Marie-Madeleine Damien
Elle est professeur émérite à l’université de Lille 1 et secrétaire générale de l’association qui porte le dossier de candidature franco-belge des "sites funéraires et mémoriels de la Première Guerre mondiale (front Ouest)" à l’inscription sur la liste du patrimoine mondial.
Pourriez-vous nous indiquer où en est la candidature d’inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO des sites de la Grande Guerre du front occidental ?
Déposé le 31 janvier 2017 auprès du Comité du patrimoine mondial, le dossier a été jugé complet le 2 mars et transmis pour expertise à l’ICOMOS (International Council on Monuments and Sites). Cette ONG a missionné trois experts pour inspecter les sites concernés. Deux d’entre eux, l’un canadien et l’autre suisse, ont visité récemment toutes les nécropoles et cimetières proposés par la France à l’inscription afin de connaître leur état de conservation, leur niveau de protection et la qualité de l’entretien et de l’environnement de chaque site, du degré d’implication des communautés locales et de l’État. Parallèlement, nous avons remis à l’ICOMOS deux rapports qui apportent des précisions sur le choix des sites, les protections et la gestion future attendue.
Au mois de mars 2018, l’ICOMOS décidera d’accepter le dossier, de demander des modifications importantes, reportant l’inscription à une date ultérieure, ou de le rejeter. Cet avis sera transmis au Comité du patrimoine mondial qui rendra sa propre décision, en juillet. Elle peut être différente de celle de l’ICOMOS.
En quoi les sites funéraires du front de l’Ouest ont les qualités requises pour rejoindre cette liste ?
Pour pouvoir être inscrit sur la liste du patrimoine mondial, un bien ou ensemble de biens doit d’abord posséder une Valeur universelle exceptionnelle (VUE). C’est le cas des sites funéraires et mémoriels de la Première Guerre mondiale car c’est la première fois dans l’histoire mondiale que l’on instaure, en réponse à un exceptionnel choc moral (mort de masse), la généralisation de la sépulture individuelle et le culte du combattant mort pour sa patrie accompagné de son identification et de son nom gravé (critère III).
Les sites inscrits au patrimoine mondial doivent remplir plusieurs critères, trois pour ceux qui concernent notre candidature. En illustrant par exemple un type de construction spontanée ou d’ensemble architectural caractérisant cette période dramatique de l’histoire humaine, ils répondent au critère IV. En effet, les États cherchent à honorer la mémoire des combattants en recourant à un langage architectural et une esthétique qui leur sont propres, tout en adoptant, voire en inventant ou combinant des techniques variées (c’est le cas de l’Ossuaire de Verdun).
Ces sites apportent donc des réponses exceptionnelles aux enjeux fondamentaux posés par la mort de masse qui génère désarroi mais aussi un immense besoin humain et social, universel, d'hommage, de commémoration, de réconciliation et d’amitié entre les peuples (critère VI). En cela, ils ont une une dimension universelle indéniable.
Comment se traduit concrètement le partenariat franco-belge autour de ce projet ?
À travers la mise en place d’un comité de pilotage transnational du plan de gestion, qui associe les gestionnaires des sites et les autorités nationales (France) et régionales (Flandre, Wallonie). Il entend développer des approches communes de conservation et de gestion, et assurer une diffusion claire et homogène de la VUE par une signalétique commune. Il permettra l’échange de bonnes pratiques, la mutualisation des recherches et des financements. Il s’attachera enfin à la valorisation des sites auprès des publics nationaux et internationaux.
Qu’attendez-vous de cette inscription ?
Cette inscription pérennise au-delà du Centenaire, voire pour l’éternité, la conservation de ces sites et des traditions qui leur sont attachées. Le plan de gestion est un outil destiné à assurer cette transmission auprès de tous les publics et à mener des actions de valorisation. Outre l’aspect mémoriel et commémoratif, cette candidature suscite dès maintenant un esprit nouveau. Une symbiose entre gestionnaires, communautés locales et chercheurs se dessine et ce, par-delà les frontières.
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