Approches de la Marseillaise sous l’Occupation allemande, un hymne et un drapeau pour deux France

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Par Bernard Richard, agrégé d'histoire

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Bernard RICHARD - Approches de la Marseillaise sous l’Occupation allemande : Un hymne et un drapeau pour deux France.

Sous l’Occupation, l’hymne national s’épanouit dans tout le spectre de la vie politique. France Libre, État français de Vichy, au moins dans la zone dite libre ou « nono », non occupée.

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Sous l’Occupation, l’hymne national s’épanouit dans tout le spectre de la vie politique. France Libre, État français de Vichy, au moins dans la zone dite libre ou « nono », non occupée.

Il est un des chants repris, chantés par la Résistance, par les opposants à Pétain, à Hitler. Les condamnés à mort, qu’ils soient de gauche ou de droite, l’entonnent devant le peloton d’exécution. Mais les hommes du Maréchal aussi le chantent souvent, en particulier à l’occasion des cérémonies officielles, dans les parades dont est friand cet Etat-croupion de moins en moins indépendant, s’il le fut jamais. Il y eut en effet une utilisation « festive » et abondante  de la Marseillaise par les autorités - « de fait » - de Vichy du début à la fin, dans la zone dite libre. Quand le maréchal Pétain est enfin autorisé par l’Occupant à venir à Paris pour déplorer et dénoncer les bombardements alliés, fin avril 1944, il est accueilli par une foule nombreuse qui applaudit non pas tant le Maréchal que le fait de pouvoir, après des années de disette, voir enfin des drapeaux tricolores au lieu de la croix gammée, le képi étoilé coiffant un Français et pas ces omniprésentes casquettes allemandes, enfin entendre et chanter la Marseillaise, interdite en zone occupée depuis le début de l’Occupation…

Nous reprendrons ultérieurement ce dernier aspect  en nous fondant sur Les fêtes du maréchal (par Rémi Dalisson, CNRS Editions, collection Biblis).

Le 22 octobre 1941, près de Châteaubriant, les 27 otages choisis par les Allemands, sans doute avec l’aide de Pierre Pucheu, ministre de l’intérieur du Maréchal (ce ministre sera fusillé pour cela à Alger en 1943), quittent le camp de Choisel et sont embarqués dans trois camions allemands pour être fusillés près de là. Parmi eux, Guy Môquet, dix-sept ans, enfermé là par Vichy pour avoir distribué des tracts communistes à Paris en octobre 1940. Ils vont être exécutés en riposte à la mort, le 20 octobre, du commandant  allemand de la place de Nantes, abattu par des résistants. Ces otages embarqués entonnent la Marseillaise, reprise aussitôt par tous les prisonniers restés au camp, et « pendant tout le trajet jusqu’à la carrière de Soudan, ils n’ont cessé de chanter : L’InternationaleLe Chant du Départ et encore La Marseillaise… Avant chaque salve, ils criaient ” Vive la France !’’ » (mots du chef de la Kommandantur locale adressés au sous-préfet de Châteaubriant, Bernard Lecornu, qui les rapportent dans Un Préfet sous l’occupation allemande, Châteaubriant, Saint-Nazaire, Tulle, éditions France-Empire, Paris 1984).

 

Affiche pour les fusillés  de Châteaubriant

 

Ce 22 octobre 1941 marque, au son de La Marseillaise et de LInternationale,  un tournant important dans les relations entre occupés et occupants. Plus tard, de nombreuses communes de France auront une rue ou une place « des Martyrs de Châteaubriant ».

Dès le 30 octobre un poème clandestin, intitulé «Châteaubriant ! Choisel ! » est  écrit sur le lieu même par un témoin anonyme ; il est vite mis en circulation (publié dans la revue Europe n° 543-544, 1974, « La Poésie de la Résistance », p. 218) :

 

Châteaubriant ! Choisel !  Carrière sanglante !

Des camions… des soldats… Des moteurs grinçants… grondent…

Je risque un œil… Je vois Timbaud, Ténine… Ils montent

Dans le triste fourgon, mains liées ; mais leurs voix

Libres, frappant près d’eux  tous les chiens aux abois !

 

Soudain, La Marseillaise et L’Internationale.

Ils nous chantent leur foi ! C’est la lutte finale

Le camp répond. Le chant monte, s’enfle, grandit…

Ils partent… Les rumeurs s’estompent, c’est fini.

 

Vite on se rue dehors, on pleure, on chante, on crie.

Ils en ont pris vingt-sept ! et comble d’infamie ;

L’un de dix-sept ans à peine et trois moins de vingt ans.

Acte digne d’un tueur et non d’un conquérant.

 

L’année suivante, le 27 mai 1942, c’est cet épisode dramatique et ces hommes chantant l’hymne national en partant à la mort que rappelle Paul Claudel dans la lettre qu’il écrit au cardinal Gerlier, archevêque de Lyon et Primat des Gaules, en termes particulièrement vifs et indignés. Il y  dénonce l’attitude de l’Eglise de France  lors du décès du cardinal Baudrillart, ce « fervent collaborateur qui vient d’être honoré par de splendides funérailles officielles et religieuses […] Quand le cardinal abordera à l’autre rivage, les Vingt-sept fusillés, à la tête d’une armée dont le nombre s’accroît chaque jour, se mettront au port d’armes et lui feront une haie d’honneur. Pour l’émule de Cauchon, l’Eglise de France n’a pas eu assez d’encens. Pour les Français immolés, pas une prière, pas un geste de charité ou d’indignation » (Claudel, Journal, II, 1933-1953, éditions Gallimard, 1991, p.400-401, cité par Philippe Burrin, La France à l’heure allemande, 1940-1944, éditions du Seuil, collection Points n° H 238, p.228-229). On sait que pour le Te Deum à Notre-Dame du 26 août 1944 célébrant la Libération, le général de Gaulle interdit la venue du cardinal Suhard, archevêque de Paris, qui, début juillet 1944, avait honoré de sa présence dans le même lieu une messe d’’enterrement célébrée pour le ministre de la propagande de Vichy, le traitre Philippe Henriot, exécuté par la Résistance fin juin.

Beaucoup de récits de ces temps d’occupation évoquent le rôle de l’hymne national. Jean Guéhenno, dans son Journal des années noires (Editions Gallimard 1947, réédition en Livre de poche n° 1719, p. 420-421) : « 3 novembre 1943. Les Allemands fusillent tous les jours à Fresnes des condamnés ou des otages. V… raconte que c’est chaque matin la même scène admirable. L’ordre passe de cellule en cellule, par les gouttières, les tuyaux des cabinets, les conduites d’eau : à six heures pour ceux de la cellule trente-deux  […] À l’heure dite, toute la prison se met à chanter La Marseillaise ou Le Chant du départ. Les prisonniers ont cassé toutes les vitres pour que les victimes, en traversant la cour, entendent leur chant d’adieu. Les Allemands ont interdit de chanter, ils vont faire des exemples, torturer,  fusiller. Inutilement. La prison continue de chanter. La pensée d’une telle chose ne devrait pas nous quitter. »

Et quand un camp de concentration est libéré, c’est bien souvent la Marseillaise que chantent les déportés, chacun dans sa langue. Jean Léger, un rescapé des camps, raconte l’événement (Jean Léger, Petite Chronique de l’horreur ordinaire, éditions A.N.A.C.R. Yonne, Auxerre, 1998). À Allach, annexe de Dachau, le 30 avril 1945, alors que la veille les SS, après avoir abandonné armes et uniformes, se sont évaporés, « un casque pointe prudemment par-dessus les remblais, suivi par d’autres, les babelés sont franchis par les libérateurs… Une Marseillaise jaillit spontanément et il me semble l’avoir entendu chanter dans d’autres langues que la nôtre ». Ainsi, comme un  chant universel de liberté, de libération, la Marseillaise jaillit-elle en diverses  langues dans le camp enfin libéré.

Et c’est bien sûr une Marseillaise qui, sur la BBC en langue française, ponctue les annonces de victoire, comme l’armistice imposé le 8 septembre 1943 à Victor Emmanuel III et au maréchal Badoglio. Un auditeur attentif, Léon Werth, dans Déposition, journal de guerre 1940-1944, (éditions Viviane Hamy, 1992, p. 519), témoigne : « La nouvelle fut d’abord donnée brute, sans préparation ni commentaire, avec une Marseillaise pour point final. » Le même auteur rapporte, en date du 23 novembre 1940 (Déposition, p. 103), comment le père François, l’artisan en chaises, lui chante en sourdine le sixième couplet tout en achevant de pailler une chaise.

 « Il interrompt son travail mais ne lâche pas son brin de « laîche ». Et, comme s’il   disait une prière, à voix basse, mais détachant les mots, il chante : Liberté, liberté chérie/ Conduis, soutiens nos bras vengeurs

Il chante pour lui et pour moi. Il chante, comme il réciterait une prière… Un vieux chaisier me chante un couplet de La Marseillaise et je suis ému. » Comment pourrait-il en être autrement ?

Certes ce sixième couplet est celui qu’affectionne et fait chanter le Maréchal, au point que ses partisans l’appellent « le couplet du Maréchal », mais ici, par le contexte, ce n’est bien sûr pas le maréchal Pétain qui est vénéré mais la Liberté chérie…

Ce « couplet du Maréchal », Léon Werth, toujours dans Déposition (p. 157), en date du 21 janvier 1941, l’évoque indirectement à propos d’un tract collé, sans doute avec autorisation de proviseur, au lycée de Bourg-en-Bresse, sur le panneau officiel de l’établissement :

« Si vous voulez la liberté : PETAIN / Si vous voulez être esclaves des Juifs et des Francs-maçons : DE GAULLE ».

Rappelons ici, avec Guy Scarpetta (dans le hors-série du Monde intitulé 1945, un monde éclaté sort de la guerre) le souvenir de ce convoi de 750 déportés de diverses nationalités, dont des Français, des Polonais, des Espagnols, en transit de Toulouse à Dachau en juillet-août 1944, troupeau qui, sous bonne garde et faute de pont à proximité, passe à pied de la rive droite à la rive gauche du Rhône par une dure marche de 17 km. Traversant le bourg de Chateauneuf-du-Pape, les déportés chantent La Marseillaise, « comme pour signaler aux habitants enfermés chez eux qu’ils « sont la France ». Et l’auteur d’ajouter : « Plusieurs d’entre eux [rescapés de Dachau] me l’ont raconté, pour les uns, c’était avant tout un chant national ; pour d’autres un chant républicain ; pour d’autres encore un chant révolutionnaire. Et pour beaucoup, les trois à la fois. » La Marseillaise française et universelle…

Lors de la libération de Paris, c’est bien souvent qu’est entonnée La Marseillaise. Le père Bruckberger, acteur de l’événement, en relate divers épisodes dans ses Mémoires : « Le 25 août à 19h00 : chacun rectifie la position dans la cour d’honneur [de la Préfecture de Police]. Une haie de gardiens encadre l’escalier. Le drapeau est en bonne place. Dehors, boulevard du Palais, le général de Gaulle venu de l’Hôtel de Ville descend de voiture. La musique des pompiers joue « Aux champs ». Le chef de musique de la compagnie hors-rang fait un geste court et La Marseillaise éclate, bouleversante.  À travers nos yeux embués de larmes, nous voyons  Leclerc accueillir  de Gaulle…» Auparavant, dans les années 1941 et 1942, le père Bruckberger raconte des exécutions de prisonniers, dans leur majorité communistes, de la maison centrale d’arrêt de Clairvaux, en principe destinée aux droits-communs : chaque fois c’est encore une Marseillaise que chantent les condamnés et leurs camarades de prison. Comme il l’écrit encore : « le gouvernement de Vichy a cette honte de plus d’avoir fait du communisme un délit de droit commun et d’avoir ainsi pourvu les poteau d’exécution allemands ».

Dans la zone dite libre, l’hymne est au même moment de toutes les parades de l’armée de l’armistice à Vichy et dans les villes de garnison, armée qui masque la faiblesse de son armement et de ses finalités sous l’éclat de ses uniformes, drapeaux et chants. La Marseillaise entonnée par les autorités civiles ou militaires, avec en particulier la 6e strophe « Amour sacré de la patrie », qu’on appelle le « couplet du Maréchal », n’est pas la même Marseillaise que celle, subversive, qui est entonnée par les manifestants le 11 novembre, le 1er mai ou le 14 juillet, hors cérémonies officielles et bravant directement ces dernières. Bien sûr, on peut en dire de même de la cocarde ou du drapeau tricolores, identiques et si différentes par ce qu’ils symbolisent quand ils sont arborés, officiellement d’un côté, dangereusement, clandestinement et par défi de l’autre.

 

Ecusson des Chantiers de  la Jeunesse, août 1940

 

Pour la grande parade - « Fête du drapeau » - organisée au « camp de Vichy » le 28 juin 1941, le maréchal Pétain, accompagné de l’amiral Darlan, remet solennellement au général de la Porte du Theil, commissaire général des Chantiers de la Jeunesse, le drapeau des Chantiers, frappé de la francisque, devant deux mille jeunes qui viennent de multiplier chants et démonstrations de gymnastique dans la soirée précédente. Au moment de la remise, ces deux mille jeunes « créèrent dans l’enceinte pavée de lumière matinale et de leurs jeunes visages tournés vers le chef, « l’Hymne au Maréchal », qu’écrivit un prisonnier. Ils avaient répété quinze jours cet hymne, dans leurs camps, par équipes, à plusieurs tons. Fondu dans cet ensemble énorme de deux mille voix jeunes, lent, simple, de paroles  naïves : « Glorieux soldat de notre France, accueillez l’hommage de nos cœurs. Vainqueur de Verdun, Pur symbole de vaillance, que Dieu vous garde et vous protège et protège nos étendards », mais d’une musique si pure, si large et comme lithurgique [sic], il disait une ferveur surprenante, surprenant même pour ceux qui avaient entendu cent fois la puissance des cris d’amour allant au Maréchal. Aucun chant n’avait en France, depuis des siècles, atteint cette intensité et ce lyrisme calme » (Jean Bouchon, dans la plaquette « À 20 ans dans les Chantiers de la Jeunesse, supplément au n° 38 de Vaillance, l’hebdomadaire d’une France plus belle). » Le  journaliste, lyrique, poursuit : «  La Marseillaise qui suivit en pris une noblesse accrue. » Voici donc qu’un « Hymne au Maréchal » vient surpasser mais aussi, par sa proximité,  donner plus d’éclat à l’hymne national.

 

    

Une vénération, un culte du chef  comme jamais encore

 

Revenons à la Résistance qui brandit la Marseillaise hors programme officiel.

L’historien Jean-Claude Richard a étudié dans les Etudes Héraultaises de 2012, n° 42, le dossier du 14 juillet 1942 à Montpellier et aux alentours. Au chef-lieu du département, les cérémonies se sont déroulées dans la dignité et sans aucun problème selon le compte rendu publié le 15 dans la presse, sous contrôle : « C’est dans l’espoir et le recueillement, espoir dans les destinées de notre pays et recueillement envers ses morts et ses prisonniers que Montpellier a célébré la fête nationale ». Fête plutôt lugubre :  sonnerie aux morts et dépôt de gerbe à 8 h 30 au Monument aux Morts, cérémonies religieuses à 10h à la cathédrale et au temple protestant, toujours en présence des autorités qui se retrouvent dans l’après-midi au Petit Lycée, pour la distribution des prix dont le discours est confié au commandant de la 16e Division militaire, le général de Lattre de Tassigny, sur le thème suivant : « Le chef militaire est le chef de la jeunesse, avec en conclusion le rappel de « la figure légendaire… une promesse d’expérience… le Maréchal Pétain ». Évidemment le reste de la journée est tu par la presse et les autorités.

Mais le rapport du Commissaire de police au Préfet délégué présente la réalité, au chef-lieu et ailleurs. Il rapporte qu’«un gros effort de propagande a été réalisé par le mouvement clandestin Combat et par le parti communiste qui ont repris les thèmes de la propagande étrangère. » Il décrit en particulier la présence, vers 18 h 30,  d’une centaine de personnes qui ont chanté La Marseillaise à Palavas-les-Flots et poursuit : « À Montpellier, à la même heure, une centaine de personnes, comprenant surtout des femmes et des enfants et arborant des insignes, ont circulé lentement rue de la République par petits groupes ; l’un de ceux-ci a entonné La Marseillaise et, sur l’intervention immédiate des agents, s’est dispersé en silence. Rue Foch, le nombre de personnes qui s’étaient réunies à la même heure, dans  l’intention de manifester, peut être évalué à 500 personnes. Quelques unes, des femmes notamment, portaient également des rubans ou cocardes tricolores… des groupes qui avaient été refoulés dans les rues adjacentes entonnèrent La Marseillaise… L’intervention des pouvoirs publics n’a pas été critiquée, cette intervention ayant été sans violence. Cependant on s’est étonné fort que l’on empêche de chanter La Marseillaise». Suit la liste des 42 personnes arrêtées, dont le futur grand historien de la Révolution française, Albert Soboul, professeur de lycée qui est révoqué et, libéré, passe dans la clandestinité (en observation sur la fiche de police : « Sympathisant communiste, est l’amant de … »).

Ces manifestions sont le résultat des appels de mouvements de la Résistance intérieure et de ceux de la France Libre. À cause en particulier du retentissement de la manifestation étudiante presque spontanée du 11 novembre 1940 à Paris sur les Champs Elysées, c’est chaque année que, depuis Londres puis Alger, le général de Gaulle appelle les Français à manifester en espace public « dans le  morceau de France qu’on appelle non occupée », pour le 14 juillet et le 11 novembre, ou encore pour la fête du Travail ou celle de Jeanne d’Arc en mai. Il demande de pavoiser les maisons, de déambuler dans les villes et les villages  avec des éléments de tricolore dans leurs vêtements, et en chantant La Marseillaise. Ainsi pour le 14 juillet 1942, le général propose le scénario suivant : « … partout, La Marseillaise sera chantée d’une seule âme, à pleine gorge, les larmes aux yeux […] Les drapeaux ! c’est la fierté. Les défilés ! c’est l’espoir. La Marseillaise ! c’est la fureur. Il nous faut et il nous reste fierté, espoir et fureur. On le verra bien demain. » (Charles de Gaulle. Discours, t. I, p. 249, éditions Elgoff, collection Le Cri de la France, Fribourg-Genève,  1944)

La Marseillaise prête son nom à plusieurs journaux  résistants clandestins, souvent des journaux contrôlés par le PCF, comme celui de Marseille à partir de décembre 1942, publication qui se maintient  après la Libération. Dès novembre 1942, c’est encore le même titre que porte un hebdomadaire de la France Libre à Londres. 

Évidemment, les chants qui accompagnent La Marseillaise chez les manifestants et  résistants ne sont pas ceux que lui ajoutent les pétainistes, comme le Maréchal, nous voilà !, d’André Montagard, enregistré par André Dassary, une marche très enseignée et chantée dans les écoles mais bien plus rare que La Marseillaise dans les cérémonies officielles. Il faut souligner que les paroles de ce chant sont trop « boy-scout », voire trop  infantiles pour plaire aux adultes. :

 

« Tous tes enfants qui t’aiment et vénèrent tes ans,

   À ton appel suprême ont répondu « présent »

   Maréchal  nous voilà ! Devant toi, le sauveur de la France,

   Nous jurons, nous tes gars, de servir et de suivre tes pas

   Maréchal, nous voilà ! »

 

 

De nombreuses parodies  du « Maréchal, nous voilà ! », certes puéril,  ont été écrites et diffusées sous forme de tracts par des résistants (dans la revue Europe n° 543-544, 1974, « La Poésie de la Résistance », p. 212-213) :

 

"Tous les Français qui ragent

D’avoir été vendus,

Savent que, sans courage,

Hier tu t’es rendu

Maréchal, nous voilà !

Malgré toi, nous sauverons la France

Nous jurons qu’un beau jour

L’ennemi partira pour toujours.

Maréchal, nous voilà !

Nous avons retrouvé l’espérance

La Patrie renaîtra

Maréchal, maréchal, malgré toi !"

 

Plasticité de l’hymne phare issu de la Révolution française. Le chantent les fidèles du Maréchal, en zone dite libre, et dans des circonstances officielles très encadrées et surveillées. Le chantent les manifestants répondant aux consignes locales ou à celles venues de Londres puis d’Alger. Le chantent les otages et les résistants condamnés à mort. Le chantent les déportés, qui l’accompagnent parfois d’autres chants révolutionnaires. Les Français Libres, quant à eux chantent aussi la Marche lorraine, d’autres chants de la tradition militaire et le Chant des partisans de Joseph Kessel et Maurice Druon, chant nouveau en fait surtout connu et entonné à partir de la Libération, le danger désormais écarté.

 

Bernard Richard, agrégé d'histoire