Reconvertir le patrimoine militaire

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Fort de Collioure qui accueille le centre national d’entraînement commando. © J-J. Chatard/DICOD

En visitant la France, il n’est pas rare de tomber sur d’anciens forts militaires, citadelles ou remparts, maintenus en l’état ou réaménagés. Autant de sites qui font partie du patrimoine du ministère des armées. Leur cession oblige l’État et les collectivités territoriales à réfléchir à leurs nouveaux usages. Dès lors, l’enjeu de la reconversion du patrimoine militaire réside dans la transformation - ou non - du paysage dans lequel il s’insère.

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Le patrimoine matériel de l’État est, pour l’essentiel, constitué de terrains et de constructions, d’infrastructures routières, d’infrastructures concédées à des tiers, principalement des autoroutes et des ouvrages hydrauliques, de matériels militaires en service ou en cours de développement, et de biens historiques et culturels. Le parc immobilier du ministère des armées représente dans ce bilan une emprise consolidée d’environ 275 000 ha (pour comparaison le département des Yvelines représente 228 400 ha), essentiellement située sur le territoire métropolitain. Forts, citadelles, remparts, casernes et autres installations opérationnelles militaires rythment le territoire français. Aborder le patrimoine immobilier militaire français, c’est se confronter à la très grande variété de plus de 75 000 bâtiments de toutes périodes, de toutes formes d’architecture, prévues pour tous types d’usage.

UN PATRIMOINE DÉFENSIF

Ces quelques éléments chiffrés montrent la part déterminante de la chose militaire dans la composition du paysage bâti de l’Hexagone. Du rempart au fort, de la citadelle au bastion, de la caserne aux équipements industriels, ce patrimoine n’est pas seulement le témoin de l’importance de la défense et de la protection des villes et des citoyens, c’est aussi le marqueur d’une époque, d’un style de défense. On ne construit pas un rempart comme on construit un bastion et encore moins comme on construit une caserne.

Si ce patrimoine bâti présente certes des objectifs communs (protection et sécurité), chacun de ces édifices possède une identité particulière qui en fait un cas d’espèce.

Il est délicat de dresser une typologie des constructions militaires au regard d’une si grande variété mais ces lieux/espaces disposent cependant d’un trait commun : ils s’organisent autour d’une construction hermétique, close. Il est question d’enceinte, de ceinture, de fort, de citadelle... Cela nous renvoie à l’image même que nous avons de ce patrimoine militaire construit : des enclaves impénétrables, inexpugnables, dotées d’une solidité à toute épreuve. Les matériaux employés participent de cette conception : pierre massive, béton, terre... autant que les épaisseurs bâties nous indiquent la nécessité de ne pas plier sous le joug des attaques. Même s’il s’agit d’un patrimoine aussi diversifié, nous savons identifier un ouvrage défensif au premier coup d’œil. Créneaux, meurtrières, fentes de tir, mâchicoulis, échauguettes, fossés... dévoilent l’identité du bâtiment. Nécessité ou simple expression de la puissance d’une ville, on retrouve ces éléments défensifs pendant de longues périodes, alors même que les systèmes défensifs évoluent rapidement et sont régulièrement modifiés. L’architecture militaire se suffit à elle-même, nul besoin d’ornementation, nul besoin d’un quelconque décor car l’importance est de défendre.

 

Exposition sur les piliers de la cour d’honneur des Invalides, 2014. © J-J.Chatard/DICOD

Exposition sur les piliers de la cour d’honneur des Invalides, 2014. © J-J.Chatard/DICOD

 

À la suite de la réforme des armées, engagée dès 1996, et de la nouvelle carte militaire instaurée et révisée en 2008, la question de ces immeubles très particuliers devenus inutiles aux besoins des armées a reposé avec acuité le sujet de leur reconversion. Que faire de ce patrimoine si vaste, si réparti et si divers lorsque les infrastructures ne répondent plus aux attentes de la nouvelle armée ?

Ces réformes se sont traduites en matière immobilière par deux types d’actions : une densification des sites militaires toujours actifs en rationalisant l’occupation spatiale du territoire ; ou l’abandon de sites devenus inutiles avec l’obligation de leur inventer de nouveaux usages pour accompagner les collectivités qui ont connu le départ des forces et éviter le coût de possession d’emprises sans intérêt militaire.

Ces deux axes de réforme se sont traduits par une réduction de l’empreinte immobilière de plus de 17 % depuis 2008. Le transfert de propriété peut avoir deux types d’objectifs au titre de ses nouveaux usages : une muséification ou un nouvel usage à inventer. Dans ce dernier cas, on parlera de reconversion.

VERS LA MUSÉIFICATION DES SITES MILITAIRES

Ces deux voies ont connu de nombreuses applications. La muséification est évidemment la voie la plus aisée et évidente dans un grand nombre de cas mais se limite progressivement au regard d’une offre déjà très développée dans le domaine. Même s’il y a une prise de conscience de la qualité architecturale, historique et urbaine de ces constructions défensives, celles-ci ont du mal aujourd’hui à être considérées comme des édifices utiles à l’évolution de la ville dans leur état actuel. Plusieurs solutions s’offrent à ces structures. On note principalement la volonté des collectivités, des entreprises, des associations, des fondations et de l’État de transformer ces édifices en témoins de leur propre passé culturel. Volonté de dynamisme économique et touristique ou prétexte au sauvetage de constructions, la mise à profit du patrimoine culturel afin de communiquer sur l’histoire d’une ville, d’une région, sur les évolutions territoriales et technologiques a révélé l’importance du patrimoine militaire.

Les villes, qu’elles soient de taille modeste ou importante ont relevé le pari du tourisme patrimonial militaire. Saint-Nazaire a réaménagé sa base sous-marine en "musée de la mer", accessible au public, accueillant un paquebot reconstitué, un sous-marin. À Paris, les Invalides accueillent le musée de l’Armée. Ouistreham accueille dans son bunker de la Seconde Guerre mondiale, le musée du Mur de l’Atlantique. Verdun a transformé ses forts de Vaux, Douaumont... en lieux de mémoire de la Première Guerre mondiale, intégrés à un parcours touristique comprenant d’autres musées et mémoriaux. À une plus petite échelle, d’autres villes mettent à profit leur patrimoine défensif dans un souci économique et touristique. À Pérouges, la Maison des Princes et la Tour de Guet accueillent un musée relatif à l’histoire de la ville. À Ambérieu-en-Bugey, le château des Allymes, construction du XIIIe siècle, a été sauvé de la ruine en 1960 en étant classé monument historique la même année et ouvert au public en 1966. Ces décisions font suite à la prise de conscience collective de la qualité historique et patrimoniale d’un édifice, mais souvent à la menace qui pèse sur l’avenir d’un tel bien. À Pérouges par exemple, la création d’un comité de défense en 1911 permet de sauver la cité, un temps menacée de destruction.

Deux possibilités s’offrent aux municipalités et aux organismes afin de promouvoir et de développer ces musées d’histoire et de patrimoine : restaurer le patrimoine, ce qui implique l’apport de fonds financiers, ou la conservation en l’état, option souvent choisie par les sites situés dans les petites villes, ou les sites marqués par des combats importants. Ainsi les sites de batailles, de sièges... ne peuvent pas être restaurés si l’on cherche à transmettre l’histoire du site, qui s’exprime également à travers ses stigmates.

 

Citadelle souterraine à Verdun. © R. Senoussi/DICOD

Citadelle souterraine à Verdun. © R. Senoussi/DICOD

 

Souvent ces structures muséales sont l’œuvre de passionnés regroupés en associations de petite taille qui militent pour la prise en compte et la valorisation du patrimoine militaire au niveau local.

Les villes ne peuvent cependant pas toutes financer un musée. Elles sont donc forcées de trouver d’autres moyens pour ne pas délaisser ce patrimoine, éviter la disparition d’édifices uniques et valoriser des emprises foncières de très grande taille souvent très bien situées et permettant de requalifier un morceau complet de ville, en intégrant ces projets dans celui, plus large, de la politique urbaine mise en œuvre.

UN ACCOMPAGNEMENT ÉTATIQUE DE LA RECONVERSION

En près de dix ans, ce sont plus de 90 sites qui ont ainsi fait l’objet d’études de reconversion et d’aménagement, avec l’invention de nouveaux usages et des partis pris architecturaux parfois très audacieux. Pour appuyer les collectivités dans cette démarche, l’État a mis en place plusieurs outils d’appui et de conseil aux collectivités.

Pour revitaliser les territoires après le départ des militaires, les contrats de redynamisation de site de défense (CRSD) ont été mis sur pied et adossés à des enveloppes de crédit financées, pour les deux tiers, par le Fonds pour les restructurations de la défense (FRED) du ministère des armées et complétées par des crédits du Fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT), que gère le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET). Le CRSD, qui est issu d’un travail partenarial entre le préfet de département, le ministère des armées, le CGET et les collectivités, répertorie l’ensemble des actions à caractère économique ou touristique, destinées à accompagner la transition des territoires. Des dispositifs d’accompagnement avantageux sont également prévus pour les entreprises qui s’installent sur les territoires en zone de restructuration défense (aides à finalités régionales, exonérations fiscales et sociales, crédits d’impôts, cession du foncier à l’euro symbolique, fonds de soutien aux communes...). 28 départements sont aujourd’hui concernés par la restructuration de 32 sites de défense. Ces contrats ont "un effet levier" important. Ils ont permis, par exemple, de générer des projets structurants pour les territoires, comme la création de pépinières et d’hôtels d’entreprises, la création ou l’extension de zones d’activité commerciale, l’aménagement de sites touristiques, la création d’activités de services notamment pour les personnes âgées ou, encore, la construction de logements. La reconversion des sites de la défense accompagne donc l’aménagement du territoire.

 

Fort de Vaux, Verdun. © R. Senoussi/DICOD

Fort de Vaux, Verdun. © R. Senoussi/DICOD

 

Par ailleurs, le ministère a mis sur pied une mission dédiée à l’assistance des collectivités dans la conduite des projets d’acquisition : la Mission de réalisation des actifs immobiliers (MRAI). Au sein de la sous-direction de l’immobilier et de l’environnement de la Direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), la MRAI est chargée d’évaluer le potentiel du site et vise à trouver une reconversion possible de ce dernier. En une trentaine d’années, le ministère a réalisé plus de 2 000 dossiers de cession de biens militaires.

Enfin, le dispositif de cession à l’euro symbolique permet au ministère des armées de céder les emprises reconnues inutiles dans le cadre des opérations de restructuration réalisées entre le 1er septembre 2009 et le 31 décembre 2014 aux communes les plus affectées par les restructurations, et ce afin d’éviter la création de friches militaires.

LE DÉFI DE L’INTÉGRATION DES SITES MILITAIRES DANS LE PAYSAGE URBAIN

Au-delà de ces outils, les réflexions en matière de reconversion posent d’emblée quelques questions communes à l’ensemble des dossiers. Lorsque les collectivités envisagent un projet de reconversion d’une emprise militaire, la question du désenclavement est immédiatement posée. Comment faire d’un site hier imperméable un nouveau quartier vivant ? Comment relier ce quartier à la ville ? Comment attirer de nouveaux habitants ? La plupart du temps, les porteurs de projet prennent le parti d’intégrer leur friche militaire dans le tissu urbain et de connecter ces nouveaux quartiers à la ville existante. Infrastructures routières, transports en commun, offre immobilière, pôles attractifs et services de proximité, tout est mis en œuvre pour que le quartier puisse fonctionner et retrouver une nouvelle vie.

D’autres questions se posent, relatives au bâti lui-même : faut-il privilégier l’effet contemporain de l’extension sur la construction existante, s’effacer devant le caractère du bâtiment, détruire, conserver ? Toutes ces questions sont prises en compte dans le cadre de l’étude de reconversion destinée à définir les nouveaux usages, les modalités d’aménagement et donc les modalités de mise en conformité du plan local d’urbanisme. L’expérience accumulée par la MRAI dans le domaine de la reconversion de sites militaires ces dernières années permet d’identifier trois scénarii principaux : d’abord le développement d’une activité économique ou sociale génératrice de développement économique ; ensuite la mise en place d’équipements collectifs et d’espaces publics ou encore d’une offre locative dans un tissu urbain très dense ; enfin la création ex nihilo d’un quartier nouveau de la ville mixant les activités et équipements.

Le premier scénario consiste à reconvertir l’ensemble des bâtiments industriels et militaires d’une friche militaire en locaux d’entreprises afin de créer un parc d’activités économiques d’envergure, souvent situé en périphérie des villes. Les opérations visant à doter les villes d’espaces publics entendent reconquérir des terrains intramuros et les transformer en parcs urbains, nouveaux poumons verts d’une ville et espaces de loisirs et de détente. Les restructurations sont ainsi l’occasion, pour des villes très denses, de se doter de nouveaux parcs en centre-ville. Le dernier type de reconversion est le plus répandu et le plus prisé par les villes et communautés urbaines. Aujourd’hui, les villes recherchent de plus en plus de terrains proches de leur centre pour répondre aux problèmes d’expansion urbaine, mais elles se heurtent souvent aux prix du foncier qui explosent. Reconvertir l’ensemble des friches militaires situées à proximité du centre-ville permet de densifier le tissu urbain, proposer de nouvelles offres immobilières, reconquérir des enclaves restées trop longtemps isolées alors qu’elles se trouvent au cœur du tissu urbain.

Ces futurs quartiers, parcs ou bien zones économiques, se situent sur des terrains marqués par l’histoire ou témoins d’une activité militaire et défensive aujourd’hui disparue. Tous ces projets ne peuvent donc pas s’affranchir d’une prise en compte du patrimoine bâti et de son histoire, dès l’élaboration des premières esquisses. Ils s’organisent étroitement autour de la notion de patrimoine. Lorsque l’on parle de patrimoine dans la reconversion d’une friche, on est souvent confronté à la question du bâtiment icône, témoin d’un passé militaire qui ne peut disparaître du paysage.

Conserver oui, mais être utile à la ville et contribuer à son développement est une réponse adéquate au contexte urbain actuel. Les reconversions des constructions militaires, aussi variées qu’elles peuvent être, se nourrissent d’une variété des édifices défensifs, mais aussi de la diversité de leur identité.

 

Cave à fromage du fort des Rousses. © G. Jaquemet

Cave à fromage du fort des Rousses. © G. Jaquemet

 

Au XXe siècle, l’intérêt pour ces structures en a fait des sites privilégiés et dotés d’une identité atypique. Si l’on voit un engouement pour la reconversion, c’est aussi parce que la variété des constructions implique une variété de nouveaux usages résidentiels, culturels, économiques, éducatifs qui touchent l’ensemble de la société.

Importance paysagère, patrimoniale et structurelle, le patrimoine militaire n’est pas amené à disparaitre aussi facilement du paysage urbain à l’heure actuelle. Cette réflexion sur ce patrimoine peut être étendue à l’ensemble des friches industrielles, ferroviaires, portuaires qui font également l’objet d’un vif intérêt de la part des architectes et urbanistes.

 

Edgar Perez - Sous-directeur de l’immobilier et de l’environnement (DPMA)
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Base sous-marine de Lorient

 

Base sous-marine de Lorient reconvertie. © S. Bourcier

Base sous-marine de Lorient reconvertie. © S. Bourcier

 

La base sous-marine de Lorient a été construite par les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale. Composée de 3 bunkers, Keroman I, II et III, de 2 Dom-Bunkers situés dans l’espace du port de pêche de la presqu’île de Keroman et d’un bunker situé à Lanester, elle s’inscrivait dans le dispositif de défense du Mur de l’Atlantique. Le tout a nécessité le travail de 15 000 personnes et le coulage de près d’un million de mètres cubes de béton. Les trois bunkers de Keroman comptent entre cinq et sept alvéoles destinés à accueillir des sous-marins allemands.

La présence de cette base allemande explique la destruction de la ville de Lorient par les aviations britannique et américaine en janvier et février 1943, puis la reddition tardive de la poche de Lorient le 10 mai 1945. Récupérée par la Marine nationale au lendemain de la guerre, la base accueille des sous-marins français.

Dans les années 1980, un projet de reconversion du site permet de donner un nouvel usage à ces installations remarquables : un pôle nautique spécialisé dans la plaisance et la course au large voit le jour en 1997 ; un centre d’affaires tourné vers le monde maritime ; un musée aménagé dans le sous-marin Flore, ainsi que la Cité de la voile Éric Tabarly en 2005.

 


 

Poudrière de la citadelle Vauban d’Arras


Citadelle d’Arras. © S. Compoint

Citadelle d’Arras. © S. Compoint

 

La citadelle d’Arras est construite par Vauban de 1668 à 1672, pour défendre la place d’Arras. Monument historique partiellement classé en 1920 et 1929, puis en totalité en 2012, la citadelle est inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2008, parmi les douze principales fortifications de Vauban. La citadelle est démilitarisée en 2010. L’État en confie alors la gestion à la Communauté urbaine d’Arras. Le projet de reconversion prévoit l’installation d’un pôle loisirs, d’un pôle logements et d’un pôle économique.

Au titre du pôle économique, une PME du domaine informatique propose une reconversion originale d’un des bâtiments: la poudrerie. Exploiter la technologie informatique dernier cri au cœur d’un site classé au patrimoine mondial de l’Unesco datant de 1670, c’est la prouesse réalisée au terme d’un investissement de deux millions d’euros dans la construction d’un data center. Il aura fallu restaurer le bâtiment historique en préservant son aspect tout en dissimulant les systèmes informatiques, électriques et de refroidissement placés en son cœur. Les façades du bâtiment ont été restaurées selon les techniques et les matériaux de l’époque mais, à l’intérieur de la poudrière, les murs abritent des serveurs informatiques dans des conditions hautement sécurisées.

Seule concession visible à la modernité, un discret lecteur externe de badge a été fixé sur la porte en bois extérieure du bâtiment. Après avoir franchi cette porte et un premier mur d’enceinte, on pénètre dans le data center par un sas vitré et blindé garantissant sécurité et confidentialité. Par chance, cet ancien site militaire occupé par l’armée nécessitait de la puissance électrique dont le data center a pu bénéficier, moyennant des adaptations. Le site dissimule aussi derrière ses murs une installation assurant la production de froid. Le recours à la géothermie permet de rafraîchir les serveurs informatiques de manière naturelle avec de l’eau puisée à 40 mètres de profondeur à une température d’environ 10° (à plus ou moins 2°). Elle passe ensuite par les échangeurs pour refroidir le système, avant d’être rejetée en aval à 17 degrés maximum. La tuyauterie liée au refroidissement ainsi que les câbles électriques utilisent les orifices et espaces aménagés à l’époque de la construction de la poudrière sous l’ère Vauban.

 


 

Fort des Rousses

 

Fort des Rousses. © J. Duvéré

Fort des Rousses. © J. Duvéré

 

À 1 150 m d’altitude, le fort des Rousses (Jura) qui date de 1840 est le plus vaste fort de France après le Mont-Valérien. Construit sous le Second Empire et situé sur une position dominante occidentale de la commune des Rousses, il est composé de trois bâtiments : Cavalier, Quitry, Saint-Germain qui sont les parties émergées de plusieurs niveaux souterrains. C’est une forteresse géante sur 21 ha qui, avec plus de 50000 m2 de salles voûtées en pierre et des kilomètres de galeries souterraines, accueille jusqu’à 3 500 hommes et 2 000 chevaux jusqu’en décembre 1874.

L’évolution de l’armement de siège le rend cependant rapidement obsolète. Le fort continue d’être utilisé par les militaires jusqu’en 1919, avant d’être abandonné. En 1925, et de 1930 à 1938, le fort abrite des colonies de vacances. En 1939, le fort retrouve un usage militaire. Son statut pendant la guerre diverge selon les sources, soit occupé par les Allemands, soit par la Croix-Rouge. Les unités françaises en reprennent possession en 1944.

Après la Seconde Guerre mondiale, le fort des Rousses devient le Centre régional d’entraînement physique militaire et de ski, avant d’être occupé par différents bataillons. En 1966, il abrite le Centre d’entraînement commando du 23e régiment d’infanterie, affectation qu’il conserve jusqu’en juin 1997, date de son abandon par l’armée. Dans les années 1960, il abrite également aux vacances de Pâques et d’été les stages de la Formation militaire interarmes pour les étudiants qui optaient pour la Préparation militaire supérieure afin de faire directement le "peloton des élèves officiers de réserve" lors de leur incorporation. Avec la fin de la conscription en 1997 et la création d’une armée professionnelle, l’État le vend à la commune pour accueillir l’entreprise de lunetterie Comotec et la société Fromageries Arnaud Frères.

Aujourd’hui, le fort a perdu sa vocation militaire et ses vastes souterrains sont utilisés pour l’affinage du prestigieux fromage "Le Comté" Juraflore. 55 000 meules de Comté profitent des conditions idéales fournies par des murs de 14 mètres d’épaisseur qui régulent la température à 10° dans une cave d’affinage de près de 214 mètres.