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Extrait de la revue Espaces Juillet 2013 - n°313

CAHIER TOURISME DE MÉMOIRE

"Le tourisme de mémoire

Un enjeu civique, pédagogique, économique et culturel pour la France"

 

Le ministère chargé du Tourisme et le ministère de la Défense travaillent ensemble

à la structuration de la filière du tourisme de mémoire. Site internet dédié, démarche qualité, contrat de destination… sont au cœur de la stratégie de l’État qui vise à faire

du tourisme de mémoire une composante pérenne de l’offre touristique de la destination France, au-delà des commémorations liées au centenaire de 14-18

et au 70e anniversaire de la Seconde Guerre mondiale.

   La France a été le théâtre des deux grands conflits mondiaux de l’histoire contemporaine. De ces combats, qui ont profondément marqué notre territoire, demeure aujourd’hui un riche patrimoine de la mémoire combattante du XXe siècle. Dès la fin de la Première Guerre mondiale, une pratique de tourisme de mémoire s’est installée, à travers le pèlerinage d’hommes et de femmes ayant combattu sur ces sites ou y ayant perdu un proche. Près de cent ans nous séparent des conflits de la Grande Guerre, dont il ne reste aujourd’hui quasi aucun témoin vivant.

 

Pourtant, leur impact sur la société demeure toujours aussi fort. Ce constat est encore plus prégnant concernant la Seconde Guerre mondiale, plus proche de nous et dont les épisodes dramatiques ou héroïques nous sont fréquemment remémorés à travers les médias.

 


   Pour l’État, la valorisation et la mise en tourisme des lieux de mémoire comporte plusieurs enjeux : un enjeu civique et pédagogique, qui est de favoriser la transmission de ce patrimoine aux générations futures, mais aussi un enjeu culturel et touristique, qui est de préserver ces vestiges comme témoins d’une époque, tout en contribuant au développement des territoires.


    Depuis 2004, le ministère de l’Artisanat, du Commerce et du Tourisme est partenaire du ministère de la Défense pour structurer la filière du tourisme de mémoire en France et promouvoir ce  “tourisme de sens” auprès d’un public de plus en plus large. Ce partenariat a permis notamment la création du site internet www.cheminsdememoire.gouv.fr, administré par la Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) du ministère de la Défense.

 

Ce média permet aux internautes de découvrir de manière exhaustive les lieux de mémoire présents sur notre territoire . il contribue également à sensibiliser le jeune public à notre histoire contemporaine car, au-delà de l’intérêt économique de la filière, le ministère de la Défense, respectueux du lien armée-nation, a pour mission de transmettre aux jeunes générations les valeurs portées par les combattants des conflits contemporains. Pour ce faire, le ministère de la Défense s’appuie sur les lieux mémoriels nationaux dont il a la charge, en lien avec l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG) qui en a la gestion : les hauts lieux de la mémoire nationale, dont les nécropoles nationales de Notre-Dame-de-Lorette et de Fleury-devant-Douaumont, l’ancien camp de concentration du Struthof et le mémorial de la prison de Montluc . plusieurs milliers de nécropoles, carrés militaires et cimetières situés en France et à l’étranger . trois musées nationaux, dont le musée de l’Armée aux Invalides . et de nombreux musées d’armes et ouvrages fortifiés.

 


   À travers la signature d’accords de partenariat, le ministère de la Défense accompagne également les collectivités territoriales dans la valorisation de leurs sites mémoriels, afin d’adapter cette offre culturelle aux différents publics. Il anime aussi le réseau des musées et mémoriaux des conflits contemporains. Il crée ainsi des synergies entre ses membres et inscrit leurs initiatives dans la poursuite de sa politique menée aux côtés du ministère chargé du Tourisme pour développer le tourisme de mémoire en France.


   En 2011, les deux ministères ont conduit, aux côtés de l’opérateur Atout France, une étude nationale portant sur le poids et les retombées économiques du tourisme de mémoire en France. Cette étude a confirmé le fait que le tourisme de mémoire représente une part non négligeable de l’économie touristique des territoires concernés, et qu’il constitue, pour certains d’entre eux, un important levier d’attractivité et de vitalité économique, complémentaire à l’offre touristique traditionnelle. Cette étude, qui se limitait aux seuls sites payants de la filière, a aussi confirmé l’engouement du public pour la visite des lieux de mémoire. En effet, avec plus de 6 millions de visiteurs en 2010, ces sites ont engendré un chiffre d’affaires global direct de 45millions d’euros (créant 1 050 emplois équivalents temps plein), auquel s’ajoutent les dépenses indirectes faites par une clientèle à fort pouvoir d’achat, provenant, pour près de la moitié, de pays étrangers (Grande-Bretagne, Allemagne, Belgique, Pays-Bas, États-Unis).

 

En France, les principaux bassins touristiques émetteurs sont le Nord, le Grand Est et l’Île-de-France. Le camp de concentration du Struthof-Natzweiler, par exemple, a accueilli en 2012 environ 170 000 visiteurs, dont 43% d’étrangers, venus pour plus de la moitié d’Allemagne.

 


   Le patrimoine mémoriel couvre une large partie du territoire national. Cela lui permet de s’intégrer dans l’offre touristique de nombreuses régions. Pour ce qui est de la Première Guerre mondiale, les sites correspondent à la géographie des conflits . ils sont donc principalement regroupés dans le Nord-Est de la France, sur la ligne du front occidental. Les stigmates de la Seconde Guerre mondiale, quant à eux, marquent la quasi-totalité du territoire national. Ainsi, certaines destinations à forte attractivité touristique disposent parfois d’un patrimoine mémoriel méconnu, alors que sa valorisation permettrait à ces destinations d’élargir leur offre touristique et de susciter l’intérêt de leurs visiteurs pour des thématiques nouvelles. Tel est le cas par exemple de la Corse, où une meilleure valorisation des sites liés à l’histoire de la Résistance locale permettrait de mettre en avant une autre facette de cette destination.


   Au regard de la dispersion de cette offre, le ministère du Tourisme conçoit la visite de lieux de mémoire comme une occasion de développer en France une pratique touristique d’itinérance, permettant de prolonger la durée de séjour et d’entraîner des retombées économiques grâce à la traversée de plusieurs territoires. Dans cette même optique, il a accompagné, avec le ministère de l’Écologie, l’essor du tourisme à vélo en France et soutient, aux côtés du ministère de la Culture et de la Communication, le développement des itinéraires culturels européens traversant le territoire national.

 


   Malgré leur fort potentiel touristique, les sites de mémoire sont, pour la plupart, de petites structures. Afin d’en accroître l’attractivité et de professionnaliser leur gestion, les deux ministères conduisent en 2013 plusieurs actions structurelles. Ainsi, le ministère chargé du Tourisme accompagne le ministère de la Défense dans la création d’un référentiel qualité spécifique aux lieux de mémoire, s’appuyant sur la marque nationale Qualité TourismeTM, portée par le ministère chargé du Tourisme. Cette démarche sera présentée lors des prochaines Assises du tourisme de mémoire, qui se tiendront dans le Nord – Pas-de-Calais cet automne, pour être opérationnelle dès 2014. Parallèlement à la professionnalisation des structures d’accueil, les deux ministères encouragent le développement d’outils de médiation innovants, exploitant les potentialités des technologies mobiles (géolocalisation, notamment) et audiovisuelles (réalité augmentée, reconstitutions virtuelles), afin de faciliter la compréhension de notre histoire et d’accompagner le cheminement des visiteurs sur les lieux de mémoire. Les technologies numériques constituent, en effet, un formidable levier d’attractivité pour les sites de mémoire et participent de surcroît à la transmission du savoir entre générations, palliant ainsi la disparition progressive des témoins vivants de ces conflits. L’objectif à long terme du ministère chargé du Tourisme est de rapprocher les efforts conduits pour développer le tourisme de mémoire de ceux menés aux côtés du ministère de la Culture et de la Communication pour développer le tourisme historique. Dans ce cadre, des liens pourront être établis avec les actions de valorisation des sites militaires comme les forteresses de Vauban ou avec des lieux associés à des figures emblématiques de notre histoire comme, par exemple, le patrimoine napoléonien.


   À partir de 2014, la France sera le point de convergence de nombreuses grandes commémorations internationales liées au centenaire de la Première Guerre mondiale et au soixante-dixième anniversaire de la Libération de la France. Ces commémorations médiatiques devraient entraîner la venue de nombreux visiteurs étrangers sur notre territoire. Le ministère chargé du Tourisme souhaite accompagner les collectivités pour capitaliser sur cette mise en lumière de leur offre touristique mémorielle, afin de pérenniser l’intérêt des visiteurs et de favoriser ainsi de nouvelles retombées économiques sur notre territoire.

 

L’État se félicite de la mobilisation des différents acteurs œuvrant à la valorisation de notre patrimoine mémoriel.

 

cheminsdememoire.gouv.fr
permet aux internautes de découvrir les lieux de mémoire en France


   Cette dynamique, en s’appuyant sur l’engagement des pouvoirs publics, pourrait aboutir à la création d’une filière nationale du tourisme de mémoire pérenne, à travers notamment un projet de contrat de destination “Grande Guerre”, visant à développer un parcours touristique de la mémoire le long de la ligne du front occidental, du Nord - Pas-de-Calais jusqu’en Alsace. Cette démarche concertée entre le ministère chargé du Tourisme et les collectivités territoriales consisterait à mettre en cohérence et à développer l’attractivité de l’offre touristique mémorielle de ce vaste territoire. Parallèlement, plusieurs actions de promotion pourraient être conduites auprès des marchés étrangers.


   Ce type de démarche de structuration de la filière du tourisme de mémoire serait étendu à terme à d’autres territoires touchés par l’un des deux conflits mondiaux qui ont marqué le XXe siècle, afin de faire du tourisme de mémoire une composante de l’offre touristique traditionnelle de la destination France.

 

 

Les auteurs :

 

MAGALI DA SILVA 
Chargée de mission tourisme de mémoire, Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS) 
Ministère de l’Artisanat, du Commerce et du Tourisme [magali.da-silva@finances.gouv.fr]
 
LAURE BOUGON 
Chef de la section tourisme de mémoire, Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) 
Ministère de la Défense [laure.bougon@intradef.gouv.fr]

 

 

 

Source : Revue Espaces - Iconographie : Ecpad