Louise de Bettignies

1880 - 1918

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Portrait de Louise de Bettignies.
Source : Archives départementales du Nord

Louise, la "Jeanne d'Arc du Nord", est la fille de Julienne Mabille de Ponchevillle et d'Henri de Bettignies - une famille de vieille noblesse wallonne du Hainaut fondatrice au XVIIIe siècle de la manufacture de faïence impériale et royale de Tournai.

Son bisaïeul, Louis-Maximilien implante une faïencerie au lieu-dit "Moulin des Loups" à Saint-Amand-les-Eaux. Henri de Bettignies vend l'affaire, peu avant la naissance de sa fille, en raison de difficultés financières. La jeune fille, désargentée, reçoit cependant les valeurs et l'éducation de son groupe. Elle fait ses études secondaires à Valenciennes, trouvant dans l'étude un exutoire à son indigence et à la mort de son père en 1903.

Elle se destine d'abord au Carmel, à l'instar de son frère prêtre et de sa soeur religieuse, avant de choisir de mettre à profit ses facultés intellectuelles en se plaçant comme gouvernante dans des familles anglaises et allemandes afin d'apprendre leurs langues et de découvrir l'Europe.

En 1914, les troupes allemandes envahissent le nord de la France. Louise prend part, en octobre, en compagnie de sa soeur, à la défense de Béthune, en ravitaillant les assiégés.

En février 1915, lors d'un séjour à Saint-Omer, la jeune femme est contactée par un officier français du 2e Bureau qui lui propose de servir son pays en tant qu'agent de renseignement, proposition renouvelée peu de temps après par le Major Kirke pour l'Intelligence Service britannique.

Après avoir obtenu l'assentiment de son directeur spirituel, le père Boulengé, l'auteur de son surnom de "Jeanne d'Arc du Nord", elle met en place, dans le secteur de Lille, conseillée par Monseigneur Charost, évêque de Lille, l'embryon du futur "Service Alice" ou "Service Ramble". Passant par la Belgique et les Pays-Bas, la désormais Alice Dubois transmet des informations en Grande-Bretagne. Elle est aidée dans sa tâche, à partir du printemps 1915, par la roubaisienne, Marie-Léonie Vanhoutte alias Charlotte Lameron. Cette dernière, ayant travaillé dès août 1914 à l'installation des ambulances, utilise son statut pour faire du renseignement. Elle met à profit ses voyages Bouchaute-Gand-Roubaix, destinés à transmettre des nouvelles aux familles des soldats et à distribuer le courrier, pour informer les services anglais sur les mouvements des troupes et les lieux stratégiques.

Le réseau Alice compte quatre-vingts personnes. Son efficacité est telle que les informations sont collectées et transmises en vingt-quatre heures. Deux pôles le composent. Le premier est destiné à surveiller la frontière belge et les mouvements allemands. Il est donc constitué par des observateurs et des passeurs placés à des endroits stratégiques : garde-barrières, chefs de gare, résistants locaux tels M. Sion, ou M. Lenfant, commissaire de police à Tourcoing. Le second est composé de personnes habitant la région de Lille, Frelingues, Hellemmes, Santes et Mouscron, pouvant justifier de fréquents déplacements auprès de l'autorité d'occupation. Ces personnes, parmi lesquelles Comboin dit José Biernan, Madeleine Basteins, Mme Semichon, Mme Paul Bernard, Mme de Vaugirard, Victor Viaene et Alphonse Verstapen, rapportent des renseignements sur les zones sensibles (emplacements de batteries d'artillerie, d'entrepôts, de postes de TSF...) et font office à l'occasion de courriers.

L'ensemble est complété par un laboratoire de chimie utilisé pour la reproduction de cartes, plans et photographies, mis à sa disposition par le couple Geyter. Les informations glanées sont retranscrites sur de minces feuilles de papier japon et acheminées, en grande partie à pieds, en Hollande, principalement par Louise de Bettignies et Marie-Léonie Vanhoutte, entre Gand et Bruxelles, puis Beerse.

À partir de mai 1915, Alice Dubois travaille épisodiquement avec le 2e Bureau du commandant Walner sous le pseudonyme de Pauline. Par son action, elle permet d'anéantir deux mille pièces d'artillerie lors des batailles de Carency et Loos-en-Gohelle. A l'été 1915, un nouveau réseau d'information est mis en place dans le secteur de Cambrai-Valenciennes, Saint-Quentin et Mézières. Il informe, à l'automne 1915, de la préparation d'une attaque sur Verdun. Après les phases de création et d'administration, Louise de Bettignies doit faire face à la contre-offensive des services allemands. Alice et Charlotte d'ailleurs se sentent suivies.

Le 24 septembre 1915, Marie-Léonie Vanhoutte, après un rendez-vous au Lion Belge (Bruxelles), est arrêtée à la pension de famille des Adriatiques, puis incarcérée à la prison Saint-Gilles. Les conditions de cette arrestation sont floues. Charlotte, d'abord, est priée avec insistance par MM. Lenfant et Sion de se rendre à Bruxelles pour transmettre un pli. Elle rate ensuite le rendez-vous initialement prévu, mais prend connaissance de deux cartes postales qui lui sont adressées à l'auberge. L'une est d'Alice, l'autre, d'un certain Alexandre, contient le message suivant : "Venez au plus tôt, ce soir ou demain, vers 8 h au Lion Belge. Journal à la main . il s'agit d'Alice". La police allemande enfin, la "promène", sans résultat, dans les rues de Bruxelles et lui demande d'identifier Louise de Bettignies sur une photographie. Louise, alors en Angleterre revient en France pour diriger les opérations.

Elle est à son tour mise aux arrêts le 20 octobre, à Tournai, alors qu'elle tente de traverser la frontière franco-belge munie de ses faux papiers. Son loueur de voiture, Georges de Saever, connaît le même sort. Dans la foulée les autorités allemandes organisent une confrontation et perquisitionnent chez les Geyter. Sur le terrain, les services de renseignement britanniques, tributaires des informations collectées par le réseau Alice, poursuivent son activité dans l'organisation de "la Dame Blanche", animée par les demoiselles Tendel. Louise retrouve son amie à la prison de Saint-Gilles dès le 26 octobre. Elles communiquent en tapant sur les tuyaux.

L'instruction est conduite par le juge Goldschmidt. Pendant les six mois d'enquête, Louise de Bettignies ne dévie jamais : "comme un renard dans son trou, elle ne montrait que ce qu'il fallait, parlant peu, niant toujours". Incapables d'établir avec certitude la relation Louise de Bettignies - Alice Dubois, les Allemands usent de stratagèmes pour recueillir quelques bribes de pièces à conviction pour étayer le dossier. C'est ainsi que Louise Letellier, une "compatriote", apparemment soumise aussi à la question, finit par obtenir de Louise de Bettignies la confession et cinq missives. La première phase de son plan achevé, le juge Goldschmidt utilise les informations contenues dans les lettres pour convaincre Marie-Léonie Vanhoutte de la trahison de sa compagne, mais en vain.

Le 16 mars 1916, le conseil de guerre allemand siégeant à Bruxelles auquel participent le général Von Bissing, et le conseiller de guerre Stoëber, condamne à mort Louise de Bettignies pour activités d'espionnage, sans pour autant avoir pu démontrer qu'elle est la tête du réseau. Sa peine est commuée en détention à perpétuité, probablement en raison de la notoriété de la famille de Bettignies. Marie-Léonie Vanhoutte et Georges, initialement condamnés à mort, reçoivent quinze ans de travaux forcés pour trahison commise pendant l'état de guerre en prêtant aide à l'espionnage.

Cette révision du jugement serait le résultat de la déclaration de Louise de Bettignies à ses juges - ses uniques propos en langue allemande de tout le procès ! -, reconnaissant ses responsabilités et demandant la grâce pour ses compagnons. Les condamnés purgent leur peine, à partir d'avril 1916, dans la prison de Siebourg près de Cologne, alors que, le 20 avril le général Joffre octroie à Louise de Bettignies une citation à l'ordre de l'armée. A la fin de janvier 1917, Louise de Bettignies est mise au cachot pour avoir refusé de fabriquer des pièces d'armement destinées à l'armée allemande et avoir entraîné le soulèvement de ses co-détenues.

Louise de Bettignies succombe le 27 septembre 1918 des suites d'un abcès pleural mal opéré. Elle est alors enterrée dans le cimetière de Bocklemünd à Westfriedhof. Son corps est rapatrié le 21 février 1920 sur un affût de canon.

Le 16 mars 1920, les Alliés organisent à Lille une cérémonie-hommage pendant laquelle la "Jeanne d'Arc du Nord" reçoit à titre posthume la croix de la légion d'honneur, la croix de guerre 14-18 avec palme, la médaille militaire anglaise et est faite officier de l'ordre de l'empire britannique. Louise de Bettignies, alias Alice Dubois, repose au cimetière de Saint-Amand-les-Eaux.

Le 11 novembre 1927, à l'initiative de la maréchale Foch et de la générale Weygand, une statue est inaugurée à Lille, sur le boulevard Carnot. A Notre-Dame de Lorette, une vitrine conserve la croix tombale qui a marqué la sépulture de Louise de Bettignies au cimetière de Cologne ainsi que sa citation à l'ordre de l'armée.

 

Sources : Louise de Bettignies et les femmes qui firent la guerre. Commémoration de l'année 1916, CDIHP du Nord
Ministère des anciens combattants et victimes de guerre - Poirier Léon, Soeurs d'armes, Tours, Maison MAME, 1938

Georges Clemenceau

1841-1929

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Portrait de Georges Clemenceau. Source : Gallica.bnf.fr

 

Né le 28 septembre 1841, à Mouilleron-en-Pareds (Vendée), Georges Clemenceau, après une enfance vendéenne, devient médecin comme son père et suit des études à Nantes puis à Paris en 1865. Il commence déjà à faire de la politique au Quartier Latin. A 24 ans, il est docteur en médecine et part pour les Etats-Unis afin d'y étudier la Constitution. Il y reste cinq ans et s'y marie. De retour en France, il participe à l'insurrection parisienne contre le régime impérial. Elu, à trente ans, maire de Montmartre puis député de la Seine, il est aussi conseiller municipal de Paris, président du conseil municipal en 1875 et député du Var en 1880.

Le Tigre

Clemenceau, chef de l'extrême gauche radicale depuis 1876, s'oppose violemment à la politique coloniale de Jules Ferry et est à l'origine de la chute de plusieurs gouvernements. Ce sont ses coups de griffe qui seront à l'origine de son surnom de "Tigre". Battu aux élections de 1893, il retourne à ses premières amours, l'écriture et surtout le journalisme. Il collabore à différents journaux dont l'Aurore où il fait publier l'article d'Emile Zola "J'accuse" en faveur de Dreyfus.

Sénateur du Var en 1902, il est ministre de l'Intérieur puis Président du Conseil en 1906 jusqu'à 1909. Il institue le Ministère du Travail et fait voter des lois sur le repos hebdomadaire, la journée de 10 heures, les retraites ouvrières mais réprime aussi durement des grèves. Renversé, il retourne alors dans l'opposition et fonde un nouveau journal: L'Homme Libre qui devient L'Homme Enchaîné en 1914 à cause de la censure.

Le Père La Victoire

Le 20 novembre 1917, Poincaré fait appel à lui pour être à nouveau Président du Conseil. Il sait prendre des mesures impopulaires, mais se rendre lui-même populaire en parcourant les tranchées la canne à la main (à 76 ans !). Il sait surtout faire confiance à Foch, contre l'avis des députés. Au lendemain de l'Armistice, Président de la Conférence de la Paix, il se montre intraitable avec l'Allemagne. Il n'est pourtant pas pleinement satisfait du traité, y ayant discerné les faiblesses.

Candidat à la présidence de la République en 1920, Clemenceau se voit préférer Deschanel. Il se retire de la vie publique et partage son temps entre Paris et sa petite maison de pêcheur à Saint-Vincent-sur-Jard, en Vendée, où il continue à écrire, s'alarmant du réarmement de l'Allemagne.

Il s'éteint le 24 novembre 1929, à son domicile de la rue Franklin à Paris.

 

Source : www.echodeschamps.com

Camillo Benso Comte de Cavour

1810-1861

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Portrait de Cavour. Source : www.fuhsd.net

(Turin, 10 août 1810 - Turin, 6 juin 1861)

 

Homme politique piémontais aux idées libérales, un des pères fondateurs de l'unité italienne, artisan du rapprochement franco-italien, négociateur lors du rattachement de Nice et de la Savoie à la France au traité de Turin, le 24 mars 1860.

Camillo Benso, comte de Cavour, est issu d'une famille de vieille noblesse piémontaise catholique et d'une mère Suisse et calviniste. Il choisit en début de carrière de rejoindre les rangs du Génie. Il démissionne de l'armée en 1835 en raison de ses opinions libérales. Il vit alors pendant vingt ans sur ses terres à Levi. Il s'intéresse alors aux nouveautés de son siècle : les techniques agricoles, le machinisme, les chemins de fer, les organismes de crédit. Il crée l'association agraire en 1842 et publie Etude des chemins de fer en Italie en 1846. Ses voyages affinent sa culture politique et sa maîtrise du français. En 1847 il fonde le journal Il Resogimento où il mène campagne pour l'établissement d'une monarchie constitutionnelle.

À partir de 1848, il est élu député conservateur, mais anticlérical, au parlement piémontais, et exerce diverses fonctions au gouvernement : ministre de l'agriculture en octobre 1850, puis des finances en 1851. Il s'impose dès lors comme une figure emblématique de la politique piémontaise. Partisan d'un agrandissement du Piémont au détriment de l'Autriche, il conclut de la défaite italienne de 1849 contre l'Autriche (traité de Milan, août 1849), à la nécessité de se trouver des appuis pour réaliser l'unité italienne sous l'autorité du Piémont. La France de Napoléon III lui paraît l'allié le plus adéquat. Lors du congrès de Paris, en avril 1856, suite à la guerre de Crimée, Cavour profite du siège qui lui est offert au titre des puissances belligérantes (une présence militaire plutôt politique et stratégique) pour poser le problème italien et tester les ambitions de la politique étrangère française. Cavour travaille alors à un rapprochement économique et culturel. Ainsi en 1857, commence-t-on les travaux du tunnel du Mont-Cenis. Par ailleurs il prépare la guerre contre l'Autriche en transformant notamment Alexandrie en forteresse et en créant l'arsenal maritime de La Spezia.

Ambassadeur italien lors de l'entrevue de Plombières avec Napoléon III en juillet 1858, il négocie pendant sept heures les modalités de l'alliance franco-piémontaise, à savoir : la conclusion d'une alliance militaire contre l'Autriche (confirmée en janvier 1859), la constitution d'un Etat italien confédéré, la cession par l'Italie de Nice et de la Savoie, le mariage du prince Jérôme Bonaparte avec la fille de Victor-Emmanuel II, roi du Piémont. Personnellement impliqué dans la marche à la libération italienne du joug autrichien, Cavour démissionne du parlement piémontais en juillet 1859 suite à l'armistice franco-autrichien de Villafranca.

Vainqueur sur le terrain, Victor-Emmanuel II poursuit sa politique d'unification de la péninsule en annexant les pays insurgés d'Italie centrale. Cavour, rappelé au gouvernement en janvier 1860 est alors chargé de négocier la ratification française moyennant la cession de Nice et de la Savoie par voie référendaire (traité de Turin le 24 mars 1860).

Soucieux des réactions françaises et autrichiennes, Cavour et Victor-Emmanuel II soutiennent en secret la marche sur Rome de Garibaldi. Après l'écrasement des troupes sardes et romaines, le comte établit dans toute l'Italie les lois et systèmes administratifs du Piémont. Il assiste le 14 mars 1861 au couronnement de son travail : Victor-Emmanuel II de Piémont est élu roi d'Italie par le premier parlement italien.

 
Sources : Jacques Destrais, Dictionnaire international des traités des origines à nos jours - Pierre Grimal, Dictionnaire de biographies, Paris Presses universitaires de France
Michel Mourre, Dictionnaire encyclopédique d'histoire

Clément Ader

1841-1925

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Autoportrait. © Musée Clément Ader

Clément Ader est le fils unique de François Ader, menuisier. Doté d'un esprit curieux et inventif, il s'intéresse dès son plus jeune âge au vol des oiseaux. Après son baccalauréat, il entreprend des études à l'Institut Assiot de Toulouse, et en sort diplômé en 1860.

Il entre au service de la Compagnie des Chemins de Fer du Midi de la France en 1862, et y travaille jusqu'en 1866, date à partir de laquelle il commence à déposer ses premiers brevets, notamment sur le "véloce caoutchouc" en 1868.

À partir de 1873, il se consacre davantage à ses travaux sur l'aviation. Construisant des maquettes, multipliant les plans et esquisses, il tente de résoudre les contraintes du vol : la charge alaire, l'efficacité de l'hélice, etc. En parallèle, Clément Ader dépose des brevets d'invention d'amélioration du téléphone et invente le théâtrophone en 1881. Il se constitue ainsi une fortune confortable.

De 1885 à 1890, Clément Ader travaille à son prototype, Eole, un "appareil ailé pour la navigation aérienne dit Avion", qu'il brevète le 19 avril 1890, et qu'il expérimente le 9 octobre de la même année dans le parc du château de Gretz-Armainvilliers au cours d'un vol de 50 mètres.

Ader continue ses recherches en secret, améliorant les performances du moteur, en vue de réaliser un deuxième appareil, l'Avion 2, pour lequel il signe un contrat avec l'armée. Le projet est abandonné en raison des coûts élevés de réalisation et de la réduction des crédits militaires en 1894.

Il finance de ce fait son troisième prototype, l'Avion 3, qu'il achève en juillet 1897 et essaie à Satoty les 12 et 14 octobre 1897 . vols au cours desquels il parcourt une distance de 300 mètres. En 1902 cependant, ne pouvant plus faire face aux coûts de fabrication et laissé par l'armée, Clément Ader renonce à ses travaux sur l'aviation.

Il se retire dans sa propriété de Muret en 1905. En 1906, à l'occasion de son vol à Bagatelle, la presse qualifie Santos Dumont de "premier Français qui ait volé". Clément Ader sort alors de sa retraite et décide de faire connaître ses travaux au public. Il publie La première étape de l'aviation militaire en 1907, puis L'aviation militaire en 1909, ouvrage dans lequel il expose ses vues sur le développement de l'arme aérienne dans les conflits à venir.

Sa valeur et l'importance de ses travaux lui sont reconnus, tardivement, lorsqu'il est élevé à la dignité de Commandeur de la Légion d'Honneur en 1922.

 

Source : Musée Clément Ader

Vincent Auriol

1884-1966

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Portrait de Vincent Auriol. Source : Musée Clément Ader

Vincent Auriol (27 août 1884, Revel - 1er janvier 1966, Paris)

 

Vincent Auriol est une personnalité incontournable de l'histoire contemporaine française. Chef de file du mouvement socialiste, négociateur des réparations de l'Allemagne en 1918, farouche opposant au régime de Vichy, il reste comme l'un des "Pères fondateurs" de la IVe République.

Vincent Jules Auriol naît à Revel (Haute-Garonne) dans une famille paysanne. Bachelier en latin-grec en 1902, il obtient sa licence en droit en 1905, année où il adhère à la fédération socialiste de Haute-Garonne, puis le grade de docteur en sciences politiques, avant de s'inscrire au barreau de Toulouse. Il collabore à La Dépêche du Midi, fonde avec Albert Bedouce, député-maire de Toulouse, le Midi socialiste, et entretient une correspondance régulière avec Jean Jaurès et Jules Guesde. Il épouse Michelle Accouturier en juin 1912 avec qui il a deux enfants : Paul (1918-1992), organisateur du maquis du Tarn, et Jacqueline (1912-2000), détentrice en 1952 du record du monde de vitesse sur avion à réaction.

À partir de mai 1914 jusqu'à mai 1936, il est le représentant socialiste de la ville de Muret à l'Assemblée où il se spécialise dans les questions économiques et financières, faisant partie, dès 1914, de la commission des comptes définitifs. Il soutient, lors de la conférence de paix, une politique de limitation de la créance sur l'Allemagne, de réparations des régions dévastées et d'annulation de toutes les dettes interalliées. En décembre 1920, il fait partie des douze députés socialistes qui suivent Léon Blum et qui refusent d'adhérer à la deuxième Internationale communiste.

Il est élu maire de Muret en mai 1925, il entre à la commission des finances qu'il préside de juin 1924 à juillet 1926, puis devient conseiller général de la Haute-Garonne pour le canton de Carbonne trois ans plus tard. Son activité parlementaire se marque par de nombreuses propositions de lois et son opposition continue à la politique financière des gouvernements Poincaré, Herriot, Daladier, Doumergue, Tardieu et Laval.

Auriol entre en juin 1936 dans le gouvernement de Léon Blum en qualité de ministre des finances. Il mène à terme la politique monétaire en procédant à la dévaluation du franc Poincaré et en créant le franc flottant. Garde des sceaux du cabinet Chautemps en 1937, il participe l'année suivante au second cabinet Blum où, ministre sans portefeuille, il assure la coordination des services de la présidence du Conseil.

Malgré la défaite de juin 1940, il refuse de voter, le 10 juillet, la délégation des pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Son opposition lui vaut d'être emprisonné à Pellevoisin puis à Vals-les-bains, aux côtés de Paul Raynaud, Georges Mandel et Marcel Dassault. Assigné en résidence surveillée à Muret entre 1941 et 1942, il entre dans la résistance et rejoint la France Combattante en octobre 1943, où il devient membre de l'assemblée consultative provisoire lors de sa première réunion à Alger. Son épouse, réfugiée à Lyon, participe au décodage des messages chiffrés de l'état-major allié.

À la Libération, ses compétences et sa fonction de président de la commission des affaires étrangères de la Constituante lui valent de représenter la France à la conférence de Bretton Woods.

Le 21 octobre 1945, il retrouve son siège de député de la Haute-Garonne, puis ceux de maire de Muret et de conseiller général. Il préside le groupe parlementaire socialiste et est appelé, en novembre, par le général de Gaulle au poste de ministre d'état chargé des rapports avec l'Assemblée.

Président de l'Assemblée Constituante en janvier 1946, il préside au retour de l'Assemblée nationale et à la fondation de la IVe République, qui l'élit à sa tête ainsi qu'à la destinée de l'Union française, le 16 janvier 1947.

En décembre 1953, son mandat achevé, Vincent Auriol retourne à la vie locale et familiale. Il voyage, écrit ses mémoires. Il publie Hier, demain, le Journal du septennat et Dix années d'administration socialiste. Au cours d'un congrès en Autriche en, décembre 1954, il est élu président d'honneur de la Fédération mondiale des anciens combattants et médaillés de la Résistance. Il intervient pour le retour au pouvoir du général de Gaulle en mai 1958, et devient membre de droit au Conseil constitutionnel en mars 1959. En totale opposition avec le secrétaire général du parti socialiste, il en démissionne en février 1959.

Éminence grise de la République, il continue de participer à la vie publique hors des querelles de partis.

Pour son engagement politique et militaire, Vincent Auriol est élevé aux dignités de Grand-Croix de la Légion d'honneur et Grand-Croix des ordres nationaux des trente-deux États étrangers, il reçoit la Rosette de la Résistance et la Croix du combattant volontaire de la Résistance, et est fait docteur honoris causa des universités de Columbia (New York), de Laval (Québec), Oxford et Rio de Janeiro.

Vincent Auriol décède à Paris, le 1er janvier 1966, des suites d'une fracture renouvelée du col du fémur dans sa propriété de Labourdette.

 

Source : Mindef/SGA/DMPA

Alfred Gaspart

1900-1993

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Au centre, Alfred Gaspart

 

Né en Argentine en 1900 de parents français, il revient en France quelques années plus tard pour effectuer ses études. Il est déjà passionné par l'art et la poésie, il s'inscrit alors dans les cours de l'École Germain Pilon et ensuite à l'Ecole nationale des Beaux-Arts de Paris, à l'atelier Cormon.

Dans les années trente, il s'installe dans le quartier Montparnasse à Paris où il se lie d'amitié avec Pierre-Albert Birot, André Derain, Jean Follain, Marie Laurencin, André Salmon. Peintre de la réalité (École française), il peint et photographie des figures, des paysages et des natures mortes.

Cet artiste se révèle au cours de ses cinq années de captivité (Stalag VII A à Moosburg - Bavière). Malade, souffrant de neurasthénie, il rencontre le jeune sculpteur Volti qui l'aide à survivre.

En 1943, Volti rentre en France avec une partie des dessins d'Alfred Gaspart. La même année, une bombe tombe sur son atelier et détruit une grande partie de son oeuvre, mais les dessins de Gaspart son épargnés et restent les témoins de cette vie douloureuse passée dans les camps.

En octobre 1944, sous le pseudonyme de "Timour", Alfred Gaspart reçoit le premier prix du Concours de la captivité par l'oeuvre YMCA de Genève.

Libéré en 1945, il se réfugie dans le silence et n'exposera plus malgré l'insistance de ses proches et de la Fédération nationale des combattants prisonniers. Il poursuit son oeuvre loin du public.

En 1993, il décède dans la solitude.

L'oeuvre de captivité de cet artiste se compose de 1840 pièces (toutes techniques et formats confondus). Ces dernières sont accompagnées de notes journalières (293 feuillets recto-verso) qui livrent la vie quotidienne , les pensées et les souffrances d'Alfred Gaspart. De nombreuses correspondances entretenues avec sa soeur Paule, qui est sa muse et sa complice, permettent également d'appréhender la vie de cet artiste.

 

Source : Mindef/SGA/DMPA

Mata Hari

1876-1917

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Portrait de Mata Hari. Source : www.arcobaleno.net

 

Margaretha Geertruida ZELLE est l'unique fille de Adam Zelle et de Antje van der Meulen. Son père, riche fabricant de chapeaux et de capes, lui porte une attention toute particulière. La petite fille, souvent prise pour une eurasienne en raison de son teint mat, montre un penchant précoce pour l'affabulation et la mise en scène. Le "cocon" familial se trouve brisé en janvier 1889 lorsque l'entreprise Zelle fait faillite. La famille déménage, Adam Zelle délaisse ses enfants, le couple se sépare le 4 septembre 1890. Le décès de Mme Zelle huit mois plus tard disperse la fratrie.

En novembre 1892, Margaretha entre à l'école normale de Leiden, dont elle est renvoyée en raison d'une liaison avec le directeur. Elle va alors vivre chez un oncle à La Hague. En mars 1895 elle répond à une annonce matrimoniale d'un capitaine de vaisseau de l'armée royale des Indes : "Officier de retour des Indes cherche jeune femme affectueuse pour mariage". Ce dernier, de dix-neuf ans son aîné, se nomme Rodolphe Mac Leod, alias John. Il représente l'autorité paternelle qui lui a fait défaut. Le 11 juillet, leur union est officialisée. Le 30 janvier 1897, résidant alors à Amsterdam chez une soeur de Rodolphe, le couple a son premier enfant, Norman John.

Au début du mois de mai 1897, la famille s'embarque pour Toempong (à l'ouest de Java), aux Indes néerlandaises, où l'officier Mac Leod doit rejoindre son poste. Les époux y ont une fille, Jeanne Louise dite "Non". La jeune femme s'intéresse aux danses balinaises et prend le pseudonyme de Mata Hari "oeil du jour" (nom du Soleil en Indonésie). Cependant, la vie conjugale sur place devient difficile. Margareth, grisée par les colonies, délaisse sa famille. Le couple se dispute sur fond d'adultère. Leur fils meurt à la suite d'une intoxication. En 1900, après vingt-huit ans de service, Rodolphe Mac Leod quitte l'armée.

En mars 1902, les Mac Leod retournent aux Pays-Bas et divorcent cinq mois plus tard. En dépit du jugement rendu, Rodolphe refuse son droit de visite mensuel, et soustrait l'enfant à la garde de sa mère.

En 1903, âgée de 26 ans, la Hollandaise vient à Paris. Sans emploi, elle regagne les Pays-Bas pour quelques mois avant d'entamer dans la ville éternelle une carrière de danseuse de charme sous les apparences d'une princesse javanaise dénommée "Lady Mac Leod". Elle débute au salon de Madame Kiréesky, puis, de salons privés en salons privés, sous son pseudonyme javanais de "Mata Hari", finit par se faire inviter par Monsieur Guimet, possesseur d'une salle de spectacle privée. Sa représentation le soir du 13 mai 1905 en princesse indienne totalement nue marque le début de sa vie mondaine. Elle y interprète avec d'autres artistes une variation d'une "danse hindoue" en l'honneur de la déesse Shiva. Le spectacle est un succès et comédiens sont invités à se produire devant les grands de l'époque : le 18 août 1905 à l'Olympia de Paris, en janvier 1906 à Madrid . à Monte Carlo elle joue dans Le Roi de Lahore de Jules Massenet (1842-1912) . à Berlin, à La Haye, à Vienne et au Caire. Ses talents artistiques sont toutefois à nuancer. Mata Hari a probablement inventé un type de chorégraphie appréciée dans les cabarets et les cercles pour qui l'exotisme est synonyme de lascivité, plus qu'elle n'a présenté de danses indiennes. Aux journalistes, l'interprète cède le pas à la comédienne : elle aime à présenter sa mère comme une princesse indienne, élève son père à la dignité de baron et ajoute : "je suis née à Java, au milieu de la végétation tropicale, et, depuis ma plus petite enfance, des prêtres m'ont initiée à la signification profonde de ces danses qui constituent un véritable culte." Ceci ne l'empêche pas, dès 1907, d'être éclipsée par les autres danseuses de charme, comme Colette, remplacées par les ballets russes quelques temps après. Mata Hari, voyant sa notoriété diminuer, finit par mener une vie mondaine, collectionnant les bienfaiteurs, toujours en quête de nouveaux amants.

Lors de la déclaration de guerre, Margaretha Zelle vit à Berlin auprès d'un ancien galant, Alfred Kiepert, hussard, en attendant de se produire au Metropol. Ses compétences linguistiques lui permettent de regagner les Pays-Bas puis de s'établir à Paris où, installée au Grand Hôtel, elle continue à vivre de ses charmes. Au début de l'année 1916, lors d'un voyage en Allemagne (Cologne, Francfort), Mata Hari, endettée par son train de vie, est contactée par Cramer, consul allemand à La Haye. Celui-ci lui propose de régler ses dettes, de donner 20 000 couronnes en échange de renseignements sur la France. Elle devient ainsi l'agent H 21.

De retour à Paris en juillet, elle noue des contacts avec les officiers alliés, et s'éprend d'un jeune capitaine de l'armée russe. Ce dernier, blessé, est soigné à Vittel. Mata Hari intrigue alors pour obtenir l'autorisation de se rendre à ses côtés. Elle entre alors en relation avec le capitaine Ladoux, officier du contre-espionnage français. En contre partie de cette faveur et d'un million de francs (jamais versés), il lui propose d'espionner le Kronprinz, un de ses anciens amants. Le Français se méfie d'elle : il la fait surveiller pendant toute la mission. Son travail achevé, Mata Hari est envoyée, au mois d'août, en Belgique puis au mois de novembre en Espagne, centre de la guerre secrète, sans argent ni directive précise. Les services secrets britanniques, croyant avoir affaire à l'espionne Klara Benedix, la mettent aux arrêts à l'escale de Falmouth et la soumettent à un interrogatoire serré alors qu'elle se rend aux Pays-Bas afin de gagner l'Allemagne. Le capitaine Ladoux télégraphie à son homologue, Sir Basil Thomson, afin de lever le doute.

Libérée, Mata Hari retourne à Madrid, le 11 décembre 1916, pour trois semaines. Elle noue des contacts avec l'attaché militaire de l'ambassade d'Allemagne, Arnold von Kalle, et communique aux services français une liste d'agents, un procédé d'encre sympathique et un lieu de débarquement au Maroc - cette "moisson" d'informations profite en réalité à Denvignes, en charge des communications, qui s'en attribue le travail. Entre-temps les services britanniques interceptent et déchiffrent les câbles de l'attaché allemand à Berlin. Ils confondent les identités de l'agent H 21 et de Mata Hari (en raison du manque de vigilance du lieutenant von Kroon), et obtiennent ainsi la preuve qu'elle est un agent double. Un des messages, consacré à la mise en place sur le trône de Grèce du prince héritier Georges mentionne que "l'agent H-21 s'était rendu utile". Une autre lecture des faits veut que von Kalle, se méfiant de Mata Hari, ait provoqué lui-même l'enquête en envoyant ces messages radio à Berlin dans un code facilement déchiffrable par les alliés.

Elle revient à Paris en janvier 1917 afin de retrouver son amant, avec l'espoir de d'une récompense et d'une nouvelle mission... Elle est arrêtée le 13 février à l'hôtel Élysée Palace par le capitaine Bouchardon, le magistrat instructeur, "prévenue d'espionnage et de complicité d'intelligence avec l'ennemi, dans le but de favoriser ses entreprises".

Elle est enfermée à la prison pour femmes de Saint-Lazarre. Pendant quatre mois, au gré de quatorze interrogatoires (du 23 février au 21 juin), Bouchardon finit par la confonde comme étant l'agent H 21 - cette dernière nie cependant avoir entretenu des relations avec le chef du renseignement allemand à Madrid, même si elle admet avoir reçu de l'argent du consul allemand Cramer dans le cadre de sa vie mondaine. Entraîné par le chauvinisme ambiant, Bouchardon ne prend pas en compte les services rendus par l'accusée - il n'y croit pas d'ailleurs : "féline, souple, artificieuse, sans scrupules, sans pitié, elle était une espionne-née", écrit-il dans ses mémoires.

Le procès, à huis clos, commence le 24 juillet 1917, devant le 3e conseil militaire au Palais de justice de Paris. La Cour est présidée par le lieutenant-colonel Somprou et le commissaire du gouvernement, le lieutenant Mornet - lequel déclare plusieurs années après le procès : "il n'y avait pas de quoi fouetter un chat." Son avocat, Maître Clunet, un ancien amant, est un expert réputé du droit international.

Hormis Jules Cambon, Vadim Maslov, et le diplomate Henri de Marguérie qui déclare n'avoir jamais abordé de sujet militaire en sa présence et pouvoir se porter garant de sa parfaite probité, aucun de ses anciens amants n'accepte de témoigner en sa faveur. Le procès, comme l'interrogatoire d'ailleurs, ne font pas la départie entre sa vie mondaine jugée immorale, son cosmopolitisme suspect, et ses activités de renseignement. Ils ne sont que le reflet d'une opinion publique française et alliée qui réclame des coupables pour les morts, les mutineries et autres maux de la guerre. A l'arrière, les ligues relayées par la presse entretiennent l'idée du complot ennemi, attisent la traque aux collaborateurs de tous bords. Margueritte Francillard est la première française fusillée pour espionnage le 10 janvier 1917. Mlle Dufays connaît le même sort au mois de mars. L'affaire Mata Hari, personnage au comportement pour le moins ambigu, est une occasion de plus pour renforcer la cohésion nationale - les archives britanniques montrent par ailleurs qu'elle n'a pas livré aux Allemands d'informations capitales (Léon Schirmann).

Au terme du procès, le tribunal la reconnaît coupable d'intelligence avec l'ennemi et la condamne à être passée par les armes - d'autres femmes sont jugées et condamnées pour espionnage pendant les derniers mois de guerre : Augustine Josèphe, Susy Depsy, Régina Diano, etc.

Au matin du 15 octobre 1917, à 6h15, sa grâce ayant été rejetée par le Président de la République Raymond Poincaré, Margaretha Zelle, ralliée au protestantisme depuis peu, est transférée en voiture cellulaire au polygone de Vincennes où l'attendent soldats et badauds. Mata Hari refuse qu'on lui bande les yeux. Onze balles et le coup de grâce asséné par un officier de cavalerie rassasient la vindicte populaire : "sa disparition réaffirmait l'autorité d'un pays rendu exsangue par une guerre meurtrière dont l'inutilité commençait à poindre" (J.-M. Loubier). Son corps, non réclamé, est mis à la disposition de l'institut médico-légal.

 
Source : MinDef/SGA/DMPA

Henri Queuille

1884-1970

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Alger. Henri Queuille, commissaire d'Etat. Source : DMPA/SHD

 

Fils de François Queuille et de Maris Masson de Saint-Félix, Henri naît dans une famille bourgeoise de province.

A la mort de son père, pharmacien, en 1895, les Queuille s'installent à Tulle où l'adolescent fréquente le lycée à partir de 1896. Le jeune bachelier entreprend des études de médecine à Paris, se liant alors d'amitié avec Maurice Bedel et Georges Duhamel, avant de s'installer en 1908 dans sa ville natale. Il épouse en 1910 Margueritte Gratadour de Sarrazin dont il a deux enfants : Suzanne et Pierre. Il connaît une rapide ascension politique : conseiller municipal en 1912, maire et conseiller général de Corrèze l'année suivante, député en 1914.

Pendant la première guerre mondiale ses états de service de médecin dans diverses ambulances du front de l'est lui valent la Croix de guerre 14-18.

Membre modéré du parti radical, il entre au gouvernement d'Alexandre Millerand en juillet 1920 comme sous-secrétaire d'Etat à l'Agriculture. Reconnu par ses pairs, il multiplie les portefeuilles (Agriculture, Santé, Postes, Travaux publics, ravitaillement), étant ainsi nommé dix-neuf fois ministre de 1920 à 1940. Il est le principal initiateur de la politique agricole française de d'entre-deux guerres (création du génie rural, création et organisation de l'enseignement agricole, développement technique des campagnes, etc.) . il préside notamment la Fédération nationale de la mutualité et de la coopération agricole.

Il procède à la nationalisation des chemins de fer et à la création de la SNCF, et dirige l'Office national des mutilés, combattants, victimes de guerre et pupilles de la nation (1937). En 1939 il publie : Le Drame agricole : un aspect de la crise économique.

Républicain convaincu, conciliant avec les socialistes, il devient un proche d'Edouard Herriot, mais refuse refus de voter les pleins pouvoirs au maréchal Pétain le 10 juillet 1940. Il est alors révoqué de ses fonctions de maire de Neuvic. L'engagement de son fils Pierre dans la Résistance facilite ses contacts avec la France libre. Hettier de Boislambert le persuade de partir pour le Royaume-Uni.

Il gagne Londres en avril-mai 1943, en compagnie d'Astier de la Vigerie, de Daniel Mayer et de Jean-Pierre Levy, en dépit de sa méfiance envers de Gaulle. En mai il lance à la BBC un appel aux paysans de France, puis est nommé président de la commission du débarquement chargée de mettre au point les mesures à prendre dès la Libération. Deux mois plus tard, le gouvernement de Vichy prend un décret aux termes duquel Henri Queuille est déchu de la nationalité française et de son mandat de sénateur. En août, il part pour Alger, où de Gaulle, en rassembleur des partis politiques, le fait entrer au Comité français de Libération nationale (CFLN) en novembre 1943. Queuille se fait décharger de ses fonctions en septembre 1944, alors que le gouvernement s'installe à Paris, pour retourner à sa carrière politique, élu alors maire en octobre 1945 puis député aux élections législatives de 1946.

Les souvenirs des années de guerre du médaillé de la Résistance paraissent dans Journal 1939/1945.

Fidèle d'Édouard Herriot, il officie au gouvernement de la IVe République entre juillet 1948 et juin 1954. Etant par trois fois président du Conseil, il endigue l'agitation sociale, la montée du gaullisme et l'instabilité gouvernementale en menant une politique qualifiée d' "immobilisme", n'hésitant pas à, employer le force (en octobre-novembre 1948) et à retarder les élections . une politique cependant qui permet à la République de se maintenir.

Son activité en matière de politique étrangère aboutit à la signature en mars 1949 d'un accord franco-vietnamien, quasi-reconnaissance de l'indépendance de la colonie, à l'adhésion de la France au pacte Atlantique et la mise en oeuvre du plan Marshall le mois suivant.

Battu aux élections législatives de 1958, Henri Queuille s'en retourne à une vie politique locale. Il transforme sa commune en station de loisirs, y crée un lycée agricole et un collège technique. Continuant son travail de mémoire entrepris dès 1944, il rassemble archives, documents, témoignages et objets sur la Seconde Guerre mondiale et la Résistance, constituant ainsi le principal fonds du musée qui porte son nom.

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

Louis Adrian

1859-1933

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Louis Auguste Adrian. Source : Archives départementales de la Manche

 

Du lauréat du concours général au chevalier de la Légion d'Honneur

Louis Auguste naît en 1859 dans une modeste famille catholique de Metz, de Jean Louis (receveur du gaz) et de Cornélie Joseph. La défaite de 1871 contraint les Adrian à l'exil, d'abord à Saint-Omer puis à Bourges, enfin à Tours (5 rue Sully). Boursier, élève brillant au lycée Descartes, il devient lauréat du concours général en 1878. Polytechnicien en 1880, il choisit le Génie, reste un an à l'École d'application de Fontainebleau avant d'être nommé lieutenant au 3e régiment d'Arras. Voici la description physique consignée dans le fichier des anciens élèves de l'École polytechnique : "Cheveux châtains clair - Front ordinaire - Nez moyen - Yeux bleus Bouche moyenne - Menton rond - Visage ovale - Taille 170".

Capitaine en 1885, il rejoint la chefferie de Cherbourg pour travailler au programme d'édification des nouvelles casernes de la Manche ainsi qu'aux ouvrages de défense des côtes. La vie de garnison lui fait connaître Saumur, Rennes, Granville, où il épouse en 1889 Marguerite Pigeon.

En 1885 il organise l'envoi et prend part au corps expéditionnaire de Madagascar. Sur place, il coordonne la logistique : amélioration du réseau routier, édification de ponts et de baraquements légers. Vaincu par le climat et le service, il est rapatrié en décembre 1895, avant d'être décoré à 36 ans, pour faits de guerre, de la croix de chevalier de la Légion d'honneur.


Le réformateur de l'Intendance

Adrian est affecté à la chefferie de Paris rive droite, puis suit le cours préparatoire à l'admission dans l'intendance. En mars 1898, alors sous-intendant militaire de 3e classe, il officie en tant que chef de service à la sous-intendance de Valenciennes. Il fait paraître dans la Revue de l'Intendance des articles sur la recherche et l'utilisation des ressources dans le Nord et rédige un manuel d'instruction à l'adresse des officiers suppléants aux sous-intendants.

En 1900, il est nommé à la première sous-intendance de Paris au service des Subsistances. L'année suivante il vérifie les comptes des corps de troupe à la deuxième Sous-intendance de Vincennes, et dispense des cours aux élèves, officiers stagiaires de l'Intendance.

En juillet 1904, alors 2e classe, il regagne Arras. Adrian, nommé sous-directeur de l'intendance au ministère de la guerre, est ensuite chargé de traquer les fraudes et entreprises de corruption des fournisseurs de l'armée auxquelles il remédie en proposant un nouveau cahier des charges de l'Intendance, source d'une amélioration des conditions de vie des effectifs. Ce travail lui vaut un avancement à la première classe en décembre 1908, ainsi que son inscription, le 20 juillet 1911, au tableau du concours pour le grade d'officier de la Légion d'honneur pour "services exceptionnels rendus à l'occasion de la reprise par l'Etat du matériel des Entrepreneurs de Lits Militaires" - il reçoit sa décoration le 31 décembre 1912.

Admis à la retraite anticipée sur sa demande en mai 1913, il s'installe dans la maison familiale de Genêts (Manche) avant d'apporter son aide en qualité d'expert aux éleveurs de l'Orénoque (Venezuela) dans la production et la conservation des viandes bovines pour qui il met au point des baraquements de bois préfabriqués et démontables.


Le "chef du service des improvisations"

Rappelé à sa demande en 1914, il est affecté en qualité de fonctionnaire du cadre auxiliaire au service du ravitaillement en Beauce et en Touraine. Adjoint au directeur de l'Intendance au ministère de la guerre il est chargé des questions d'habillement et d'équipement, devant faire face à la pénurie. Chargé début septembre 1914 de la récupération des textiles à Lille, il soustrait à la convoitise allemande plus de 4 000 tonnes de draps, toiles et lainages et organise le retraitement des tissus. De retour de mission, il planifie le remplacement des tenues, réorganisant les unités de production textile, fait réquisitionner les tenues des pompiers et des facteurs.

Au fait du quotidien au front, il prend l'initiative de fournir aux soldats des chapes en peau de mouton pour parer aux rigueurs de l'hiver. Il propose, en 1915, un modèle de bottes de tranchée et son système de baraquements, expérimenté au Venezuela, qui doit remplacer les tentes militaires coniques. En août 1915, la construction des baraquements passe du Génie à l'Intendance. Adrian, en prévision de la campagne d'hiver, décentralise la production des baraquements et met à contribution plus de deux cents entreprises pour la fabrication de cinquante unités par jour.


L'Intendant militaire et son casque

Le nom d'Adrian reste attaché au casque du Poilu. La guerre de tranchées est en effet menée avec des projectiles à dispersion. Les trois quarts des blessés portent des lésions à la tête dont 88 % sont mortelles. Un casque protecteur mais léger doit donc être attribué aux soldats. Adrian met ainsi au point une cervelière, calotte métallique de 0,5 mm d'épaisseur, placée dans le képi pour protéger le crâne des éclats de pierres, des balles, etc. Mais le modèle, fabriqué à 700 000 exemplaires, distribué à la fin de l'hiver 1915, n'est pas jugé assez efficace bien qu'il protège d'environ 60 % des éclats.

Le 21 février 1915, le ministère de la guerre, suivant la recommandation du général Joffre, décide de l'adoption d'un casque d'acier pour l'infanterie. Moins d'un mois plus tard, le choix se porte sur le modèle proposé par le peintre militaire Georges Scott "un casque de dragon", dont le mode de fabrication trop complexe rallonge les délais de fabrication, ce qui bénéficie au prototype d'Adrian. Pour accroître la protection balistique, Adrian étudie un casque basé sur un concept nouveau qui allie facilité de production et efficacité. En avril 1915, le casque constitué de 700 g de tôle d'acier est présenté et accepté. Ce casque est commandé à 1 600 000 exemplaires le 5 juin 1915. Plus de 7 millions d'exemplaires sont fabriqués dès la première année. Le casque remporte un tel succès auprès des militaires que les armées occidentales le commandent en masse (Italie, Belgique, Serbie, Roumanie, Hollande et Russie).

En octobre 1915, Adrian est promu commandeur de la Légion d'honneur, pour l'ensemble de son travail.


Un inventeur au service du soldat

Adrian imagine dès l'automne 1915 une cuirasse abdominale efficace contre les barbelés et les baïonnettes, et dote les bretelles des sacs à dos d'un arrêtoir afin de mieux répartir la charge et de limiter les usures produites par les courroies. L'intendant militaire est aussi un des artisans des taxis de la Marne. Joffre et Gallieni reprennent alors son idée d'utiliser les transports automobiles pour acheminer rapidement les troupes au front.


La réintégration, le "sauveur de Paris", le grand officier de la Légion d'honneur

En avril 1916, une loi sur le recrutement de l'Intendance permet la réintégration dans le cadre actif des sous-intendants militaires, retraités par anticipation en temps de paix et ayant rendu des services exceptionnels en temps de guerre. Désigné alors par le décret du 17 mai 1916, Adrian suscite griefs et jalousie. Le rapport d'enquête l'accuse entre autres de s'être occupé illégalement de marchés et d'avoir fait breveter ses inventions militaires.

Fin 1916, le service d'Adrian est supprimé et la construction des baraques retourne au Génie. Au mois de février 1917, Adrian est détaché à la mission d'essais, d'études et d'expériences techniques du sous-secrétariat des Inventions. Il y poursuit ses travaux sur les cuirasses, les lunettes pare-éclats, la tourelle blindée pour siège d'aviateur, et l'utilisation de l'énergie solaire.

Un second rapport insiste sur l'importance des services rendus et justifie ses actes au regard des conditions exceptionnelles. Nommé intendant militaire le 26 juin 1917, il est appelé par Clemenceau, Président du Conseil, pour diriger l'inspection générale des cantonnements du sous-secrétariat d'État de l'Administration. L'intendant militaire contrôle les services d'approvisionnement des armées et, à partir d'avril 1918, s'occupe du service des évacués, réfugiés et rapatriés.

Sa popularité croît encore lorsqu'il localise par triangulation, à partir des impacts des obus tombés sur Paris, la "Grosse Bertha" dans la forêt de Compiègne.

L'intendant militaire est placé dans la section de réserve en août 1918 par la Commission de Rajeunissement des Cadres. Mais la contre-enquête menée par Abrami, sous-secrétaire d'Éat, annule, en décembre 1918, la décision de la commission et réintègre, en mars 1919, l'intendant militaire dans ses fonctions d'inspecteur général.

Louis Auguste Adrian est promu à la dignité de grand officier de la Légion d'honneur le 16 juin 1920.

Malade, il se retire dans sa propriété normande de Genêts et décède à l'hôpital du Val-de-Grâce en août 1933.

 

Source : Mindef/SGA/DMPA

François-Joseph Ier de Habsbourg

1830-1916

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Portrait de François-Joseph. Source www.elysee.fr

Empereur d'Autriche

 

François-Joseph est porté au pouvoir suite à l'insurrection révolutionnaire de 1848, succédant à son oncle Ferdinand Ier (le 2 décembre 1848) à Olmütz. Il est le fils aîné de l'archiduc François-Charles et de la princesse Sophie de Bavière. Il épouse Elisabeth de Bavière en 1854. Les victoires de son chancelier, le prince Schwarzenberg, et du général Radetzki rétablissent la domination autrichienne sur les Hongrois et le Italiens (1849). Soutenu par la Russie, il instaure un régime autoritaire hostiles aux minorités nationales, un appui qu'il perd en 1855 à cause de son hésitation lors de la guerre de Crimée.

L'empereur est battu en 1859 par les troupes de Victor-Emmanuel et de Napoléon III (batailles de Solférino et de Magenta). Il doit céder la Lombardie par le traité de Zurich (10 novembre 1859).

La rivalité avec la Prusse à propos de la domination des duchés de Schleswig et de Holstein, acquis sur le Danemark en 1864), fournit à cette dernière l'occasion de déclarer la guerre en 1866. Vaincu à Sadowa le 3 juillet 1866, il conclue la paix avec la Prusse (traité de Prague, le 23 août 1866), renonçant alors à ses droits en Allemagne du Nord au profit du vainqueur et à toute intervention dans l'unification de l'Allemagne - le gouvernement de Vienne ayant en 1851 fait échoué le mouvement de la "Petite Allemagne" inspiré par la Prusse. Il doit aussi céder la Vénétie à l'Italie, via la France (traité de Vienne, 3 octobre 1866), alliée à la Prusse suite à l'entrevue secrète de Napoléon III avec Bismarck à Biarritz (octobre 1865).

Pour calmer les mouvements nationaux de son empire, il accorde en 1867 un statut qui transforme l'Autriche en monarchie dualiste (austro-hongroise) d'essence fédéraliste. Les territoires de l'ancien empire d'Autriche sont séparés en deux parties de part et d'autre de la Leithasont constituées la Cisleithanie autour de l'Autriche et la Transleithanie autour de la Hongrie. La Cisleithanie est constituée de l'Autriche, de la Bohême, de la Moravie, de la Gabissie, de la Slovénie, de l'Istrie, et des territoires le long de la côte dalmate. Le suffrage universel masculin est accordé. La Transleithanie est- formée de la Hongrie, de la Croatie, des territoires autour de Temesvar, et de la Trans-sylvanie. Il n'y a pas de suffrage universel masculin, ce qui aurait valorisé le rôle des autres peuples sous domination de Budapest. L'empereur hésitera toujours entre une voie autoritaire (inspirée par l'Allemagne), et le fédéralisme des ministères Taaffe et Badeni. François-Joseph se satisfait de cette situation de blocage en politique intérieure.

La politique de rapprochement avec la Prusse menée par Andrassy conduit au ralliement à la politique de Bismarck : en 1873 alliance des trois empereurs en 1873 (Allemagne, Russie, Autriche), qui devient la Duplice en 1879 (Allemagne et Autriche), et finalement la Triplice en 1883 par l'adhésion de l'Italie, on parle même, à partir de 1892-1893 de " subordination diplomatique à l'Allemagne". L'Autriche occupe (en 1878) et annexe (1908) la Bosnie-Herzégovine afin de diminuer l'influence russe dans les Balkans qui depuis sa sortie de l'alliance conduit une politique panslave, intensifiant et intervenant dans ainsi dans les affaires de la Double Monarchie. L'annexion la Bosnie-Herzégovine entraîne une crise internationale. Le problème de la Bosnie apparaît lié à celui de la Serbie et de la situation des Slaves du Sud sous domination de Budapest et tentés de regarder vers Belgrade. Pris ainsi entre un panslavisme et un pangermanisme conquérants, François-Joseph échoue dans sa volonté d'incarner la voie moyenne en Europe centre-orientale.

Son long règne, 68 ans, lui fait endurer l'exécution de son frère Maximilien au Mexique en 1867, le suicide de son fils Rodolphe à Mayerling en 1889, l'assassinat de son épouse à Genève par un anarchiste en 1898 et celui de son neveu et héritier présomptif, François-Ferdinand, le 28 juin 1914 à Sarajevo, événement déclencheur de la première guerre mondiale. La double monarchie entre ainsi en guerre relativement stable politiquement. Son souverain a réussi à imposer un certain loyalisme dynastique chez la plupart de ses sujets, mais aussi au sein de l'armée et des autres institutions.

L'Autriche-Hongrie aura eu davantage à souffrir des rigueurs de la guerre et de son million de morts, que des mouvements antimonarchistes lorsque disparaît son fondateur.

 

Source : Mindef/SGA/DMPA