Newsletter

Une nouvelle vie pour le musée de Blérancourt

Aktie :

Chapeau

En 2017, à l’occasion du cycle commémoratif franco-américain, le musée du château de Blérancourt rouvrira ses portes en juin, avec un espace étendu pour offrir aux visiteurs une approche renouvelée de l’histoire commune franco-américaine.

Texte

UN TÉMOIGNAGE DES ÉCHANGES FRANCO-AMÉRICAINS

Musée d'art et d'histoire dont le parcours se fonde sur l'amitié traditionnelle liant la France et les États-Unis, le site a connu, depuis 2006, un grand chantier de rénovation. À l’origine, Anne Morgan (1873-1952), fille du banquier et mécène newyorkais John Pierpont-Morgan, et volontaire pendant la Première Guerre mondiale, souhaitait créer un musée d’histoire célébrant l'aide apportée par les Français lors de la guerre d'indépendance américaine, et le soutien des Américains, volontaires et légionnaires puis militaires, à la France entre 1914 et 1918. Il deviendra dans les années 1990 un musée témoin des échanges artistiques entre les deux pays. Montrer ces relations et ces influences réciproques représente un véritable enjeu culturel, en permettant la compréhension de nos sociétés et des valeurs sur lesquelles elles se fondent. C’est en fonction de cette double articulation qu'est menée la politique d’acquisitions et d'expositions temporaires.

UN SITE À FORTE DIMENSION HISTORIQUE

Édifié en 1612 pour Bernard Potier de Gesvres, vraisemblablement par Salomon de Brosse, architecte du palais du Luxembourg, le château de Blérancourt, déclaré bien national à la Révolution, est démantelé en 1792, après les ventes des biens nationaux. En 1917, il sert de quartier général pour une section civile de l’American Fund for French Wounded, qui devient en mars 1918, grâce à Anne Morgan, le Comité américain pour les régions dévastées (CARD). Installé près de la ligne de front, avec 350 bénévoles féminines se succédant de 1917 à 1924, le CARD soutient la reconstruction sociale et morale des populations grâce à des dispensaires, un service ambulant de santé dédié notamment aux jeunes enfants, des bibliothèques publiques et un système de distribution de nourriture et de livres aux civils. Pionnière, Anne Morgan embauche des professionnelles américaines qui forment des jeunes Françaises pour pérenniser l’action.

À la fermeture du CARD, l'association des amis de Blérancourt est fondée en 1923 par Anne Morgan et Anne Murray Dike pour restaurer les lieux abritant désormais un musée de la coopération franco-américaine. En 1930, une aile réhabilitée de l’ancien château est consacrée au soutien français à la guerre d’indépendance américaine. Le pavillon des Volontaires, en 1938, abrite les souvenirs de volontaires américains venus en France pendant la Grande Guerre. En 1939, Anne Morgan crée à Blérancourt le Comité américain de secours aux civils, avant l'installation, en 1940, de la 704e compagnie de transmissions puis de l’armée allemande. Après-guerre, le musée reprend ses activités.

Sous l'impulsion décisive de Pierre Rosenberg, directeur du musée du Louvre dont dépend ensuite le musée de Blérancourt, ce dernier s’enrichit dans les années 1990 d’une importante collection d’œuvres d’art, illustrant les échanges artistiques entre la France et les États-Unis. En 1999, le musée est chargé de valoriser la collection provenant de la donation Morgan (archives et objets) et d'acquérir des œuvres relatives aux relations franco-américaines.

UN NOUVEL ESPACE RÉNOVÉ ET REPENSÉ

Devenu, en 2005, le musée franco-américain du château de Blérancourt, il poursuit sa politique d’acquisitions, tout en faisant l'objet, depuis 2006, d'importants travaux de rénovation et d'extension menés par l'architecte Yves Lion. Ce projet, qui intègre des vestiges archéologiques majeurs mis à jour pendant les travaux, renouvelle entièrement le musée, dont la surface sera triplée. Le chantier, suivi par le service des musées de France du ministère de la culture et de la communication, a bénéficié du soutien financier de deux sociétés d’amis, français et américains.

La scénographie est confiée à Adrien Gardère, scénographe du Louvre-Lens. Les sections des Idéaux, des Épreuves (guerres et conflits) et des Arts permettront de montrer combien les valeurs auxquelles nos deux pays sont attachés doivent être cultivées, pour évoluer en permanence dans le contexte de la mondialisation. Les films et audiovisuels du parcours muséographique, en cours de réalisation, traiteront des épreuves qui ont uni les deux pays (notamment les deux guerres mondiales) mais également des échanges artistiques entre Paris et New York au XXe siècle. Outre des écrans installés dans chaque salle, un visioguide sur tablette numérique permettra d’enrichir le commentaire et de rendre la visite interactive.

L’ouverture du nouveau musée s’accompagnera par ailleurs d’une exposition dédiée à l’entrée en guerre des Américains en avril 1917.

L’HÉRITAGE D’ANNE MORGAN PRÉSERVÉ

Le nouveau parcours muséographique préserve la mémoire d’Anne Morgan, encore présente dans l’Aisne, notamment à travers les bibliothèques municipales. Le circuit "Sur les pas d’Anne Morgan" relie les cinq centres du CARD, Anizy-le-Château, Blérancourt, Coucy-le-Château, Soissons et Vic-sur-Aise, grâce à des totems, un livret et une application mobile.

Depuis 2015, en partenariat avec le service culturel de l'ambassade des États-Unis d'Amérique, le musée met gratuitement à la disposition des établissements scolaires une exposition pédagogique retraçant l'action d'Anne Morgan et des bénévoles du CARD dans le Soissonnais. Sous la forme de dix panneaux, d’un livret et de divers documents pédagogiques accessibles sur le site Internet du musée, cette exposition illustre l'engagement civique et humanitaire de ces femmes, pendant et après la Grande Guerre. Grâce aux photographies disponibles en ligne, aux archives et témoignages de volontaires mis à disposition, plusieurs pistes pédagogiques sont envisageables. Enfin, des ateliers sont proposés aux scolaires pour s’approprier ce patrimoine, par des travaux de lecture et d’écriture, des séances photos ou des créations musicales sur les films du CARD.

À quelques semaines du centenaire de l’entrée en guerre des États-Unis, le musée franco-américain de Blérancourt, musée national qui a adhéré fin 2015 au réseau des musées et mémoriaux des conflits contemporains animé par la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives, s’apprête à devenir un lieu de témoignage, d’enseignement et de transmission de l’histoire commune franco-américaine.


Auteur
Carole Gragez et Mathilde Schneider - Conservatrices du musée

Artikeln der Zeitschrift