Aux bleuets, citoyens !

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Chapeau

Le centenaire de l’année 1918 donnera à beaucoup l’occasion d’arborer le Bleuet de France, né au lendemain de la Première Guerre mondiale. Symbole du souvenir et de la solidarité, le Bleuet maintient aujourd’hui sa vocation et vient en aide aux blessés et victimes de guerre.

Le Pèlerin n°3009 du 25 novembre 1934. © DR
Texte

En 2015 et 2016, les attaques terroristes ont frappé la France en son cœur. La guerre, si éloignée de notre territoire depuis plusieurs décennies, a surgi dans le quotidien des Français. Des millions de personnes se sont rassemblées dans les rues pour faire front contre la peur et le fondamentalisme liberticide, unies pour rendre hommage aux victimes disparues et témoigner leur solidarité envers celles qui, désormais, doivent survivre au traumatisme. Pour beaucoup, l’engagement des armées sur les théâtres d’opérations extérieures prend un sens nouveau.

Cet élan humaniste n’est pas sans rappeler celui qui avait resserré la nation, au lendemain de la Grande Guerre, autour des centaines de milliers de jeunes hommes blessés et mutilés, lesquels devaient se reconstruire et s’insérer dans la société. Il fallut trouver des fonds, parallèlement aux aides de l’État, dans cette entreprise sociale sans précédent. Une idée de génie germa alors dans l’esprit de deux infirmières de l’hôpital des Invalides : créer un atelier où des soldats en convalescence confectionneraient de petits bleuets en tissu, et dont la vente alimenterait une cagnotte solidaire. Un symbole national était né ! Car le bleuet était porteur de références. Pendant la guerre, les jeunes recrues, vêtues du nouvel uniforme "bleu horizon", étaient appelées affectueusement des "Bleuets" par leurs anciens. Bleuets et coquelicots étaient par ailleurs les seules fleurs à pousser sur les sols dévastés par les combats, évoquant la force de la vie. Le coquelicot (ou poppy) incarna quant à lui le souvenir en Grande Bretagne et dans les pays du Commonwealth. Il suscite encore aujourd’hui un engouement populaire.

À partir de 1934, l’État officialisa la vente du bleuet chaque 11 Novembre, alors que des ateliers de confection se multipliaient partout en France. En 1957, une nouvelle collecte fut autorisée, le 8 mai, au profit des combattants de la Seconde Guerre mondiale.

Qu’en est-il aujourd’hui du Bleuet de France ? Menacée de disparition, l’Œuvre  fut confiée en 1991 à l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG), établissement public sous tutelle du ministère des armées. Les campagnes de collecte, menées avec l’appui d’associations d’anciens combattants, des armées, de collectivités locales et de bénévoles de tous horizons, rassemblent chaque année un peu plus d’un million d’euros.

Depuis 2012, le sport professionnel français soutient cette action caritative : le Stade rennais FC fut le premier à arborer le bleuet en match officiel. À l’occasion du centenaire de la Grande Guerre, les équipes de France de rugby et de football, ainsi que des clubs de Ligue 1 et de Ligue 2, en deviennent les ambassadeurs. À l’exemple du président de la République, nombre d’élus et d’autorités militaires le portent lors de cérémonies mémorielles. Des initiatives plus que louables, relayées par les médias.

Fabriqués par des travailleurs handicapés, les bleuets sont vendus pour "aider ceux qui restent", combattants d’hier et d’aujourd’hui, soldats blessés, veuves, pupilles de la Nation, victimes de guerre et d’actes de terrorisme. Une partie des fonds finance également des actions de mémoire, notamment à destination des scolaires.

En cette année 2018, en mémoire des poilus, par solidarité pour ceux qui ont servi et servent la France au péril de leur vie, ceux que la guerre ou le terrorisme a meurtris à jamais, le port du bleuet est un acte citoyen fort, universel et intergénérationnel.


Auteur
Antoine Rodriguez - Directeur de service de l’ONACVG de l’Ille-et-Vilaine/ Alexandre FONS - Chargé de mission du Bleuet de France

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