Commémorer la guerre d’Algérie

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Chapeau

Le mémorial de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie est un haut lieu de la mémoire nationale du ministère des Armées. Son concepteur, Gérard Collin-Thiébaut, et les équipes de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG) reviennent sur le sens et l’utilité de cette œuvre.

Aperçu du mémorial rénové, à l’occasion du 60 e anniversaire de la signature des accords d'Évian et du cessez-le-feu en Algérie. Quai Jacques Chirac, 7e arrondissement (Paris). © Gérard Collin-Thiébaut
Texte

Pouvez-vous nous décrire l'oeuvre ?

Gérard Collin-Thiébaut (GCT) : Surplombant la Seine, le lieu choisi pour l’implantation du mémorial de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie rappelle aux militaires français le quai d’où ils ont embarqué pour se rendre à Alger. Le mémorial est constitué de trois colonnes alignées, séparées chacune de deux mètres, avec sur leur devant un espace ouvert sans obstacle, que tout promeneur peut traverser. Les colonnes présentent sur leur face avant un afficheur électronique. Sur la première, celle de gauche aux diodes bleues, et sur la troisième colonne, aux diodes rouges, se succèdent les noms d'environ 26 000 militaires et civils "morts pour la France", par ordre alphabétique et par année. Sur la colonne centrale, aux diodes blanches, défilent près de 1 700 noms de victimes civiles, dont 1 597 disparus, 49 victimes de la rue d’Isly, ainsi que les 101 noms de personnes enlevées dont les corps ont été inhumés. L'alignement de ces colonnes et la grille en arrière-plan évoquent en permanence le drapeau tricolore.

Deux totems, qui résument l’histoire et la symbolique du monument, se trouvent également sur site. Ils sont équipés d’écrans tactiles, reliés à la colonne rouge, qui permettent une recherche de noms et l’accès à un contenu historique, scientifique et iconographique.

Quelles actions de médiation mettez-vous en place autour du mémorial ?

ONAC-VG : Au même titre que pour les trois autres hauts lieux de la mémoire nationale en Île-de-France, la mission de l’Office est ici de rendre hommage, dans un objectif avant tout pédagogique. Cela se traduit, pour le mémorial, par l’accueil de groupes in situ, qu’il s’agisse de publics scolaires, de volontaires du Service national universel, d’individuels et/ou d’associations - mémorielles, combattantes, patriotiques – mais encore de groupes universitaires dont l’objet d’étude tourne autour de la construction mémorielle de l’histoire des conflits contemporains, de la Seconde Guerre mondiale aux opérations extérieures.

En complément, nous développons une programmation culturelle qui a commencé lors des Journées européennes du patrimoine 2020 par la présentation, sur site, d’une lecture théâtralisée des écrits de Germaine Tillion sur l’Algérie, créée en partenariat avec le Théâtre de l’Imprévu.

Une programmation ambitieuse nous accompagne pour cette importante année commémorative, afin d’évoquer la pluralité des mémoires de cette guerre, en lien étroit avec le programme Histoire et mémoires de la guerre d’Algérie conduit par l’ONAC-VG : conférences, représentations théâtrales en lien avec le théâtre du Gymnase – Marie Bell, (le 22 juin 2020, sur réservation) etc.

La rénovation du mémorial vient de s’achever. Quel était son objectif ?

ONAC-VG : Sous l’impulsion de la ministre déléguée auprès de la ministre des Armées, un groupe de travail, co-présidé par la Direction des patrimoines, de la mémoire et des archives et l’ONAC-VG, a été constitué en 2017 afin de réfléchir à la valorisation du mémorial et aux mémoires qu’il évoque. Il a rendu ses propositions en 2019, suggérant notamment une extension du site afin de sacraliser son empreinte et d’afficher clairement sa vocation.

Aujourd’hui, le mémorial de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie est un haut lieu qui propose un contenu historique, scientifique et mémoriel directement accessible sur site. Il permet un hommage aux morts et offre un véritable support de médiation.

GCT : Le projet de rénovation a définitivement affirmé la mémoire des personnes ayant donné leur vie lors de la guerre d’Algérie, ainsi que lors des combats du Maroc et de la Tunisie, et la diffuse avec fierté. Cette nouvelle version conserve l’essence même de l’oeuvre, son esthétique, ses proportions, mais la présence d’un nouveau périmètre au sol et d’une grille à l’arrière affirment la nécessité d’un tel monument avec mesure, dépouillement et pondération. Il en ressort aussi une gravité nouvelle, baignant dans la plénitude qu’apportent soixante années de réflexions sur ces conflits.


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