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Aristide Briand (1862-1932)

Aristide Briand, vers 1920. Source : Archives du ministère des Affaires étrangères, Paris
Aristide Briand, vers 1920. Source : Archives du ministère des Affaires étrangères, Paris
Corps 1
Parmi les hommes politiques de la IIIème République (1870 - 1940), Aristide Briand connut une des plus longues carrières ministérielles : onze fois président du Conseil (c'est-à-dire chef du gouvernement) et plus de vingt fois ministre, le plus souvent des Affaires étrangères. Au lendemain de la Première Guerre mondiale (1914-1918), Briand devint un ardent partisan de la paix et oeuvra sans relâche pour un rapprochement franco-allemand, avant de défendre devant la Société des Nations (SDN) un projet novateur d'union européenne dans une période particulièrement troublée de l'Histoire. I - Briand jusqu'en 1918 : l'ascension politique d'un avocat de la République 1862 - Le 28 mars, naissance d'Aristide Briand, à Nantes, dans une famille de cafetiers d'origine paysanne.
Corps 2
Après des études de droit, Briand devient avocat et journaliste. Il s'inscrit au barreau de Saint-Nazaire avant de s'installer à Paris où il travaille à la Lanterne, journal populiste et anticlérical d'Eugène Mayer. Aux côtés de Jean Jaurès, il s'efforce de maintenir unis les courants qui s'affrontent au sein du mouvement socialiste. 1902 - Élu député de la Loire, Briand multiplie dès lors les postes politiques. Brillant orateur, il est nommé rapporteur sur le projet de loi de séparation des Églises et de l'État, votée en 1905. 1906 - Briand obtient son premier portefeuille ministériel, celui de l'instruction publique et des cultes. 1909 - Briand succède à Georges Clemenceau à la présidence du Conseil. Ministre de l'intérieur, il fait adopter, entre autres, la loi sur les retraites ouvrières et paysannes (avril 1910). À la veille de la Première Guerre mondiale, Briand soutient l'allongement de la durée du service militaire, tout en s'efforçant de faire valoir les solutions pacifiques. 1914/1918 - Première Guerre mondiale. La guerre déclarée, Briand entre dans un cabinet "d'union sacrée" en qualité de garde des Sceaux, vice-président du Conseil et apporte son soutien au commandement lors de la bataille de la Marne. Chef du gouvernement et ministre des affaires étrangères pendant près de deux ans (1915-17), Briand joue un rôle important, notamment en organisant l'expédition de Salonique et en coordonnant l'action militaire et économique avec les Alliés. Signé le 11 novembre 1918 à Rethondes, l'armistice met fin aux combats de la Première Guerre mondiale. Quatre années de guerre laissent l'Europe exsangue. Les anciens belligérants, qui se sont endettés pour assurer leur ravitaillement, sortent du conflit économiquement très affaiblis. En France, les régions les plus riches et les plus industrialisées sont dévastées. Avec près d'un million et demi de morts et plus d'un million d'invalides, le pays est profondément atteint dans ses forces vives. Les pensions de guerre, la reconstruction accroissent les charges de l'État.

II - Briand après 1918 : "le pèlerin de la paix" 1919 - Signature du traité de paix avec l'Allemagne Signé à Versailles le 28 juin 1919, le traité de paix avec l'Allemagne impose à cette dernière la réparation des dommages de guerre. L'épineuse question du règlement des réparations est l'un des principaux facteurs qui président aux relations franco-allemandes pendant quelque dix ans et est source de divergences entre les Alliés eux-mêmes.

l'issue de la guerre, partisan d'une stricte application du traité de Versailles, Aristide Briand est de ceux qui entendent obliger l'Allemagne à payer les réparations de guerre. Il abandonne toutefois rapidement cette politique de fermeté pour une politique de paix dans le cadre de la Société des Nations (SDN) et oeuvre dès lors pour le rapprochement avec l'Allemagne. 1922 - Désavoué pour sa politique de réconciliation avec l'Allemagne, Briand démissionne. Lors de la conférence de Cannes, en janvier 1922, Briand est ouvert à la proposition d'aménagement de la dette allemande en contrepartie d'une garantie des frontières françaises.

Désavoué par Alexandre Millerand, président de la République de 1920 à 1924, Briand démissionne. Aristide Briand accueille Lloyd George à la conférence de Cannes, janvier 1922 - Archives du ministère des Affaires étrangères, Paris. Source : Archives du ministère des Affaires étrangères, Paris

1924 - Délégué de la France à la Société des Nations (SDN), Briand s'efforce de faire prévaloir une politique de conciliation, conscient que le rapprochement franco-allemand ne peut se faire qu'au prix de certaines concessions. Cette politique de réconciliation avec l'Allemagne s'exprime en ces termes : Paix intérieure, paix politique et sociale, je crois qu'elle est ardemment désirée par le pays tout entier... Vouloir la paix, c'est, dans un pays qui, comme la France, a tant souffert de la guerre et, depuis l'armistice, a été soumis à un régime de défis et de provocations qui justifieraient l'impatience - c'est se montrer patient".

1925 - Briand représente la France aux Accords de Locarno. De nouveau ministre des affaires étrangères, Briand poursuit sa politique de réconciliation avec l'Allemagne, seul moyen d'assurer une paix durable en Europe. Il se rapproche de son homologue allemand, Gustav Stresemann, également partisan d'une politique conciliatrice.

Le 16 octobre 1925, lors de la Conférence de Locarno, qui réunit les délégués de l'Allemagne, de la Belgique, de l'Italie, de la France et de la Grande-Bretagne, Aristide Briand signe le traité qui garantit les frontières de la France et de la Belgique avec l'Allemagne et établit un pacte d'assistance mutuelle. Celui-ci vise à établir une paix durable en Europe. 1926 - Le prix Nobel de la Paix est décerné à Aristide Briand et à Gustav Stresemann. Après les Accords de Locarno, Briand a soutenu la candidature de l'Allemagne à la SDN où elle est admise en 1926.

1927 - Début d'une ère nouvelle annonçant la fin de l'antagonisme franco-allemand pour certains, les Accords de Locarno et l'admission de l'Allemagne à la SDN ne sont toutefois pour Aristide Briand qu'un premier jalon. Il pense notamment que l'absence des États-Unis à la SDN en affaiblit la portée. Briand s'emploie donc à faire renoncer les États-Unis à leur isolationnisme. En appelant "à la nation américaine", il rencontre le soutien de ses puissantes associations pacifistes. 1928 - Signature du Pacte Briand-Kellogg, qui met la guerre "hors la loi". Le 27 août 1928, la signature du pacte Briand-Kellogg, du nom du secrétaire d'État américain qui l'a négocié avec Briand, met la guerre "hors-la-loi" : "Article 1er : Les Hautes Parties contractantes déclarent solennellement au nom de leurs peuples respectifs qu'elles condamnent le recours à la guerre pour le règlement des différends internationaux et y renoncent en tant qu'instrument de politique nationale dans leurs relations mutuelles. Article 2 : Les Hautes Parties contractantes reconnaissent que le règlement ou la solution de tous les différends ou conflits, de quelque nature ou de quelque origine qu'ils puissent être, qui pourront surgir entre elles, ne devra jamais être recherché que par des moyens pacifiques."

Bien qu'approuvé par cinquante-sept pays, dont l'Allemagne, le Japon et l'Union Soviétique, ce pacte n'a cependant qu'une valeur morale et laisse en suspens la question des sanctions applicables en cas de non respect de ses dispositions. Les États-Unis, qui connaissent alors une période de prospérité économique, sont réticents à un engagement dans un éventuel conflit européen. 1929 - En septembre, Briand, président du Conseil, prononce à Genève un discours novateur devant l'Assemblée générale de la Société des Nations (SDN). Il reprend une idée émise notamment par le comte Coudenhove-Kalergi, diplomate autrichien fondateur du mouvement Pan-Europa, et suggère la création d'une union régionale, une "fédération européenne". Pour Briand, la compétence de cette institution européenne s'exercerait principalement en matière économique et ne porterait pas atteinte à la souveraineté nationale. Cette proposition rencontre un vif succès et les délégués des vingt-sept Etats européens membres de la SDN le chargent de présenter un mémorandum sur ce sujet.

1930 - Briand présente à la SDN son mémorandum pour une "fédération européenne". En mai 1930, Briand, ministre des affaires étrangères, adresse aux délégués des vingt-sept Etats européens membres de la Société des Nations (SDN) son mémorandum en faveur d'une "fédération européenne". Celle-ci s'inscrirait dans le cadre de la SDN et sa composition serait tripartite : une Conférence d'Union européenne : organe représentatif groupant les représentants de tous les gouvernements européens membres de la SDN . un Comité politique permanent : organe exécutif présidé à tour de rôle par les Etats membres . un Secrétariat. L'un de ses principaux objectifs serait "l'établissement d'un marché commun pour l'élévation au maximum du niveau de bien-être humain sur l'ensemble des territoires de la communauté européenne". Le mémorandum de Briand ne reçoit pas le même accueil que son discours à la SDN et son action se heurte, en France comme dans le monde, à des résistances de plus en plus fortes. L'obstacle le plus important est la persistance des différents nationalismes. Si le principe d'une coopération n'est pas remis en cause, celui d'une union européenne pleine et entière, tant au plan politique qu'économique, effraie. L'aspect politique du projet, notamment, en évoquant des "liens fédéraux", réveille les méfiances.

Le 23 septembre 1930, une commission d'études est créée. Aristide Briand en est élu président. Chargée d'étudier les modalités d'une éventuelle collaboration au sein de l'Europe, elle ne peut cependant aboutir à aucun résultat. 1932 - Aristide Briand s'éteint le 7 mars 1932, à Paris. * Surnommé le "pèlerin de la paix", Aristide Briand n'a cessé tout au long de sa carrière diplomatique de multiplier les occasions d'établir la paix en Europe.

Son projet d'union européenne ne résiste malheureusement pas à la crise économique et à la montée des dictatures.

Biographie d'Aristide Briand

28 mars 1862

Naissance d'Aristide Briand, à Nantes

1878 - 1880

Études au lycée de Nantes

1880

Clerc chez maître Lucas, à Saint-Nazaire

1883

Étudiant en droit à Paris

17 août 1884

Débuts dans le journalisme à La Démocratie de l'Ouest

2 septembre 1886

Licencié en droit

Novembre 1886

Avocat-stagiaire au barreau de Saint-Nazaire

Avril 1888

Directeur au journal L'Ouest républicain

Mai 1888

Elu conseiller municipal à Saint-Nazaire

Octobre 1890

Avocat au barreau de Saint-Nazaire

1892

Militant au Parti ouvrier français de Jules Guesde

Février 1893

Journaliste à La Lanterne

29 septembre 1900

Elu secrétaire du "Comité général" socialiste

1901 - 1905

Militant au Parti Socialiste Français de Jean Jaurès

27 avril 1902 - 1919

Député de la Loire

14 mars 1906 - 4 janv. 1908

Ministre de l'Instruction publique, des Beaux-Arts et des Cultes

4 janv. 1908 - 24 juill. 1909

Ministre de la Justice et des Cultes

24 juill. 1909 - 2 mars 1911

Président du Conseil et ministre de l'intérieur

14 janv. 1912 - 21 janv. 1913

Ministre de la justice

21 janv. - 22 mars 1913

Président du Conseil et ministre de l'intérieur



1914 - 1918

Première Guerre mondiale

26 août 1914 - 29 oct. 1915

Vice-président du Conseil et ministre de la justice

29 oct. 1915 - 20 mars 1917

Président du Conseil et ministre des affaires étrangères

Novembre 1917

En Russie, révolution bolchevique ("Révolution d'octobre")

Novembre 1918

En Allemagne, révolution et proclamation de la République (le 9)

11 novembre 1918

Signature, à Rethondes, de l'Armistice

23 mars 1919

En Italie, Mussolini fonde le mouvement des "Faisceaux de combat"

28 avril 1919

Pacte fondant la Société des Nations (SDN)

28 juin 1919

Signature, à Versailles, du traité de paix avec l'Allemagne

16 nov. 1919 - 1932

Député de la Loire-Inférieure

10 janvier 1920

Entrée en vigueur du pacte de la SDN

1er mars 1920

En Hongrie, début du régime autoritaire du régent Horthy

Juillet 1920

Conférence de Spa (réparations des dommages de guerre)

16 janv. 1921 - 15 janv. 1922

Président du Conseil et ministre des affaires étrangères

8 mars 1921

Occupation de Düsseldorf, Ruhrort et Duisburg par les Alliés

12 nov. - 16 déc. 1921

Conférence de Washington sur le désarmement naval

6 - 13 janvier 1922

Conférence de Cannes

29 octobre 1922

En Italie, Benito Mussolini à la tête du gouvernement

11 janvier 1923

En Allemagne, occupation de la Ruhr par les troupes franco-belges

13 septembre 1923

En Espagne, début de la dictature du général Primo de Rivera

8 - 9 novembre 1923

En Allemagne, échec de la tentative de putsch d'Hitler à Munich



Juillet - août 1924

Adoption du plan Dawes sur le problème des réparations

1er octobre 1924

Signature à la SDN du protocole de Genève sur la sécurité collective

17 avril - 28 novembre 1925

Ministre des affaires étrangères

1er juillet - 17 août 1925

En Allemagne, évacuation de la Ruhr

25 août 1925

En Allemagne, évacuation de Düsseldorf, Ruhrort et Duisburg

16 octobre 1925

Pacte de Locarno

28 nov. 1925 -19 juill. 1926

Président du Conseil et ministre des affaires étrangères

14 mai 1926

En Pologne, début de la dictature du maréchal Pilsudski

23 juill. 1926 - 29 juill. 1929

Ministre des affaires étrangères

8 septembre 1926

Entrée de l'Allemagne à la SDN

17 septembre 1926

Entrevue de Thoiry Briand-Stresemann

1926

Prix Nobel de la paix (avec Gustav Stresemann)

27 avril 1928

Au Portugal, début de la dictature (Antonio de Oliveira Salazar, ministre des finances)

27 août 1928

Pacte Briand-Kellogg

5 janvier 1929

En Yougoslavie, début de la dictature du roi Alexandre

7 juin 1929

Mise au point du plan Young sur le problème des réparations

29 juill. -3 nov. 1929

Président du Conseil et ministre des affaires étrangères

31 août 1929

Adoption du plan Young

24 octobre 1929

Crise économique aux Etats-Unis : jeudi noir de Wall Street

3 nov. 1929 - 14 janv. 1932

Ministre des affaires étrangères



30 juin 1930

Évacuation définitive de l'Allemagne

1930

A la SDN, échec du projet de "fédération européenne"

14 septembre 1930

En Allemagne, élections au Reichstag : le Parti nazi, deuxième parti

1931

Extension de la crise économique en Autriche, en Allemagne et en Grande-Bretagne

14 avril 1931

En Espagne, proclamation de la IIe République

20 juin 1931

Moratoire Hoover sur les réparations et les dettes de guerre

13 juillet 1931

L'Allemagne suspend ses paiements internationaux

2 février 1932

Conférence à Genève sur le désarmement

7 mars 1932

Mort d'Aristide Briand, à Paris


Sources
Source : Collection "Mémoire et citoyenneté", N°25, Publication Ministère de la défense/SGA/DMPA

  • Aristide Briand, vers 1920. Source : Archives du ministère des Affaires étrangères, Paris
  • Trois portraits d'Aristide Briand, anonyme, 1920. Source : Archives du ministère des Affaires étrangères, Paris
  • Aristide Briand à son bureau, vers 1920. Source : Archives du ministère des Affaires étrangères, Paris
  • 1922 - Aristide Briand, désavoué par le Président de la République Alexandre Millerand, arrive dès le lendemain à l'aube au palais de l'Elysée pour lui présenter sa démission. Source : SHD
  • Le cabinet d'Aristide Briand, réuni au Quai d'Orsay, dans le salon de l'Horloge, vers 1926. Source : Archives du ministère des Affaires étrangères, Paris
  • En septembre 1929, Aristide Briand propose la création d'une "fédération européenne" . l'idée de l'Europe est née mais il faudra attendre quelque vingt ans et la fin d'un second conflit mondial pour qu'elle prenne corps. Source : Collection Musée de l'histoire vivante - Montreuil
  • Monument dédié à Aristide Briand, Paris, quai d'Orsay. Source : SGA/DMPA - Jean-Noël Liabeuf