14 mai 1941 : la Rafle du « Billet Vert »
Dès l’automne 1940, une ordonnance de recensement des Juifs de zone occupée est promulguée. Collectés par les autorités françaises, ces fichiers constituent la matrice des rafles de Juifs en France. Par la loi du 4 octobre 1940, l’internement des « ressortissants étrangers de race juive » est autorisé sur simple ordre du préfet.

Soldats allemands en fonction pour la surveillance du camp de prisonniers de guerre français, 1940.
©Mémorial de la Shoah
Le 14 mai 1941, les autorités d’occupation, secondées par les forces de l’ordre françaises, mettent en œuvre la toute première rafle de Juifs en France.
6 500 « billets verts » sont rédigés et distribués par des policiers français. Cette rafle qui ne dit pas son nom concerne des juifs étrangers de 18 à 60 ans de nationalité polonaise, allemande, autrichienne ou tchécoslovaque et invoque un prétendu « examen de situation » dans des lieux tels que des gymnases, des commissariats et des casernes. Persuadés qu’il s’agit d’une simple formalité, ils sont près de 3 700 à se présenter accompagnés de leurs familles, comme exigé sur le billet.
Mis aux arrêts peu après leur arrivée sur les lieux, les hommes sont séparés de leurs familles qui doivent, dès lors, retourner au domicile afin de constituer un bagage contenant quelques vivres, un nécessaire de toilette, des couvertures et des draps.
Le photographe allemand Harry Croner (1903-1992) immortalise la rafle pour le compte de la propagande allemande. Ces photos illustrent l’incompréhension, la tristesse et la peur qui accablent ces hommes, ces femmes et ces enfants. Les photographies, pour la plupart inédites, ont rejoint les collections du Mémorial de la Shoah et sont utilisées en support pédagogique à la gare de Pithiviers.
Sous escorte des policiers puis des gendarmes, les hommes quittent ensuite leurs lieux de convocations et rejoignent la gare d’Austerlitz. Ils embarquent dans des voitures de troisième classe et partent par quatre convois vers les camps du Loiret.
2 000 hommes sont répartis à Beaune-la-Rolande et 1 700 à Pithiviers.
Enregistrés par des gendarmes français, ils deviennent alors des internés, avec pour seule adresse le nom du camp et le numéro de la baraque à laquelle ils sont affectés. Leurs bagages sont fouillés, les cartes d’identités et tickets de rationnement confisqués.
La vie au camp s’organise péniblement et les internés sont les premiers à souffrir de l’isolement, de la faim, du manque d’hygiène. Malgré cela, de nombreuses archives et objets illustrant leur quotidien nous sont parvenus et attestent d’une vie culturelle, sociale et artisanale dans l’enfermement.
Le travail dans les champs ou dans les industries environnantes occupe plusieurs centaines d’internés qui profitent parfois du manque de surveillance pour s’évader.
Mais dès le mois de juin 1942, les premiers départs des camps du Loiret s’organisent. Ces hommes, internés depuis treize mois, sont déportés par trois convois entre juin et juillet 1942.
Les gares, situées à proximité des camps de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande, seront les témoins du départ des huit convois à destination des camps d’Auschwitz. Entre le 25 juin 1942 et le 21 septembre 1942, près de 8 100 Juifs sont déportés.
Inaugurée le 17 juillet 2022, la gare de Pithiviers-Mémorial de la Shoah est l’écrin d’une scénographie moderne, qui mêle archives, photographies, témoignages et supports audiovisuels. Ce lieu, principalement fréquenté par des scolaires, est destiné à la transmission de l’histoire et de la mémoire de la Shoah.
Par Marie Affouard,
Responsable Gare de Pithiviers