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Serge Barcellini

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Créée en 1887, l’association Le Souvenir Français, présidée aujourd’hui par le contrôleur général des armées (2s) Serge Barcellini, s’est notamment donné pour mission de conserver la mémoire de ceux et celles qui sont Morts pour la France ou qui l’ont honorée par de belles actions.

Texte

Quel est le rôle du Souvenir Français au lendemain de la Première Guerre mondiale ?

En 1914, Le Souvenir Français est confronté à une double réalité : le nombre foudroyant de tués et l’impossibilité de se rendre sur les champs de bataille où les combattants sont inhumés. Les comités du Souvenir Français interviennent dès lors dans les villes de l’arrière où sont inhumés les combattants décédés dans les hôpitaux. Tel est le cas en particulier à Rennes où Francis Simon, président du Souvenir Français, demande dès 1916 le transfert d’un Soldat Inconnu au Panthéon. Une demande qui se traduira quatre années plus tard par l’inhumation d’un Soldat Inconnu à l’Arc de Triomphe. Dès que l’accès aux tombes est rendu possible, le Souvenir Français soutient la création d’une association baptisée "La cocarde du Souvenir" dont l’objectif est de fleurir les tombes des combattants et d’apposer sur chacune une cocarde. En 1923, l’association cesse ses activités et est intégrée au sein du Souvenir Français.

Comment se manifeste l’hommage de la Nation aux combattants dans le paysage français ?

Avant 1870, sur tous les champs de bataille napoléoniens, les soldats sont inhumés dès la fin des combats dans des fosses communes. Ni le lieu d’inhumation, ni les noms des combattants ne sont relevés. Un premier changement intervient en 1870. Les fosses communes sont transformées en ossuaires, comme c’est le cas à Bazeilles ou Champigny. Parallèlement, des tombes individuelles sont érigées pour les combattants enterrés dans les cimetières des villages. Avec la Première Guerre mondiale, l’intervention de l’État se généralise par la création, en 1915 (loi du 2 juillet), de la mention "Mort pour la France", qui donne un sens à la mort des combattants ; par la réglementation de l’inhumation des combattants en tombe individuelle lorsque cela est possible ; enfin par le regroupement des combattants dont le corps n’a pas été restitué aux familles dans des nécropoles nationales dont l'État doit assurer l'entretien à perpétuité. Le paysage mémoriel français est le résultat de cette volonté étatique.

Dès 1919, des familles endeuillées se rendent sur les anciens champs de bataille. Peut-on parler d’une forme ancienne de "tourisme de mémoire" ?

Avec la fin de la Première Guerre mondiale se mettent en place les trois éléments essentiels qui constituent le temps des pèlerinages du souvenir. Le premier est une loi qui officialise le droit au pèlerinage pour les familles des "Morts pour la France" dont le corps repose dans une nécropole nationale. Le deuxième est la création de guides des champs de bataille édités par la maison Michelin. Le troisième enfin est l’adaptation des territoires à l’accueil des visiteurs. Ce tourisme de pèlerinage a connu un temps fort entre 1919 et 1939 et a ensuite graduellement décliné. Depuis une dizaine d’années, un nouveau temps émerge, celui du tourisme de mémoire. Il repose sur une inversion des trois éléments précédents ; il est d’abord le résultat d’une adaptation du territoire.

Quelles sont aujourd’hui les "motivations" des touristes de la mémoire ?

J’en compte trois. Le "tourisme pédagogique", ce sont les groupes scolaires que les enseignants emmènent à la découverte des champs de bataille. Le "tourisme généalogique", ce sont les visiteurs qui justifient leur déplacement par l’existence d’un grand-père ou d’un arrière-grand-père combattant de la Grande Guerre. Ces touristes sont majoritaires chez nos amis du Commonwealth (Britanniques, Australiens, Néo-Zélandais, Canadiens). Enfin le "tourisme généraliste", ce sont les visiteurs qui sillonnent les champs de bataille comme ils visiteraient d’autres sites. Le devenir de la spécificité du tourisme de mémoire repose sur la nécessaire consolidation des deux premières composantes. Sans pédagogie, la mémoire n’est que culture. Sans généalogie, la mémoire perd sa dimension émotionnelle. Tel est l’enjeu des décennies post centenaire.


Auteur
La rédaction

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