« L’herbe aux yeux bleus »

Sous-titre
Par l'artiste photographe Sophie Zenon

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© Sophie Zenon
Epervière de Bauhin
© Sophie Zenon
 

Il y a des projets artistiques qui bouleversent instantanément. « L’herbe aux yeux bleus » fait sans nul doute partie de ceux-là. Cette exposition de Sophie Zénon, présentée du 1er avril au 28 mai 2023 à La Chambre, un espace strasbourgeois, est une expérience aussi émouvante qu’instructive. Elle met en avant plusieurs photogrammes de plantes, ainsi qu’une vingtaine de livres d’art, créés à partir d’archives issues de l’album de la guerre (L’Illustration), des estampages de troncs d’arbres fusillés et des photographies de paysages.

Corps 1
  • Les plantes obsidionales

Les photogrammes qui sont au cœur de l’exposition strasbourgeoise mettent en valeur les plantes obsidionales, ces espèces végétales importées à la faveur des conflits et des mouvements de troupes.  Historienne de formation, aujourd’hui photographe plasticienne, Sophie Zénon les a découvertes lors d’un de ses précédents travaux portant sur la mémoire des paysages de guerre. Fascinée par cette flore méconnue, l’artiste s’est alors tournée vers le botaniste François Vernier afin qu’il l’épaule dans ses recherches.

Parcourant avec lui la Lorraine, région d’Europe qui a vu, aux 19e et 20e siècles, le passage de nombreuses armées étrangères, ils sont allés récolter quelques-unes des 21 espèces répertoriées sur le territoire.

  • Des photogrammes animés

Après avoir franchi les voiles transparents qui donnent à voir La Seille, rivière qui, de la guerre de 1870-71 à celle de 1914 marque la frontière franco-allemande en Moselle, le visiteur est plongé dans un univers onirique où le végétal est roi. La scénographie l’oriente alors vers des photogrammes, autrement dit des images photographiques sollicitant l’empreinte directe de la plante sur un papier photosensible. Roquette d’Orient ou Bunias d’Orient, Grande gentiane, Bermudienne ou Herbe aux yeux bleus… ces témoins discrets et inaudibles de l’histoire se révèlent soudain être les protagonistes vedettes de l’exposition.

Plus ou moins vive, la lumière s’immisce dans les courbes de ces organismes, comme une sève régénératrice. Au détour des feuilles, en fonction des modèles et de la technique utilisée, les nuances de verts-gris côtoient des lueurs étincelantes qui se font tour à tour l’écho de mille interprétations. De-là, ces œuvres originales jouent avec l’imagination du spectateur, entre mitrailleuses déchirant la nuit du champ de bataille ou ballets de fragiles danseuses …

Corps 2
  • Une technique de réalisation unique

En plus d’être une réussite esthétique et poétique, ces photogrammes résultent d’une véritable prouesse technique. Ils sont le produit d’une étroite collaboration entre l’artiste et Diamantino Quintas, l’un des derniers spécialistes français du tirage argentique. Ainsi, ce projet s’est révélé être « une véritable aventure humaine », selon les dires de l’artiste. 

  • Replacer les mémoires dans l’enjeu environnemental

Le travail de Sophie Zénon, à la confluence entre art, science et histoire, ouvre un espace de réflexion d’autant plus nécessaire à l’heure où le rapport à l’environnement est bouleversé par une crise écologique de grande ampleur. Cette exposition, pensée comme un voyage poétique, est une belle occasion de (re)créer des liens avec les paysages de nos régions façonnés par une histoire dont même les plantes, fragiles graminées, portent la mémoire.


Pour en savoir plus :

  • Exposition du 1er  avril au 28 mai 2023 à La Chambre, espace d'exposition et de formation à l'image (4, place d'Austerlitz, Strasbourg) - Découvrir le livret

 

  • L'album de la guerre (Scirpe vert sombre)
    © Sophie Zenon
  • Potentille de Norvège
    © Sophie Zenon
  • Topographie végétale
    © Sophie Zenon
  • Vue de l'exposition à La Chambre à Strasbourg
    © Droits réservés
  • Vue de l'exposition à La Chambre à Strasbourg
    © Droits réservés
  • Vue de l'exposition à La Chambre à Strasbourg
    © Droits réservés