Christophe Blanchard

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Chapeau

Maître de conférences, docteur en sociologie et maître-chien, Christophe Blanchard est également coordinateur scientifique du programme militaire ARION. Mis en place au sein de l'armée de Terre, celui-ci a pour objectif de favoriser la réhabilitation des blessés grâce aux interactions positives issues de la mise en relation intentionnelle homme-animal.

 

Christophe Blanchard
Texte

 

Quel est le principe du programme militaire Arion et à quel titre y participez-vous ?

Le programme militaire ARION est un dispositif pluri partenarial porté par la Cellule d’Aide aux Blessés de l’Armée de Terre (CABAT), appuyée par le 132e Régiment d’Infanterie Cynotechnique (132e RIC) et l’Université Sorbonne Paris Nord (EXPERICE). Celui-ci est destiné aux militaires en état de stress post-traumatique (ESPT) ; il vise à permettre à un vétéran d’adopter un chien de refuge après avoir suivi un programme spécifique mis en place par les experts cynotechniciens du 132e RIC. L’évaluation de l’impact scientifique du programme est assurée dans le cadre d’une recherche universitaire que je coordonne et soutenue par l’Agence nationale de la Recherche. 

Pourquoi des chiens, plus que d’autres animaux, pour accompagner les blessés ? Comment sont-ils choisis ?

Même si l’accompagnement de blessés en ESPT peut s’appuyer sur différents types d’animaux, le chien reste l’auxiliaire idéal pour un programme de médiation adapté aux spécificités de cette pathologie. En effet, il est un être sensible et non-jugeant, capable de s’ajuster naturellement et rapidement aux changements d’états émotionnels d’un individu vulnérable. Rappelons que le chien est le premier animal à avoir été domestiqué par l’être humain il y a plus de 15 000 ans ! Ce long compagnonnage favorise des interactions fortes entre les deux espèces. Par ailleurs, le fait de pouvoir s’appuyer sur l’expertise de maîtres-chiens militaires permet de repérer les chiens qui sauront répondre aux besoins spécifiques des blessés du programme. C’est pourquoi le choix de sélectionner des animaux dans des refuges a été fait. Tout d’abord, parce que les bêtes abandonnées disposent elles aussi de qualités caractérielles adaptées aux blessés, mais aussi parce qu’il était important pour les participants au projet de s’engager dans une démarche vertueuse, où le bien-être de l’humain était pris en compte au même titre que celui du chien.

 

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Yoann et Pollux. Cérémonie de remise des Prix des Trophées des chiens héros 2021. Binômes primé dans le cadre du programme ARION.
Salon d’honneur de la Mairie de Paris, 15 septembre 2021. © Adocom/Centrale Canine

 

Comment le 132e RIC, qui assure en France toutes les missions spécifiques liées à l’emploi des chiens militaires, s’intègre-t-il dans ce dispositif ?

Le 132e RIC est un fleuron de la cynotechnie militaire française. C’est la maison-mère de celle-ci. Ses missions sont stratégiques avec l’achat et la sélection de chiens spécialisés pour l’ensemble des armées françaises, mais aussi opérationnelles avec la formation d’équipes cynotechniques capables de répondre aux défis d’engagements à haute intensité. Mais au-delà de ces missions, le 132e RIC est également soucieux de ses camarades blessés. C’est pourquoi le Régiment s’est engagé dès l’entame du projet auprès de la CABAT et de l’Université dans ce programme innovant. D’ailleurs, le nom même d’ARION a été choisi en hommage à un chien du Régiment, désormais décédé, qui avait soutenu un blessé du 132e lors de sa reconstruction physique et psychique.

Quels sont les premiers résultats ?

Le programme ARION fonctionne très bien. C’est avant tout un programme de remédiation et de ré affiliation pour des blessés psychiques qui se sont progressivement isolés socialement après leur traumatisme. Le dispositif de médiation canine porté par l’ensemble des acteurs n’a donc pas une visée thérapeutique au sens curatif du terme, mais ambitionne à favoriser la resocialisation des vétérans.

Les blessés qui ont suivi les stages ARION reconnectent très vite avec une réalité sociale et un environnement familial qui leur échappait. Il faut dire que les experts cynotechniques impliqués dans le programme ARION accompagnent le binôme "vétéran-chien de refuge" sur un temps suffisamment long pour que ce suivi ne soit pas juste un "stage d’animation" mais un accompagnement psycho-social durable. Ce dont on se rend compte, c’est que le mieux-être des blessés est perceptible mais qu’il peut aussi s’évaluer à travers le mieux-être du chien adopté. L’animal est un indicateur de la réussite du projet et de l’évolution du maître dans son cheminement.


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