Du bataillon de Joinville à « l’armée de champions »
Sous-titre
Capitaine (en retraite) Bernard VÉRÉ, ancien commandant et historien du bataillon de Joinville, Commandant Erwan LEBRUN, commandant le bataillon de Joinville au Centre national des sports de la défense.

Le ministère des Armées a développé un dispositif unique qui lui permet d’être le premier incubateur de sportifs de haut niveau et le premier contributeur de l’État au soutien du sport de haut niveau. Le commandant du bataillon de Joinville nous invite à découvrir cette unité qui réunit plus de 200 champions alliant carrière sportive, promotion de la pratique du sport et des valeurs de la défense. Mythique !
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la France réorganise ses institutions, notamment sportives, et utilise celles-ci pour redonner au pays une stature internationale. Sur l’échiquier des nations, elle prône l’amitié par le sport en prenant, en 1948, la tête du tout nouveau Conseil international du sport militaire (CISM) que présidera le chef d’escadron français Henri Debrus. Plusieurs nations, conscientes de l’intérêt que revêt le sport de compétition pour mettre en valeur l’image d’un pays et animées d’un même désir de paix, viennent rapidement grossir les rangs du CISM.
C’est dans ce contexte qu’est créé en 1956 le bataillon de Joinville, dans les murs de l’ancienne école de Joinville-le-Pont. Cette unité de l’infanterie optimise, d’emblée, l’entraînement de l’élite sportive en âge de faire son service militaire et continue à le faire, à partir de 1967, au sein de l’École interarmées des sports de Fontainebleau sur le camp Guynemer. Elle reçoit annuellement 450 à 550 jeunes athlètes provenant de 54 fédérations sportives délégataires. Le « BJ », comme on le nomme, évite ainsi pour chacun d’eux la rupture d’une carrière sportive pour une trop longue durée.
Le bataillon de Joinville du temps de la conscription
En près d’un demi-siècle, cette unité militaire a marqué son époque. Elle a aussi marqué définitivement les hommes et les femmes qui l’ont servie, le mouvement sportif qui a compté sur elle et tous ceux qui l’ont approchée de près. Outil de travail exceptionnel pour préparer les grandes échéances, le bataillon de Joinville fut un tremplin pour les futurs champions. Il leur a permis de remplir leurs obligations militaires tout en continuant à s’entraîner régulièrement dans les meilleures conditions possibles.
Véritable pépinière de champions, le bataillon de Joinville, composante de haut niveau de l’École interarmées des sports de Fontainebleau, tire sa renommée de talents qu’il a toujours contribué à entretenir : Jacques Anquetil, Jean Gachassin, Michel Platini, Yannick Noah, Ghani Yalouz, David Douillet, Jean-François Lamour ou encore Florian Rousseau et Jean Galfione figurent parmi les athlètes incorporés au BJ au temps de la conscription.
Un encadrement technique de qualité, des entraîneurs civils performants, des cadres militaires qualifiés et la présence des meilleurs athlètes ont contribué à garantir la réussite du bataillon de Joinville lors de nombreuses compétitions sportives, civiles et militaires.
Les 54 fédérations sportives qui ont travaillé en relation permanente avec le bataillon de Joinville (BJ) ont apprécié la valeur de cet outil incomparable, au service de la promotion et du succès de leurs espoirs internationaux. La majorité d’entre elles ont fait du BJ un élément majeur dans leur politique d’accession ou de maintien au plus haut niveau mondial.
Le palmarès est élogieux : les 20 500 athlètes incorporés au BJ, du contingent et de carrière, ont rapporté 45 médailles olympiques, 312 titres mondiaux civils ou militaires et 952 titres nationaux ou internationaux. « Le Bataillon » fut de fait un fabuleux ambassadeur de la France aux quatre coins du monde, une belle vitrine du sport français, et ses athlètes, de précieux émissaires de notre culture en France, dans le monde francophone et en dehors.
La loi de 1997 portant réforme du Service national sonne le glas de la conscription. Elle est suspendue et, avec elle, les activités du bataillon de Joinville dans sa forme initiale. En 1998, le BJ commence à perdre ses brigades et, le 23 janvier 2002, le fanion de l’unité sort des rangs pour être remis au ministre de la Défense. Le BJ laisse sa place à une autre forme d’encadrement de sportifs militaires, confiée dans un premier temps au commissaire aux sports militaires puis au commandant du Centre national des sports de la défense (CNSD).
L’après-bataillon de Joinville et le retour sur scène de cette unité
Le commissariat aux sports militaires puis le centre national des sports de la défense prennent le relais du bataillon de Joinville avant son retour sur scène en 2015.
Le commissariat aux sports militaires, puis le CNSD, ce dernier officiellement créé le 1er janvier 2006, ont assuré les missions du bataillon de Joinville dès que cette unité a arrêté ses activités après les Jeux olympiques de Sydney, en 2000. Au passage, il est bon de noter que la dissolution du bataillon de Joinville n’a jamais été officiellement actée.
On peut comparer le CNSD à un Prytanée sportif, siège administratif et lieu de rencontres, ouvert sur l’Agora représentée par la « Place d’armes des Joinvillais » du camp Guynemer de Fontainebleau. Celle-ci est également un haut lieu de réceptions.
Depuis l’an 2000, les armées n’ont pas cessé de « faire campagne » pour la promotion et le développement du sport de haut niveau, qu’il soit pratiqué par des valides ou des non valides, en lien étroit avec leur autorité de tutelle et les fédérations délégataires. Représenté au sein du CNSD, comme il l’était du temps du BJ de la conscription, le tandem armées-fédérations participe aujourd’hui à l’effort national dans les disciplines les plus emblématiques et les plus légitimes vis-à-vis de l’institution militaire, dans un périmètre plus réduit.
Cette nouvelle configuration n’a pas empêché le ministère de la Défense de bien figurer dans les grandes compétitions internationales. En effet, entre 2004 et 2012 (trois olympiades d’hiver et d’été), pas moins de 43 médailles olympiques (dont 15 en or) ont été remportées par des athlètes soutenus par les armées. Sans oublier les très nombreuses médailles dans les championnats du monde, d’Europe et autres grands rendez-vous internationaux. Ajoutons par exemple que, pour l’année 2012, le CNSD a organisé 10 championnats de France militaires (natation, cyclisme VTT, course d’orientation, badminton, football, cross, raid, rugby, judo et escalade) et a participé à 6 championnats du monde du Conseil international du sport militaire (ski, course d’orientation, football féminin, taekwondo, triathlon et tir sportif). Le CNSD a également marqué sa présence dans 10 compétitions internationales de niveau européen.
Ainsi la suspension de la conscription, avec pour conséquence la mise en sommeil du bataillon de Joinville, n’a pas entamé l’efficience du service rendu à la Nation en matière de résultats sportifs au niveau mondial.
Depuis 2014, l’ensemble des athlètes militaires post conscription est affecté administrativement au CNSD. Le 12 juin 2015, à l’Hôtel de Brienne, le ministre de la Défense, monsieur Jean-Yves Le Drian, décide le réveil du bataillon de Joinville au sein du Centre national des sports de la défense de Fontainebleau. Composante principale de « l’armée de champions », ce nouveau BJ regroupe alors 118 athlètes valides et 15 athlètes para sports, dans 21 disciplines.
Une décision ministérielle du 11 juin 2015 porte filiation et transmission du patrimoine de tradition du bataillon de Joinville à l’École interarmées des sports, ainsi devenue son héritière.
Le 13 septembre 2017, Paris a obtenu l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) pour 2024, par décision du Comité international olympique (CIO).
Depuis la création du bataillon de Joinville, en 1956, le ministère des Armées poursuit une longue tradition de soutien des forces armées à l’effort national au profit du sport de haut niveau français. La professionnalisation des armées et la nouvelle politique interministérielle des sports ont conduit à rénover le modèle et à développer de nouvelles relations avec le mouvement sportif et le ministère des sports.
La réforme de la gouvernance du sport français, avec la création de l’Agence nationale du sport, conjuguée à l’organisation des JOP de 2024, marque une nouvelle ère du sport français.
Ainsi, le protocole du 16 septembre 2019 définissant, dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques de 2024, le soutien au sport de haut niveau français complète l’accord-cadre interministériel du 4 mars 2014. Le ministère des Armées, le ministère de l’Intérieur (gendarmerie nationale), le ministère des Sports et la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, s’engagent à développer des actions communes en faveur du sport de haut niveau français.

Entrée du Centre national des sports de la défense à Fontainebleau. © CNSD.
Au-delà de cette échéance, le protocole vise à renforcer les liens entre les ministères des armées et de l’Intérieur (gendarmerie nationale) et le mouvement sportif, dans la durée et dans le cadre de l’héritage post olympique. Il ambitionne aussi de développer l’innovation dans les secteurs de la recherche, du développement et du handicap en particulier.
La perspective de l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 constitue une conjoncture favorable pour consolider l’apport important déjà fourni par le ministère des Armées et le ministère de l’Intérieur au sport de haut niveau, et afficher de nouveaux objectifs s’inscrivant dans une stratégie interministérielle commune.
En 2024, ce sont plus de 220 sportifs de haut niveau qui se sont engagés au sein des armées et de la gendarmerie nationale. Au-delà des chiffres, ce sont aussi des athlètes qui continuent à faire perdurer l’esprit du prestigieux BJ. On peut ainsi mentionner, dans les rangs de l’armée de champions, Alain Bernard et Hugues Dubosc, deux nageurs de la gendarmerie nationale. On peut également citer l’homme qui a révolutionné le biathlon : Martin Fourcade (armée de Terre), intégré au sein de l’équipe de France militaire de ski. Aujourd’hui, c’est encore Clarisse Agbegnenou, adjudante de la gendarmerie nationale, avec ses deux titres olympiques et ses six titres mondiaux en judo. Dans la marine nationale, Charline Picon, avec une cinquième participation aux Jeux olympiques est également une immense athlète. Dans les disciplines paralympiques, on peut enfin citer l’agent sous contrat Marie Bochet, en para-ski, qui dispose d’un palmarès XXL avec 8 titres paralympiques et 22 titres de championne du monde.

La Française Clarisse Abgegnenou (en blanc) combat la Japonaise Miku lors des Championnats du monde de judo. Azerbaïdjan, 23 septembre 2018. © Mladen Antonov / AFP.
Tous les ans, lors des championnats du monde militaire et Jeux mondiaux, ou lors des Jeux olympiques et paralympiques, qu’ils soient d’été ou d’hiver, les armées françaises continuent de faire partager les valeurs humanistes portées par le sport. À ces grandes occasions, le bataillon de Joinville prend toute sa place dans le dispositif visant à maintenir, dans les armées, la pratique du sport de haut niveau.