8 mai 1945

8 mai 1945, minuit, la fin des combats en Europe.
Les prémices de la capitulation
La C.C.E. (Commission Consultative Européenne) créée le 4 novembre 1943, à la suite de la conférence de Moscou, est une organisation internationale dont le siège est à Londres et qui a pour but de proposer aux gouvernements américain, britannique et soviétique, des projets de textes de capitulation sans conditions, et de définir les futures zones d'occupation en Allemagne. Ses membres sont les ambassadeurs américain et soviétique à Londres, Winant et Cusev, ainsi que le diplomate anglais Lord Strong.
Le 25 juillet 1944, la C.C.E. propose un texte en 14 points :
- cessation des hostilités (article I),
- désarmement de toutes les forces allemandes,
- évacuation de tous les territoires occupés par le Reich (article II),
- immobilisation de tous les avions (article III),
- immobilisation de tous les navires de guerre et de commerce (article IV),
- mise à la disposition des Alliés du matériel et des installations militaires (article V),
- mise en liberté des prisonniers de guerre des Nations unies (article VI),
- mise à disposition des Alliés de tous les renseignements militaires et économiques (article VII),
- interdiction de toute destruction (article VIII),
- interdiction de toute communication (article IX),
- occupation militaire de l'Allemagne (article XI),
- autorité suprême exercée en Allemagne par le Royaume-Uni, les Etats-unis et l'U.R.S.S. qui mettront en oeuvre le désarmement et la démilitarisation de l'Allemagne (article XII).
Le 10 novembre 1944, la France qui ne faisait pas partie de la C.C.E. jusqu'à présent, y est admise officiellement.
A cette date, on compte 3 projets de texte :
- celui de la CCE
- celui du comité interallié pour l'armistice
- celui mis au point par la France. (La France finira par adhérer au projet de texte de la CCE)
Déclaration du 5 juin 1945. Berlin
Le 4 février 1945, lorsque les trois Grands se réunissent à Yalta pour y réaffirmer le principe de la capitulation sans conditions, une clause concernant le démembrement de l'Allemagne est ajoutée aux négociations.
La France est laissée à l'écart du comité de démembrement institué à cet effet, et un malaise s'insinue déjà entre les Alliés. Cependant, à ce niveau des pourparlers, ces derniers commencent à redouter qu'il ne reste plus de responsables politiques ou militaires allemands pour signer la capitulation. Pour parer à cette éventualité, les Anglais prévoient alors un texte, lequel, en cas d'absence d'autorité allemande, établit l'autorité suprême alliée en Allemagne. Mais les Soviétiques accueillent très mal cette proposition anglaise car la clause d'une "capitulation sans conditions" n'y figure pas. Après bien des discussions, les Alliés finissent par s'entendre sur une "déclaration concernant la défaite de l'Allemagne et la prise de contrôle de l'autorité suprême en Allemagne". Cet accord est proclamé à Berlin le 5 juin 1945. Or, depuis le 7 mai 1945, la capitulation est signée.
Pourquoi une capitulation sans conditions ?
Lorsque la guerre éclate en 1939, à peine 21 ans se sont écoulés depuis la fin de la Première Guerre mondiale. Les horreurs de Verdun et les maladresses de Versailles sont donc encore très proches, trop proches peut-être. Pour tous, il faut éviter à tout prix de commettre les mêmes erreurs que dans le passé.
Dès 1943, à l'issue de la conférence de Casablanca, Roosevelt qui ne veut plus entendre parler de négociations d'armistice comme celles que Wilson avaient engagées avec les Allemands en octobre-novembre 1918, annonce que les Américains et les Britanniques réclameront de leurs ennemis une "reddition sans conditions". Pour lui, il est hors de question de négocier avec les fascistes et les nazis comme le laissent craindre les récents pourparlers avec l'amiral Darlan.
Par la formule d'Anfa, Roosevelt rassure donc son opinion publique. il n'y aura plus de "Darlan deal". Le 26 mars 1945, le maréchal Montgomery réaffirme ce principe en déclarant qu'il faut " être» "justes, fermes et corrects". "La dernière fols, dit-il, nous avons gagné la guerre et laissé la paix s'échapper de nos mains. Cette fois-ci, nous ne devons pas nous laisser aller, nous devons gagner à la fols la guerre et la paix". L'effondrement de l'Allemagne commence réellement avec l'offensive de l'armée rouge en janvier 1945. En "moins de 15 jours" l'ensemble de la Pologne occidentale est perdue par les Allemands. A partir du mois d'avril, c'est la déroute sur tous les fronts.
7 mai 1945. Reims
Cependant, les Allemands tentent de gagner du temps. L'amiral Karl Dönitz, successeur d'Hitler par testament depuis le 30 avril 1945, charge le général Jodl d'aller à Reims, grand quartier général d'Eisenhower depuis février 1945, proposer une paix séparée aux Alliés, une raison importante motive Dönitz : il faut essayer de faire passer le plus grand nombre possible de réfugiés et de soldats allemands au delà de l'Elbe, afin de leur éviter de tomber aux mains des soviétiques.
En mai 1945, à peu près 500 000 réfugiés et militaires allemands attendent d'être évacués par voie maritime de la Courlande, de la presqu'île de Héla et du delta de la Vistule. A cette date, on estime à 3 millions le nombre de soldats se trouvant encore sur le front oriental. Selon Dönitz, une dizaine de jours seront nécessaires pour faire passer tout le monde dans les lignes anglo-américaines. La paix séparée, en faisant cesser les combats à l'ouest, laisserait donc une marge de manoeuvre aux soldats du front pour se replier. Mais, en cas de refus d'une paix séparée, Jodl a pour mission d'essayer de faire au moins accepter une capitulation totale en 2 temps :
- Arrêt des combats sur tous les fronts avec une marge de mouvement de 4 jours permettant le désarmement des Allemands se trouvant à l'est
- A l'issue de ces 4 jours, un arrêt total de tous les mouvements de troupes.
Le chef d'état-Major du S.H.A.E.F (Suprême Headquarter Allied Expeditionnary Forces), Bedeil-Smith, semble un moment prêt à accepter ce compromis, mais le général Eisenhower est inflexible. Ce sera une capitulation totale et sans conditions. Il réplique donc à Jodl qu'il n'est " plus disposé à tolérer le moindre délai et, par l'Intermédiaire de Bedell-Smith, lui fait savoir que, s'il persiste dans cette voie, "il interrompra jusqu'à la signature de la capitulation toutes les négociations et fermera le front occidental pour empêcher de force tout nouveau déplacement vers l'ouest de soldats et de civils allemands". Dönitz est furieux et qualifie ces conditions "d'extorsion manifeste". Il est pourtant obligé d'accepter cette proposition. Il envoie alors un télégramme au général Jodl dans lequel il lui accorde "les pleins pouvoirs pour signer en accord avec les conditions données", il obtient quand même une satisfaction . s'il signe dès . maintenant, un délai de 48 heures entre la signature et le cessez-le-feu sera accordé aux Allemands.
Cependant, ce délai doit courir impérativement à partir du 6 mai, minuit, les combats devant cesser le 8 mai à minuit. On comprend mieux, dès lors, l'empressement soudain de Jodl à signer la capitulation.
Celle-ci se fait en pleine nuit, le 7 mai 1945, à Reims. Le choix de Reims comme lieu de signature de la capitulation peut paraître surprenant. Berlin, capitale allemande, eut été un lieu j beaucoup plus symbolique. Mais deux raisons majeures ont motivé ce choix. D'une part le fait que Berlin soit entièrement aux mains des Soviétiques et d'autre part que Reims soit le quartier général d'Eisenhower. La cérémonie qui se déroule à Reims est d'une grande sobriété, trop grande peut-être, par rapport à la solennité d'un tel acte. Bien-sûr, un français est présent . le général Sevez. Mais contrairement aux autres signataires, il n'est là qu'à titre de témoin. En outre, il n'y a aucune version française du document de capitulation ni même de drapeau français dans la salle.
Quel est l'acte signé à Reims ?
L'acte de capitulation signé à Reims le 7 mai n'est pas celui élaboré à grand peine par la CCE, le 25 juillet 1944. Par ce nouvel acte de reddition, les Allemands se soumettent totalement et inconditionnellement aux forces alliées, mais aucune référence n'est faite au démembrement du pays.
En fait, il s'agit d'un acte de reddition purement militaire, élaboré par des militaires. Rien ne stipule une quelconque soumission politique, ce qui laisse donc intactes, du moins pour le moment, les institutions nazies et empêche ainsi les Alliés de contrôler totalement l'Allemagne. Il est probable que les Alliés, pressés d'en finir au plus vite, aient tenu à écarter un texte devenu trop complexe au fil des discussions et à présenter un document clair et concis. Le nouveau texte a été élaboré, dans la plus grande hâte, par le général Bedell-Smith ne porte que cinq articles, ce qui confirme la volonté des Alliés d'écarter toute discussion avec les Allemands pouvant retarder la signature.
Pourquoi Berlin ?
Les Soviétiques apprennent avec surprise que le document proposé le 7 mai 1945 n'est pas celui précédemment approuvé par les Trois Grands. C'est en effet le S.H.A.E.F, dont ni eux, ni les Français, ne font partie, qui l'a élaboré. Robert Murphy interroge alors Bedell-Smith à propos d'un "grand dossier bleu " qu'il lui aurait remis fin mars. Smith ne semble pas se souvenir de ce dossier et lorsque finalement celui-ci est retrouvé au fond du tiroir d'un bureau très secret, Murphy a la conviction que Bedell-Smith a eu un "extraordinaire trou de mémoire".
Quant aux Soviétiques, ils ont l'impression d'avoir été dépassés par le temps. En effet, contrairement à leurs alliés, ils préféreraient poursuivre les combats sur le front est. En outre, le choix de Reims ne convient pas à Staline, ce lieu n'ayant rien de symbolique à ses yeux. Estimant qu'il s'agit d'un "acte unilatéral" et que les Soviétiques ont été trahis, il feint de ne voir, en cet acte signé à Reims, que le préliminaire à une autre signature qui devra avoir lieu à Berlin.
9 mai 1945, 00H16, Berlin
Une deuxième signature de l'acte de capitulation a donc lieu dans la nuit du 8 au 9 mai à Berlin.
Le matin du 8 mai, à I0h, le maréchal Sokolovski a pour mission d'accueillir le général Eisenhower qui arrive de Reims, à l'aérodrome de Tempelhof. Sa surprise est grande lorsqu'il apprend que l'avion ne vient pas de Reims mais de Moscou et qu'il transporte non pas le général Eisenhower, mais le général Deane. Il semblerait, en fait, qu'Eisenhower se soit rétracté au dernier moment sous la pression de ses conseillers car Joukov, le signataire russe, n'est que commandant d'un groupe d'armée, c'est-à-dire d'un rang très Inférieur au sien. C'est Sir Arthur Tedder, maréchal de la RAF qui est chargé de le représenter. Vers 11 h, Tedder arrive de Reims et est conduit vers l'endroit où aura lieu la signature.
Une longue attente commence pour les Alliés qui sont réunis dans un cottage à Karlshorst, à quelques km de Berlin. Le général de Gaulle a désigné le général de Lattre de Tassigny pour représenter la France. Le Alliés s'accordent ainsi : le général Tedder signera pour les anglais, le général Spaatz pour les Américains et le général de Lattre de Tassigny pour les français.
Lorsque de Lattre se rend compte qu'il n'y a pas de drapeau français dans la salle réservée à la cérémonie de la signature, il est furieux. Des femmes russes sont alors réquisitionnées en hâte pour confectionner le drapeau tricolore. Elles utilisent un drapeau soviétique pour la bande rouge, un drap pour la bande blanche et 2 tabliers pour la bande bleue. Mais au lieu de les assembler verticalement, elles cousent les bandes d'étoffe horizontalement, réalisant ainsi un drapeau néerlandais. Cependant, l'incident est vite réparé et les esprits se calment.
Entre temps, Vichinski, parti à Moscou chercher des directives pour la signature, rentre à Berlin. Tedder semble nerveux, il explique à de Lattre que Vichinsky n'est pas d'accord sur les termes qu'ils ont élaborés avec Joukov. "Il est absolument d'accord, dit-il, pour que vous signiez de manière que la résurrection de la France soit publiquement affirmée, mais il s'oppose catégoriquement à ce que Spaatz signe aussi, il dit que je représente déjà les Etats-Unis, puisque je dois signer à la place d'Eisenhower. Quant à Spaatz, il demande à signer si vous signez". Pour de Lattre, il est hors de question de rentrer en France sans avoir accompli la mission que lui a confié le général de Gaulle.
L'impasse semble totale. Alliés et Soviétiques discutent pour trouver un terrain d'entente et c'est finalement Vichinski qui apporte la solution. Spaatz et de Lattre apposeront leur signature un peu plus bas que celles de Tedder et de Joukov. Vers 23h30, la délégation allemande pénètre dans le hall. Le général d'armée Wilhelm Keitel, le grand-amiral von Friedburg et le général Hans-J.Jürgen Stumpff - commandant en chef de la Luftwaffe -s'avancent dans la pièce. Pour Keitel, la présence française est humiliante, "les Français sont là, dit-il en s'asseyant face à Joukov, nous sommes bien bas". Joukov se lève alors et demande à Keitel s'il a pris connaissance du texte de capitulation. "Oui", répond Keitel en allemand. "Etes-vous habilité à signer ?", lui demande t-il. "Oui", répond à nouveau Keitel en lui présentant son mandat. Joukov lui demande alors s'il a des observations à formuler. Keitel demande à nouveau un délai de 24 heures mais Joukov lui répond que cette question a déjà été débattue et que tout délai est refusé.
Il est 00h16, le 9 mai, lorsque Keitel signe ce second acte de capitulation. Un quart d'heure plus tôt, les combats ont cessé en Europe, conformément aux termes de l'acte de reddition signé à Reims, le 7 mai.
Source : Mindef/SGA/DMPA

Le Général Alfred Jodl signe l'acte de reddition de l'armée allemande à Reims le 7 mars. Source : Documentation française

Le maréchal Wilhelm Keitel, chef d'état-major de la Wehrmacht, avec à sa droite le général Stumpf, commandant en chef de la Luftwaffe, et à sa gauche l'amiral von Friedeburg, de la Kriegsmarine, signe l'acte de capitulation du IIIème Reich à Berlin le 8 mai. Source : ECPAD