Vincent Auriol

1884-1966

Partager :

Portrait de Vincent Auriol. Source : Musée Clément Ader

Vincent Auriol (27 août 1884, Revel - 1er janvier 1966, Paris)

 

Vincent Auriol est une personnalité incontournable de l'histoire contemporaine française. Chef de file du mouvement socialiste, négociateur des réparations de l'Allemagne en 1918, farouche opposant au régime de Vichy, il reste comme l'un des "Pères fondateurs" de la IVe République.

Vincent Jules Auriol naît à Revel (Haute-Garonne) dans une famille paysanne. Bachelier en latin-grec en 1902, il obtient sa licence en droit en 1905, année où il adhère à la fédération socialiste de Haute-Garonne, puis le grade de docteur en sciences politiques, avant de s'inscrire au barreau de Toulouse. Il collabore à La Dépêche du Midi, fonde avec Albert Bedouce, député-maire de Toulouse, le Midi socialiste, et entretient une correspondance régulière avec Jean Jaurès et Jules Guesde. Il épouse Michelle Accouturier en juin 1912 avec qui il a deux enfants : Paul (1918-1992), organisateur du maquis du Tarn, et Jacqueline (1912-2000), détentrice en 1952 du record du monde de vitesse sur avion à réaction.

À partir de mai 1914 jusqu'à mai 1936, il est le représentant socialiste de la ville de Muret à l'Assemblée où il se spécialise dans les questions économiques et financières, faisant partie, dès 1914, de la commission des comptes définitifs. Il soutient, lors de la conférence de paix, une politique de limitation de la créance sur l'Allemagne, de réparations des régions dévastées et d'annulation de toutes les dettes interalliées. En décembre 1920, il fait partie des douze députés socialistes qui suivent Léon Blum et qui refusent d'adhérer à la deuxième Internationale communiste.

Il est élu maire de Muret en mai 1925, il entre à la commission des finances qu'il préside de juin 1924 à juillet 1926, puis devient conseiller général de la Haute-Garonne pour le canton de Carbonne trois ans plus tard. Son activité parlementaire se marque par de nombreuses propositions de lois et son opposition continue à la politique financière des gouvernements Poincaré, Herriot, Daladier, Doumergue, Tardieu et Laval.

Auriol entre en juin 1936 dans le gouvernement de Léon Blum en qualité de ministre des finances. Il mène à terme la politique monétaire en procédant à la dévaluation du franc Poincaré et en créant le franc flottant. Garde des sceaux du cabinet Chautemps en 1937, il participe l'année suivante au second cabinet Blum où, ministre sans portefeuille, il assure la coordination des services de la présidence du Conseil.

Malgré la défaite de juin 1940, il refuse de voter, le 10 juillet, la délégation des pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Son opposition lui vaut d'être emprisonné à Pellevoisin puis à Vals-les-bains, aux côtés de Paul Raynaud, Georges Mandel et Marcel Dassault. Assigné en résidence surveillée à Muret entre 1941 et 1942, il entre dans la résistance et rejoint la France Combattante en octobre 1943, où il devient membre de l'assemblée consultative provisoire lors de sa première réunion à Alger. Son épouse, réfugiée à Lyon, participe au décodage des messages chiffrés de l'état-major allié.

À la Libération, ses compétences et sa fonction de président de la commission des affaires étrangères de la Constituante lui valent de représenter la France à la conférence de Bretton Woods.

Le 21 octobre 1945, il retrouve son siège de député de la Haute-Garonne, puis ceux de maire de Muret et de conseiller général. Il préside le groupe parlementaire socialiste et est appelé, en novembre, par le général de Gaulle au poste de ministre d'état chargé des rapports avec l'Assemblée.

Président de l'Assemblée Constituante en janvier 1946, il préside au retour de l'Assemblée nationale et à la fondation de la IVe République, qui l'élit à sa tête ainsi qu'à la destinée de l'Union française, le 16 janvier 1947.

En décembre 1953, son mandat achevé, Vincent Auriol retourne à la vie locale et familiale. Il voyage, écrit ses mémoires. Il publie Hier, demain, le Journal du septennat et Dix années d'administration socialiste. Au cours d'un congrès en Autriche en, décembre 1954, il est élu président d'honneur de la Fédération mondiale des anciens combattants et médaillés de la Résistance. Il intervient pour le retour au pouvoir du général de Gaulle en mai 1958, et devient membre de droit au Conseil constitutionnel en mars 1959. En totale opposition avec le secrétaire général du parti socialiste, il en démissionne en février 1959.

Éminence grise de la République, il continue de participer à la vie publique hors des querelles de partis.

Pour son engagement politique et militaire, Vincent Auriol est élevé aux dignités de Grand-Croix de la Légion d'honneur et Grand-Croix des ordres nationaux des trente-deux États étrangers, il reçoit la Rosette de la Résistance et la Croix du combattant volontaire de la Résistance, et est fait docteur honoris causa des universités de Columbia (New York), de Laval (Québec), Oxford et Rio de Janeiro.

Vincent Auriol décède à Paris, le 1er janvier 1966, des suites d'une fracture renouvelée du col du fémur dans sa propriété de Labourdette.

 

Source : Mindef/SGA/DMPA

Alfred Gaspart

1900-1993

Partager :

Au centre, Alfred Gaspart

 

Né en Argentine en 1900 de parents français, il revient en France quelques années plus tard pour effectuer ses études. Il est déjà passionné par l'art et la poésie, il s'inscrit alors dans les cours de l'École Germain Pilon et ensuite à l'Ecole nationale des Beaux-Arts de Paris, à l'atelier Cormon.

Dans les années trente, il s'installe dans le quartier Montparnasse à Paris où il se lie d'amitié avec Pierre-Albert Birot, André Derain, Jean Follain, Marie Laurencin, André Salmon. Peintre de la réalité (École française), il peint et photographie des figures, des paysages et des natures mortes.

Cet artiste se révèle au cours de ses cinq années de captivité (Stalag VII A à Moosburg - Bavière). Malade, souffrant de neurasthénie, il rencontre le jeune sculpteur Volti qui l'aide à survivre.

En 1943, Volti rentre en France avec une partie des dessins d'Alfred Gaspart. La même année, une bombe tombe sur son atelier et détruit une grande partie de son oeuvre, mais les dessins de Gaspart son épargnés et restent les témoins de cette vie douloureuse passée dans les camps.

En octobre 1944, sous le pseudonyme de "Timour", Alfred Gaspart reçoit le premier prix du Concours de la captivité par l'oeuvre YMCA de Genève.

Libéré en 1945, il se réfugie dans le silence et n'exposera plus malgré l'insistance de ses proches et de la Fédération nationale des combattants prisonniers. Il poursuit son oeuvre loin du public.

En 1993, il décède dans la solitude.

L'oeuvre de captivité de cet artiste se compose de 1840 pièces (toutes techniques et formats confondus). Ces dernières sont accompagnées de notes journalières (293 feuillets recto-verso) qui livrent la vie quotidienne , les pensées et les souffrances d'Alfred Gaspart. De nombreuses correspondances entretenues avec sa soeur Paule, qui est sa muse et sa complice, permettent également d'appréhender la vie de cet artiste.

 

Source : Mindef/SGA/DMPA

Mata Hari

1876-1917

Partager :

Portrait de Mata Hari. Source : www.arcobaleno.net

 

Margaretha Geertruida ZELLE est l'unique fille de Adam Zelle et de Antje van der Meulen. Son père, riche fabricant de chapeaux et de capes, lui porte une attention toute particulière. La petite fille, souvent prise pour une eurasienne en raison de son teint mat, montre un penchant précoce pour l'affabulation et la mise en scène. Le "cocon" familial se trouve brisé en janvier 1889 lorsque l'entreprise Zelle fait faillite. La famille déménage, Adam Zelle délaisse ses enfants, le couple se sépare le 4 septembre 1890. Le décès de Mme Zelle huit mois plus tard disperse la fratrie.

En novembre 1892, Margaretha entre à l'école normale de Leiden, dont elle est renvoyée en raison d'une liaison avec le directeur. Elle va alors vivre chez un oncle à La Hague. En mars 1895 elle répond à une annonce matrimoniale d'un capitaine de vaisseau de l'armée royale des Indes : "Officier de retour des Indes cherche jeune femme affectueuse pour mariage". Ce dernier, de dix-neuf ans son aîné, se nomme Rodolphe Mac Leod, alias John. Il représente l'autorité paternelle qui lui a fait défaut. Le 11 juillet, leur union est officialisée. Le 30 janvier 1897, résidant alors à Amsterdam chez une soeur de Rodolphe, le couple a son premier enfant, Norman John.

Au début du mois de mai 1897, la famille s'embarque pour Toempong (à l'ouest de Java), aux Indes néerlandaises, où l'officier Mac Leod doit rejoindre son poste. Les époux y ont une fille, Jeanne Louise dite "Non". La jeune femme s'intéresse aux danses balinaises et prend le pseudonyme de Mata Hari "oeil du jour" (nom du Soleil en Indonésie). Cependant, la vie conjugale sur place devient difficile. Margareth, grisée par les colonies, délaisse sa famille. Le couple se dispute sur fond d'adultère. Leur fils meurt à la suite d'une intoxication. En 1900, après vingt-huit ans de service, Rodolphe Mac Leod quitte l'armée.

En mars 1902, les Mac Leod retournent aux Pays-Bas et divorcent cinq mois plus tard. En dépit du jugement rendu, Rodolphe refuse son droit de visite mensuel, et soustrait l'enfant à la garde de sa mère.

En 1903, âgée de 26 ans, la Hollandaise vient à Paris. Sans emploi, elle regagne les Pays-Bas pour quelques mois avant d'entamer dans la ville éternelle une carrière de danseuse de charme sous les apparences d'une princesse javanaise dénommée "Lady Mac Leod". Elle débute au salon de Madame Kiréesky, puis, de salons privés en salons privés, sous son pseudonyme javanais de "Mata Hari", finit par se faire inviter par Monsieur Guimet, possesseur d'une salle de spectacle privée. Sa représentation le soir du 13 mai 1905 en princesse indienne totalement nue marque le début de sa vie mondaine. Elle y interprète avec d'autres artistes une variation d'une "danse hindoue" en l'honneur de la déesse Shiva. Le spectacle est un succès et comédiens sont invités à se produire devant les grands de l'époque : le 18 août 1905 à l'Olympia de Paris, en janvier 1906 à Madrid . à Monte Carlo elle joue dans Le Roi de Lahore de Jules Massenet (1842-1912) . à Berlin, à La Haye, à Vienne et au Caire. Ses talents artistiques sont toutefois à nuancer. Mata Hari a probablement inventé un type de chorégraphie appréciée dans les cabarets et les cercles pour qui l'exotisme est synonyme de lascivité, plus qu'elle n'a présenté de danses indiennes. Aux journalistes, l'interprète cède le pas à la comédienne : elle aime à présenter sa mère comme une princesse indienne, élève son père à la dignité de baron et ajoute : "je suis née à Java, au milieu de la végétation tropicale, et, depuis ma plus petite enfance, des prêtres m'ont initiée à la signification profonde de ces danses qui constituent un véritable culte." Ceci ne l'empêche pas, dès 1907, d'être éclipsée par les autres danseuses de charme, comme Colette, remplacées par les ballets russes quelques temps après. Mata Hari, voyant sa notoriété diminuer, finit par mener une vie mondaine, collectionnant les bienfaiteurs, toujours en quête de nouveaux amants.

Lors de la déclaration de guerre, Margaretha Zelle vit à Berlin auprès d'un ancien galant, Alfred Kiepert, hussard, en attendant de se produire au Metropol. Ses compétences linguistiques lui permettent de regagner les Pays-Bas puis de s'établir à Paris où, installée au Grand Hôtel, elle continue à vivre de ses charmes. Au début de l'année 1916, lors d'un voyage en Allemagne (Cologne, Francfort), Mata Hari, endettée par son train de vie, est contactée par Cramer, consul allemand à La Haye. Celui-ci lui propose de régler ses dettes, de donner 20 000 couronnes en échange de renseignements sur la France. Elle devient ainsi l'agent H 21.

De retour à Paris en juillet, elle noue des contacts avec les officiers alliés, et s'éprend d'un jeune capitaine de l'armée russe. Ce dernier, blessé, est soigné à Vittel. Mata Hari intrigue alors pour obtenir l'autorisation de se rendre à ses côtés. Elle entre alors en relation avec le capitaine Ladoux, officier du contre-espionnage français. En contre partie de cette faveur et d'un million de francs (jamais versés), il lui propose d'espionner le Kronprinz, un de ses anciens amants. Le Français se méfie d'elle : il la fait surveiller pendant toute la mission. Son travail achevé, Mata Hari est envoyée, au mois d'août, en Belgique puis au mois de novembre en Espagne, centre de la guerre secrète, sans argent ni directive précise. Les services secrets britanniques, croyant avoir affaire à l'espionne Klara Benedix, la mettent aux arrêts à l'escale de Falmouth et la soumettent à un interrogatoire serré alors qu'elle se rend aux Pays-Bas afin de gagner l'Allemagne. Le capitaine Ladoux télégraphie à son homologue, Sir Basil Thomson, afin de lever le doute.

Libérée, Mata Hari retourne à Madrid, le 11 décembre 1916, pour trois semaines. Elle noue des contacts avec l'attaché militaire de l'ambassade d'Allemagne, Arnold von Kalle, et communique aux services français une liste d'agents, un procédé d'encre sympathique et un lieu de débarquement au Maroc - cette "moisson" d'informations profite en réalité à Denvignes, en charge des communications, qui s'en attribue le travail. Entre-temps les services britanniques interceptent et déchiffrent les câbles de l'attaché allemand à Berlin. Ils confondent les identités de l'agent H 21 et de Mata Hari (en raison du manque de vigilance du lieutenant von Kroon), et obtiennent ainsi la preuve qu'elle est un agent double. Un des messages, consacré à la mise en place sur le trône de Grèce du prince héritier Georges mentionne que "l'agent H-21 s'était rendu utile". Une autre lecture des faits veut que von Kalle, se méfiant de Mata Hari, ait provoqué lui-même l'enquête en envoyant ces messages radio à Berlin dans un code facilement déchiffrable par les alliés.

Elle revient à Paris en janvier 1917 afin de retrouver son amant, avec l'espoir de d'une récompense et d'une nouvelle mission... Elle est arrêtée le 13 février à l'hôtel Élysée Palace par le capitaine Bouchardon, le magistrat instructeur, "prévenue d'espionnage et de complicité d'intelligence avec l'ennemi, dans le but de favoriser ses entreprises".

Elle est enfermée à la prison pour femmes de Saint-Lazarre. Pendant quatre mois, au gré de quatorze interrogatoires (du 23 février au 21 juin), Bouchardon finit par la confonde comme étant l'agent H 21 - cette dernière nie cependant avoir entretenu des relations avec le chef du renseignement allemand à Madrid, même si elle admet avoir reçu de l'argent du consul allemand Cramer dans le cadre de sa vie mondaine. Entraîné par le chauvinisme ambiant, Bouchardon ne prend pas en compte les services rendus par l'accusée - il n'y croit pas d'ailleurs : "féline, souple, artificieuse, sans scrupules, sans pitié, elle était une espionne-née", écrit-il dans ses mémoires.

Le procès, à huis clos, commence le 24 juillet 1917, devant le 3e conseil militaire au Palais de justice de Paris. La Cour est présidée par le lieutenant-colonel Somprou et le commissaire du gouvernement, le lieutenant Mornet - lequel déclare plusieurs années après le procès : "il n'y avait pas de quoi fouetter un chat." Son avocat, Maître Clunet, un ancien amant, est un expert réputé du droit international.

Hormis Jules Cambon, Vadim Maslov, et le diplomate Henri de Marguérie qui déclare n'avoir jamais abordé de sujet militaire en sa présence et pouvoir se porter garant de sa parfaite probité, aucun de ses anciens amants n'accepte de témoigner en sa faveur. Le procès, comme l'interrogatoire d'ailleurs, ne font pas la départie entre sa vie mondaine jugée immorale, son cosmopolitisme suspect, et ses activités de renseignement. Ils ne sont que le reflet d'une opinion publique française et alliée qui réclame des coupables pour les morts, les mutineries et autres maux de la guerre. A l'arrière, les ligues relayées par la presse entretiennent l'idée du complot ennemi, attisent la traque aux collaborateurs de tous bords. Margueritte Francillard est la première française fusillée pour espionnage le 10 janvier 1917. Mlle Dufays connaît le même sort au mois de mars. L'affaire Mata Hari, personnage au comportement pour le moins ambigu, est une occasion de plus pour renforcer la cohésion nationale - les archives britanniques montrent par ailleurs qu'elle n'a pas livré aux Allemands d'informations capitales (Léon Schirmann).

Au terme du procès, le tribunal la reconnaît coupable d'intelligence avec l'ennemi et la condamne à être passée par les armes - d'autres femmes sont jugées et condamnées pour espionnage pendant les derniers mois de guerre : Augustine Josèphe, Susy Depsy, Régina Diano, etc.

Au matin du 15 octobre 1917, à 6h15, sa grâce ayant été rejetée par le Président de la République Raymond Poincaré, Margaretha Zelle, ralliée au protestantisme depuis peu, est transférée en voiture cellulaire au polygone de Vincennes où l'attendent soldats et badauds. Mata Hari refuse qu'on lui bande les yeux. Onze balles et le coup de grâce asséné par un officier de cavalerie rassasient la vindicte populaire : "sa disparition réaffirmait l'autorité d'un pays rendu exsangue par une guerre meurtrière dont l'inutilité commençait à poindre" (J.-M. Loubier). Son corps, non réclamé, est mis à la disposition de l'institut médico-légal.

 
Source : MinDef/SGA/DMPA

Henri Queuille

1884-1970

Partager :

Alger. Henri Queuille, commissaire d'Etat. Source : DMPA/SHD

 

Fils de François Queuille et de Maris Masson de Saint-Félix, Henri naît dans une famille bourgeoise de province.

A la mort de son père, pharmacien, en 1895, les Queuille s'installent à Tulle où l'adolescent fréquente le lycée à partir de 1896. Le jeune bachelier entreprend des études de médecine à Paris, se liant alors d'amitié avec Maurice Bedel et Georges Duhamel, avant de s'installer en 1908 dans sa ville natale. Il épouse en 1910 Margueritte Gratadour de Sarrazin dont il a deux enfants : Suzanne et Pierre. Il connaît une rapide ascension politique : conseiller municipal en 1912, maire et conseiller général de Corrèze l'année suivante, député en 1914.

Pendant la première guerre mondiale ses états de service de médecin dans diverses ambulances du front de l'est lui valent la Croix de guerre 14-18.

Membre modéré du parti radical, il entre au gouvernement d'Alexandre Millerand en juillet 1920 comme sous-secrétaire d'Etat à l'Agriculture. Reconnu par ses pairs, il multiplie les portefeuilles (Agriculture, Santé, Postes, Travaux publics, ravitaillement), étant ainsi nommé dix-neuf fois ministre de 1920 à 1940. Il est le principal initiateur de la politique agricole française de d'entre-deux guerres (création du génie rural, création et organisation de l'enseignement agricole, développement technique des campagnes, etc.) . il préside notamment la Fédération nationale de la mutualité et de la coopération agricole.

Il procède à la nationalisation des chemins de fer et à la création de la SNCF, et dirige l'Office national des mutilés, combattants, victimes de guerre et pupilles de la nation (1937). En 1939 il publie : Le Drame agricole : un aspect de la crise économique.

Républicain convaincu, conciliant avec les socialistes, il devient un proche d'Edouard Herriot, mais refuse refus de voter les pleins pouvoirs au maréchal Pétain le 10 juillet 1940. Il est alors révoqué de ses fonctions de maire de Neuvic. L'engagement de son fils Pierre dans la Résistance facilite ses contacts avec la France libre. Hettier de Boislambert le persuade de partir pour le Royaume-Uni.

Il gagne Londres en avril-mai 1943, en compagnie d'Astier de la Vigerie, de Daniel Mayer et de Jean-Pierre Levy, en dépit de sa méfiance envers de Gaulle. En mai il lance à la BBC un appel aux paysans de France, puis est nommé président de la commission du débarquement chargée de mettre au point les mesures à prendre dès la Libération. Deux mois plus tard, le gouvernement de Vichy prend un décret aux termes duquel Henri Queuille est déchu de la nationalité française et de son mandat de sénateur. En août, il part pour Alger, où de Gaulle, en rassembleur des partis politiques, le fait entrer au Comité français de Libération nationale (CFLN) en novembre 1943. Queuille se fait décharger de ses fonctions en septembre 1944, alors que le gouvernement s'installe à Paris, pour retourner à sa carrière politique, élu alors maire en octobre 1945 puis député aux élections législatives de 1946.

Les souvenirs des années de guerre du médaillé de la Résistance paraissent dans Journal 1939/1945.

Fidèle d'Édouard Herriot, il officie au gouvernement de la IVe République entre juillet 1948 et juin 1954. Etant par trois fois président du Conseil, il endigue l'agitation sociale, la montée du gaullisme et l'instabilité gouvernementale en menant une politique qualifiée d' "immobilisme", n'hésitant pas à, employer le force (en octobre-novembre 1948) et à retarder les élections . une politique cependant qui permet à la République de se maintenir.

Son activité en matière de politique étrangère aboutit à la signature en mars 1949 d'un accord franco-vietnamien, quasi-reconnaissance de l'indépendance de la colonie, à l'adhésion de la France au pacte Atlantique et la mise en oeuvre du plan Marshall le mois suivant.

Battu aux élections législatives de 1958, Henri Queuille s'en retourne à une vie politique locale. Il transforme sa commune en station de loisirs, y crée un lycée agricole et un collège technique. Continuant son travail de mémoire entrepris dès 1944, il rassemble archives, documents, témoignages et objets sur la Seconde Guerre mondiale et la Résistance, constituant ainsi le principal fonds du musée qui porte son nom.

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

Louis Adrian

1859-1933

Partager :

Louis Auguste Adrian. Source : Archives départementales de la Manche

 

Du lauréat du concours général au chevalier de la Légion d'Honneur

Louis Auguste naît en 1859 dans une modeste famille catholique de Metz, de Jean Louis (receveur du gaz) et de Cornélie Joseph. La défaite de 1871 contraint les Adrian à l'exil, d'abord à Saint-Omer puis à Bourges, enfin à Tours (5 rue Sully). Boursier, élève brillant au lycée Descartes, il devient lauréat du concours général en 1878. Polytechnicien en 1880, il choisit le Génie, reste un an à l'École d'application de Fontainebleau avant d'être nommé lieutenant au 3e régiment d'Arras. Voici la description physique consignée dans le fichier des anciens élèves de l'École polytechnique : "Cheveux châtains clair - Front ordinaire - Nez moyen - Yeux bleus Bouche moyenne - Menton rond - Visage ovale - Taille 170".

Capitaine en 1885, il rejoint la chefferie de Cherbourg pour travailler au programme d'édification des nouvelles casernes de la Manche ainsi qu'aux ouvrages de défense des côtes. La vie de garnison lui fait connaître Saumur, Rennes, Granville, où il épouse en 1889 Marguerite Pigeon.

En 1885 il organise l'envoi et prend part au corps expéditionnaire de Madagascar. Sur place, il coordonne la logistique : amélioration du réseau routier, édification de ponts et de baraquements légers. Vaincu par le climat et le service, il est rapatrié en décembre 1895, avant d'être décoré à 36 ans, pour faits de guerre, de la croix de chevalier de la Légion d'honneur.


Le réformateur de l'Intendance

Adrian est affecté à la chefferie de Paris rive droite, puis suit le cours préparatoire à l'admission dans l'intendance. En mars 1898, alors sous-intendant militaire de 3e classe, il officie en tant que chef de service à la sous-intendance de Valenciennes. Il fait paraître dans la Revue de l'Intendance des articles sur la recherche et l'utilisation des ressources dans le Nord et rédige un manuel d'instruction à l'adresse des officiers suppléants aux sous-intendants.

En 1900, il est nommé à la première sous-intendance de Paris au service des Subsistances. L'année suivante il vérifie les comptes des corps de troupe à la deuxième Sous-intendance de Vincennes, et dispense des cours aux élèves, officiers stagiaires de l'Intendance.

En juillet 1904, alors 2e classe, il regagne Arras. Adrian, nommé sous-directeur de l'intendance au ministère de la guerre, est ensuite chargé de traquer les fraudes et entreprises de corruption des fournisseurs de l'armée auxquelles il remédie en proposant un nouveau cahier des charges de l'Intendance, source d'une amélioration des conditions de vie des effectifs. Ce travail lui vaut un avancement à la première classe en décembre 1908, ainsi que son inscription, le 20 juillet 1911, au tableau du concours pour le grade d'officier de la Légion d'honneur pour "services exceptionnels rendus à l'occasion de la reprise par l'Etat du matériel des Entrepreneurs de Lits Militaires" - il reçoit sa décoration le 31 décembre 1912.

Admis à la retraite anticipée sur sa demande en mai 1913, il s'installe dans la maison familiale de Genêts (Manche) avant d'apporter son aide en qualité d'expert aux éleveurs de l'Orénoque (Venezuela) dans la production et la conservation des viandes bovines pour qui il met au point des baraquements de bois préfabriqués et démontables.


Le "chef du service des improvisations"

Rappelé à sa demande en 1914, il est affecté en qualité de fonctionnaire du cadre auxiliaire au service du ravitaillement en Beauce et en Touraine. Adjoint au directeur de l'Intendance au ministère de la guerre il est chargé des questions d'habillement et d'équipement, devant faire face à la pénurie. Chargé début septembre 1914 de la récupération des textiles à Lille, il soustrait à la convoitise allemande plus de 4 000 tonnes de draps, toiles et lainages et organise le retraitement des tissus. De retour de mission, il planifie le remplacement des tenues, réorganisant les unités de production textile, fait réquisitionner les tenues des pompiers et des facteurs.

Au fait du quotidien au front, il prend l'initiative de fournir aux soldats des chapes en peau de mouton pour parer aux rigueurs de l'hiver. Il propose, en 1915, un modèle de bottes de tranchée et son système de baraquements, expérimenté au Venezuela, qui doit remplacer les tentes militaires coniques. En août 1915, la construction des baraquements passe du Génie à l'Intendance. Adrian, en prévision de la campagne d'hiver, décentralise la production des baraquements et met à contribution plus de deux cents entreprises pour la fabrication de cinquante unités par jour.


L'Intendant militaire et son casque

Le nom d'Adrian reste attaché au casque du Poilu. La guerre de tranchées est en effet menée avec des projectiles à dispersion. Les trois quarts des blessés portent des lésions à la tête dont 88 % sont mortelles. Un casque protecteur mais léger doit donc être attribué aux soldats. Adrian met ainsi au point une cervelière, calotte métallique de 0,5 mm d'épaisseur, placée dans le képi pour protéger le crâne des éclats de pierres, des balles, etc. Mais le modèle, fabriqué à 700 000 exemplaires, distribué à la fin de l'hiver 1915, n'est pas jugé assez efficace bien qu'il protège d'environ 60 % des éclats.

Le 21 février 1915, le ministère de la guerre, suivant la recommandation du général Joffre, décide de l'adoption d'un casque d'acier pour l'infanterie. Moins d'un mois plus tard, le choix se porte sur le modèle proposé par le peintre militaire Georges Scott "un casque de dragon", dont le mode de fabrication trop complexe rallonge les délais de fabrication, ce qui bénéficie au prototype d'Adrian. Pour accroître la protection balistique, Adrian étudie un casque basé sur un concept nouveau qui allie facilité de production et efficacité. En avril 1915, le casque constitué de 700 g de tôle d'acier est présenté et accepté. Ce casque est commandé à 1 600 000 exemplaires le 5 juin 1915. Plus de 7 millions d'exemplaires sont fabriqués dès la première année. Le casque remporte un tel succès auprès des militaires que les armées occidentales le commandent en masse (Italie, Belgique, Serbie, Roumanie, Hollande et Russie).

En octobre 1915, Adrian est promu commandeur de la Légion d'honneur, pour l'ensemble de son travail.


Un inventeur au service du soldat

Adrian imagine dès l'automne 1915 une cuirasse abdominale efficace contre les barbelés et les baïonnettes, et dote les bretelles des sacs à dos d'un arrêtoir afin de mieux répartir la charge et de limiter les usures produites par les courroies. L'intendant militaire est aussi un des artisans des taxis de la Marne. Joffre et Gallieni reprennent alors son idée d'utiliser les transports automobiles pour acheminer rapidement les troupes au front.


La réintégration, le "sauveur de Paris", le grand officier de la Légion d'honneur

En avril 1916, une loi sur le recrutement de l'Intendance permet la réintégration dans le cadre actif des sous-intendants militaires, retraités par anticipation en temps de paix et ayant rendu des services exceptionnels en temps de guerre. Désigné alors par le décret du 17 mai 1916, Adrian suscite griefs et jalousie. Le rapport d'enquête l'accuse entre autres de s'être occupé illégalement de marchés et d'avoir fait breveter ses inventions militaires.

Fin 1916, le service d'Adrian est supprimé et la construction des baraques retourne au Génie. Au mois de février 1917, Adrian est détaché à la mission d'essais, d'études et d'expériences techniques du sous-secrétariat des Inventions. Il y poursuit ses travaux sur les cuirasses, les lunettes pare-éclats, la tourelle blindée pour siège d'aviateur, et l'utilisation de l'énergie solaire.

Un second rapport insiste sur l'importance des services rendus et justifie ses actes au regard des conditions exceptionnelles. Nommé intendant militaire le 26 juin 1917, il est appelé par Clemenceau, Président du Conseil, pour diriger l'inspection générale des cantonnements du sous-secrétariat d'État de l'Administration. L'intendant militaire contrôle les services d'approvisionnement des armées et, à partir d'avril 1918, s'occupe du service des évacués, réfugiés et rapatriés.

Sa popularité croît encore lorsqu'il localise par triangulation, à partir des impacts des obus tombés sur Paris, la "Grosse Bertha" dans la forêt de Compiègne.

L'intendant militaire est placé dans la section de réserve en août 1918 par la Commission de Rajeunissement des Cadres. Mais la contre-enquête menée par Abrami, sous-secrétaire d'Éat, annule, en décembre 1918, la décision de la commission et réintègre, en mars 1919, l'intendant militaire dans ses fonctions d'inspecteur général.

Louis Auguste Adrian est promu à la dignité de grand officier de la Légion d'honneur le 16 juin 1920.

Malade, il se retire dans sa propriété normande de Genêts et décède à l'hôpital du Val-de-Grâce en août 1933.

 

Source : Mindef/SGA/DMPA

François-Joseph Ier de Habsbourg

1830-1916

Partager :

Portrait de François-Joseph. Source www.elysee.fr

Empereur d'Autriche

 

François-Joseph est porté au pouvoir suite à l'insurrection révolutionnaire de 1848, succédant à son oncle Ferdinand Ier (le 2 décembre 1848) à Olmütz. Il est le fils aîné de l'archiduc François-Charles et de la princesse Sophie de Bavière. Il épouse Elisabeth de Bavière en 1854. Les victoires de son chancelier, le prince Schwarzenberg, et du général Radetzki rétablissent la domination autrichienne sur les Hongrois et le Italiens (1849). Soutenu par la Russie, il instaure un régime autoritaire hostiles aux minorités nationales, un appui qu'il perd en 1855 à cause de son hésitation lors de la guerre de Crimée.

L'empereur est battu en 1859 par les troupes de Victor-Emmanuel et de Napoléon III (batailles de Solférino et de Magenta). Il doit céder la Lombardie par le traité de Zurich (10 novembre 1859).

La rivalité avec la Prusse à propos de la domination des duchés de Schleswig et de Holstein, acquis sur le Danemark en 1864), fournit à cette dernière l'occasion de déclarer la guerre en 1866. Vaincu à Sadowa le 3 juillet 1866, il conclue la paix avec la Prusse (traité de Prague, le 23 août 1866), renonçant alors à ses droits en Allemagne du Nord au profit du vainqueur et à toute intervention dans l'unification de l'Allemagne - le gouvernement de Vienne ayant en 1851 fait échoué le mouvement de la "Petite Allemagne" inspiré par la Prusse. Il doit aussi céder la Vénétie à l'Italie, via la France (traité de Vienne, 3 octobre 1866), alliée à la Prusse suite à l'entrevue secrète de Napoléon III avec Bismarck à Biarritz (octobre 1865).

Pour calmer les mouvements nationaux de son empire, il accorde en 1867 un statut qui transforme l'Autriche en monarchie dualiste (austro-hongroise) d'essence fédéraliste. Les territoires de l'ancien empire d'Autriche sont séparés en deux parties de part et d'autre de la Leithasont constituées la Cisleithanie autour de l'Autriche et la Transleithanie autour de la Hongrie. La Cisleithanie est constituée de l'Autriche, de la Bohême, de la Moravie, de la Gabissie, de la Slovénie, de l'Istrie, et des territoires le long de la côte dalmate. Le suffrage universel masculin est accordé. La Transleithanie est- formée de la Hongrie, de la Croatie, des territoires autour de Temesvar, et de la Trans-sylvanie. Il n'y a pas de suffrage universel masculin, ce qui aurait valorisé le rôle des autres peuples sous domination de Budapest. L'empereur hésitera toujours entre une voie autoritaire (inspirée par l'Allemagne), et le fédéralisme des ministères Taaffe et Badeni. François-Joseph se satisfait de cette situation de blocage en politique intérieure.

La politique de rapprochement avec la Prusse menée par Andrassy conduit au ralliement à la politique de Bismarck : en 1873 alliance des trois empereurs en 1873 (Allemagne, Russie, Autriche), qui devient la Duplice en 1879 (Allemagne et Autriche), et finalement la Triplice en 1883 par l'adhésion de l'Italie, on parle même, à partir de 1892-1893 de " subordination diplomatique à l'Allemagne". L'Autriche occupe (en 1878) et annexe (1908) la Bosnie-Herzégovine afin de diminuer l'influence russe dans les Balkans qui depuis sa sortie de l'alliance conduit une politique panslave, intensifiant et intervenant dans ainsi dans les affaires de la Double Monarchie. L'annexion la Bosnie-Herzégovine entraîne une crise internationale. Le problème de la Bosnie apparaît lié à celui de la Serbie et de la situation des Slaves du Sud sous domination de Budapest et tentés de regarder vers Belgrade. Pris ainsi entre un panslavisme et un pangermanisme conquérants, François-Joseph échoue dans sa volonté d'incarner la voie moyenne en Europe centre-orientale.

Son long règne, 68 ans, lui fait endurer l'exécution de son frère Maximilien au Mexique en 1867, le suicide de son fils Rodolphe à Mayerling en 1889, l'assassinat de son épouse à Genève par un anarchiste en 1898 et celui de son neveu et héritier présomptif, François-Ferdinand, le 28 juin 1914 à Sarajevo, événement déclencheur de la première guerre mondiale. La double monarchie entre ainsi en guerre relativement stable politiquement. Son souverain a réussi à imposer un certain loyalisme dynastique chez la plupart de ses sujets, mais aussi au sein de l'armée et des autres institutions.

L'Autriche-Hongrie aura eu davantage à souffrir des rigueurs de la guerre et de son million de morts, que des mouvements antimonarchistes lorsque disparaît son fondateur.

 

Source : Mindef/SGA/DMPA

Jean Degoutte

1866-1938

Partager :

Portrait du Général d'Infanterie Degoutte. Photo DMPA

 

 

Jean-Marie Degoutte s'engage le 7 mars 1887 au 31e régiment d'artillerie et entre à Saint-Cyr en octobre 1888 avec la promotion du "Grand Triomphe". Il en sort 9e sur 435. Ayant choisi les zouaves, il sert pendant quatre ans en Tunisie.

 

Un acteur de l'aventure coloniale française

Il demande à faire partie de l'expédition de Madagascar en 1895. Contournant le refus de sa hiérarchie, il demande un congé de trois mois et rejoint une mission jésuite à bord d'un paquebot civil. Sur place lors du débarquement du corps expéditionnaire français, il offre ses services au général Dechesnes, lequel le met aux arrêts pendant trente jours. Le jeune officier Degoutte doit alors son salut au colonel Bailloud, directeur des étapes de l'expédition, qui convainc sa hiérarchie de l'utilité de ses connaissances de la langue malgache.

Il retourne en Tunisie en mars 1896 pendant trois ans. En 1899 il est admis à l'Ecole supérieure de Guerre dont il sort breveté. En 1900, Baillaud l'intègre au corps expéditionnaire de Chine. Il est cité deux fois à l'ordre du corps. A nouveau en Afrique du Nord, il est officier d'ordonnance du général commandant la division d'Alger en janvier 1905, puis auprès du général commandant le 20e corps l'année suivante.

Fin 1906, il revient aux zouave en tant que chef de bataillon avant de rejoindre l'état-major de division d'Alger trois ans plus tard. De février 1911 à décembre 1912 il prend part aux opérations du Maroc occidental en tant que directeur des étapes.

Le héros de 14-18

A son retour en France, promu lieutenant-colonel, il suit les cours du Centre des Hautes Etudes Militaires. Sous-chef puis chef d'état-major du 4e corps de février à mars 1914, il s'illustre au cours des combats et est nommé colonel le 1er novembre de la même année avant d'être Officier de la Légion d'Honneur le 10 avril 1915.

Désigné comme chef d'état-major après les attaques de septembre 1915 en Champagne. Général de brigade le 25 mars 1916, il prend en août le commandement des troupes marocaines. Le corps s'illustre dans la Somme, en Champagne et à Verdun, actes qui lui valent deux citations et la cravate de Commandeur de la Légion d'Honneur.

Général de division en septembre 1917, il dirige le 21e corps de la 6e armée du général Maistre. Il participe à l'offensive de la Malmaison qui aboutit à la chute du Chemin des Dames, ce qui lui vaut une nouvelle citation à l'Ordre de l'Armée.

Le 10 juin 1918, dirigeant la 6e armée, il enraye l'avancée allemande sur la Marne, et entreprend avec le général Mangin, le 15 juillet 1918, l'attaque qui marque le début de la campagne de France. Il libère Château-Thierry, refoule les Allemands sur La Marne sur l'Ourcq et à La Vesle.

En septembre, il est désigné comme major général auprès du roi des Belges. Il conduit alors l'offensive des Flandres, enlèvant la crête de Passchendaele et reprenant le sud de la Belgique avec des troupes belges, britanniques et françaises.

La guerre terminée, promu Grand Officier de la Légion d'Honneur, il est chargé de rédiger, sous la direction de Foch, les clauses du Traité de Versailles.

L'homme incontournable du Conseil de Guerre

Nommé commandant de l'armée du Rhin en octobre 1919, il entre en janvier 1920 au Conseil supérieur de Guerre.

Il procède en 1923 à l'occupation de la Ruhr jusqu'à l'évacuation totale en 1925. Ses mérites le font accéder au rang de Grand Croix de la Légion d'Honneur en 1923. Il reçoit la médaille militaire en 1928.

Laissé en activité, il influence les choix stratégiques de défense du territoire au Conseil supérieur de Guerre.

L'organisation de la ligne de défense des Alpes occupe ses dernières années.

 

Source : Mindef/SGA/DMPA

Charlotte Delbo

1913-1985

Partager :

Portrait de Charlotte Delbo. Source : Photo collection privée

O vous qui savez

Saviez-vous que la faim fait briller les yeux que la soif les ternit

O vous qui savez

Saviez-vous qu'on peut voir sa mère morte et rester sans larmes

O vous qui savez

Saviez-vous que le matin on veut mourir que le soir on a peur

O vous qui savez

Saviez-vous qu'un jour est plus qu'une année une minute plus qu'une vie

O vous qui savez

Saviez-vous que les jambes sont plus vulnérables que les yeux les nerfs plus durs que les os le coeur plus solide que l'acier

Saviez-vous que les pierres du chemin ne pleurent pas qu'il n'y a qu'un mot pour l'épouvante qu'un mot pour l'angoisse

Saviez-vous que la souffrance n'a pas de limite l'horreur pas de frontière

Le saviez-vous

Vous qui savez

 

Charlotte Delbo, in. Aucun de nous ne reviendra, Editions Gonthier, 1965

 

Charlotte Delbo est née le 10 août 1913 à Vigneux-sur-Seine, en Seine-et-Oise, de Charles Delbo, charpentier en fer, et Erménie Morero. Elle est l'aînée de quatre enfants.

Après son baccalauréat, elle commence des études de philosophie à la Sorbonne et adhère aux jeunesses communistes, où elle rencontre Georges Dudach qu'elle épouse le 17 mars 1936. Elle interrompt ses études en 1937, et devient en 1939 la secrétaire du comédien et metteur en scène Louis Jouvet. En mai 1941, elle accompagne la troupe de Jouvet en tournée en Amérique du Sud. Son mari, resté en France, rejoint la résistance communiste.

En septembre 1941, à Buenos-Aires, Charlotte apprend l'exécution d'un de ses amis, Jacques Woog, pour " propagande communiste ". Révoltée, elle revient en France. A Paris, le couple entre dans la vie clandestine. Charlotte recopie les communiqués de Radio-Londres et Radio-Moscou et travaille pour Les Lettres françaises fondées par Jacques Decour.

Le 2 mars 1942, cinq policiers français des Brigades spéciales arrêtent Charlotte et son mari. Elle est internée à la prison de la Santé, où elle apprend, le 23 mai, l'exécution de Georges au Mont Valérien. Le 17 août, elle est transférée au Fort de Romainville, où elle retrouve de nombreuses femmes, souvent communistes, puis à Fresnes une semaine plus tard.

Elle est une des 230 femmes, qui quittent Compiègne pour Auschwitz le 24 janvier 1943. Le 27 janvier, ces femmes entrent à Auschwitz en chantant la Marseillaise. D'abord assignées au block 14 du camp des femmes de Birkenau, en quarantaine, ces femmes sont ensuite astreintes à de durs travaux, notamment dans les marais. Nombre d'entre elles meurent du typhus. Le 3 août, seules 57 d'entre elles ont survécu. Elles sont mises alors en quarantaine. Le 7 janvier 1944, Charlotte Delbo, avec sept autres compagnes de déportation, part pour Ravensbrück. Elle est affectée à Furstenberg, dans l'un des kommandos du camp principal.

La plupart des survivantes de son convoi sont transférées à Ravensbrück au cours de l'été 1944. Grâce à l'action de la Croix-Rouge, elle fait partie des femmes qui quittent le camp le 23 avril 1945 pour la Suède et rentre en France en juin 1945. Des 230 femmes du convoi du 24 janvier 1943, 49 ont survécu.

Alors qu'elle se rétablit en Suisse, elle rédige Aucun de nous ne reviendra, premier ouvrage de son oeuvre littéraire sur la déportation et les convois partis de France vers Auschwitz. Il ne sera publié qu'en 1965 aux Editions Gonthier.

Après la guerre, elle travaille à l'ONU, puis au Centre National de la Recherche Scientifique.

Elle meurt en mars 1985, ayant publié de nombreux ouvrages tirés de son expérience concentrationnaire dont le convoi du 24 janvier (1965), une connaissance inutile (1970), mesure de nos jours (1971, Editions de Minuit) et qui rapportera ses paroles (1974, Edition P.J. Oswald).

 

Source : Mindef/SGA/DMPA

 

Georges Dudach :
Fiche mémoire des hommes Les fusillés du Mont-Valérien 1939−1945

 

Nom : Dudach.

Surnom.

Prénoms : Georges Paul.

Date de naissance : 18-09-1914.

Commune de naissance : Saint Maur des Fossés.

Département de naissance : Seine.

Pays de naissance : France.

Profession : journaliste.

Commune de résidence : Paris 16ème.

Département de résidence : Seine.

Pays de résidence : France.

Lieu d'incarcération.

Motif : otage.

Date du procès.

Lieu d'exécution : Mont Valérien.

Date d'exécution : 23-05-1942.

Lieu d'incinération

Lieu de première inhumation

Date de première inhumation

Date de la restitution du corps

Lieu de l'inhumation finale

Sépulture

Grade

 

Origine des données Anciens Combattants, Archives de la préfecture de Police, Archives Nationales

 

Alain-Fournier

1886-1914

Partager :

Portrait d'Alain-Fournier

Henri-Alban Fournier, dit Alain-Fournier

 

"Comment rattraper sur la route terrible où elle nous a fuis, au-delà du spécieux tournant de la mort, cette âme qui ne fut jamais tout entière avec nous, qui nous a passé entre les mains comme une ombre rêveuse et téméraire ? "Je ne suis peut-être pas tout à fait un être réel."

Cette confidence de Benjamin Constant, le jour où il la découvrit, Alain-Fournier en fut profondément bouleversé . tout de suite il s'appliqua la phrase à lui-même et il nous recommanda solennellement, je me rappelle, de ne jamais l'oublier, quand nous aurions, en son absence, à nous expliquer quelque chose de lui. Je vois bien ce qui était dans sa pensée : "Il manque quelque chose à tout ce que je fais, pour être sérieux, évident, indiscutable. Mais aussi le plan sur lequel je circule n'est pas tout à fait le même que le vôtre . il me permet peut-être de passer là où vous voyez un abîme : il n'y a peut-être pas pour moi la même discontinuité que pour vous entre ce monde et l'autre".

Extrait de la préface de Jacques Rivière à l'ouvrage posthume Miracles (1924), recueil de divers poèmes et textes en prose d'Alain-Fournier.

Henri-Alban Fournier naît le 3 octobre 1886 à la Chapelle-d'Angillon, dans le Cher. Son père, instituteur, est nommé à l'école d'Epineuil-le-Fleuriel en 1891 et Henri en sera son élève jusqu'en 1898, avant d'entrer en sixième au lycée Voltaire à Paris.

En 1901, Henri-Alban Fournier, qui songe alors à devenir marin, poursuit ses études de seconde au lycée de Brest dans le but d'entrer à l'École Navale. Mais, il renonce rapidement à ce projet et rejoint finalement, à la fin de l'année 1902, le lycée de Bourges afin d'y passer son baccalauréat qu'il obtiendra six mois plus tard.

À la rentrée 1903, l'adolescent s'inscrit au lycée Lakanal de Sceaux afin de préparer le concours d'entrée à l'École Normale Supérieure. Il y fait la rencontre de Jacques Rivière, qui deviendra son meilleur ami (leurs correspondances, l'une des plus belles de la littérature française, seront publiées entre 1926 et 1928) puis son beau-frère lorsqu'en 1909 il épousera Isabelle Fournier, la soeur cadette d'Henri-Alban.

En 1906, Fournier échoue dans ses projets scolaires. Il tente alors, l'année suivante, une ultime année de Khâgne, au lycée Louis Le Grand mais encore une fois, il échoue au concours d'entrée à l'École Normale Supérieure.

C'est durant cette vie de lycéen que se déroule un événement qui sera déterminant dans la vie sentimentale et littéraire d'Alain Fournier . en effet, le 1er juin 1905, en sortant du Grand Palais, il croise une jeune fille d'une grande beauté qu'il suit à distance jusqu'à son domicile, boulevard Saint Germain. Revenu sur les lieux, le 11 juin suivant, il l'accoste cette fois-ci dans la rue et lui murmure : "Vous êtes belle". Yvonne de Quiévrecourt ne répond pas à ses avances et s'en va vers l'église de Saint-Germain des Près, où elle assiste à la messe. Après la cérémonie, les deux jeunes gens ont enfin une longue conversation au terme de laquelle Yvonne lui avoue qu'elle est fiancée et que son destin est maintenant tracé. Yvonne de Quiévrecourt qui deviendra Yvonne de Galais dans le Grand Meaulnes se marie en 1907.

L'année suivante, Henri-Alban Fournier effectue son service militaire. Après avoir suivi le peloton des élèves-officiers à Laval, il est affecté au 88e R.I., à Mirande, dans le Gers, avec le grade de sous-lieutenant. Hanté par le souvenir d'Yvonne, il rédige alors quelques poèmes et essais, ses premiers pas dans la littérature, qui seront publiés à titre posthume par son ami Jacques Rivière sous le titre Miracles (1924). Son service militaire achevé, Henri-Alban Fournier trouve à s'employer au mois d'avril 1910 en tant que journaliste à Paris-Journal et y rédige de façon régulière un " courrier littéraire ". Au même moment commence une liaison avec Jeanne Bruneau, une modiste de la rue Chanoinesse rencontrée autrefois à Bourges, qui durera jusqu'en avril 1912. Celle-ci inspirera vraisemblablement le rôle de Valentine dans le Grand Meaulnes.

C'est durant cette période que Fournier, installé rue Cassini, entreprend la rédaction d'un roman autobiographique, Le Grand Meaulnes. En 1912, il quitte la rédaction du quotidien parisien pour entrer, grâce à Charles Péguy, au service de Claude Casimir-Perier, fils d'un ancien Président de la République. Le jeune homme entame alors une liaison orageuse avec l'épouse de l'homme politique, l'actrice Pauline Benda, plus connue dans les milieux artistiques de la capitale sous le pseudonyme de Madame Simone.

En février 1913, Henri-Alban Fournier obtient pour la dernière fois une entrevue avec Yvonne de Quiévrecourt (mariée Vaugrigneuse), son amour de jeunesse, maintenant mère de deux enfants. De juillet à novembre 1913, La Nouvelle Revue française commence la publication de son oeuvre romanesque, Le Grand Meaulnes, achevée au début de l'année. Elle paraît ensuite en volume (1913) chez l'éditeur Émile-Paul, l'écrivain ayant pris à cette occasion le nom d'Alain-Fournier. Sélectionné pour le prix Goncourt, Le Grand Meaulnes manque de peu le prestigieux prix littéraire, l'honneur revenant à Marc Elder et au Peuple de la Mer.

Au début de l'année 1914, Alain-Fournier entame l'écriture d'une pièce de théâtre, la Maison dans la forêt, et d'un nouveau roman, Colombe Blanchet. Ces deux dernières oeuvres demeureront inachevées.

En effet, l'écrivain est mobilisé dès la déclaration de guerre, au mois d'août 1914. Il rejoint alors le front comme lieutenant d'infanterie avec le régiment de réserve de Mirande, le 288e R.I. Le 22 septembre suivant, après quelques semaines de combat, Alain-Fournier est tué au sud de Verdun, dans les Hauts de Meuse. Porté disparu avec vingt de ses compagnons d'armes, son corps est découvert en 1991 dans une fosse commune où les soldats allemands l'avaient enterré. En 1992, les 21 corps de fantassins du 288e RI exhumés du bois de Saint-Rémy dont celui de l'écrivain Alain-Fournier sont regroupés. Henri-Alban Fournier est maintenant inhumé dans la nécropole nationale de Saint-Remy-la-Calonne, dans la Meuse.

 

Source : Mindef/SGA/DMPA - Vincent Konsler

 

Voici la dernière lettre (une carte en réalité) écrite par Alain-Fournier à sa soeur Isabelle, le 11 septembre 1914 


"Je reçois bien tes lettres, ma chère petite Isabelle. Certaines me sont même parvenues au milieu du combat. Je suis en excellente santé. J'espère me rapprocher de Jacques avant peu. Je suis maintenant attaché à l'état-major à cheval. J'ai grande confiance dans l'issue de la guerre. Priez Dieu pour nous tous. Et ayez confiance aussi. Longuement, tendrement, je te serre avec ta Jacqueline dans mes Bras. Ton frère, Henri"

 

Hubert Lyautey

1854-1934

Partager :

Portrait du maréchal Lyautey, photo collection DMPA

 

Né à Nancy le 17 novembre 1854, Louis Hubert Gonzalve Lyautey, bachelier en juillet 1872, entre à Saint-Cyr en 1873 puis à l'École d'application d'état-major en 1876.

Lieutenant en décembre 1877, il est affecté au 20e régiment de chasseurs à cheval à Rambouillet puis muté sur sa demande à Châteaudun. Versé dans la cavalerie, au 2e régiment de hussards, il rejoint en août 1880 son régiment à Sézanne, lequel embarque deux mois plus tard pour l'Algérie.

En poste à Orléansville puis à Alger, il se passionne pour la civilisation arabe, apprend la langue et se familiarise avec les questions coloniales, l'administration et la politique françaises en Algérie. À une politique d'assimilation totale à la France, d'administration directe, il préfère la solution de l'autonomie, du protectorat. L'action de la France ne peut s'inscrire que dans le respect des civilisations et des cultures qu'elle rencontre et en association avec les élites locales.

Après quelques mois passés à Teniet-el-Haad, poste avancé du sud algérien, le capitaine Lyautey est affecté au 4e régiment de chasseurs à Bruyères, dans les Vosges, en 1882. Il devient en octobre de l'année suivante aide de camp du général L'Hotte, inspecteur général de la cavalerie, qu'il suit dans ses affectations à Commercy puis à Tours.

Le 19 novembre 1887, il prend le commandement du 1er escadron du 4e régiment de chasseurs à cheval de Saint-Germain-en-Laye.

À ce poste, il s'emploie à améliorer les conditions de vie de ses hommes, tant sur le plan matériel que culturel, ainsi que leur formation, mettant en pratique ses principes réformistes concernant la mission sociale de l'officier. L'occasion lui est donnée d'exposer ses théories novatrices dans un article au fort retentissement intitulé "Du rôle social de l'officier dans le service militaire universel", publié dans La Revue des Deux Mondes du 15 mars 1891.

Affecté au 12e régiment de hussards à Gray, puis chef d'état-major de la 7e division de cavalerie à Meaux en 1893, le commandant Lyautey est nommé en Indochine en 1894.

Chef d'état-major du colonel Gallieni, commandant du territoire militaire de la frontière de Chine (territoire de Lang Son), il prend part aux expéditions du haut Tonkin contre les pirates chinois pillant la région. Aux côtés de Gallieni, attaché à l'idée qu'il faut montrer aux populations la force de l'armée française pour éviter d'avoir ensuite à s'en servir, il met en place les structures nécessaires à la mise en valeur de la région : reconstruction des villages, aménagement des voies de communication, reprise et développement des cultures et du commerce. Sous-chef puis chef d'état-major du corps d'occupation, il est ensuite directeur du cabinet militaire d'Armand Rousseau, gouverneur général de l'Indochine. Approfondissant ses connaissances sur les questions politiques, administratives et financières de l'Indochine, il poursuit son action sur tout le territoire.

En mars 1897, il retrouve Gallieni, devenu quelques mois auparavant gouverneur général de Madagascar. Celui-ci le charge de la pacification du nord-ouest et de l'ouest de l'île puis de l'organisation du sud. L'occupation des territoires s'accompagne de grands travaux d'aménagement destinés à permettre l'essor économique et commercial du pays.

Promu colonel en 1900, il rentre en France en 1902 pour prendre le commandement du 14e régiment de hussards à Alençon avant d'être appelé dans le Sud-Oranais en 1903 par Charles Jonnart, gouverneur général de l'Algérie. Général de brigade, il prend le commandement de la subdivision d'Aïn Sefra en octobre puis de la division d'Oran à la fin de l'année 1906. Nommé divisionnaire en 1907, il devient l'année suivante haut-commissaire du gouvernement pour la zone marocaine occupée de la région d'Oudjda.

Il commence par revoir l'aménagement de la zone frontalière algéro-marocaine, foyer d'agitation permanente, en installant de nouveaux postes destinés tant à assurer la sécurité de la région régulièrement menacée par les incursions des tribus hostiles à l'implantation française qu'à ouvrir la voie vers le Maroc. Il établit ainsi une ligne de postes partant au sud de Béchar, rebaptisé Colomb, occupé en octobre 1903, pour aboutir au nord à Berguent, dans l'oasis de Ras el Aïn, en juin 1904. Les mois suivants sont consacrés au renforcement et à l'extension vers l'ouest du dispositif. Diplomate tout autant que militaire, Lyautey multiplie parallèlement les contacts avec les différents chefs locaux afin de susciter leur adhésion à la politique française. Après la pacification de la région frontalière algéro-marocaine, il revient en France en 1910 prendre la tête du 10e corps d'armée de Rennes.

En mars 1912, la convention de Fès établit le protectorat français sur le Maroc, le nord du pays demeurant sous influence espagnole. Lyautey en devient commissaire résident général le 28 avril suivant. Au Maroc, le protectorat n'est cependant pas unanimement accepté. Les opposants au traité et au sultan qui l'a signé sont nombreux. La situation n'a cessé de se dégrader. Arrivé à Casablanca à la mi-mai, Lyautey se porte sur Fès, assiégée par les forces des chefs berbères. C'est le début d'une campagne difficile. Le pays est totalement désorganisé et, administrativement et économiquement, le protectorat est entièrement à construire. Au terme de violents combats, la paix est finalement ramenée dans Fès et sa région. Au cours de l'été, un nouveau sultan est nommé. Lyautey s'emploie à rétablir l'autorité religieuse et politique de ce nouveau souverain sur l'ensemble du pays. La pacification du territoire s'accomplit peu à peu. En mai 1914, Taza, ville clé de l'accès à l'Algérie, est occupée. Les plaines et les villes côtières sont désormais sous contrôle français.

Parallèlement aux opérations militaires, il entreprend les grands travaux de modernisation économique et sociale préalables à l'essor du pays. De grandes réformes administratives, judiciaires et économiques sont engagées. Mise en place des cadres administratifs, développement des ports, de l'agriculture, de la recherche et de l'exploitation minières, aménagement des villes, des voies de communication, création de lycées et d'écoles, construction d'hôpitaux, de dispensaires et ouverture de postes sanitaires fixes ou mobiles... la tâche est vaste.

Pendant la Première Guerre mondiale, il devient brièvement, de décembre 1916 à mars 1917, ministre de la Guerre dans le cabinet Briand. Il regagne ensuite le Maroc. En dépit de moyens réduits, il parvient non seulement à maintenir la présence française mais à accroître son emprise durant tout le conflit.

À son retour et pendant huit ans encore, travaillant sans relâche, il va faire montre d'une intense activité politique et économique propice à l'expansion du pays. Couronnement de sa carrière, en 1921, il est élevé à la dignité de maréchal de France.

Dans le Rif, cependant, la situation est préoccupante. Le soulèvement mené par Abd el-Krim contre les Espagnols se développe, menaçant le Maroc français. Au printemps 1925, Abd el-Krim passe à l'attaque, menaçant les secteurs de Taza et Fès. Lyautey, qui a vu ces dernières années ses forces progressivement réduites, organise immédiatement un barrage défensif en attendant des renforts. Opposé au gouvernement français dans la conduite des opérations, désavoué par celui-ci, il rentre définitivement en France en octobre et se retire à Thorey, en Lorraine. De 1927 à 1931, il remplit une dernière mission, l'organisation de l'exposition coloniale internationale de Vincennes.

Le maréchal Lyautey s'éteint le 27 juillet 1934. Enterrée initialement à Rabat, sa dépouille est rapatriée en France en 1961 pour être inhumée aux Invalides.

Hubert Lyautey était Grand-Croix de la Légion d'honneur et titulaire de la Médaille militaire, de la Médaille coloniale Tonkin et Maroc, de la Médaille du Maroc agrafes "Casablanca" -"Oudjda" - "Haut-Guir", ainsi que de nombreuses décorations étrangères.

Élu à l'Académie française dès le 31 octobre 1912, il était également l'auteur de plusieurs études et ouvrages dont notamment "Du rôle social de l'officier dans le service militaire universel", publié dans La Revue des Deux Mondes, 1891, Du rôle colonial de l'armée, 1900, Dans le sud de Madagascar, pénétration militaire, situation politique et économique, 1903, Lettres du Tonkin et de Madagascar : 1894-1899, 1920, Paroles d'action : 1900-1926, 1927, Lettres de jeunesse : 1883-1893, 1931.

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA