Description, organisation d'un gros ouvrage de la ligne Maginot.

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L'ouvrage monobloc du Bois-du-Four.
L'ouvrage monobloc du Bois-du-Four. Source : Licence Creative Commons.
Corps 1

Le terme "gros ouvrage" ne figure pas dans le vocabulaire de l'époque. Il est couramment utilisé pour désigner les ouvrages "palmés", servis par des équipages de 500 à 1.000 hommes, possédant généralement 2 entrées (hommes et munitions) et 6 à 17 blocs de combat. On les distingue des petits ouvrages (1 à 4 blocs et 100 à 200 hommes), des casemates d'infanterie, des observatoires et des abris (jusqu'à 250 hommes).

Dans le Nord-est, on compte :

  • 22 gros ouvrages,
  • 36 petits ouvrages,
  • environ 350 casemates d'infanterie,
  • 14 observatoires isolés,
  • 55 abris.

Un ouvrage Maginot est avant tout une "machine de guerre", souterraine, comportant des blocs de combat à l'avant et toute la logistique pour les ravitailler depuis l'arrière et les faire fonctionner.

Les blocs de combat se déclinent en combinaisons multiples à partir de plans types :

  • casemates comprenant de 1 à 4 créneaux de canons,
  • yourelles à double canon,
  • tourelles et créneau de canon,
  • tourelles de mitrailleuses,
  • observatoires d'infanterie, A ces éléments sont souvent associés des cloches de guetteurs fusilier-mitrailleur, des jumelages de mitrailleuses, des canons anti-chars, des lance-grenades, etc.

Les blocs de combat sont reliès par des puits verticaux - ayant souvent une trentaine de mètres de hauteur et comportant 1 à 2 monte-charge à munitions - à un réseau de galeries de plusieurs kilomètres de longueur, équipées de voies de 60. Ces voies servent au ravitaillement des blocs de combat en munitions stockées dans un magasin principal (M1), situé à l'arrière près de l'entrée des munitions, et dans des magasins secondaires (M2) situés au pied des blocs. Des monorails permettent le transfert des casiers à munitions des magasins sur les wagons, puis des wagons vers les monte-charge, puis de smonte-charge vers les blocs.

Les entrées des munitions peuvent être de plain-pied (cas du SIMSERHOF et du HACKENBERG), en plan incliné ou en puits (cas de FERMONT). Les caisses de munitions sont acheminées de l'extérieur par train (SIMSERHOF et HaACKENBERG) ou par camions (FERMONT, où la voie ferrée n'a jamais été raccordée). Les douilles suivent le chemin inverse sauf qu'elles descendent des blocs de combat vers les galeries par des tobogans hélicoïdaux.

Pour faire fonctionner tous ces équipements, il faut, d'une part une usine, et d'autre part une caserne et son intendance. L'usine doit essentiellement produire et distribuer l'énergie électrique et traiter l'air. Les gros ouvrages Maginot comportent des centrales électriques autonomes comprenant généralement 4 groupes électrogènes diesel, d'une puissance totale pouvant atteindre 1.000 kW. Les capacités des réservoirs pour assurer une autonomie de 3 mois en temps de guerre atteignent 400 m3 de gas-oil et 400 m3 d'eau de refroidissement. L'alimentation électrique par l'arrière, par lignes aériennes ou enterrées (temps de guerre), ne fut réalisé qu'ultérieurement, à partir de 1936.

Le courant électrique est distribué sous plusieurs tensions d'utilisation :

  • Force : 440 v ou 220 v alternatif
  • Eclairage : 110 v alternatif
  • Train : 600 v continu
  • Tourelles des blocs de combat : 110 v continu

Pour transporter sans trop de pertes le courant électrique sur plusieurs kilomètres de l'arrière vers l'avant, il faut élever sa tension à 3.000 V Le réseau électrique comporte donc de nombreux organes de transformation (transformateurs, convertisseurs) et de volumineux tableaux implantés dans la grande salle électrique de l'usine ou dans des sous-stations réparties dans l'ouvrage.

Le système de ventilation est très complexe. Il doit assurer la bonne qualité de l'air dont les sources de pollution sont multiples, notamment en temps de guerre :

  • Pollutions internes : gaz des tirs de l'armement (CO), gaz de combustion des groupes électrogènes, air vicié par la présence de l'équipage, risques de feux de câbles, ...
  • Pollutions externes : gaz de combats. Le principe repose sur le traitement de l'air par compartiments étanches séparés les uns des autres par des sas : usine, casernement, blocs, P.C., etc.

Dans chaque compartiment, l'air neuf ("pur" ou "dégazé" par filtration) est insufflé et réparti par des gaines dans chaque compartiment, mis en surpression. L'air vicié est évacué par un réseau séparé (exemple : gaine de descente des douilles dans les blocs). Les gaz d'échappememt et les gaz des tirs sont évacués directement.

Chaque ouvrage comporte également :

  • Un ou plusieurs puits d'alimentation en eau avec citerne de stockage et réseau de distribution,
  • Un réseau d'égouts généralement gravitaire,
  • Un réseau de transmission téléphonique et radio.

La vie et le logement des hommes nécessitent une caserne avec chambres, locaux sanitaires, cuisines, infirmerie, etc... ainsi que des logements aux postes de combat. Enfin, l'ouvrage est commandé par un P.C. situé au centre des blocs de combat.

Texte tiré de l'expertise technique de 25 sites et ouvrages militaires en Lorraine (2e liste) : ouvrages et sites de la ligne Maginot - Groupement Ellipse-Marquis-Bouquot Doyelle-Girardet-Lepick-Truttmann - mars 2000. L'étude est propriété du ministère de la Défense.

 

Source : EPML