Raymond Poincaré

1860-1934

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Portrait de Raymond Poincaré. Source : photo de "the University of Texas at Austin"

 

Raymond, Nicolas, Landry Poincaré, de vieille souche lorraine, est né le 20 avril 1860, à Bar-le-Duc. Après des études secondaires à Bar-le-Duc et à Paris, licencié en droit ainsi qu'en lettres, il s'inscrit comme avocat au barreau de Paris en 1880, obtient son doctorat en droit et devient chroniqueur judiciaire au Voltaire, quotidien radical dirigé par Jules Laffitte.

En 1886, à 26 ans, il fait ses débuts dans le monde politique comme chef de cabinet de Jules Develle, ministre de l'Agriculture, et est élu conseiller général de la Meuse puis, l'année suivante, député de ce département. Se spécialisant dans les questions financières, il est rapporteur général du budget en 1890 et accepte, en 1893, le portefeuille de l'Instruction publique et des Beaux-Arts dans le ministère Dupuy, son premier ministère.

En 1894, il devient ministre des Finances puis reprend, pour une courte période, le portefeuille de l'Instruction publique et des Beaux-Arts avec, cette fois-ci, la direction des Cultes, dans le cabinet Ribot, en 1895. Après la chute de ce dernier, il décline l'offre de Jules Méline lui proposant les Finances dans le nouveau gouvernement. Tout en constituant un cabinet juridique rapidement renommé, il poursuit ses activités parlementaires et devient vice-président de la Chambre.

Sénateur de la Meuse de 1903 à 1913, il accepte, en 1906, le portefeuille des Finances dans le cabinet Sarrien. Il est élu à l'Académie française en 1909.

Président du Conseil et ministre des Affaires étrangères en janvier 1912, après l'affaire d'Agadir opposant l'Allemagne et la France au Maroc, il est partisan d'une restauration du pouvoir exécutif face à l'Assemblée, d'un État libéral mais fort et s'attache à régler les problèmes de politique extérieure. Le 30 mars, il signe avec le sultan du Maroc le traité de protectorat. Son souhait est par ailleurs de resserrer les liens de la France avec la Grande-Bretagne et la Russie. À cet effet, un accord d'assistance navale est négocié avec la Grande-Bretagne tandis qu'il se rend en Russie ranimer l'alliance en août.

 

 

"Républicain laïque", homme d'ordre, il est élu Président de la République le 17 janvier 1913. Face à une guerre qui semble se profiler, il fait voter la loi militaire des trois ans en août et, sur le plan extérieur, renforce les alliances, entreprenant un second voyage en Russie en juillet 1914. Le conflit déclaré, sa tâche essentielle est de gagner la guerre. Pour cela, il faut mobiliser toutes les énergies, rassembler toutes les bonnes volontés, qu'elles soient de gauche ou de droite, en un mot faire "l'Union sacrée". Successivement, le gouvernement sera dirigé par Viviani, Briand, Ribot, Painlevé, sans que le succès des armes puisse cependant s'affirmer. Les difficultés militaires et politiques se multiplient : défaite française au Chemin des Dames, mutineries sur le front, réveil des tensions sociales et fin de l'Union sacrée. Faisant taire ses sentiments personnels, Poincaré fait appel à son ennemi politique, Clemenceau, qui devient Président du Conseil le 16 novembre 1917. En 1918, c'est la victoire et le retour de l'Alsace-Lorraine à la France.

 

Redevenu sénateur de la Meuse après l'achèvement de son septennat, il est président de la commission des réparations de février à mai 1920 puis est à nouveau nommé Président du Conseil et ministre des Affaires étrangères en 1922. Partisan de l'exécution intégrale du traité de Versailles, il fait, malgré la réticence des Alliés, occuper la Ruhr par les troupes du général Degoutte, le 11 janvier 1923, l'Allemagne tardant dans le paiement des réparations. Le résultat des élections législatives, donnant la majorité au "Cartel des gauches", l'oblige à donner sa démission en juin 1924.

Rappelé le 23 juillet 1926 pour tenter de redresser une situation financière catastrophique, il rétablit immédiatement la confiance et réussit à stabiliser le franc. Absorbé par les problèmes monétaires, il laisse le domaine des Affaires étrangères à Briand qui choisit une autre politique, celle de l'accommodement avec l'Allemagne.

Malade, Poincaré démissionne en juillet 1929 et se consacre à la poursuite de la rédaction de ses Mémoires, Au service de la France (1926-1933).

Il s'éteint le 15 octobre 1934. Après des obsèques nationales célébrées à Paris, il est inhumé à Nubécourt.

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

Aristide Briand

1862-1932

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Portrait d'Aristide Briand. Photo archives du ministère des affaires étrangères

Aristide Briand est né à Nantes le 28 mars 1862, d'une famille de cafetiers d'origine paysanne. Après des études de droit, il s'inscrit au barreau de Saint-Nazaire avant de s'installer à Paris où il travaille à la Lanterne, journal populiste et anticlérical d'Eugène Mayer. Aux côtés de Jean Jaurès, il s'efforce de maintenir unis les courants qui s'affrontent au sein du mouvement socialiste.

Élu député en 1902, il multiplie dès lors les postes politiques. Brillant orateur, il est nommé rapporteur sur le projet de loi de séparation des Églises et de l'État, votée en 1905. En 1906, il obtient son premier portefeuille ministériel, celui de l'instruction publique et des cultes. Succédant à Georges Clemenceau à la présidence du Conseil en 1909, il fait adopter, notamment, la loi sur les retraites ouvrières et paysannes (avril 1910).

À la veille de la Première Guerre mondiale, Aristide Briand, tout en soutenant l'allongement de la durée du service militaire, s'efforce de faire valoir les solutions pacifiques. La guerre déclarée, cependant, il entre dans un cabinet "d'union sacrée" en qualité de garde des Sceaux, vice-président du conseil et apporte son soutien au commandement lors de la bataille de la Marne.

Chef du gouvernement et ministre des affaires étrangères de 1915 à 1917, il joue un rôle important, notamment en organisant l'expédition de Salonique et en coordonnant l'action militaire et économique avec les Alliés.

Quatre années de guerre laissent l'Europe exsangue. Les anciens belligérants, qui se sont endettés pour assurer leur ravitaillement, sortent du conflit économiquement très affaiblis. En France, les régions les plus riches et les plus industrialisées sont dévastées. Avec près d'un million et demi de morts et plus d'un million d'invalides, le pays est profondément atteint dans ses forces vives. Les pensions de guerre, la reconstruction accroissent les charges de l'État. Le traité de paix, signé avec l'Allemagne, le 28 juin 1919 à Versailles, impose à cette dernière la réparation des dommages de guerre. L'épineuse question du règlement des réparations est l'un des principaux facteurs qui président aux relations franco-allemandes pendant quelque dix ans et est source de divergences entre les Alliés eux-mêmes.

l'issue de la guerre, partisan d'une stricte application du traité de Versailles, Aristide Briand est de ceux qui entendent obliger l'Allemagne à payer les réparations de guerre. Il abandonne toutefois rapidement cette politique de fermeté pour une politique de paix dans le cadre de la Société des Nations (SDN) et oeuvre dès lors pour le rapprochement avec l'Allemagne. Lors de la conférence de Cannes, en janvier 1922, il est ouvert à la proposition d'aménagement de la dette allemande en contrepartie d'une garantie des frontières françaises. Désavoué par Alexandre Millerand, président de la République, il démissionne.

Délégué de la France à la Société des Nations en 1924, il s'efforce de faire prévaloir une politique de conciliation, conscient que le rapprochement franco-allemand ne peut se faire qu'au prix de certaines concessions. Cette politique s'exprime en ces termes : "Paix intérieure, paix politique et sociale, je crois qu'elle est ardemment désirée par le pays tout entier... Vouloir la paix, c'est, dans un pays qui, comme la France, a tant souffert de la guerre et, depuis l'armistice, a été soumis à un régime de défis et de provocations qui justifieraient l'impatience -c'est se montrer patient".

De nouveau ministre des affaires étrangères en 1925, Aristide Briand poursuit sa politique de réconciliation avec l'Allemagne, seul moyen d'assurer une paix durable en Europe. Il se rapproche de son homologue allemand, Gustav Stresemann, également partisan d'une politique conciliatrice. Lors de la conférence de Locarno, qui réunit les délégués de l'Allemagne, de la Belgique, de l'Italie, de la France et de la Grande-Bretagne, il signe, le 16 octobre 1925, le traité qui garantit les frontières de la France et de la Belgique avec l'Allemagne et établit un pacte d'assistance mutuelle. Après Locarno, il soutient la candidature de l'Allemagne à la SDN où elle est admise l'année suivante. Il obtient en décembre 1926, ainsi que Gustav Stresemann, le prix Nobel de la Paix.

Début d'une ère nouvelle annonçant la fin de l'antagonisme franco-allemand pour certains, les accords de Locarno et l'admission de l'Allemagne à la SDN ne sont toutefois pour Aristide Briand qu'un premier jalon. L'absence des États-Unis à la Société des Nations en affaiblit la portée. En 1927, il s'emploie donc à faire renoncer les États-Unis à leur isolationnisme. En appelant "à la nation américaine", il rencontre le soutien de ses puissantes associations pacifistes. Le 27 août 1928, le "Pacte Briand-Kellogg", du nom du secrétaire d'État américain qui l'a négocié avec lui, met la guerre "hors-la-loi" :

"Article 1er : Les Hautes Parties contractantes déclarent solennellement au nom de leurs peuples respectifs qu'elles condamnent le recours à la guerre pour le règlement des différends internationaux et y renoncent en tant qu'instrument de politique nationale dans leurs relations mutuelles.

Article 2 : Les Hautes Parties contractantes reconnaissent que le règlement ou la solution de tous les différends ou conflits, de quelque nature ou de quelque origine qu'ils puissent être, qui pourront surgir entre elles, ne devra jamais être recherché que par des moyens pacifiques."

Bien qu'approuvé par cinquante-sept pays, dont notamment l'Allemagne, le Japon et l'Union Soviétique, ce pacte n'a cependant qu'une valeur morale, laissant en suspens la question des sanctions applicables en cas de non-respect de ses dispositions. Les États-Unis, qui connaissent alors une période de prospérité économique, sont en effet réticents à un engagement dans un éventuel conflit européen.

Aristide Briand s'engage alors dans une politique nouvelle, résolument européenne. En septembre 1929, lors d'un discours à Genève, reprenant une idée émise notamment par le comte Coudenhove-Kalergi, diplomate autrichien fondateur du mouvement Pan-Europa, il suggère la création d'une union régionale, une "fédération européenne" dont la compétence s'exercerait principalement en matière économique et qui ne porterait pas atteinte à la souveraineté nationale. Cette proposition rencontre un vif succès et les délégués des vingt-sept états européens le chargent de rédiger un mémorandum à ce sujet.

Ce mémorandum leur est adressé en mai 1930. Aristide Briand y développe son projet. S'inscrivant dans le cadre de la Société des Nations, cette institution serait composée d'une Conférence d'Union européenne, organe représentatif groupant les représentants de tous les gouvernements européens membres de la SDN, d'un Comité politique permanent, organe exécutif présidé à tour de rôle par les états membres et d'un secrétariat. L'un des principaux objectifs serait "l'établissement d'un marché commun pour l'élévation au maximum du niveau de bien-être humain sur l'ensemble des territoires de la communauté européenne".

Le mémorandum ne reçoit pas le même accueil que ses propos à la Société des Nations. En France comme dans le monde, l'action d'Aristide Briand se heurte à des résistances de plus en plus fortes. L'obstacle le plus important est la persistance des différents nationalismes. Si le principe d'une coopération n'est pas remis en cause, celui d'une union européenne pleine et entière, tant au plan politique qu'économique, effraie. L'aspect politique du projet, notamment, en évoquant des "liens fédéraux", réveille les méfiances. Une commission d'études est créée le 23 septembre 1930. Aristide Briand en est élu président. Chargée d'étudier les modalités d'une éventuelle collaboration au sein de l'Europe, elle ne peut cependant aboutir à aucun résultat.

Surnommé le "pèlerin de la paix", Aristide Briand n'a cessé tout au long de sa carrière diplomatique de multiplier les occasions d'établir la paix en Europe. Son projet d'union européenne ne résiste malheureusement pas à la crise économique et à la montée des dictatures.

Aristide Briand s'éteint le 7 mars 1932.

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

Wilhelm Keitel

1882 - 1946

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Wilhelm Keitel. Photo collection DMPA

 

Entré dans l'armée en 1901, Wilhelm Keitel occupe principalement divers postes d'officiers d'état-major durant la Première Guerre Mondiale. Après la capitulation de l'Allemagne en 1918, il poursuit sa carrière militaire au sein de la nouvelle armée allemande, la Reichswehr, telle qu'elle est autorisée par le traité de Versailles.

Lorsque Adolf Hitler arrive au pouvoir, en 1933, et entreprend de reconstituer les forces armées, la carrière de Wilhelm Keitel progresse très rapidement. Nommé général de brigade en 1934, il devient chef de cabinet du ministre de la guerre et directeur du Wehrmachtsamt, chargé de la coordination des forces armées, l'année suivante.

En 1938, Wilhelm Keitel est nommé chef de l'Oberkommando der Wehrmacht (OKW : commandement suprême de la Wehrmacht) nouvellement crée.

Le 22 juin 1940, il signe l'armistice franco-allemand à Rethondes. Nommé maréchal en juillet 1940, cet exécuteur zélé des ordres d'Adolf Hitler couvre de son autorité toutes ses décisions militaires ainsi que les mesures de terreur adoptées dans les territoires conquis, portant notamment sur l'exécution des commissaires politiques de l'Armée rouge, l'exécution des otages et les prisonniers NN. En dépit de plusieurs tentatives visant à un changement de personne au sommet de la hiérarchie militaire de la part de cercles dirigeants de l'armée et de l'état-major, il conserve son poste jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Le 9 mai 1945, il signe la capitulation sans conditions de la Wehrmacht, sur ordre du chancelier-amiral Dönitz. En 1946, le tribunal international de Nuremberg le condamne à mort pour crime contre la paix, crimes de guerre et crime contre l'humanité.

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

Félix Eboué

1884-1944

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Félix Eboué. Photo DMPA

Adolphe Félix Eboué naît le 26 décembre 1884 à Cayenne (Guyane), quatrième d'une famille noire de cinq enfants. Son père, d'abord orpailleur, tiendra avec son épouse, après 1898, une épicerie.

En 1901 il obtient une demi-bourse pour poursuivre sa scolarité à Bordeaux. Bachelier en 1905, il gagne Paris et l'école coloniale dont il sort diplômé en 1908. Très tôt, il est attiré par l'Afrique noire et ses civilisations auxquelles se rattache sa condition de créole. Il s'oriente donc vers l'administration des colonies africaines, et obtient son affectation comme administrateur en chef en 1909 dans l'Oubangui-Chari (aujourd'hui la République Centrafricaine) où la pénétration occidentale n'est pas encore partout assurée. Il va demeurer en poste jusqu'en 1933, revenant régulièrement en Guyane pour ses congés. Il y épouse Eugénie Tell en 1921.

En Afrique noire, Félix Eboué élabore sa propre conception de la politique coloniale, tentant de concilier la modernisation de la vie matérielle et le maintien de la culture africaine. C'est ainsi qu'il favorise les productions nouvelles comme le coton, développe l'infrastructure routière ferroviaire. Parallèlement, il pousse à sauvegarder les cultures vivrières, s'initie aux langues locales, étend ses recherches sur les traditions...

Partisan de l'association - et non de l'assimilation - des peuples colonisés, il se heurte souvent à ses supérieurs hiérarchiques qui ont peu apprécié son adhésion, en 1928, à la Ligue des droits de l'homme. Félix Eboué veut en effet assumer le pari délicat d'être à la fois un administrateur colonial rigoureux et un humaniste intransigeant.

En 1934, il part pour le Soudan français (aujourd'hui le Mali). S'appuyant sur les élites noires, il entreprend la mise en valeur des rives du Soudan, la sédentarisation des nomades pour cultiver les terres. Entre-temps, en 1932 et 1933, il fut secrétaire général en Martinique, où il a cherché à développer l'île, à améliorer la condition des plus démunis, à atténuer les antagonismes entre Blancs, Métis et Noirs.

Rappelé du Soudan, il est chargé, en septembre 1936, d'appliquer la politique du Front Populaire en Guadeloupe. Trouvant sur cette île morcelée une situation de crise, il ouvre des négociations, engage un plan d'aide au crédit, de formation professionnelle, de construction de cités, et assainit les finances publiques.

Le 4 janvier 1939, il est nommé gouverneur du Tchad, nouvelle colonie tout juste pacifiée. Conscient de l'importance stratégique du pays, alors que la menace italienne se précise dans la région, il lance de grands travaux d'infrastructures.

Le 6 juin 1940, la nouvelle de la défaite des armées françaises et de l'armistice parviennent à Fort-Lamy. L'appel du général de Gaulle est aussi appris quelques jours plus tard. A Brazzaville, après avoir hésité, Boisson, gouverneur général de FA.E.F, fait allégeance au maréchal Pétain. Le 29 juin. Eboué, qui juge que cet armistice prive sa patrie des valeurs qu'il a toujours défendues, câble sa détermination de ne pas en appliquer les clauses. Bien que son isolement géographique le place dans une position inconfortable, le Tchad reste en état de guerre. Le 16 juillet, un télégramme du général de Gaulle lui apporte l'appui du chef de la France Libre dont les émissaires arrivent le 24 août. Le 26, une proclamation annonce le ralliement du Tchad à la France Libre. Le Cameroun, le Congo, suivent l'exemple : Eboué a donné le signal de la dissidence africaine, apportant à la cause de la France combattante un point d'appui exceptionnel.

Relevé de ses fonctions et condamné à mort par contumace par le Gouvernement de Vichy, Félix Eboué est nommé, le 13 novembre, gouverneur général de l'Afrique équatoriale française par le général de Gaulle, et siège au Conseil de défense de l'empire. Le Tchad devient la base arrière des Français qui reprennent le combat : c'est de là que Leclerc lance en mars 1942 son raid légendaire sur Koufra, et que les F.F.L. attaquent les Italiens au Fezzan puis en Tripolitaine.

En même temps qu'il assure l'approvisionnement de ces troupes, organise une économie de guerre, rétablit les circuits commerciaux, Eboué cherche à ramener la paix civile en A.E.F., atténuant les tensions nées en 1940 entre gaullistes et pétainistes.

Parallèlement, il est convaincu que l'autorité française ne peut se maintenir durablement en Afrique noire sans une profonde réforme de la politique coloniale.

Dans cet esprit, sa circulaire du 8 novembre 1941 prévoit ainsi le respect du droit coutumier, l'association des conseils africains à l'administration, la formation de cadres indigènes, l'extension de contrats de travail, etc. En juillet 1942, le général de Gaulle signe trois décrets allant dans le même sens.

Le 30 janvier 1944, le chef de la France Libre ouvre à Brazzaville une conférence sur l'avenir des territoires français d'Afrique. Reprenant des thèmes chers à Eboué, comme la participation indigène à l'administration ou à la redistribution des régions en fonction des appartenances ethniques, les recommandations de la conférence le laissent insatisfait puisqu'elles rejettent toute autonomie à terme, tout en préconisant une représentation élue des territoires africains. Fatigué, Eboué prend un congé et part en février 1944 avec sa famille - qui, de France, l'a rejoint en 1942 - en Egypte. Il trouve l'occasion d'oeuvrer aux relations diplomatiques entre ce pays et le gouvernement provisoire de la République française.

Le 17 mai 1944, il meurt des suites d'une congestion pulmonaire.

Le 19 mai 1949, les cendres de Félix Eboué sont transférées au Panthéon à Paris. A cette occasion, Gaston Monnerville, président du Sénat, rappelle que "c'est (un) message d'humanité qui a guidé Félix Eboué, et nous tous, Résistants d'outre-mer, à l'heure où le fanatisme bestial menaçait d'éteindre les lumières de l'esprit et où, avec la France, risquait de sombrer la liberté".

La mémoire de Félix Eboué est aujourd'hui rappelée à travers plusieurs monuments et plaques commémoratifs.

À Paris, son nom, joint à celui de Daumesnil, se retrouve dans une station du métropolitain.

 
Source : MINDEF/SGA/DMPA

Charles Péguy

1873 - 1914

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Charles Péguy - Portrait par Pierre Laurens. ©Harlingue-Viollet

 

Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle,

Mais pourvu que ce soit pour une juste guerre.

Heureux ceux qui sont morts pour quatre coins de terre.

Heureux ceux qui sont morts d'une mort solennelle »

Charles Péguy, Prière pour nous autres charnels.

 

Charles Péguy naît le 7 janvier 1873 à Orléans au sein d'une famille de condition modeste.

Son père, menuisier, décède l'année même de sa naissance et l'enfant est alors élevé par sa mère, rempailleuse de chaises.

Bon élève, Charles Péguy bénéficie d'une bourse d'enseignement qui lui offre la possibilité d'effectuer de brillantes études au delà de l'école communale. Après avoir accompli son service militaire au 131e RI d'Orléans en 1892, il quitte donc le lycée et entre en 1894 à l'École Normale Supérieure où il a pour maître des professeurs prestigieux comme le médiéviste Joseph Bédier, l'écrivain Romain Rolland ou le philosophe Henri Bergson qui aura d'ailleurs une grande influence sur la maturation intellectuelle du jeune homme.

Licencié ès lettres en 1896, Charles Péguy démissionne de l'institution en 1897 après avoir échoué à l'agrégation de philosophie. Il abandonne alors toute pratique religieuse et s'engage avec conviction dans la cause dreyfusiste après avoir fait la connaissance de Bernard Lazare.

En 1897, Péguy collabore à la Revue Blanche et achève en juin sa première oeuvre, Jeanne d'Arc, suivie, l'année suivante, de Marcel, premier dialogue de la cité harmonieuse.

En 1898, Péguy se marie civilement avec Charlotte Baudouin, la soeur de son plus intime ami, récemment décédé. Le couple, qui demeure au 7, rue de l'Estrapade à Paris, aura quatre enfants : Marcel en 1898, Germaine en 1901, Pierre en 1903 et enfin Charles-Pierre en 1915.

Marcel Baudouin l'ayant orienté vers les idées socialistes, Charles Péguy s'engage dans l'action politique aux côtés de Jean Jaurès, Lucien Herr et Charles Andler et collabore activement à la Revue Socialiste. Il investit également dans une librairie, ouverte en compagnie de Georges Bellais, qui devient rapidement un foyer de résistance au socialisme marxiste prônée par Jules Guesde ainsi qu'à l'influence de Jean Jaurès sur la vie de la gauche parlementaire. Mais, l'affaire périclite à la suite de nombreuses difficultés financières, ce qui éloigne de manière définitive Péguy de ses amitiés de gauche.

En 1905, l'incident de Tanger lui révèle la menace allemande et l'ampleur du "mal universel". Péguy s'élève alors contre le pacifisme et l'internationalisme de la gauche. Au mois d'octobre, il publie ainsi Notre Patrie, un écrit polémiste et patriotique. Dans les années qui suivent, l'écrivain dénonce également le scientisme du "parti intellectuel", autrement dit ses anciens professeurs de l'enseignement supérieur. L'année 1908 est marquée par son retour à la foi. Il en fait la confidence à son ami Joseph Lotte. De 1912 à 1914, Charles Péguy effectue ainsi plusieurs pèlerinages à Notre-Dame de Chartres. L'écrivain fustige à présent le socialisme officiel, auquel il reproche sa démagogie et son sectarisme anticlérical, après la séparation de l'Église et de l'État. L'écrivain se fait mystique dans des essais philosophiques comme Clio, Dialogue de l'Histoire et de l'Âme païenne, publié entre 1909 et 1912, ou Victor-Marie, comte Hugo, en 1910. Son style personnel et intemporel trouve à s'exprimer dans de vastes poèmes oratoires aux rythmes lancinants : Le Mystère de la charité de Jeanne d'Arc, en 1910 . Le Porche du Mystère de la deuxième Vertu, l'année suivante . Le Mystère des Saints Innocents et La Tapisserie de sainte Geneviève et de Jeanne d'Arc, en 1912 . La Tapisserie de Notre-Dame, en 1913. Dans ces dernières oeuvres, Charles Péguy reprend les thèmes de la confrontation entre la mystique et la politique, la vie intérieure des citoyens qui avaient marqué le début de son oeuvre. Enfin, avec Ève en 1913, un vaste poème symphonique de quelque 3 000 quatrains, l'écrivain patriotique célèbre de nouveau les morts "pour la terre charnelle", celle des ancêtres.

 

Au mois de janvier 1900, Charles Péguy fonde les Cahiers de la Quinzaine, une maison d'édition indépendante qui publie chaque mois sa propre revue littéraire. Installée au 8 rue de la Sorbonne, il en assume personnellement la direction. Celle-ci connaîtra 229 livraisons entre le 5 janvier 1900 et le mois de juillet 1914, permettront à Péguy de publier ses oeuvres, ainsi que celles de ses amis tels André Suarès, Anatole France, Georges Sorel ou Julien Benda. Péguy rédige également des textes sur l'actualité, comme la séparation de l'Église et de l'État, la crise de l'enseignement...

 

Le 2 août 1914, la mobilisation générale contraint Péguy à interrompre sa Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne, un plaidoyer pour la défense de Bergson. Le 4 août, il prend le commandement d'une unité de réservistes à Colommiers et gagne la Lorraine. Après une courte campagne devant Metz, son régiment, le 276e R.I. se replie sur l'Aisne où l'armée française fait retraite.

Le 5 septembre 1914 à Villeroy, près de Meaux, lors des premiers combats de la bataille de la Marne, l'unité du lieutenant Péguy entre en contact de l'ennemi qui avance alors sur Paris. Alors qu'il commande le tir, l'officier est tué d'une balle en plein front. Son corps est inhumé parmi ceux de ses compagnons d'armes dans le cimetière national de Chauconin-Neufmontiers.


Heureux les grands vainqueurs.

Paix aux hommes de guerre.

 

Qu'ils soient ensevelis dans un dernier silence.

Que Dieu mette avec eux la juste balance

Un peu de ce terreau d'ordure et de poussière.

 

Que Dieu mette avec eux dans le juste plateau

Ce qu'ils ont tant aimé, quelques grammes de terre.

Un peu de cette vigne, un peu de ce coteau,

Un peu de ce ravin sauvage et solitaire.

 

Mère voici vos fils qui se sont tant battus.

Vous les voyez couchés parmi les nations.

Que Dieu ménage un peu ces êtres débattus,

Ces coeurs pleins de tristesse et d'hésitations.

 

Et voici le gibier traqué dans les battues,

Les aigles abattus et les lièvres levés.

Que Dieu ménage ces coeurs tant éprouvés

Ces torses déviés, ces nuques rebattues.

 

Que Dieu ménage un peu de ces êtres combattus,

Qu'il rappelle sa grâce et sa miséricorde.

Qu'il considère un peu de ce sac et cette corde

Et ces poignets liés et ces reins courbatus.

 

Mère voici vos fils qui se sont tant battus.

Qu'ils ne soient pas pesés comme Dieu pèse un ange.

Que Dieu mette avec eux un peu de cette fange

Qu'ils étaient en principe et sont redevenus."

Extrait de l'œuvre poétique Eve, publiée dans le Quatorzième cahier de la quinzième série, le 28 décembre 1913.
 
MINDEF/SGA/DMPA et Marc Nadaux

 

Anna Marly

1917-2006

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Anna Marly

 

Née à Saint-Pétersbourg le 30 octobre pendant la Révolution de 1917 au cours de laquelle son père fut fusillé, Anna Bétoulinsky quitte la Russie pour la France au début des années vingt. Réfugiée avec sa mère, sa soeur aînée et leur fidèle nounou dans la communauté russe de Menton, elle vécut des années difficiles dont elle garde néanmoins un souvenir heureux.

A l'âge de treize ans on lui offre une guitare. Ce cadeau dont elle ne se séparera jamais va bouleverser sa vie. "C'est à cette période que j'ai découvert la magie des sons, influencée par Charles Trénet."

En 1934, Anna rejoint Paris et débute une carrière artistique sous le pseudonyme d'Anna Marly, patronyme qu'elle choisit dans l'annuaire. Elle danse tout d'abord dans les Ballets russes de Paris qui l'entraînent en tournée à travers l'Europe, puis ce sont les Ballets Wronska qui l'engagent comme danseuse étoile.

Pour autant, Anna n'en oublie pas la musique. Après un passage au conservatoire de Paris pour travailler sa voix, elle se produit dès 1935, avec sa guitare et un petit répertoire qu'elle s'est créé, au Shéhérazade, le cabaret parisien de la jeunesse dorée, puis au théâtre des Variétés à Bruxelles et au Savoy Club de La Haye. C'est d'ailleurs lors de son séjour en Hollande qu'elle rencontre celui qui deviendra en avril 1939 son mari, le baron van Doorn.

La même année, Anna connaît une grande satisfaction professionnelle en devenant la benjamine de la SACEM (Société des Auteurs Compositeurs et des Éditeurs de Musique).

Le 13 juin 1940, Paris est déclarée ville ouverte. Anna et son mari quittent la capitale et prennent le chemin de l'exode. Après avoir transité par l'Espagne et le Portugal, ils s'installent à Londres en 1941 où Anna s'engage comme volontaire à la cantine des Forces Françaises Libres. Elle chante aussi quelquefois au café. Se séparant bientôt de son mari, elle devient alors projectionniste, puis s'enrôle au théâtre aux Armées et chante au micro de la BBC dans l'émission "Les Français parlent aux Français".

De cette époque datent les chansons les plus célèbres d'Anna Marly, notamment "Le Chant des partisans". Un jour, fin 1942, ayant lu dans les journaux britanniques le récit de la bataille de Smolensk, son âme russe se réveille. Un mot lui revient à l'esprit, ce mot de "partisans". "Bouleversée, je prends ma guitare, je joue une mélodie rythmée, et sortent tout droit de mon coeur ces vers en russe : Nous irons là-bas où le corbeau ne vole pas/Et la bête ne peut se frayer un passage. Aucune force ni personne/Ne nous fera reculer." Appelée initialement "La Marche des partisans", cette chanson sera interprétée en russe par son auteur jusqu'à ce que Joseph Kessel s'exclame en l'entendant pour la première fois "Voilà ce qu'il faut pour la France !" et qu'il en écrive la version française avec son neveu Maurice Druon. Sifflé comme indicatif de l'émission de la BBC "Honneur et Patrie" puis comme signe de reconnaissance dans les maquis, "Le Chant des partisans" (intitulé "Guérilla song" dans sa version anglaise) s'impose rapidement comme l'hymne de la Résistance.

La Complainte du partisan est écrite dans la même période. "En pensant à la France occupée, je me suis mise à jouer une mélopée lancinante, mais sans paroles." C'est Emmanuel d'Astier de la Vigerie, chef du mouvement Libération-Sud, qui signe les paroles de cette chanson reprise plus tard par Joan Baez et Léonard Cohen.

A son retour en France en 1945, Anna Marly connaît la gloire. Toutefois, elle décide de s'installer en Amérique du sud où elle devient l'ambassadrice de la chanson française. C'est au Brésil, en 1947 qu'Anna rencontre son second mari, le russe Yuri Smiernow. Elle continue à beaucoup voyager et sillonne l'Afrique, toujours accompagnée de sa guitare. Aujourd'hui, elle vit aux Etats-Unis où elle se consacre à l'écriture de fables, de poèmes tissés de souvenirs. Comme pour ses mémoires récemment publiées (Anna Marly, Troubadour de la Résistance. Tallandier-Historia), elle souhaite que le présent ouvrage serve de témoignage aux jeunes générations, à tous ceux qui n'ont pas vécu ces moments tourmentés de l'Histoire afin qu'ils portent et transmettent à leur tour le flambeau du souvenir.

Anna Marly, que l'on surnomma le "Troubadour de la Résistance" et dont le Général de Gaulle écrivit qu'"elle fit de son talent une arme pour la France", a composé plus de trois cents chansons (dont "Une chanson à trois temps" pour Edith Piaf). Certaines d'entre elles se sont élevées au rang de patrimoine national. L'enseignement obligatoire dans les années soixante du "Chant des partisans" avec "la Marseillaise" et "Le Chant du départ" n'en est pas la moindre preuve. Ecrites dans le contexte de la guerre, les chansons d'Anna Marly constituent un témoignage vivant de l'Histoire de France et c'est à ce titre qu'elle fut décorée de l'ordre national du Mérite en 1965 et de la Légion d'honneur en 1985.

Elle participa à un hommage à Jean Moulin en 2000, à l'occasion du 60e anniversaire du 18 juin, où elle chanta avec les choeurs de l'armée française le "Chant des partisans".

Anna Marly s'est éteinte le 17 février 2006, en Alaska, à l'âge de 88 ans.

 

Source : AERI (Association pour des Études sur la Résistance Intérieure)

Edmond Michelet

1899-1970

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Edmond Michelet. © délégation régionale du Limousin

 

Edmond Charles Octave Michelet et est né à Paris dans le XIXème arrondissement, le 8 octobre 1899.

Dès ses 18 ans, il s'engage volontairement pour la durée de la guerre. Affecté au 126ème régiment d'infanterie de Brive, il découvre la Corrèze où il se marie. Il milite à l'ACJF (Action catholique de la jeunesse française) dont il devient le président en Béarn puis en Corrèze. En 1932, il développe les Equipes sociales, créées par Robert Garric en 1919, dont le but était de faciliter l'ascension professionnelle, intellectuelle et morale de tous ses membres défavorisés.

Devant la montée du nazisme, il créé le Cercle Duguet, un groupe de réflexion qui organise, entre autres, une série de conférences intitulée : «les dangers qui menacent notre civilisation». Père de famille, il n'est pas mobilisé en 1939, mais organise le Secours national pour venir en aide aux nombreux réfugiés.

Il pose un premier acte de résistance dès juin 1940 en distribuant avec des amis, à Brive, un tract reprenant un texte de Péguy : « celui qui ne se rend pas a raison contre celui qui se rend ».

En 1942, il en devient chef régional puis prend la direction de la région 5 des MUR. Michelet est arrêté pour ses activités de résistance par la police allemande le 25 février 1943. Emprisonné d'abord à Fresnes, au secret pendant 6 mois, il est déporté à Dachau le 15 septembre 1943.

À la libération du camp, le 29 avril 1945, il représente la France au Comité international et s'occupe du rapatriement de tous les français ainsi que de celui des Espagnols internés. Il rentre en France le 27 mai 1945.

En juillet 1945, il est désigné par le MLN comme membre de l'Assemblée consultative provisoire. Le 21 octobre 1945, il est élu député de la Corrèze à la première Assemblée constituante dans les rangs du MRP (Mouvement Républicain Populaire).

Il devient en novembre 1945, ministre des Armées du gouvernement de De Gaulle. En juin 1946, il est élu député de la deuxième Assemblée constituante et en novembre 1946, il est élu député à la première Assemblée législative. Battu aux élections législatives du 17 juin 1951 en Corrèze, il est élu en mai 1952, conseiller de la République et devient vice-président de la Haute Assemblée de 1958.

En 1954, il dirige le délégation française à l'ONU. En juin 1958, Michelet devient ministre des Anciens Combattants. Il entre au Conseil Constitutionnel en février 1962. Le 12 mars 1967, il est élu député de la première circonscription du Finistère : Quimper. Un mois plus tard, Edmond Michelet revient au gouvernement comme ministre chargé de la Fonction publique.

Après mai 1968, il est ministre d'État sans portefeuille. Après les élections des 23 et 30 juin 1968, avec la formation du gouvernement Couve de Murville, il retrouve son banc de député du Finistère à l'Assemblée. Il le quitte le 22 juin 1969 pour recueillir les Affaires culturelles dans le gouvernement Chaban-Delmas où il succède à André Malraux.

Il occupe de poste jusqu'à sa mort, le 9 octobre 1970, à Marcillac près de Brive.

Edmond Michelet a reçu le prix littéraire de la Résistance en 1959 et le Grand prix littéraire franco-belge de la Liberté en 1960 pour son ouvrage de souvenirs Rue de la liberté.

Il était président de l'Amicale des Anciens de Dachau dont il sut maintenir l'unité malgré la guerre froide et président fondateur de l'Association France-Algérie en 1963.

 

Source : Secrétariat d'Etat au Tourisme - délégation régionale du Limousin

Antoine de Saint-Exupéry

1900 - 1944

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Antoine de Saint-Exupéry l'aviateur écrivain. © SHD

L'homme de l'art

Antoine de Saint-Exupéry naît avec le XXème siècle le 29 juin à Lyon, et reçoit une formation classique dans des instituts religieux.

Aviateur-poète ? Ecrivain-pilote ? La courte existence du plus mythique des " Morts pour la France " du second conflit mondial révèle une extraordinaire richesse.

L'écrivain et le poète

Au soir de son baptême de l'air, le jeune Antoine, alors âgé de douze ans, offre à un de ses professeurs un poème aéronautique, premier signe de la double orientation de son futur destin. Dès l'enfance, Antoine de Saint-Exupéry écrit de courts textes, pour la plupart en vers. En 1926, l'auteur adopte définitivement la prose en publiant une nouvelle : "L'aviateur". Ecrit en 1929 au Maroc, "Courrier Sud" est le premier roman d'une série de cinq ouvrages qui assurent la gloire de Saint-Ex, avant même sa tragique disparition. En 1931, "Vol de nuit" remporte le Prix Femina, et préfigure le retentissant succès de "Terre des hommes", édité en 1938.

Lors de son exil aux Etats-Unis, Antoine de Saint-Exupéry publie ses deux dernières oeuvres littéraires : "Pilote de guerre" en 1942, puis "Le petit Prince" en 1943. En 1948 paraît "Citadelle", texte inachevé rédigé dans les derniers mois de sa vie. Par la suite, sont publiés une série de lettres et d'écrits : essais, correspondances, articles de presse. Écrivain de génie, Antoine de Saint-Exupéry a également été un cinéaste visionnaire, prêtant sa plume à l'écriture de plusieurs scénarios.

 

L'inventeur et le technicien

Dès son plus jeune âge, Antoine de Saint-Exupéry fait preuve d'une formidable ingéniosité, et tente de mettre au point des innovations techniques avec l'aide de ses frères et soeurs.

Plus tard, entre 1934 et 1940, sa curiosité scientifique et sa qualité de pilote le poussent à déposer une série de brevets d'invention à l'Institut national de la propriété industrielle, tous orientés vers le domaine de l'aviation. Ces découvertes visent à créer des matériels assurant un meilleur pilotage, ou à développer des processus garantissant une navigation aérienne plus précise. Ainsi, deux de ces brevets proposent un nouveau système pour l'atterrissage des avions sans visibilité, avec dispositifs et appareils de réalisation. Comme les autres innovations déposées par Saint-Ex, ils ne connaissent aucune suite industrielle.

 

L'homme de l'air

Le pionnier de l'aviation civile

Appelé sous les drapeaux en 1921, Antoine de Saint-Exupéry est affecté au 2ème Régiment d'aviation à Strasbourg, où il obtient son brevet de pilote. En 1926, cette qualification lui permet d'être nommé mécanicien, puis pilote au sein de la compagnie générale aéropostale Pierre Latécoère. Nommé chef d'escale à Cap Juby (Maroc), Saint-Exupéry est chargé de sécuriser cette portion de la ligne reliant Toulouse à Dakar.

En 1929, il rejoint Mermoz et Guillaumet à Buenos Aires, pour devenir directeur et pilote de l'Aeroposta Argentina, filiale de l'Aéropostale chargée de créer la ligne aérienne vers la Patagonie. La légende de l'Aéropostale prend fin en 1933 lorsque les lignes aériennes civiles sont regroupées sous le nom d'Air France.

Un temps pilote d'essai, victime de plusieurs accidents graves, Antoine de Saint-Exupéry rejoint le service des relations extérieures de la nouvelle compagnie, et prononce à partir de 1934 une série de conférences sur l'aviation.

L'intrépide pilote militaire

Mobilisé en septembre 1939, le capitaine de réserve Saint-Exupéry est affecté à sa demande au groupe de reconnaissance 2/33 basé à Orconte en Haute-Marne, et effectue des missions au-dessus de l'Allemagne et de la Belgique, puis du nord de la France envahie. En mars 1943, il obtient un nouvel ordre de mobilisation, et retrouve le groupe 2/33, désormais basé au Maroc. Malgré son âge et du fait de son insistance, il réussit à convaincre les autorités militaires, et vole à nouveau, non sans connaître l'épreuve du feu.

 

L'homme de guerre

Ni vichyste, ni gaulliste

Après l'armistice de 1940, Saint-Exupéry n'est ni séduit ni tenté par la révolution nationale vichyste, et rejoint les Etats-Unis où il se tient en marge de la communauté française en exil. L'écrivain, qui jouit d'ores et déjà d'un incomparable prestige, ne peut en effet trouver sa place dans un univers manichéen, partagé entre les partisans du Général de Gaulle et les artisans de la collaboration avec l'ennemi. Si les deux camps se disputent son adhésion, Saint-Exupéry refuse tout ralliement, et prône la réconciliation nationale d'un pays divisé par la défaite et l'occupation.

Homme de lettres, refusant d'être un vaincu silencieux, il publie en 1943 ses "Lettres à un otage" adressées à son ami Léon Werth resté en France, et exhortant les Français à s'unir dans le combat pour le respect des droits de l'homme.

L'énigme de la disparition

Homme d'action, il rejoint le combat et la France Libre en 1943. Au matin du 31 juillet 1944, il part de Borgo en Corse à bord de son Lightning P-38, et ne revient pas de cette mission de reconnaissance destinée à préparer le débarquement en Provence.

Le 7 avril 2004, quelque soixante années après la disparition du pilote, l'agence France-Presse relaye une information fournie par le département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines de Marseille : sur la poutre gauche d'un avion reposant par 70 mètres de fond au large de la cité phocéenne, un plongeur a découvert une série de quatre chiffres, numéro civil de fabrication apposé par l'avionneur Lockheed correspondant au matricule militaire de l'avion de Saint-Exupéry.

Soixante années d'immersion empêchent à tout jamais l'épave de livrer les raisons exactes de la disparition du père du Petit prince. Le mythique poète de l'aviation est définitivement entré dans la légende.

Ayant su dépasser les contingences pour rechercher l'essentiel, il reste pour beaucoup, tant dans sa pensée que par ses actes, l'un des phares du XXème siècle.

Résistant, déporté en 1943 à Buchenwald, plusieurs fois ministre du général de Gaulle, Pierre Sudreau narre dans "Au-delà de toutes les frontières" son extraordinaire rencontre avec le légendaire pilote.

Au Panthéon, plaque commémorative dédiée à l'auteur disparu dans le crash de son avion en mer Méditerranée, le 31 juillet 1944.

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

 

Jean Maridor

1920 - 1944

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Jean Maridor. Photo Fondation de la France Libre

Le sacrifice de Jean Maridor

 

Jean Maridor est né au Havre en 1920.

Fils de petits commerçants, il se passionne très tôt pour l'aviation, découverte lors d'un meeting aérien. Elève doué appliqué, il intègre l'école des sous-officiers de l'armée de l'Air d'Istres à sa sortie du lycée. Il obtient en même temps son brevet de pilote privé à l'âge de 17 ans.

Admis à Istres en 1939, il suit le peloton d'élèves pilotes pendant l'hiver 1939 1940. Le 24 juin, il embarque avec cinq camarades, mêlés à des aviateurs polonais, à bord d'un bateau qui quitte Saint-Jean-de-Luz pour l'Angleterre. Après une formation complémentaire sur la base d'Odiham, Jean Maridor et nommé sergent dans la Royal Air Force le 1er octobre 1940.

Affecté au squadron Winston Churchill, il multiplie en 1941 les attaques contre les bateaux allemands en Manche et Mer du Nord, ponctuées de combats contre les chasseurs allemands.

Promu sous-lieutenant des FAFL puis lieutenant en 1942, il est nommé capitaine en 1943 et reçoit, après la croix de guerre et la Distinguished Flying Cross, la croix de la Libération.

En 1944, il se spécialise dans la chasse des V1, ces bombes volantes allemandes à longue portée qui commencent alors à s'abattre sur l'Angleterre.

Le 3 août 1944, le capitaine Jean Maridor poursuit un V1 qui plonge vers un hôpital. Ouvrant le feu à très courte portée, il se sacrifie pour éviter que la bombe ne touche sa cible.

 

Source : La Fondation de la France Libre

René Mouchotte

1914 - 1943

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Commandant René Mouchotte, né le 21 août 1914 à St Mandé (Val-de-Marne) et la mascotte de l'escadrille. Source : Fondation de la France Libre

Le premier Français à commander un squadron de la RAF

 

René Mouchotte breveté pilote militaire en 1937 est mobilisé en septembre 1939.

Il rejoint l'École de chasse d'Avord en tant qu'élève instructeur, puis en mai 1940, avec son ami Guérin, il est dirigé sur le centre d'instruction à la chasse d'Oran. Le 30 juin, contre des ordres reçus, Mouchotte avec huit de ses camarades s'envolent pour Gibraltar à bord de deux avions et arrivent à Liverpool le 13 juillet 1940, pour assister à Londres, à la première revue du 14 juillet, présidée par le général de Gaulle.

Après un entraînement à Old Sarum, près de Salisbury, à la School of Army Cooperation, il rejoint la 6 Operational Training Unit de Sutton Bridge, pour être formé pilote de chasse sur Hawker Hurricane. Début d'octobre, il part avec le 615 pour Notholt, dans la banlieue ouest de Londres.

Le 11 octobre, René Mouchotte, effectue sa première sortie opérationnelle et aperçoit la côte française. Le 15 décembre 1940, le 615 rejoint sa base, Kenley, au sud de Londres. Le 4 mars, René Mouchotte se voit confier à titre temporaire, la conduite d'un Flight. Il abat le 26 août un Junkers 88.

Le 10 novembre 1941, René Mouchotte rejoint la base RAF de Turnhouse, où le premier groupe de chasse n° 2 « île de France » (340 squadron) est en cours de formation. Quand le lieutenant de vaisseau Philippe de Scitivaux prend le commandement du groupe, en février 1942, René Mouchotte le remplace à la tête de la 1re escadrille « Paris». Il est nommé capitaine le 15 mars 1942. Le général de Gaulle lui remet la croix de la Libération, le 14 juillet 1942 et le 1er septembre, il est décoré de la Distinguished Flying Cross.

Il reçoit le commandement du 65 squadron. Puis il prend la tête du groupe de chasse n° 1 « Alsace » qui, après un tour d'opérations au Moyen-Orient, vient être affecté en Grande-Bretagne en tant que 341 squadron de la RAF. Le 17 mars 1943, le 341 est considéré apte pour servir dans le 11 Group, où l'activité ennemie est importante, et rejoint la base de Biggin Hill.

Le 15 mai 1943, le wing de Biggin Hill, qui détient un palmarès de 998 victoires aériennes, décolle pour une mission de protection.

« L'Alsace » vole avec le 611 squadron, commandé par le squadron Leader Charles. Le wing est attaqué au-dessus du Pas-de-Calais par une formation importante de Fw 190. Charles en abat un, ce qui porte le score du wing à 999, puis Mouchotte en descendant un Fw 190 obtient la 1 000e victoire. Le testament du commandant René Mouchotte est le suivant : « Si le destin, ne m'accorde qu'une courte carrière de commandant, je remercierai le ciel d'avoir pu donner ma vie pour la Libération de la France. Qu'on dise à ma Mère que j'ai toujours été heureux et reconnaissant que l'occasion m'ait été donnée de servir Dieu, mon Pays et ceux que j'aime et que, quoi qu'il arrive, je serai toujours près d'Elle».

Les dernières lignes de son carnet de vol disaient : « Les sorties continuent à une cadence terrible. J'en suis à un record de 140. Ma fatigue est impitoyable, je sens mes nerfs s'user. J'ai un besoin hurlant de repos. Je n'ai pas pris huit jours de permission depuis plus de deux ans. Toujours en alerte à voler. Je suis éreinté mais demain, ...je repars. 26 août. ».

Il ne reviendra pas, abattu au-dessus de la Belgique. Il totalisait 1 748 heures de vol dont 408 en 382 missions de guerre.

« Mort pour la France » en opération aérienne, en septembre 1943.

 

Source : La Fondation de la France Libre