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Les batailles d'Artois 1914-1918

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Soldats britanniques et canadiens à Arras, printemps 1918. © ECPAD

Septembre 1914 : après la bataille de la Marne, gigantesques combats menés victorieusement de l'Ourcq à la Meuse par les Alliés, les belligérants, en tentant des opérations de débordements réciproques, entament vers le nord, à travers les départements de l'Oise, de la Somme, du Pas-de-Calais et par la Belgique, une "course à la mer". Seule l'arrivée de leurs forces sur l'Yser et le littoral belge met un terme aux enveloppements par les ailes où chacun redoutait d'être attaqué à revers.

Corps 1

En octobre le front est stabilisé : Belges, Britanniques, Français font face aux Allemands qui entrent à Lille le 13 octobre et attaquent dans les Flandres belges avec leur 4e armée.

Au sud, l'avance de la 6e armée impériale du prince héritier de Bavière, Rupprecht, a creusé un saillant entre Armentières et Arras au sein du dispositif de la 10e armée française.

 

Ablain-Saint-Nazaire, Pas-de-Calais, vue de l'Éperon de Lorette, la mission japonaise en Artois, novembre 1915. © ECPAD/Édouard Brissy

 

L'ennemi a atteint le plateau d'Ablain-Saint-Nazaire où un lieu de pèlerinage réputé dans la région, une chapelle dédiée à Notre-Dame de Lorette, se dresse sur la partie orientée vers le village de Souchez. Les Bavarois occupent puis fortifient la partie Est de la hauteur ainsi que le village voisin. Les premiers tués français sont tombés le 9 octobre, lorsque le 149e RI a contre-attaqué, en vain, pour reprendre le secteur de Lorette. C'est le 21e corps d'armée du général Maistre qui défend Auras où résiste la 77e division alpine commandée par le général Barbot. La ville est détruite par les obus allemands. Le beffroi s'écroule le 21 octobre. Cibles de l'artillerie ennemie les semaines suivantes, l'hôtel de ville et la cathédrale flambent, les maisons du XVIIe siècle de la Grande Place sont brûlées et écroulées (Arras sera considérée comme une ville-martyr de la Grande Guerre). Le 17 décembre, la 10e armée du général de Maudhuy passe à l'attaque à Lorette, Carency, Saint-Laurent-Blangy sans succès. Son action s'effrite en continuels petits assauts dits "de grignotage" qui coûtent des milliers d'hommes.

 

Arras, la mairie et le beffroi, 1917. © ECPAD/attribué à Jean-Baptiste Tournassoud

 

Une affreuse guerre de tranchées se déchaîne tout le long de l'hiver 1914-1915 dans la boue, la pluie, la neige et le froid, amplifiée par la guerre de mines menée sous terre, à Carency, par les sapeurs du génie.

 

Prise de Carency, avril 1915. © ECPAD

 

Depuis son grand quartier général (GQG) de Chantilly, dans l'Oise, le général Joffre décide alors d'une plus vaste opération en Artois, destinée à percer le front ennemi. Le général Foch, commandant le groupe d'armées du nord doit la coordonner. Il charge la 10e armée du général d'Urbal de mener une offensive de Lens à Arras avec six corps d'armée et 1 000 canons.

Le bombardement visant à démolir les positions ennemies débute le 9 mai 1915, à 6 heures du matin. À 10 heures, l'infanterie sort de ses tranchées pour mener l'assaut à la baïonnette et à la grenade. Il faudra un mois et demi de combats acharnés pour s'emparer, mètre par mètre, d'une partie seulement du dispositif fortifié allemand. Les Français subiront de très lourdes pertes dues aux tirs incessants des mitrailleuses et aux ripostes de l'artillerie lourde.

Le 9 mai, pourtant d'un élan irrésistible du 33e corps d'armée, au centre de l'attaque, les Alpins de la 77e DI, les tirailleurs algériens et les légionnaires de la division marocaine, progressent de plusieurs kilomètres et atteignent la cote 119 sur la crête de Vimy.

Une pointe du 7e RTA parvient même jusqu'aux abords de Givenchy. Les légionnaires du 2e régiment de marche du 1er REI, dont les Tchèques de la 2e compagnie Nazdar, ont pris les Ouvrages Blancs puis foncé vers la crête.

La percée est réussie mais elle ne peut être exploitée, faute de munitions et de renforts trop lentement acheminés en première ligne à cause du terrain bouleversé et des tirs de barrage ennemis. De plus, l'infanterie allemande contre-attaque rapidement, refermant la brèche au bout de quelques heures, malgré la montée en ligne des réserves : chasseurs à pied, compagnies du 8e zouaves, tirailleurs tunisiens du 4e RTT.

 

Bataille d'Artois 1914-1918. © Ministère de la défense/SGA/DMPA/Joëlle Rosello

 

Le 10 mai, les assauts continuent contre Carency, Neuville-Saint-Vaast, le Labyrinthe, la Targette, Ablain-Saint-Nazaire. Le 11, de violents combats se déroulent à Lorette. Les ruines de la chapelle sont prises au corps à corps par des unités du 21e CA. La 70e DI du général Fayolle a seulement conquis la moitié du village d'Ablain, maison par maison, cave par cave, boyau après boyau.

Durant des semaines, la bataille s'exaspère en une multitude de combats.

Dans le but de soulager la 10e armée, une action de diversion est déclenchée par l'unité voisine, la 2e armée du général de Castelnau, contre l'extrême sud de l'Artois, dans le secteur qui domine Beaumont-Hamel et la vallée de l'Ancre.

Les 7 et 8 juin, les unités des 21e et 51e divisions d'infanterie prennent des lacis de tranchées très fortifiés au sud-est d'Hébuterne, à la ferme Toutvent et face à Puisieux. Le 137e RI de Vendre et le 5e bataillon du 243e RI de Lille y gagnent chacun une citation à l'ordre de l'armée. Sur le front d'Auras, le 9 juin, les Normands (5e DI de Rouen) du général Mangin emportent d'assaut la Targette et une partie de Neuville-Saint-Vaast. Le 16, la 10e armée relance l'attaque générale contre la crête de Vimy. Le Labyrinthe est nettoyé de ses défenseurs ainsi que le Fond de Buval, mais les ruines de Souchez résistent toujours. Le général Foch stoppe l'offensive le 24 juin, car la résistance ennemie s'avère trop forte.

Du 9 mai au 25 juin, pour conquérir 20 km2, les Français ont perdu 102 500 hommes, tués, disparus, blessés et prisonniers. Durant l'été 1915, le front est figé, mais une continuelle lutte d'artillerie de tranchées, où crapouillots et minenwerfer rivalisent, et des actions d'infanterie très limitées, maintiennent la tension.

 

Premières lignes dans la région de Lens, novembre 1915. ©  ECPAD/Emmanuel Mas

 

Afin d'étayer l'offensive menée en Champagne le 25 septembre le GQG relance les opérations en Artois. La 10e armée, soutenue par la 1re armée britannique agissant vers Loos, passe à l'attaque après une longue préparation d'artillerie. Essoufflé au bout de quelques jours, l'assaut s'arrête le 12 octobre. Ses résultats - la prise de Souchez, la cote 119 atteinte de nouveau ne permettent pas d'espérer la percée du front ennemi trop bien défendu. Début novembre, les combattants sont épuisés. Les pluies noient tout. La boue paralyse tous les mouvements.

En mars 1916, pour soulager les Français menacés à Verdun d'une rupture de leurs lignes, les Britanniques relèvent en Artois la 10e armée qui devient disponible pour un autre front.

 

Mairie d'Ablain-Saint-Nazaire, hiver 1915-1916. ©  ECPAD/Collection Mesple

 

Le 9 avril 1917, les Canadiens s'emparent de la crête de Vimy. Le 3 octobre 1918, la 1re armée britannique libère Lens, ville morte, complètement rasée, anéantie de fond en comble.

 
Ministère de la défense/SGA/DMPA