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1943, reprendre l’offensive

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    Timeline
    Timeline
    1943, reprendre l’offensive
    Janvier 1943

    10 janvier : ordonnance allemande interdisant "toute publication qui nuit au prestige du Reich allemand, qui est préjudiciable à l'ordre et au calme dans les territoires occupés ou qui met en danger les troupes d'occupation".

    24 janvier : conférence interalliée de Casablanca (Anfa) : décision, notamment, d’un débarquement allié en Italie en 1943 et en France en 1944, capitulation de l’Allemagne, de l’Italie et du Japon sans condition exigée.

    30 janvier : Ernst Kaltenbrunner à la tête du Reichssicherheitshauptamt (Office central de la sûreté du Reich, RSHA).

    Février 1943

    2 février : victoire soviétique à Stalingrad ; capitulation de la VIe armée allemande.

    2-28 février : reconquête du Caucase par les Soviétiques.

    8 février : exécution des cinq étudiants résistants du lycée Buffon au stand de tir d'Issy-les-Moulineaux

    9 février : repli japonais à Guadalcanal ; victoire des Alliés disposant ainsi d’une base importante pour la protection de l’Australie et la reconquête du Pacifique Nord.

    16 février : instauration du Service du travail obligatoire (STO).

    18 février-20 mars : contre-offensive allemande victorieuse dans le Donetz.

    22 février : Exécution de Hans et Sophie Scholl et de Christoph Probst, résistants allemands de la Rose blanche.

    Avril 1943

    Parution du premier numéro de la revue clandestine Les Cahiers politiques d'Alexandre Parodi.

    4 avril : bombardement des usines Krupp, à Essen, ainsi que des usines Renault, à Boulogne-Billancourt, par la Royal Air Force.

    19 avril-16 mai : insurrection du ghetto de Varsovie.

    30 avril : transformation du camp de prisonniers de guerre de Bergen-Belsen, en Allemagne, en camp de concentration.

    Mai 1943

    5 mai : attaque du convoi allié ONS-5 par des U-Boote allemands se terminant par la perte de dix-huit d’entre eux ; considérée comme point culminant de la bataille de l'Atlantique, l'amiral Dönitz donnant l'ordre aux sous-marins d'interrompre leurs opérations.

    10 mai : troisième édition de la liste Otto des "Ouvrages littéraires non désirables en France".

    12-27 mai : conférence Trident, à Washington, entérinant le débarquement en Italie à l’été 1943 ainsi que celui sur les côtes ouest de la France au printemps 1944 et la poursuite de la guerre dans le Pacifique.

    13 mai : capitulation des forces de l'Axe en Tunisie : défaite des troupes germano-italiennes en Afrique.

    27 mai : création et première réunion du Conseil National de la Résistance, à Paris, rue du Four.

    30 mai : installation de De Gaulle à Alger.

    Juin 1943

    9 juin : arrestation à Paris du général Delestraint, chef de l’Armée secrète regroupant les éléments combattants des trois mouvements de la zone sud.

    15 juin : arrivée d'un premier convoi de prisonniers NN norvégiens au KL-Natzweiler.

    21 juin : arrestation de Jean Moulin et d'autres résistants à Caluire, près de Lyon.

    Juillet 1943

    5-13 juillet : bataille de Koursk ; victoire des Soviétiques.

    8 juillet : mort de Jean Moulin, chef de la Résistance française, durant son transfert en Allemagne.

    9, 12 et 15 juillet : arrivée des premiers convois de prisonniers NN français au KL-Natzweiler.

    10 juillet : débarquement allié en Sicile.

    12 juillet : contre-offensive soviétique dans le secteur d'Orel.

    14 juillet : publication du recueil L'Honneur des poètes aux Éditions de Minuit.

    24 juillet-3 août : opération Gomorrah (bombardements alliés sur Hambourg).

    25 juillet : destitution et arrestation de Mussolini ; gouvernement italien Badoglio.

    28 juillet : dissolution du parti fasciste en Italie.

    Août 1943

    Août-septembre : offensive soviétique victorieuse en Ukraine.

    17 août : prise de Messine par les Alliés.

    27 août : ouverture du camp de Dora, en Allemagne.

    Septembre 1943

    Parution du premier numéro clandestin des Cahiers de Libération publiant le Chant des partisans.

    3 septembre : armistice entre l'Italie et les Anglo-Américains (officialisé le 8) ; débarquement britannique en Calabre.

    9 septembre : soulèvement populaire des Corses ; débarquement allié à Tarente et à Salerne.

    9 septembre‑4 octobre : libération de la Corse.

    10 septembre : occupation de l'Italie du Nord et du Centre par les troupes allemandes.

    12 septembre 1943 : libération de Mussolini par les Allemands.

    13 sept.-4 octobre : bombardements alliés sur Bastia.

    14 septembre : reprise du contrôle de Bastia par les Allemands.

    23 septembre : fondation de la République sociale italienne de Salò par Mussolini.

    Octobre 1943

    1er octobre : prise de Naples par les Britanniques.

    4 octobre : libération de Bastia et de la Corse.

    13 octobre : déclaration de guerre de l'Italie à l'Allemagne.

    Novembre 1943

    Fermeture des camps de Treblinka, Sobibor et Belzec.

    20 novembre : reprise de Kiev par les Soviétiques ; opération Galvanic (débarquement américain victorieux sous le commandement de l’amiral américain Nimitz dans les îles Gilbert occupées par les Japonais).

    22 novembre : conférence du Caire, réunissant Churchill, Roosevelt et Tchang Kaï-chek sur l’intervention des Alliés contre les Japonais en Birmanie ; restitution après la défaite du Japon de tous les territoires conquis prévue.

    28 novembre-1er décembre : conférence de Téhéran, réunissant pour la première fois Joseph Staline, Franklin Roosevelt et Winston Churchill autour du plan de débarquement en France, la question territoriale polonaise et l’organisation future de l’Allemagne.

    décembre 1943

    24 décembre : nomination du général Eisenhower comme commandant en chef des forces alliées du débarquement en Normandie ; début de l'offensive soviétique Dniepr-Carpates.

    Summary

    DATE : 1943

    OBJET : Seconde Guerre mondiale

    LIEUX : Afrique, Europe, Pacifique

    ISSUE : Reprise des offensives alliées

    PRINCIPAUX ÉTATS IMPLIQUÉS : États-Unis, Grande-Bretagne, France, URSS, Italie, Allemagne, Japon...

    Si l’année 1942 marque le tournant de la Seconde Guerre mondiale, 1943 peut être qualifiée d’année de la guerre totale, mais aussi d’année où commence à se dessiner le monde de l’après-guerre voulu par les grands alliés. Pour la France, l’année 1943 est celle de l’unification de la Résistance et des premiers projets pour la France libérée.

    Le 24 janvier 1943, lors de la conférence de Casablanca, Roosevelt déclare en présence de Churchill : "Le monde ne peut retrouver la paix que par l’élimination totale de la puissance de guerre allemande et japonaise, ce qui permet de ramener les buts de la guerre à une formule très simple : la reddition inconditionnelle de l’Allemagne, de l’Italie et du Japon. La reddition inconditionnelle implique la ferme assurance de voir régner la paix dans le monde, pendant des générations. Elle n’implique pas la destruction du peuple allemand, pas plus que celle des peuples italien ou japonais ; mais elle implique la destruction en Allemagne, en Italie et au Japon d’une philosophie basée sur la conquête et l’asservissement des autres peuples."

    Cette déclaration intervient alors que la défaite finale des puissances de l’Axe devient le scénario le plus plausible, mais que nul ne sait encore combien de temps durera la guerre.

    La guerre contre le Japon

    Les Japonais ont atteint le maximum de leur expansion territoriale pendant l’année 1942. Leur empire va alors des Aléoutiennes – aux confins de l’Alaska – jusqu’à la Nouvelle-Guinée, proche de l’Australie. À l’Est, ils dominent une grande moitié de l’océan Pacifique et, à l’Ouest, contrôlent l’ensemble de la péninsule coréenne, ainsi qu’une grosse moitié de la Chine avec la totalité de son littoral. La ville de Chongqing, où s’est réfugié le gouvernement du Guomindang dirigé par Tchang Kaï-chek, est la seule grande ville chinoise à n’être pas occupée par les Japonais. En Asie du Sud-Est, ils ont imposé leur puissance sur l’Indonésie (Indes Néerlandaises), les Philippines et l’Indochine française. La Thaïlande est leur alliée et ils combattent les troupes de l’Empire britannique sur le front de Birmanie.

    L’année 1943 est pourtant marquée par le début de leur repli : au Sud de cet immense front maritime, ils doivent évacuer Guadalcanal le 7 février 1943, après six mois de combats acharnés qui leur coûtent près de 24 000 morts pour 36 000 soldats engagés (16 000 tués et 4 200 blessés sur les 60 000 Américains débarqués).

    En Chine, la bataille de Changde, en novembre-décembre 1943, oppose près de 200 000 soldats dont près de la moitié seront tués ou blessés avant que la ville soit finalement évacuée par les Japonais.

    En mer, les Américains étranglent le Japon avec une guerre sous-marine contre leur commerce et les affrontent directement dans de gigantesques batailles aéronavales comme la bataille des Aléoutiennes (24 mars-15 août 1943). À la fin de l’année 1943, l’offensive de MacArthur en direction de la Nouvelle-Guinée contraint l’armée nipponne au repli. Dans le Pacifique-Centre, la stratégie de l’amiral Nimitz est de conquérir progressivement des îles afin de s’approcher suffisamment du Japon pour commencer les bombardements aériens. Il compte, pour y parvenir, sur le tout nouveau B-29 conçu dans ce but et qui commence à sortir en série en juillet 1943 ; il pèse 61 tonnes et peut larguer 8 tonnes de bombes à 6 000 km de sa base, volant à 575 km/h et à 12 000 m d’altitude.

     

    Koursk

    Troupes soviétiques engagées dans la bataille de Koursk à l’été 1943. © akg-images/Sammlung Berliner Verlag/Archiv

     

    Le front de l’Est

    Les Soviétiques ne peuvent participer à cette offensive contre les forces japonaises, même si, le 31 octobre 1943, Staline s’engage à déclarer la guerre au Japon dès la capitulation de l’Allemagne acquise. Ils donnent en effet la priorité au front est-européen où la Wehrmacht a menacé directement Moscou et Leningrad en 1942. En 1943, l’Armée rouge continue d’assumer le poids le plus important de la guerre contre l’Allemagne nazie et poursuit sa contre-offensive entamée en juillet 1942. La poussée irrésistible des Soviétiques est symbolisée par la capitulation de la VIe armée allemande du général Von Paulus, à Stalingrad, le 2 février 1943 : 146 000 morts, 130 000 prisonniers. Stalingrad n’est toutefois que le début d’une série de reconquêtes : le Caucase, l’Ukraine et la Crimée sont repris dans la foulée. Le 25 septembre, les troupes soviétiques entrent dans Smolensk et, le 6 novembre, dans Kiev.

    À Koursk, en juillet, la Wehrmacht tente une dernière fois de retourner la situation en sa faveur en lançant une gigantesque offensive de blindés, mais les forces soviétiques, deux fois plus importantes, conduisent cette opération à l’échec. L’Armée rouge reprend ainsi peu à peu tous les territoires qu’elle a dû laisser à l’armée allemande depuis 1942 : Léningrad, qui a subi un siège de 900 jours, est dégagée.

    La bataille de l’Atlantique

    Pour aider les Soviétiques et le Royaume-Uni, l’acheminement du matériel du prêt-bail est indispensable. Les 48 milliards de dollars accordés aux pays alliés par Washington sous la forme de matériels militaires – Jeeps, tanks, avions, armes, vêtements… – impliquent le lancement d’une nouvelle génération de navires – le Liberty ship – mais cet acheminement se heurte aux attaques systématiques de la Kriegsmarine.

    De janvier à mars 1943 l’amiral Dönitz lance des attaques massives de sous-marins dans l’Atlantique-nord, coulant jusqu’à 590 234 tonneaux en mars 1943. Pourtant, dès le mois d’avril 1943, le tonnage détruit diminue de moitié tandis que 43 sous-marins allemands sont coulés. Les raisons de ce retournement sont à rechercher dans la supériorité technologique des Américains et des Anglais qui réussissent, en 1943, à casser les codes allemands de communication et accomplissent de grands progrès dans la détection des submersibles grâce à l’emploi du sonar. Le 25 mai, la Kriegsmarine doit se replier sur l’Atlantique-Sud. Plus grave encore, elle ne peut plus compter sur la maîtrise de la mer en Europe du Nord : la perte en septembre de deux de ses cuirassés : le Tirpitz et le Scharnhorst (le premier endommagé et le deuxième coulé), ouvre la route aux convois de la Royal Navy, qui peuvent acheminer, via Mourmansk, l’aide américaine du prêt-bail en limitant leurs pertes.

    Le rôle de l’innovation dans la victoire finale ne cesse de se renforcer. C’est en 1943 qu’Alan Turing conçoit le premier calculateur électronique "Colossus", destiné à décrypter les messages allemands codés sur la machine Enigma. En août de la même année, les Anglais et les Américains unissent leurs efforts dans le projet Manhattan, destiné à mettre au point une bombe atomique : 24 savants, appartenant à 13 nationalités différentes, sont alors impliqués dans le projet. La plupart sont des Juifs émigrés d’Europe.

    L’Allemagne sous les bombes

    1943 est l’année de la guerre totale en Allemagne. Au prix de pertes immenses, les bombardiers alliés larguent 135 000 tonnes de bombes sur Lubeck, Rostock, Brème, Stuttgart, Nuremberg, les agglomérations de la Ruhr, Hambourg et Berlin, bombardées à partir de novembre 1943. La production de guerre allemande ne diminue pourtant pas. Albert Speer, alors ministre de l’armement du Troisième Reich, pilote une économie de guerre où il utilise toute la main d’oeuvre disponible : partout dans l’Europe occupée, des travailleurs forcés doivent partir pour l’Allemagne. En avril 1943, 200 000 prisonniers français sont "transformés" en travailleurs civils avec l’accord du gouvernement de Vichy. 300 000 prisonniers russes – dont des francs-tireurs qui devaient être fusillés – sont envoyés dans les mines de charbon.

     

    deportation

    Déportation de Juifs après le soulèvement du ghetto de Varsovie, mai 1943. © akg-images

     

    La Shoah en 1943

    Les liquidations des grands ghettos et les rafles se poursuivent et alimentent cette machine de guerre : les déportés juifs aptes au travail sont utilisés pour l’économie de guerre, où ils gagnent un maigre sursis. À l’arrivée des trains de la mort d’Auchwitz-Birkenau, hommes et femmes valides sont séparés de leurs proches – enfants, malades ou personnes âgées qui prennent directement la direction des chambres à gaz – et sont affectés dans des usines ou des commandos. Les privations et le travail exténuant ne leur laissent le plus souvent que quelques mois de survie.

    Des révoltes ont lieu, dont la plus célèbre est celle du ghetto de Varsovie. Le 18 janvier 1943, deux organisations clandestines juives s’opposent par les armes aux déportations et celles-ci sont suspendues jusqu’à ce qu’Hitler décide la destruction totale du ghetto. Pendant un mois, du 19 avril au 16 mai 1943, 2 000 policiers et SS équipés de chars et de lance-flammes combattent la résistance armée. Un des chefs de l’insurrection dira : "Nous ne voulons pas sauver notre vie. Aucun de nous ne sortira vivant. Il s’agit simplement de sauver notre dignité d’hommes." Au terme de combats acharnés, le ghetto est détruit, les maisons incendiées et dynamitées avec les derniers résistants. C’est lors de ces événements qu’un policier nazi prend une photo, montrant un enfant les mains levées, et un groupe de femmes et enfants poussés hors de leur cachette. Cette photo, présentée au procès de Nuremberg, incarne l’horreur de la Shoah.

    La campagne de Tunisie et la libération de l’Afrique

    Cette mobilisation de toutes les forces du Reich n’empêche pas le recul inexorable de la puissance allemande et de leurs alliés italiens.

    La Tunisie, qui était sous l’autorité du gouvernement de Vichy, a été occupée par l’armée allemande après le débarquement anglo-américain de novembre 1942. Après avoir hésité, les troupes vichystes du général Barré, qui s’étaient portées sur la dorsale montagneuse tunisienne pour s’opposer aux troupes anglo-américaines, se sont finalement retournées contre l’Allemagne et le front s’est stabilisé pendant tout l’hiver le long de cette ligne. Dès le mois de janvier 1943, les Britanniques s’emparent de Tripoli en Libye et menacent les troupes germano-italiennes au Sud de la Tunisie. Les combats opposent les forces de l’Allemagne nazie (80 000 hommes) et de l’Italie fasciste (110 000 hommes) aux forces alliées composées de 130 000 soldats britanniques, de 95 000 soldats américains et d’environ 75 000 soldats de l’armée d’Afrique et des Forces françaises libres. La campagne débute par des succès des forces de l’Axe, mais la supériorité numérique et matérielle des Alliés s’impose au printemps. Le 13 mai 1943 les forces germano-italiennes de Tunisie capitulent, laissant 275 000 prisonniers de guerre.

     

    tirailleurs

    Tirailleurs dans la vallée de l’Oued-el-Kébir (secteur de Robaa ou du Djebel Mansour), mars 1943. © Auteur inconnu/ECPAD/Défense

     

    La guerre de Tunisie est le baptême du feu pour les troupes américaines dont Rommel avait constaté l’inexpérience – que Eisenhower confesse bien volontiers – mais aussi la puissance matérielle : pour leur attaque finale les Alliés disposent de 400 chars, les Italo-Allemands de 100 seulement. Ainsi l’Axe doit quitter l’Afrique. Mais la guerre a semé les graines de la future révolte contre le colonisateur : en janvier 1943, le leader du Néo-Destour, Habib Bourguiba, prend parti pour les troupes de l’Axe qui viennent d’occuper la Tunisie et déclare qu’il est du côté des puissances qui lui accorderont l’indépendance. Il est destitué et remplacé par le bey de Tunisie après la capitulation des troupes de l’Axe, mais son mouvement ne meurt pas, pas plus que le désir d’indépendance.

    La chute de Mussolini et le début de la campagne d’Italie

    La chute de la Tunisie rapproche la guerre de l’Italie : le 7 juillet, les Alliés débarquent en Sicile ; le 19 juillet, leur aviation bombarde Rome, ce qui pousse le roi à demander la formation d’un nouveau gouvernement. Dès le 25 juillet, le grand conseil fasciste démet Mussolini qui est arrêté. Le maréchal Badoglio devient chef du gouvernement italien et dissout le parti fasciste. Mais, en septembre, l’Allemagne réagit en occupant toute l’Italie (sauf le Sud de la Péninsule) et délivre Mussolini qui est proclamé chef d’une "République sociale italienne" totalement inféodée aux nazis.

    Pendant dix-huit mois, la guerre ravage l’Italie, opposant le Nord fasciste, et le Sud qui se rallie aux Alliés et acquiert le statut de cobelligérant. À l’automne, le front se stabilise au Sud de Rome, le long de la ligne Gustav qui a été fortifiée par l’organisation Todt. Plusieurs débarquements ont lieu et Naples est libérée le 1er octobre. Le 13, le nouveau gouvernement italien dirigé par Badoglio déclare la guerre à l’Allemagne.

    Les événements italiens montrant que Roosevelt est prêt à traiter avec des hommes issus du parti fasciste, Français libres et résistants peuvent craindre, lorsqu’il s’agira d’administrer la France libérée, que les Américains laissent en place des hommes de Vichy et marginalisent les forces qui ont lutté contre l’Allemagne. L’année 1943 est donc cruciale pour la France combattante : il s’agit d’unir ses forces pour préparer la Libération et permettre la création d’un gouvernement provisoire représentatif des hommes et des femmes, mais aussi de toutes les forces politiques qui ont combattu le nazisme.

    La France de Vichy sous le joug

    Dans la France métropolitaine, totalement occupée depuis novembre 1942, la zone italienne (Nice et le Sud-Est) est envahie par l’armée allemande le 8 septembre 1943, entraînant des rafles chez les Juifs qui y avaient trouvé refuge. Le gouvernement de Vichy doit par ailleurs se soumettre aux exigences croissantes d’une Allemagne qui pressure de plus en plus les territoires occupés. Sur l’ensemble de l’année 1943, les paiements représentent 36 % du revenu national et environ la moitié de la dépense publique française. Berlin exige aussi de Vichy que soient mobilisés les jeunes hommes des classes 40, 41, 42 qui doivent effectuer un service du travail obligatoire (STO) en Allemagne.

    Les Français, soumis aux répressions aveugles, au rationnement alimentaire et aux bombardements alliés, sont nombreux à s’opposer, plus ou moins ouvertement, à Vichy et au maréchal Pétain qui ne les a pas protégés. Le 6 janvier 1943, dans la gare de Montluçon, les communistes bloquent un convoi de requis en partance pour l’Allemagne. Les réfractaires au STO rejoignent les maquis. Les Résistants subissent toutefois une répression de plus en plus forte avec, le 30 janvier 1943, la création de la Milice par Joseph Darnand et la mise en place d’une justice d’exception. À la fin de l’année, Pétain accepte le contrôle allemand sur ses actes et le gouvernement de Vichy devient une simple marionnette dans les mains de l’Allemagne nazie.

     

    goumiers

    Après leur débarquement en Corse, les goumiers traversent la ville d’Ajaccio (1943). © FA/Roger-Viollet

     

    L’unification de la France combattante

    Non sans mal, la Résistance intérieure s’unifie et se coordonne avec la Résistance extérieure, elle-même divisée : le 13 janvier 1943, le général de Gaulle, chef de la "France combattante" (en juillet 1942, la France libre s’est donné le nouveau nom de "France combattante", marquant ainsi sa volonté d’unir l’ensemble de ceux qui, en France comme hors de France, continuent le combat contre l’ennemi) et le général Giraud, commandant en chef civil et militaire en Afrique du Nord, se rencontrent à Anfa. C’est le début d’un processus de rapprochement : le 30 mai, de Gaulle quitte Londres pour Alger où, le 3 juin, est formé un Comité français de libération nationale (CFLN) codirigé par de Gaulle et Giraud. Ce comité, embryon d’un gouvernement provisoire, est reconnu par les trois grands alliés le 3 août.

    Au CFLN, Giraud s’occupe des affaires militaires et négocie à Washington le rééquipement de l’armée d’Afrique et sa reprise du combat. De Gaulle en assume la direction politique et cherche à donner des gages de démocratie et de représentativité en y intégrant des hommes politiques venus d’horizons différents qui doivent s’appuyer sur une assemblée consultative provisoire, convoquée le 17 septembre 1943.

    Des événements de l’année 1943 comme la Libération de la Corse en septembre, avec l’accord de Giraud mais sans que de Gaulle ait été mis au courant, amènent une marginalisation de Giraud qui abandonne ses fonctions au sein du CFLN, le 27 septembre. L’intégration des troupes de la France libre et de celles de l’armée d’Afrique est entamée à partir de l’été 1943 et se traduit, le 20 novembre 1943, par la création à Alger de la direction générale des services secrets (DGSS), destinée à fusionner services secrets gaullistes et giraudistes.

     

    maquis

    Groupe du maquis de Vachères-en-Quint (Drôme), 1943/1944. Don de madame Poncet de Sainte Croix.
    © Service historique de la Défense, fonds du Comité d’histoire de la Seconde Guerre mondiale

     

    Jean Moulin et l’unification de la Résistance intérieure

    L’année 1943 marque aussi l’unification de la Résistance intérieure sous l’impulsion de Jean Moulin : retourné à Londres en février 1943, après avoir réalisé l’union, dans les mouvements unis de la Résistance (MUR), des mouvements non communistes de la zone Sud, il revient en France dès la fin du mois pour parachever l’unité en l’étendant à la zone Nord et à l’ensemble des organisations résistantes. Au même moment, deux autres émissaires de la "France combattante" sont parachutés en zone Nord : Passy-Dewavrin et Pierre Brossolette. Même si quelques chefs de mouvements de zone Sud, comme Henri Frenay, montrent des réticences envers de Gaulle, celui-ci est reconnu par un Conseil national de la Résistance (CNR) qui se réunit pour la première fois le 27 mai 1943 à Paris. Présidé par Jean Moulin, le CNR regroupe des représentants de tous les mouvements importants des deux zones, des partis politiques – communistes compris – et des deux centrales syndicales ouvrières.

    Ces manoeuvres d’unification n’ont pas échappé aux forces de répression et les arrestations se multiplient parmi les chefs des réseaux. N’ayant pas voulu se mettre en sécurité à Londres, Jean Moulin est arrêté le 21 juin 1943, à Caluire, par la Gestapo dont le chef à Lyon est Klaus Barbie. Longuement torturé, il garde le silence et meurt le 8 juillet 1943 dans le train qui le déporte en Allemagne. Sa mort est une tragédie pour la Résistance intérieure mais n’empêche pas les mouvements de continuer à se structurer avec la création, le 25 août, des délégués militaires régionaux qui doivent coordonner les actions militaires.

     

    casablanca

    De gauche à droite : le général français Henri Honoré Giraud, le président américain Franklin D. Roosevelt, Charles de Gaulle
    et le Premier ministre anglais Winston Churchill. Conférence de Casablanca, janvier 1943. © akg-images

     

    La conférence de Téhéran et ses ambigüités

    L’année 1943 entamée par la conférence d’Anfa, se clôt avec la conférence de Téhéran (entre le 28 novembre et 1er décembre 1943) où, pour la première fois, les trois "Grands", Churchill, Roosevelt et Staline, se rencontrent. Roosevelt s’engage à lancer un débarquement sur les côtes françaises en 1944 et cherche à faire accepter par l’URSS le principe d’une organisation des Nations Unies, avec un conseil de sécurité restreint, apte à maintenir la paix. Il accède donc, pour obtenir son accord, à certaines demandes de Staline : en Asie, octroi d’une base navale à l’Ouest de la Corée, annexion du Sud de Sakhaline et des îles Kouriles, en Europe, annexion de Königsberg et déplacement de la frontière polonaise vers l’Ouest.

    Les bases du monde de l’après-guerre – et de la guerre froide – sont désormais en place.

    Author

    Claude d’Abzac-Epezy - Historienne, chargée de mission au Service historique de la Défense

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