Général (2S) Jean-Paul Michel

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Chapeau

Président de l’association de la Maison des Anciens de la 2e Division blindée (DB) et de la fondation maréchal Leclerc de Hauteclocque, le général Michel revient sur l’épisode de la prise de Baccarat. Fin octobre 1944, la 2e DB du général Leclerc s’illustre dans cette petite ville de Meurthe-et-Moselle. La manœuvre, qui porte la marque du chef et est un condensé de sa pensée tactique, permettra d’ouvrir la route vers Strasbourg et de réaliser la promesse faite à Koufra.

Texte

 

Après avoir débarqué en Normandie le 1er août 1944 et participé à la libération de Paris le 25 août, le général Leclerc et la 2e division blindée sont engagés, durant l’hiver 1944, dans les Vosges et en Alsace. Quel est alors le contexte militaire et à quelles difficultés sont confrontés les Alliés ?

Après avoir quitté Paris début septembre, la 2e DB va devoir mener des combats parfois violents dans les départements de la Côte-d’Or, de la Haute-Marne (Andelot) et des Vosges (Dompaire, Vittel…). Mais, à la fin du mois, les élongations logistiques contraignant l’approvisionnement en carburant, obligent le commandement allié à privilégier l’axe nord de l’offensive, visant le centre industriel de l’Allemagne nazie. De ce fait, les forces de l’axe Sud (Paris - Strasbourg) sont arrêtées dans leur élan vers l’est, juste avant d’aborder le massif vosgien. La division Leclerc, au sein de la 3e Armée US, doit donc, brusquement, stopper sa marche en avant. Les gars de Leclerc ne vont pas apprécier cette guerre de position qu’ils vont être contraints de mener, dans le froid et la boue, durant tout le mois d’octobre 1944. Néanmoins, ce répit leur permettra de reconstituer les effectifs des unités avec de jeunes volontaires de la région parisienne ayant effectué une courte formation à Saint-Germain-en-Laye. Mais malheureusement, il va aussi permettre aux Allemands de s’installer solidement sur deux lignes de défense s’appuyant sur les Vosges, les « Vogesen-Stellung ». Par ailleurs, la météo se détériorant, la reprise de l’offensive sera plus difficile, notamment parce que l’appui air US au profit des troupes au sol ne pourra plus que très rarement être demandé.

En novembre 1944, les troupes de Leclerc s’emparent de Baccarat à la suite d’une manœuvre audacieuse. Comment se déroule l’opération et quelles en sont les conséquences stratégiques ?

Baccarat, la capitale du cristal sur la rivière Meurthe, est un carrefour important en avant de la première ligne défensive allemande, la Vor-Vogesen-Stellung. Leclerc persuade sa hiérarchie US de l’utilité tactique de s’emparer de la ville avant la reprise de l’offensive. Il sait que Manteuffel, son adversaire qui commande le secteur, l’attend sur les axes importants. Aussi, il va faire réaliser par son génie un itinéraire à travers la forêt de Mondon lui permettant de déboucher par surprise aux lisières nord de la ville. Parallèlement, Leclerc va s’appuyer sur la résistance locale pour appréhender dans le détail le dispositif ennemi. Cela lui permettra, lors de l’attaque du 31 octobre 1944, de faire traiter tous les points de défense de l’ennemi par l’artillerie 2e DB renforcée par celle du corps d’armée US. Les Allemands, matraqués et contournés, n’ont plus qu’à se rendre. La prise de Baccarat, sans coup férir, donnera aux Alliés les délais suffisants pour pouvoir franchir les Vosges et se ruer sur Strasbourg, avant que l’hiver ne puisse plus l’autoriser.

 

Mouvement des troupes lors de la prise de Baccarat. 
Extrait de La 2e DB Général Leclerc, Combattants et combats en France, Arts et métiers graphiques, Paris, 1945.

Si Baccarat n’est pas une bataille majeure de la Seconde Guerre mondiale, sa prise apparaît néanmoins comme une leçon de tactique militaire et un condensé du « style Leclerc ». Pourquoi ?

Leclerc privilégiait toujours trois modes d’action, la surprise, la manœuvre et l’audace. Baccarat est un condensé de tout cela dans lequel le renseignement et les appuis joueront un rôle prépondérant. Les historiens baptiseront cette victoire sous le terme de « Menuet de Baccarat » signifiant que, tel un orchestre, la manœuvre de Leclerc s’est déroulée exactement sur le tempo prévu.

Moins de trois semaines plus tard, la 2e DB entre à Strasbourg et honore le serment de Koufra. Comment la Fondation entend-t-elle commémorer ce 80e anniversaire ?

L’année 2024 sera pour nous un rendez-vous mémoriel important. Ce sera la dernière fois que nous pourrons commémorer cette épopée Leclerc en présence des derniers anciens de la 2e DB encore vivants. Pour nous, « passeurs de leur mémoire », il est important de leur démontrer que nous continuerons ce devoir auprès de la jeunesse de notre pays. Pour cela, en concertation avec les élus, nous avons l’intention de donner un bel éclat aux cérémonies du 80e anniversaire qui se dérouleront d’Utah Beach jusqu’au Rhin.


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La rédaction

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