La préparation de l'action subversive

Partager :

Sabotage du viaduc de Bouchâtel (Cévennes). Date inconnue. Copyright collection particulière
Corps 1

En janvier 1944, lorsque le général Eisenhower prend le commandement des forces du futur débarquement, les états-majors alliés doutent de l'apport militaire de la Résistance française qui, à la différence des partisans grecs et yougoslaves, souffre alors de ne pas avoir été sérieusement armée. Le général François d'Astier de la Vigerie, représentant du Comité français de la Libération nationale (CFLN) en Grande-Bretagne, offre dès le 22 janvier le concours de la Résistance militaire mais l'accord de principe n'est donné que deux mois plus tard, alors que les Français sont exclus de l'état-major des Forces spéciales (SFHD) chargé de préparer et de piloter l'action subversive en France. De leur côté, les Français mettent en, place, sous l'autorité du général de Gaulle, un Comité militaire d'action en France (COMIDAC). Ce dernier, siégeant à Alger, entend obtenir l'armement de la Résistance, consolider une chaîne de commandement française reconnue par les Alliés et définir une stratégie d'action.

Dès le 27 janvier 1944, Churchill, influencé par Emmanuel d'Astier de la Vigerie, commissaire à l'intérieur du CFLN, et Michel Brault, chef national Maquis des Mouvements unis de Résistance (MUR), décide d'anticiper les efforts d'armement des maquis. Toutefois, si 13 000 tonnes d'armes sont parachutées de février à fin septembre 1944 (de quoi équiper 425 000 hommes), les trois cinquièmes ne sont largués qu'après le Débarquement de Normandie. Depuis l'été 1943, le BCRA a mis en place un réseau de délégués militaires de zones (DMZ) et de région (DMR) en communications directes avec Londres et Alger.

A partir du printemps 1944, une section d'étude spécialisée, baptisée Bloc Planning, élabore en liaison avec la Résistance intérieure des projets prévoyant la mise en action de la Résistance au moment du débarquement allié. L'action se concentre autour de quatre plans de sabotage : des voies ferrées (plan vert) . des lignes téléphoniques souterraines à grande distance (plan violet), des voies de communication autres que ferroviaires (Tortue puis Bibendum) et des lignes à haute tension des voies ferrées électrifiées et des zones côtières (plan bleu). Ces sabotages doivent être sélectifs car il faut pouvoir rapidement remettre en route ces réseaux au service des Alliés. Enfin, le plan rouge prévoit le déclenchement de la guérilla à partir de six zones montagneuses mobilisatrices et le plan dit Caïman prévoit la libération du Sud-Ouest et des secteurs alpins dans le cas d'un débarquement en Provence. Les services anglais et américains sont tenus informés de cette structuration de la Résistance militaire mais gardent secrets la date et le lieu du Débarquement. Il faut attendre le 31 mai pour que le principe d'un commandement français de la Résistance soit acquis, le général Koenig, héros de Bir-Hakeim, étant nommé commandant en chef des Forces françaises de l'Intérieur (FFI), commandement effectif à compter du 6 juin. Chargé de coordonner la mise en action des plans avec les Alliés, il devait également imposer son autorité à la Résistance intérieure qui avait sa propre structure de direction militaire, le Comité d'action militaire (COMAC), dépendant du Conseil national de la Résistance (CNR).

Initialement programmés de manière échelonnée et suivant la progression alliée, ces plans vont finalement être déclenchés sur tout le territoire le 5 juin 1944 par 210 "messages personnels" diffusés par la BBC. Le haut commandement allié entend ainsi intoxiquer les Allemands en les incitant à conserver un maximum de troupes loin du front pour prévenir un second débarquement. Il s'agit alors de donner toutes les chances de réussite au Débarquement en lançant toutes les forces résistantes dans la bataille.