Les Polonais en France 1939-1945

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Le bataillon polonais lors de la célébration de la libération de la ville par la 1re DMI, hospices de Beaune, septembre 1944. © ECPAD/Auclaire
Corps 1

1939-1940

 

Après la défaite de 1939, l'invasion et l'occupation de la mère-patrie, le gouvernement polonais se réfugie en France. À son appel, de nombreux Polonais arrivent dans ce pays afin de s'enrôler sous leur drapeau, en alliés des armées française et britannique en guerre contre l'Allemagne nazie depuis le 3 septembre.

 

Fantassins allemands fouillant des soldats polonaise avant de les faire prisonniers, périphérie de Varsovie,
Pologne, septembre 1939. © ECPAD/Fonds allemands

 

103 000 Polonais sont ainsi recrutés, dont 50 000 immigrés déjà en France. 8 000 soldats, 5 000 résistants tomberont. Reformée par le général Sikorski, l'armée polonaise, entraînée au camp de Coëtquidan, comprend les 1re division de grenadiers, 2e division de chasseurs, 3e et 4e divisions, 10e brigade blindée, des compagnies antichars…

En outre, des pilotes expérimentés forment la 1re escadrille de chasse à Lyon, le groupe 1/145 à Villacoublay. Ralliant les ports alliés, des navires de guerre polonais sont présents lors de l'évacuation de Dunkerque. La 1re brigade de chasseurs, commandée par le général Bohusz, se bat en Norvège avec le corps expéditionnaire français.

 

Défilé de troupes polonaises à l'occasion d'une remise de drapeaux à des unités de l’armée polonaise, Angers,
Maine-et-Loire, avril 1940. © ECPAD/Journal de guerre n°29, semaine du 19 avril 1940.

 

Le 16 mai 1940, la 1re division de grenadiers polonais (DGP), sous commandement du général Duch et forte de 16 000 hommes dont 500 officiers, est réserve d'armée en Meurthe-et-Moselle, en attente d'intervenir dans la bataille. Le 14 juin, elle est attaquée en Moselle et combat à Dieuze, Lagarde, Bidestroff. Ses grenadiers contre-attaquent même à la baïonnette. Le 21, l'ordre de retraite est donné. La 1re DGP perd 5 500 tués, blessés, disparus au cours de ces combats.

Les 18 et 19 juin, la 2e division de chasseurs, commandée par le général Prugar-Ketling, lutte aussi héroïquement dans le Doubs, à Damprichard et à Saint-Hippolyte, avant de se replier en Suisse avec le 45e corps d'armée français du général Daille.

 

Soldats polonais de la Brigade autonome de chasseurs de Podhale intégrée à la 1re 1re division légère de chasseurs français
sur un quai du port de Brest, Finistère, avant leur embarquement à destination de la Norvège, 23 avril 1940. © ECPAD/R. Jammaron

 

La 3e division, formée en mai 1940 en Bretagne et forte de 8 500 soldats, se concentre dans le secteur de front de la 10e armée française avec la 1re brigade de chasseurs revenue de Norvège. Mais, le 18 juin, Rennes est prise par l'ennemi, la 10e armée désemparée, son chef prisonnier. Les Polonais doivent gagner le sud de la Loire or, Nantes est envahie, la retraite coupée. La 3e division se disperse sans capituler. Certains Polonais sont récupérés sur la côte atlantique par des bateaux anglais.

La 4e division, refoulée de Saumur vers Toulouse, est inopérante et se dissout d'elle-même. La 10e brigade blindée du colonel Maczek n'a pu remplir un rôle offensif en Champagne, faute de missions appropriées. Elle subit le sort de la 4e armée et quelques-uns de ses éléments gagnent la Zone sud.

Les pilotes polonais, après s'être battus dans le ciel de Dreux, de Rochefort, sont dispersés à La Rochelle et à Marignane. Le commandant Depinski, blessé gravement lors de la bataille du 10 juin contre des Dornier 17 et des Messerschmitt 109, est soigné à Chartres. Entre le 10 mai et le 18 juin, cent pilotes polonais remportent 50 victoires, perdant 13 tués et 7 blessés.

 

Char Crusader de la 1re division blindée polonaise à Haddington, Écosse, en 1943.
© wikimedia commons/domaine public-source : Zbigniew Wawer, Wojsko Polskie w Wielkiej Brytanii 1940-1947, Warszawa 1992

 

La résistance

À l'issue de la défaite, de nombreux Polonais entrent dans la résistance active. Beaucoup vont le payer de leur vie, tués au combat ou fusillés. D'autres sont arrêtés, torturés, déportés, à Lyon, Paris, Arras, Carvin, Ostricourt, Sallaumines, Uchon, Versanne…

Le colonel Gilles commande les FTP de la région parisienne. Ce pseudonyme est celui d'un Polonais, Jozef Epstein, qui multiplie en 1943 les actions contre l'ennemi grâce à sa tactique des attentats en ville au moyen de forts détachements. Capturé, il est fusillé au Mont-Valérien. Le groupe Manouchian, où se trouvent des Polonais, provoque 80 attentats. C'est par exemple un Varsovien, Marcel Rajman, qui abat Julius Ritter, officier SS responsable du Service du Travail obligatoire (STO) en France, le 23 juillet 1943.

Le 9 juin 1944, dans le Vercors proclamé territoire libre, des Polonais se battent dans les rangs des maquisards, dont des militaires parachutés par Londres. Le 13, l'armée allemande attaque et prend Saint-Nizier qui est incendié. Les 20 et 21 juillet, l'ennemi lance une vaste opération où les résistants succombent sous le nombre. Parmi les victimes se trouvent des élèves et des professeurs du lycée polonais des Batignolles à Paris.

Armés, en unités, les Polonais sont en première ligne dans les combats de la Libération. En septembre 1944, un bataillon de FTP polonais participe avec bravoure à la bataille d'Autun. D'autres, des FTP-MOI luttent pour la libération d'Albi.

 

Pour le gouvernement de Vichy, les résistants sont des étrangers à la solde de l’URSS et de Staline. © MRN

 

En août 1944, dès le début de l'insurrection parisienne, le Comité polonais de libération lance son propre appel au soulèvement par affichettes rédigées en français et en polonais. La POW (Polska Organizacja Wojskowa), l'Organisation militaire polonaise, commandée par le lieutenant Jagoszewski, est forte de 300 hommes en armes qui dressent des barricades, luttent dans le Marais, rue Saint-Antoine, boulevard Beaumarchais, place de la Nation, place Maubert, œuvrant à la libération du 4e arrondissement. Un détachement attaque le ministère de la Marine avec les FFI et la 2e DB. Ceux de la Milice patriotique polonaise se distinguent en banlieue nord et aussi à Alfortville, Ivry-sur-Seine, Villejuif.

Sur plus de 1 000 Polonais combattant, une cinquantaine environ est tuée ou blessée.

À Montigny-en-Ostrevent (Nord) repose le capitaine Wazny. Venu de Londres pour organiser un réseau de renseignements polonais, il travaille sous le nom de code "Tigre", repérant les bases de V1 du Pas-de-Calais, indiquant les objectifs à bombarder. En été 1944, par messages chiffrés émis par poste, il envoie 200 rapports décrivant et situant 173 rampes de lancement ainsi que dix dépôts de fusées, fournit des renseignements sur les V2, des comptes rendus des attaques aériennes. Démasqué, il tombe dans un guet-apens à Montigny et est abattu par la Gestapo le 19 août 1944.

 

Prisonniers polonais évacués en véhicules de la Croix Rouge suisse, Buchenwald, Allemagne, 1er avril 1945. © ECPAD

 

1944-1945

Le 4 août 1944, la 1re division blindée polonaise (DBP), commandée par le général Maczek, débarque sur la côte normande dans le secteur Juno Beach. Cette grande unité (16 000 hommes, 480 tanks, 473 canons, 4 000 véhicules) a été créée en Angleterre le 26 février 1942, sur ordre du général Sikorski, membre du gouvernement polonais en exil.

Les soldats la constituant sont des rescapés des campagnes de Pologne et de France, des volontaires venus d'Amérique, des éléments divers regroupés au Moyen-Orient par le général Anders. Leurs armes, matériels, équipements sont fournis par la Grande-Bretagne. On retrouve aussi des Polonais dans la Royal Air Force et la Royal Navy, dans une brigade de parachutistes.

Débarquée, la 1re DBP, incluse dans la 1re armée canadienne, roule aussitôt vers Caen. Elle est constituée de la 10e brigade blindée (4 régiments de chars dont le 24e lanciers, le 10e dragons), de la 3e brigade de chasseurs (4 bataillons), d'un régiment blindé de reconnaissance, de 4 régiments d'artillerie dont anti-tanks et DCA, d'unités du génie, des transmissions, de santé, d'intendance et 2 compagnies dépannages-réparations.

Le 8, la division traverse les ruines de Caen, avançant vers la Dives avant d'être forcée de se replier avec des pertes sérieuses. Le lendemain, elle tente sans résultat une attaque vers Falaise. En deux jours, elle a perdu une centaine d'hommes et 56 chars.

Comme l'armée Patton avance avec succès sur Argentan, le général Montgomery confie aux 1re DB polonaise et 4e DB canadienne la mission de prendre le village de Trun afin de couper la route de repli à la VIIe armée allemande qui recule devant les Américains. Le 15 août, appuyés par de puissantes attaques aériennes, les dragons prennent Jort, sur la Dives, élargissent la percée, faisant s'écrouler la défense ennemie. Le 1er régiment blindé passe sur la rive sud. L'avance se fait sur Trun en conquérant Morteaux-Couliboeuf. Le 17, Norrey-en-Auge est atteint pendant que les Canadiens entrent à Falaise.

Partout, la bataille fait rage. Montgomery, pour accentuer l'encerclement, assigne comme objectif non plus Trun mais Chambois, plus au sud-est de 8 km. Très en pointe, la 1re DB fonce, parvient à Chambois et aux collines de Mont-Ormel. C'est à Chambois que la jonction est réalisée par le commandant Zgorzelski avec la 90e DIUS et avec des éléments de la 2e DB française venue d'Alençon.

Une terrible bataille de trois jours débute alors, les Allemands de la VIIe armée en retraite s'acharnant à faire sauter le verrou du couloir où ils s'entassent. Leurs fantassins et leurs chars attaquent sans relâche le secteur tenu par les Polonais. Le point crucial de la position est baptisé "Maczuga", la Massue, par le général Maczek qui décide d'y faire barrage coûte que coûte. Les combats les plus acharnés se livrent à la cote 262. Les Polonais sont comme assiégés par les assauts se succédant de tous les côtés.

Héroïques, ils brisent pourtant les assaillants, écrasent leurs tentatives, défont un corps d'armée dont ils capturent le général. Les 20 et 21, des unités blindées SS les attaquent à outrance. Le 8e chasseurs se bat jusqu'à succomber lorsqu'arrivent les Canadiens de la 4e DB amenant la victoire finale.

La 1re DB perd environ 2 500 tués et blessés. Elle fait 5 700 prisonniers, détruit 70 chars et 600 véhicules.

 

chars Nuits-Saint-Georges

Arrivée des premiers chars de la 1re DMI (Division de marche d'infanterie) à Nuits-Saint-Georges, Bourgogne, septembre 1944. © ECPAD/Auclaire

 

Elle entame la poursuite, vers Criquebœuf. Le 31 août, elle traverse la Seine sur un pont de bateaux jeté par ses sapeurs du génie. Le 2 septembre, ses éléments de tête atteignent la Somme, libèrent Abbeville le lendemain. Le 5, Saint-Omer est prise de haute lutte. Les Polonais vont ensuite entrer en Belgique.

En neuf jours, au prix de 494 hommes perdus, l'unité a parcouru 400 km, capturant encore 5 000 soldats allemands.

Les semaines suivantes, elle reçoit des renforts issus de 10 000 volontaires recrutés en France.

À la fin de 1944, des maquisards polonais sont par ailleurs dirigés vers le front des Vosges où ils sont intégrés à la 1re armée française en deux groupements d'infanterie : les l9e et 29e, comprenant 500 hommes sous les ordres des commandants Maslankiewicz et Gerhard. Ils se battent jusqu'en 1945 en Alsace, en Allemagne, en Forêt Noire.

La reconnaissance du combat des Polonais dans l'armée française, ou dans l'armée nationale polonaise sous les ordres du commandant en chef français, fait l'objet d'une convention bilatérale, le 1l février 1947, qui donne, à ces militaires et à leurs ayant-causes, accès sous conditions à la législation française des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.

 

Source : MINARM/SGA/DPMA