L’Inrap a 20 ans

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Chapeau

L’Inrap célèbre ses 20 ans d’existence, de recherches et de découvertes archéologiques. De 2002 à 2021, ses scientifiques ont réalisé en France près de 50 000 interventions. Cette activité de sauvegarde des archives du sol améliore notre connaissance des conflits contemporains.

L'exposition "Archéologie préventive dans nos territoires, de la fouille au musée", gare de Lyon (Paris), 2022. © David Paquin/SNCF Gares & Connexions
Texte

Établissement public administratif placé sous la double tutelle des mi­nistères en charge de la Culture et de la Recherche, l’Institut national de re­cherches archéologiques préventives (Inrap) est créé en 2002 et vient donc de fêter ses 20 ans. De nombreux évé­nements ont été planifiés à cette occa­sion. À titre d’exemple, 20 expositions archéologiques ont ainsi été présentées sur l’ensemble du territoire, un col­loque sur l’archéologie du judaïsme en Europe s’est tenu au musée d’art et d’histoire du Judaïsme les 24-25 mars et, le 14 octobre, le Sénat a accueilli un colloque intitulé L’archéologie ré­vèle les territoires. Des expositions d’images et de textes ont été implan­tées dans différentes gares (Paris-Gare de Lyon, Amiens, Le Creusot, Nîmes, Rennes), ainsi que dans le long couloir du métro Montparnasse-Bienvenüe, à Paris, afin de partager le résultat de nos recherches avec le plus grand nombre de nos concitoyens. De nou­velles ressources ont également été mises à disposition (enregistrements, podcasts, vidéos, articles...), toutes ac­cessibles sur le site Internet de l’Institut (inrap.fr). Des publications variées ont aussi vu le jour, dont un livre qui révèle les plus belles découvertes de l’Inrap (D. Garcia, La Fabrique de la France, Flammarion), un ouvrage consacré à l’archéologie de la Seconde Guerre mondiale (V. Charpentier, Pour une archéologie de la Seconde Guerre mondiale, La Découverte) et un nu­méro hors-série de la revue Archéo­pages, intitulé "Archéologie nationale. Recherche, expertise, patrimoine".

Discipline de terrain et enjeux contemporains

Cette riche programmation est à la mesure de la dimension aujourd’hui acquise par l’Inrap. Fort de ses 8 direc­tions régionales et interrégionales et de ses 44 centres de recherches archéolo­giques, il intervient dans toute la France, au plus près de l’aménagement du terri­toire. Sa dimension nationale, le nombre et la diversité des compétences scienti­fiques de ses agents, en font un institut de recherche sans équivalent en Europe.

L’archéologie éclaire sur les liens des populations avec leur environnement naturel, mais aussi sur la biodiversité, et plus généralement sur la planète et ses évolutions. Elle enrichit la réflexion actuelle sur de nombreux sujets de société et favorise la prise de décision éclairée. En créant les conditions d’un choix d’aménagement responsable, l’ar­chéologie préventive est au coeur des enjeux du développement durable.

L’Inrap est aussi un acteur majeur de la recherche et de l’innovation. Il rassemble plus de 50 % des archéologues exer­çant sur le territoire français et compte de nombreux chercheurs de haut niveau qui contribuent à la recherche publique dans le cadre de partenariats étroits avec les collectivités territoriales, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et des universités. Sur le terrain, l’utilisation de nouvelles techniques telles que les drones, les tablettes et les systèmes d’information géographique réduit la durée des chantiers et garantit une qualité scientifique optimale.

"L’archéologie du passé récent"

L’archéologie des conflits contempo­rains, relativement récente, profite pleinement de cette expertise. L’ar­chéologie des sépultures de la Première Guerre mondiale a ainsi débuté dans les années 1980. Aujourd’hui, des opé­rations sont régulièrement menées sur les zones de combats, notamment dans le Nord et l’Est du pays. Les tranchées, mais aussi les espaces de cantonne­ment, les hôpitaux militaires ou des camps de prisonniers, sont explorés et les "archives du sol" viennent complé­ter les écrits, les photos et les dessins.

Pour la Seconde Guerre mondiale, depuis les années 1990, l’archéologie du "passé récent" permet de docu­menter les lieux de débarquement, les villes bombardées, voire les camps d’internement. De fait, désormais, les vestiges des conflits contemporains (guerre de 1870, Première et Seconde Guerre mondiale) appartiennent au patrimoine archéologique : selon le Journal officiel du 15 janvier 2013, ils doivent bénéficier d’une prise en compte et d’une protection identiques à celles des autres éléments du patri­moine archéologique.

Préserver et aménager

Chaque année, 700 km² sont concer­nés par des travaux d’aménagement du territoire – carrières, routes, voies fer­rées, bâtiments – pouvant entraîner la disparition des vestiges du passé que recèle le sous-sol. C’est pour recueillir ces données patrimoniales avant leur destruction que, dans les années 1970, l’archéologie préventive s’est progres­sivement imposée en amont des tra­vaux d’aménagement.

Ressources non renouvelables, les ri­chesses archéologiques sont appré­ciées, expertisées et, le cas échéant, le site est fouillé et le patrimoine conservé par l’étude. Notre pays a fait le choix d’un procédé qui ne sanctuarise pas le gisement archéologique et ne fossilise pas les territoires.

Au-delà de l’apport scientifique, on doit aussi mettre en avant la création d’une richesse économique additionnelle. Le résultat des fouilles – objets mis au jour et analyses produites – vient enrichir les collections des musées publics et alimente les nouvelles infrastructures culturelles qui, aujourd’hui, constituent d’importants pôles d’attractivité. En France, le champ culturel et patrimo­nial représente sept points du produit intérieur brut et la place occupée par l’archéologie n’y est pas négligeable. Du terrassement préalable aux fouilles à l'industrie touristique, en passant par les analyses effectuées sur les vestiges mis au jour, ce sont des centaines d’em­plois directs ou indirects qui sont créés et maintenus dans chaque région grâce à l’archéologie préventive.

En permettant la construction d’in­frastructures et de logements, notam­ment en ville, à la suite des fouilles, le dispositif mis en oeuvre depuis 2001 participe par ailleurs à la redynamisa­tion des centres urbains, tout en livrant l’Histoire et en la transmettant aux gé­nérations futures. En cela, archéologie et développement durable nourrissent un lien étroit.

La création, il y a 20 ans, de l’Inrap témoigne donc de la volonté de l’État de répondre à une double exigence d’aménagement du territoire et de préservation, par l’étude, du patri­moine archéologique. L’Institut assure la détection et l’étude du patrimoine archéologique touché par les tra­vaux d’aménagement du territoire. Il exploite les résultats des fouilles ar­chéologiques et les diffuse. Il concourt ainsi à l’enseignement, à la diffusion culturelle et à la valorisation de l’ar­chéologie auprès de tous.


Auteur
Dominique Garcia - Professeur des universités et président de l’Inrap

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