Le képi modèle 1867 du colonel du génie Aristide Denfert-Rochereau

(Saint-Maixent, 1823 – Versailles, 1878) Héroïque défenseur de Belfort en 1870-1871

©Musées de Belfort, Philippe Martin

 

L’image du célèbre défenseur de Belfort est indissociable de son képi d’officier supérieur du génie, tout comme le mythique chapeau français adopté par Napoléon I er qui a contribué à sa gloire militaire. Mais là s’arrête la comparaison.

Loin d’être riche comme l’Empereur, qui s’en faisait confectionner quatre par an à Paris chez le chapelier Poupard & Delaunay, via le service de sa garde-robe, Aristide Denfert-Rochereau ne possède et ne porte qu’un seul képi réglementaire d’officier modèle 1867 lors de l’épisode du siège de Belfort. Ce qui le rend d’autant plus précieux pour l’histoire de cette ville et de la guerre de 1870-1871.

Adopté sous le Second Empire ce modèle de couvre-chef reprend les codes couleurs introduits à la fin de l’Ancien Régime, à savoir le bleu foncé, le noir et l’or, pour identifier les officiers du génie et ceux de l’autre arme dite « savante », l’artillerie. Le choix du bleu foncé et du noir commun à ses deux armes techniques est censé atténuer les salissures liées aux travaux de sape et à la manutention des poudres.

En rétablissant le port du képi en mai 1867, coiffure moderne et fonctionnelle, Napoléon III marque sa volonté d’innover vis-à-vis des usages de la première moitié du XIXᵉ siècle. Cette coiffure est cependant destinée à n’être portée qu’avec la tenue du matin, ou « hors les armes ». Néanmoins l’iconographie de l’époque nous indique une utilisation plus large même si le schako demeure la coiffure d’ordonnance jusqu’en 1884.

Ce képi porté par Denfert-Rochereau, exposé dans les salles du Musée d’Histoire de la Citadelle de Belfort, révèle donc un homme à la fois respectueux du règlement militaire impérial, malgré des convictions républicaines bien affirmées, mais aussi un homme contraint par les événements.

© Musées de Belfort, Jérôme Marche

© Musées de Belfort, Jérôme Marche

Il s’agit en fait d’un képi de chef de bataillon du génie probablement modifié en pleine guerre. Promu lieutenant-colonel le 1er octobre 1870, son détenteur aurait ainsi fait rajouter à la hâte, un galon argenté sur le turban sans pour autant faire remplacer, par manque de fourniture ou de temps (?), le second galon visible en bas de la coiffe. En effet celui-ci devrait être également de nuance argentée comme il est prévu pour ce grade intermédiaire.

Nommé commandant supérieur de la garnison par Gambetta le 19 octobre suivant, Denfert-Rochereau obtient finalement le grade ultime de colonel le 1er janvier 1871.

Cette dernière promotion obtenue vers la fin du siège de Belfort est quant à elle invisible sur la coiffure. On peut supposer que le défenseur de la place restée invincible n’a vraisemblablement pas eu l’opportunité de le faire modifier une seconde fois vu les nombreuses responsabilités qu’il avait à assumer à ce moment-là. D’autant qu’il s’était confiné depuis plusieurs semaines dans une casemate à l’abri des tirs ennemis afin de poursuivre ses missions nécessaires pour l’accomplissement sans faille de la résistance belfortaine.

Denfert-Rochereau s’est donc à priori contenté de son képi d’avant-guerre, bien marqué par 103 jours d’intense activité et de suée, avant de pouvoir acquérir celui de colonel dans les semaines qui ont suivi la fin des événements militaires. Nécessité fait loi !

Jérôme MARCHE
Responsable de l’action culturelle et éducative des Musées de Belfort
Commissaire de l’exposition Denfert-Rochereau, portrait d’un héros, visible à partir de fin mars 2023 dans les salles du Musée d’Histoire de la Citadelle de Belfort