cimetière d'Ivry.

 

Source : DR

 

Jean-Marie Arthus, Jacques Baudry, Pierre Benoit, Pierre Grelot et Lucien Legros ont été décorés à titre posthume de la Légion d'honneur, de la Croix de guerre et de la Médaille de la Résistance et cités à l'Ordre de la Nation. Leurs services ont été homologués au ministère des Armées avec le grade d'officier.

 

Citation à l'Ordre de la Nation :

Jean ARTHUS, Jacques BAUDRY, Pierre BENOIT, Pierre GRELOT, Lucien LEGROS

Glorieux enfants de France, qui formèrent pendant l'occupation le groupe des Cinq étudiants du Lycée Buffon, se montrèrent en toutes circonstances animés de la foi patriotique la plus pure et la plus agissante.

MORTS POUR LA FRANCE

fusillés le 8 février 1943

 

 

La nuit qui précéda sa mort

Fut la plus courte de sa vie

L'idée qu'il existait encore

Lui brûlait le sang aux poignets

Le poids de son corps l'écœurait

Sa force le faisait gémir

C'est tout au fond de cette horreur

qu'il a commencé à sourire

Il n'avait pas UN camarade

Mais des millions et des millions

Pour le venger il le savait

Et le jour se leva pour lui.

 

Poème de Paul Éluard, ami de la famille Legros, en hommage à Lucien et à ses camarades, 1944.

 

 

Monument Aux étudiants résistants, jardin du Luxembourg, Paris. Source : MINDEF/SGA/DMPA. Photo : Jean-Noël Liabeuf

 

Collection "Mémoire et citoyenneté", N°31, Publication Ministère de la défense/SGA/DMPA