L’animal, partenaire du soldat du XXIe siècle

Partager :

Chapeau

Les animaux accompagnent depuis longtemps les hommes en temps de guerre, mais leur emploi a considérablement évolué ces dernières décennies. Celui-ci est toutefois de plus en plus controversé, et se heurte à des considérations philosophiques et éthiques. Face à cet écueil, la plupart des armées du monde travaillent au développement d’animaux-robots.

 

L’adjudant-chef Patxi, membre des forces spéciales Terre du 1er RPIMA de Bayonne, et son chien Lioda. © Bruno Bucher
Texte

Le recours aux animaux en temps de guerre n’est pas une invention récente et l’Histoire est parsemée d’exemples d’animaux guerriers. Si l’innovation continue des systèmes d’armes a amené des animaux tels que le cheval ou l’éléphant à quitter petit à petit le champ de bataille, certaines espèces sont toujours entraînées et déployées en opération pour leurs facultés exceptionnelles, pour des raisons budgétaires ou bien parce que la technologie n’a pas encore réussi à les surpasser. Ainsi, le Mozambique ou le Cambodge emploient des rats pour la détection des bombes, la France a déjà dressé des aigles pour lutter contre les drones et une multitude de pays ont pu utiliser des chèvres ou des cochons pour l'entraînement de leurs chirurgiens. Les animaux sont donc un élément essentiel au service des objectifs militaires, aujourd’hui et pour les conflits futurs. Le dévouement dont peuvent faire preuve les animaux justifie leur utilité, même dans un conflit moderne, et certaines espèces sont donc toujours entraînées pour leur rôle important sur un champ de bataille.

Cétacés et défense navale

Les mammifères marins sont très appréciés pour augmenter les capacités militaires en milieu maritime, où le niveau de conflictualité est amené à croître dans les prochaines décennies. L’US Navy conduit notamment le "Marine Mammal Program", basé à San Diego en Californie, qui s’intéresse au potentiel militaire des cétacés. De la même façon que des chiens sont utilisés sur terre, l'entraînement de dauphins, otaries ou lions de mer permet en effet aux unités de disposer de capacités de détection sous-marine supérieures aux technologies développées jusqu’à aujourd’hui. Les Américains ne sont pas les seuls à utiliser des mammifères marins : la découverte en avril 2019 d’un béluga au large des côtes norvégiennes, équipé d’un harnais avec des inscriptions russes, ainsi que la preuve par image satellite que l’armée russe avait posté des dauphins à l’entrée du port de Sébastopol en avril 2022 pour le défendre face à des incursions de drones ou de plongeurs, constituent un faisceau d’indices indiquant l’intérêt d’autres puissances pour de tels programmes, et la place essentielle que peuvent occuper les animaux pour contrôler l’espace marin.

Chien augmenté

Au-delà de la dimension marine, le chien est l’exemple le plus commun de l’utilisation d’un animal pour des opérations de sécurité et de sauvetage. Preuve de la pertinence de son emploi, le chien bénéficie aujourd’hui d’innovations dernier cri lui permettant de maximiser son potentiel. T&S Concepts et Morin, deux entreprises françaises, ont notamment développé le K9 Vision System, un casque à réalité augmentée canin équipé de caméras et de micros, et relié à une radio : avoir la capacité de commander un chien à distance, c’est être en mesure d’explorer un théâtre d’opération sur une vaste zone, plus rapidement et plus efficacement. Cette capacité est particulièrement appréciée des forces spéciales. Dans le même temps, le chien ne doit pas être encombré par un système qui le gênerait dans ses mouvements. C’est dans cet esprit qu’a été créé le K9 Vision System : "Notre objectif était de développer un système de transmission vidéo et radio de haute qualité, sans latence, qui maximiserait nos capacités opérationnelles, mais serait également confortable et sans restriction pour les chiens." explique Stéphane, responsable de la société T&S Concepts. Simple d’installation, le système est en mesure de proposer à l’opérateur une image en direct de la vision oculaire du chien. Le système permet de ne pas exposer inutilement des opérateurs, mais aussi de ne pas dévoiler le dispositif employé lors de la mission. Par ailleurs, les chiens sont souvent capables de faire à la fois de la reconnaissance, de la détection d’explosifs et de l’attaque, ce qui leur confère un rayon d’action très utile au commando. Ce gain de performance fait monter en capacités les forces spéciales, qui sont alors mieux à même de mener à bien les opérations les plus périlleuses.

 

Photo_Evenement_284

L’adjudant-chef Patxi, membre des forces spéciales Terre du 1er RPIMA de Bayonne, et son chien Lioda. © Bruno Bucher

 

C’est pour répondre au même objectif qu’a été créé l’adaptateur respiratoire canin évolutif, plus connu sous le nom de "projet Arcane". Les forces spéciales, après avoir fait le constat de l’apport opérationnel indéniable d’un chien au sein d’un commando, ont souhaité explorer la possibilité de l’embarquer durant leurs sauts opérationnels à très grande hauteur (SOTGH), qui s’effectuent depuis parfois 10 000 mètres d’altitude. Une équipe pluridisciplinaire s’est attelée dès 2017 à développer un système d’emport canin permettant à un maître-chien de réaliser un SOTGH en compagnie de son fidèle équipier, tout en permettant de préserver le bien-être de l’animal et de conserver ses capacités opérationnelles. Cette innovation a nécessité persévérance et pragmatisme de la part de l’équipe, afin de répondre aux exigences aéronautiques et organisationnelles d’un SOTGH en plus d’assurer la sécurité du chien et de son maître.

Concilier éthique et technologie

Grâce à leurs capacités hors normes et aux innovations technologiques, les animaux continueront d’influer sur le sort des combats futurs. Cependant, des questions éthiques liées au respect de la vie animale invitent à s’interroger sur la pérennité de ce modèle. Dans ce sens, plusieurs armées travaillent de concert avec des universitaires et des industriels pour la conception de robots à usage militaire, en ayant comme source d’inspiration les animaux. Par exemple, le concept de robot-chien a récemment été mis à profit par l’armée australienne qui a présenté en mars 2023 le système "Brain robotic interface" Il s’agit d’une interface permettant de contrôler un robot-chien par l’intermédiaire de la pensée de l’opérateur. Un capteur collé à l’arrière du crâne transforme les signaux cérébraux en consignes intelligibles pour le robot. Les résultats des premiers tests se sont révélés très concluants puisque la machine a suivi les ordres envoyés par l’opérateur dans 94 % des cas. En somme, à l’aide des capteurs et d’une visière à réalité augmentée, le soldat peut à la fois contrôler le robot et rester concentré sur son environnement.

Il n’est cependant pas encore temps de dire adieu aux animaux dans la guerre. En 2017, la société américaine Draper a ainsi annoncé mener le projet DragonflEye, un concept de "drone libellule" qui modifierait génétiquement les neurones de l’insecte, afin de pouvoir le contrôler à distance…


Auteur
Bastien Kirchhoffer - Jeune IHEDN/Comité Armées du futur

Articles de la revue