Émile Driant

1855-1916

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Portrait d'Émile Driant. ©Conseil Général de la Meuse

Alias Capitaine Danrit 

 

Le lieutenant-colonel Driant est connu pour être tombé à Verdun, le 22 février 1916, au bois des Caures. Mais il mena auparavant une carrière littéraire, sous le nom de Capitaine Danrit, et une carrière politique élu député de la 3e circonscription de Nancy à partir de 1910.

Émile Cyprien Driant est né le 11 septembre 1855 à Neuchâtel (Aisne) où son père était notaire et juge de paix. Elève au lycée de Reims, il obtient le premier prix d'histoire au Concours général. Contrairement au souhait de son père de le voir lui succéder, Émile désire être soldat, marqué par la défaite de 1871 et le passage des troupes prussiennes. Après avoir obtenu une licence ès-lettres et en droit, il intègre Saint-Cyr à vingt ans, en 1875. Sorti quatrième deux ans plus tard, il entame une carrière militaire des plus méritante : "petit, mais solide, santé à toute épreuve, très actif et toujours prêt . monte fort bien à cheval et a un goût très prononcé pour l'équitation, très intelligent a devant lui le plus bel avenir" écrira un de ses supérieurs. Il sert au 54e régiment d'infanterie de Compiègne puis à Saint-Mihiel.

Promu lieutenant en 1883 au 43e régiment d'infanterie, il est affecté à Tunis où le général Boulanger, alors gouverneur général de la Tunisie, le prend comme officier d'ordonnance - il lui accordera la main de sa fille, Marcelle. Capitaine en 1886, il suit Boulanger à Paris alors nommé ministre de la guerre. Préférant l'action aux intrigues politiques, il retourne en Tunisie au sein du 4e zouaves - l'épisode boulangiste lui vaudra la méfiance de son entourage et son affectation loin de Tunis, à Aïn-Dratam, à la frontière algérienne. Le couple Driant revient à Tunis et s'installe à Carthage où il fréquente le cercle catholique du cardinal Lavigerie, alors primat d'Afrique.

Driant utilise ce moment d'accalmie dans sa carrière pour faire oeuvre d'écrivain sous le pseudonyme de Danrit. Le succès est au rendez-vous, les romans se suivent : La guerre de demain, La guerre de forteresse, La guerre en rase campagne, La guerre souterraine, L'invasion noire, Robinsons sous-marins, L'aviateur du Pacifique, etc. Le Capitaine Danrit est, avec Louis Boussenard et Paul d'Ivoi l'un des principaux auteurs du Journal des voyages. Ses récits de sont inspirés du modèle vernien du roman d'aventures, mais relu à travers la défaite de Sedan et l'expansionnisme colonial français. La découverte du monde et de ses merveilles devient l'évocation de richesses à puiser ou de menaces à circonscrire . les machines extraordinaires, qui permettaient, chez Verne, de voyager à travers les airs et les mers, sont désormais avant tout des engins de guerre, pour détruire l'adversaire. Son oeuvre est caractéristique du roman d'aventures coloniales de la fin du XIXe siècle à la logique plus spécifique des années précédant la première guerre mondiale. Dans ses écrits, une vaste place est accordée à l'armée. Il affirme son goût des grands hommes et sa méfiance à l'égard des parlementaires. Ils sont le reflet d'une opinion publique obsédée par la menace d'une guerre. Ils accompagnent les discours quotidiens de la presse, toujours attentive aux incidents internationaux (Fachoda en 1898, la crise du Maroc constitue la trame narrative de L'Alerte en 1911), aux risques d'embrasement qu'ils portent en eux et à l'obsession du déclin de la France et de l'Europe. Ainsi, dans L'invasion jaune, ce sont les Américains, capitalistes âpres au gain, qui permettent aux asiatiques de s'armer, en leur vendant fusils et cartouches. Il imagine aussi comment utiliser massivement les armes actuelles dans une situation de guerre mondiale : gaz mortels, aéroplanes, sous-marins, le rôle de chaque invention est considéré dans la perspective d'une vaste offensive. L'officier rejoint le romancier lorsqu il fait oeuvre de pédagogie dans sa trilogie historique destinée à la jeunesse : Histoire d'une famille de soldats (Jean Taupin en 1898, Filleuls de Napoléon en 1900, Petit Marsouin en 1901).

Le Capitaine Danrit écrira ainsi près de trente romans en vingt-cinq ans.

Rappelé en métropole, l'"idole du soldat" est nommé instructeur à Saint-Cyr en 1892, auréolé de son prestige d'écrivain militaire et de visionnaire : ses écrits annoncent la guerre des tranchées. En décembre 1898, il est nommé chef de bataillon au 69e d'infanterie de Nancy après un retour de quatre ans au 4e zouaves. Après un court séjour dans la cité nancéenne, il réalise son voeu de commander un bataillon de chasseurs. Il reçoit le commandement du 1er bataillon de chasseurs à pied stationné dans la caserne Beurnonville à Troyes. Sa détermination et son courage le conduisent à risquer sa vie le 13 janvier 1901 lorsqu'il intervient pour raisonner le forcené Coquard dans le faubourg de Sainte-Savine. Malgré ses brillants états de services, Driant n'est pas inscrit au tableau d'avancement. Politiquement engagé dans un catholicisme de droite, il subit les contre-coups de l'anticléricalisme ambiant des années de la loi de séparation des églises et de l'Etat, et se voit inculpé dans l'affaire des fiches où les officiers auraient été notés en fonction de leur opinions religieuses. Une campagne de presse lui reproche d'avoir organisé un office en la cathédrale de Troyes à l'occasion de la fête de Sidi-Brahim et d'avoir attenté à la liberté de conscience de ses hommes en les contraignant à assister à l'office. Frappé de quinze jours d'arrêt, il demande sa mise à la retraite et décide d'entrer en politique afin de défendre l'Armée au Parlement . il a alors cinquante ans.

Battu à Pontoise en 1906 face au libéral Ballu, il met à profit sa collaboration à L'Eclair, dans lequel il publie nombre de diatribes anti-parlementaires, pour effectuer un voyage en Allemagne. A l'issu de ses observations sur les grandes manoeuvres en Silésie, il publie un livre au titre prémonitoire, Vers un nouveau Sedan, dont la conclusion est éloquente : "une guerre qui nous mettrait demain aux prises avec l'Allemagne serait une guerre désastreuse. Nous serions battus comme en 1870, plus complètement qu'en 1870". Ces propos parus dans un premier temps dans sept articles peu avant les élections de 1910 lui valent son élection à Nancy face au radical Grillon.

Assidus aux séances de la Chambre des députés, mêlant le catholicisme social de Mun aux idées de Vogüé et de Lavisse, il intervient pour faire voter les crédits militaires et soutient Barthou lors du vote de la "loi de Salut" qui porte à trois ans le service national, et s'insurge contre le déclassement des places fortes frontalières - il parvient à sauver celle de Lille en 1912 -, et s'intéresse avant guerre à la toute récente aéronautique militaire. Driant s'oppose aux thèses de Briand et de Jaurès, s'appuyant sur des exemples tirés des événements de Russie. L'armée doit jouer un rôle essentiel, avant tout comme instrument d'éducation des classes populaires, et le cas échéant comme instrument contre-révolutionnaire. C'est le concept de l'armée-école et de l'apostolat social, qui s'inscrit alors dans la mouvance des Dragomirov, Art Roë et Lyautey. Il s'intéresse ainsi aux luttes sociales, dans la mesure où elles peuvent compromettre la Défense nationale. Il soutient le syndicalisme indépendant, dit "jaune", fondé par Pierre Biétry avec l'appui de l'industriel Gaston Japy. Ceux-ci prônent l'association entre le capital-travail et le capital-argent. Les textes de Driant défendent le principe de la liberté par la propriété individuelle, au moyen de la participation progressive des ouvriers au capital des entreprises. Parmi les principaux votes du député Driant, durant la législature 1910-1914, figurent des résolutions telles que la journée de dix heures, les retraites, les libertés syndicales, et diverses mesures d'aide sociale.

A la déclaration de guerre, il demande à reprendre du service et est affecté à l'état-major du gouverneur de Verdun au service du général Coutenceau. Il sollicite et obtient le commandement des 56e et 59e bataillons de chasseurs à pied de la 72e division d'infanterie, formés de réservistes du Nord et de l'Est, soit 2200 hommes. Il commande dans l'Argonne et dans la Woëvre. Eprouvés par les combats de Gercourt, village de la Meuse repris par Driant aux Allemands, ses troupes ne prennent pas part à la première bataille de la Marne et sont chargées de la défense du secteur de Louvemont. Ils reprennent le secteur du bois des Caures et le fortifient. "Père Driant", il sait écouter ses chasseurs, gratifie les meilleurs de cigarettes et de cigares, assiste en personne aux obsèques de ses héros au cimetière de Vacherauville. Membre de la Commission de l'Armée, il est le rapporteur de la loi portant création de la Croix de Guerre au printemps 1915. Il est surtout celui qui annonce l'imminence de l'offensive allemande sur Verdun et le manque de moyens humains et matériels dès le 22 août 1915 dans une lettre adressée au président de la Chambre, Paul Deschanel : "nous pensons ici que le coup de bélier sera donné sur la ligne Verdun-Nancy... Si les Allemands y mettent le prix, et ils ont prouvé qu'ils savaient sacrifier 50000 hommes pour emporter une place, ils peuvent passer". Malgré une visite de parlementaires, une inspection de Castelnau, en décembre 1915, et une question de Galliéni, ministre de la guerre, à Joffre, rien n'est fait.

Pourtant, le 21 février 1916, alors que l'armée du Reich concentre son action sur le secteur de Verdun, seuls les 1200 hommes de Driant et 14 batteries font face à l'attaque de 10 000 soldats allemands et 40 batteries. Les Chasseurs résistent héroïquement pendant plus de 24 heures et subissent de lourdes pertes, permettant aux renforts d'arriver et de maintenir la ligne de front. La position du bois des Caures, tenue par Driant et ses hommes, est pilonnée pendant deux jours par des canons de 150, 210 et 300 mm. Le 22 février, à midi, les Allemands se lancent à l'assaut des positions des chasseurs. Les grenades et les lance-flammes viennent à bout de la résistance française. Driant donne l'ordre de repli sur Beaumont. Touché à la tempe, Driant meurt à soixante et un ans.

Au soir du 22 février 1916, on ne compte que 110 rescapés parmi les chasseurs de 56e et 59e régiments. L'annonce du désastre suscite une grande émotion. Alphonse XIII d'Espagne, un admirateur d'Émile Driant charge son ambassadeur à Berlin d'enquêter sur sa disparition. On se plaît à le croire blessé, prisonnier ou évadé à l'étranger. Une lettre de la baronne Schrotter, mère d'un officier allemand ayant pris part aux combats des Caures, à son épouse mettra fin aux rumeurs : "M. Driant a été enterré avec tout respect, tous soins, et ses camarades ennemis lui ont creusé et orné un beau tombeau . de sorte que vous le trouverez aux jours de paix" (16 mars 1916). Son sacrifice est récupéré par la presse et les publications de la guerre, pour galvaniser les troupes. La Chambre des députés annonce officiellement sa mort, son éloge funèbre est prononcé le 7 avril par Paul Deschanel, le 28 juin, la Ligue des patriotes de Maurice Barrès fait célébrer un service solennel à Notre-Dame (Paris) présidé par le cardinal Amette. Le militaire rejoint alors le romancier ...

Il est inhumé par les Allemands à proximité des lieux de son trépas, alors que ses effets sont retournés à sa veuve via la Suisse.

En octobre 1922, le corps de Driant est exhumé. Un mausolée, décidé par d'anciens combattants dont Castelnau y est érigé.

 

Source : Mindef/SGA/DMPA et Conseil Général de la Meuse

 

Dominique Larrey

1766 - 1842

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Le baron Jean-Dominique Larrey. Portrait. 1804. Par Anne-Louis Girodet de Roussy-Trioson. Source : Insecula.com

Jean-Dominique Larrey (8 juillet 1766 : Baudéan - 25 juillet 1842 : Lyon)

Dominique Larrey est une figure incontournable de l'histoire de la médecine militaire. "Providence des soldats", il est le chirurgien aux 800 opérations lors de la bataille d'Eylau , le créateur des ambulances mobiles.

Né à Baudéan, près de Bagnère-sur-Bigorre, en 1766, dans une famille pyrénéenne protestante, Dominique Larrey est la figure de proue des champs de bataille napoléoniens. Il étudie la médecine à l'Hôpital Lagrave de Toulouse, auprès de son oncle, Alexis Larrey, correspondant de l'Académie Royale de Chirurgie. Il soutient à vingt-ans une thèse sur la carie de l'os puis part pour Paris où son oncle l'a recommandé à Desault, chirurgien de l'Hôtel-Dieu. Il intègre l'École de chirurgie navale de Brest, y apprenant les rudiments de la chirurgie précoce qu'il appliquera sur la frégate La Vigilante."

En 1791, préparant le concours de chirurgien gagnant-maîtrise, il travaille à l'Hôtel national des Invalides sous la protection de Sabatier.

En 1792, il est engagé dans l'armée du Rhin et la suit dans sa campagne d'Allemagne. La bataille de Spire, en septembre 1792, lui permet d'appliquer les principes de la chirurgie navale. Il brave l'interdiction interdisant aux officiers de santé, sur terre, de se tenir à moins d'une lieue des combats et à attendre leur fin pour secourir les blessés.

Il décide alors de remédier à la mauvaise organisation du service de la Santé en créant à Mayence, en 1793, un cours de perfectionnement destiné à ses collègues. À l'Armée du Rhin, le baron chirurgien François Percy crée des ambulances légères, petits caissons sur roues permettant de transporter non seulement des infirmiers mais aussi des civières démontables et pliables.

De retour à Paris, Larrey, son second, imagine d'autres "ambulances volantes", caisses suspendues destinées au transport des blessés, qui permettraient d'enlever les soldats invalides du champ de bataille afin "d'opérer dans les vingt-quatre heures". Jusque-là, les blessés sont abandonnés plusieurs jours sur le champ de bataille, parmi les cadavres, et finalement ramassés par les paysans.

En 1796, Larrey est nommé professeur de chirurgie à l'Hôpital d'Instruction du Val-de-Grâce récemment créé. Homme de terrain, il prend part aux campagnes de la Révolution, du Consulat et de l'Empire. Il fonde l'Ecole de Chirurgie du Caire.

Chirurgien en chef de la Garde consulaire (1800), docteur général du Service de la santé, chirurgien en chef de la Grande Armée, Larrey parcourt l'Europe : en Allemagne, en Espagne, en Autriche. Lors de la bataille d'Eylau (8 février 1807) il pratique huit cent opérations en trois jours. Napoléon Ier lui offre alors son épée, et ne tarde pas à le nommer Commandeur de la Légion d'Honneur. Il est fait baron après Wagram (1809).

Sa pratique de l'amputation a permis de sauver près de trois-quarts des blessés et a évité la propagation du tétanos. Sa présence continue sur les routes et les champs de batailles lui valurent le surnom de "Providence des soldats" lors de la retraite de Russie (1812). L'Empereur, qui écrira à son sujet que c'est "l'homme le plus vertueux que j'aie connu", lui lèguera 100.000 francs.

En 1813, à Lutzen-Bautzen, Dominique Larrey pratique la première expertise médico-légale.

Blessé et fait prisonnier à Waterloo, sur le point d'être fusillé, il est sauvé par un officier prussien, Blücher, dont il avait jadis soigné le fils.

Libéré à la paix, il est inquiété sous la Restauration, mais reçoit finalement confirmation de son titre de baron en 1815. Il est membre de la première promotion de l'Académie de Médecine en 1820, membre de l'Institut en 1829.

Dominique Larrey est mort à Lyon, au retour d'une inspection en Algérie, en 1842, âgé de 76 ans.

 

Sources : Médecine et Armées, 27/8, 1999 et perso.wanadoo.fr/claude.larronde/billet-Chirurgien.html

Joséphine Baker

1906 - 1975

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Photo (C) Ministère de la Culture - Médiathèque du Patrimoine, Dist. RMN-Grand Palais / Studio Harcourt
< Joséphine Baker en 1948.

Sur décision du Président de la République, Joséphine Baker est entrée au Panthéon le 30 novembre 2021. Née américaine, artiste de music-hall, engagée dans la Résistance, militante antiraciste, elle fut de tous les combats. Incarnant l'engagement des femmes dans la lutte menée par la France Libre, elle a reçu les honneurs de la patrie.

Retrouvez une exposition consacrée à la personnalité de Joséphine Baker sur le site du musée de la Résistance en ligne

 

Née le 3 juin 1906 de Carrie McDonald et de Eddie Carson, elle grandit dans les quartiers pauvres de Saint-Louis (Missouri). A l'âge de 13 ans, elle quitte le foyer familial et devient serveuse. Elle débute comme danseuse dans de petites troupes, puis elle rejoint la troupe The Jones Family Bound qui se produit de Washington à Saint Louis. A 18 ans, elle s'établit à New-York, où elle participe à plusieurs productions dont les folies bergères et à la Revue Nègre.

En 1925, sa troupe se produit à Paris au Théâtre des Champs-Elysées. La jeune artiste conquiert rapidement le public parisien où la mode du jazz fait rage. Danseuse de cabaret, elle interprète un tableau baptisé "la danse sauvage". Un an plus tard, elle mène les revues aux Folies-Bergère. Elle y danse, vêtue de sa fameuse ceinture de bananes, et commence à chanter. C'est en 1930, au Casino de Paris, où sa revue succède à celle de Mistinguett, qu'elle interprète "J'ai deux amours". En Europe elle accumule les succès : elle est nommée reine de l'Exposition coloniale en 1931, joue dans "Zouzou" avec Jean Gabin et dans "Princesse Tamtam", se produit au Casino de Paris dans "Si j'étais blanche" et monte en 1934, "La Créole", une opérette d'Offenbach.

L'année suivante, Joséphine Baker, de retour aux États-Unis présente son spectacle devant un public très mitigé. Elle regagne la France où, en 1937, elle épouse un français et devient citoyenne française.

À la déclaration de guerre, elle peut se produire encore aux Folies-Bergère et au Casino de Paris aux côtés de Maurice Chevalier. Fidèle à son pays d'adoption, Joséphine Baker s'engage dans la Résistance, travaillant pour les services de renseignements de la France Libre avec le grade de sous-lieutenant de l'armée de l'Air, corps auxiliaire féminin. C'est Daniel Marouani qui propose à Jacques Abtey, chef du contre-espionnage militaire à Paris, de l'engager. Ainsi, durant la drôle de guerre (septembre 1939 et mai 1940) Josephine Baker recueille des informations sur l'emplacement des troupes allemandes auprès des officiels qu'elle rencontre dans des soirées. A la même époque, elle se produit sur la Ligne Maginot pour remonter le moral des troupes. Mais, à partir de l'été 1940, la Ligne Maginot franchie et suite aux lois racistes du gouvernement de Vichy, elle est interdite de scène. Sensée partir en tournée au Portugal et en Amérique du Sud, en compagnie d'Abtey, elle apporte au Portugal des renseignements écrits à l'encre sympathique sur ses partitions. Elle remonte "La Créole" afin de pouvoir reprendre contact avec Paillole à Marseille avant de rejoindre Abtey au Portugal alors pays neutre, puis de partir pour l'Afrique du Nord. En partant pour le Maroc, elle aide Solmsen, producteur de cinéma d'origine allemande, et son ami Fritz à quitter la France.

Installée à Marrakech, elle cultive les relations politiques : Moulay Larbi el-Alaoui, le cousin du sultan, et Si Mohammed Menebhi, son beau-frère, fils de l'ex-grand-vizir, et Si Thami el-Glaoui, le pacha de Marrakech. A partir de 1943, Joséphine Baker devient une véritable ambassadrice de la France Libre. Au printemps, elle entreprend une vaste tournée au Maghreb, en Egypte et au Machrek. A cette occasion, elle devient officiellement sous-lieutenant des troupes féminines auxiliaires de l'armée de l'air française. Cette activité de résistante de Josephine est rendue publique dès 1949 par un ouvrage de Jacques Abtey, La Guerre secrète de Joséphine Baker, accompagné d'une lettre du général de Gaulle.

La reconnaissance officielle est acquise le 18 août 1961 : le général Valin lui remet les insignes de la Légion d'honneur, ainsi que la Croix de Guerre avec palme.

Remariée à Jo Bouillon, elle s'investit dans la défense des droits civils et vient en aide aux victimes de guerre, enchaînant les galas de bienfaisance. Son activité caritative prend le pas sur sa carrière dont elle se retire en 1949. Elle achète un château, à Milandes, dans le Périgord est se met à adopter des enfants orphelins.

Prise dans des difficultés financières, elle recommence les tournées mondiales sur une scène où le cabaret ne fait plus autant recette. Son acharnement la mène à nouveau en 1975 sur la scène de Bobino pour un spectacle retraçant sa carrière. Un succès de courte durée cependant, elle décède suite à un malaise, quatre jours après la première.

 

Sources : Abtey J., 2e Bureau contre Abwehr, Paris, La Table Ronde, 1966 - Abtey J., La Guerre secrète de Josephine Baker, Paris, Siboney, 1949
Bilé S., Noirs dans les camps nazis, Editions du Serpent à Plumes, 2005

 

Pour en savoir plus :

Aristide Maillol

1861 - 1944

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Portrait d'Aristide Maillol. Source : user.chollian.net

 

Maillol est né à Banyuls-sur-Mer, (Pyrénées-Orientales), dans le Roussillon, en 1861. Il étudie au lycée Saint-Louis de Gonzague de Perpignan avant de venir étudier à Paris en 1882 où il fréquente le cours de Jean-Léon Gérôme, et, à partir de 1885, l' École nationale supérieure des Beaux-Arts. Il y suit l'enseignement d'Antoine Bourdelle, qui l'accueille en 1889 alors qu'il est en proie à des difficultés financières.

Il rencontre Paul Gauguin en 1892 qui l'encourage à poursuivre ses études. La même année, visitant le musée de Cluny, il découvre les arts décoratifs, techniques et styles qui ne cesseront de l'influencer toute sa vie. En 1890, il se tourne vers la tapisserie et crée un atelier de tissage à Banyuls. En 1894, après un an passé en Italie, il s'oriente vers la sculpture.

Il se fait connaître en exposant ses premières oeuvres en 1897 à la société nationale des Beaux-Arts, ce qui lui permet de trouver un mécène deux ans plus tard en la personne de la princesse Bibesco.

Du 15 au 30 juin 1902, il organise sa première grande exposition à la galerie Vollard (Paris). La carrière de l'artiste débute alors : en 1905, La Méditerranée connaît un franc succès au salon d'automne de Paris - il en fera don à la ville de Perpignan. En 1908, il exécute le très contesté (en raison de la nudité du personnage) Monument d'Auguste Blanqui, pour le compte de la commune de Puget-Théniers - mais ce ne sera qu'en 1923 que Maillol honorera sa première commande d'Etat : une Méditerranée en marbre (Musée d'Orsay). L'année suivante, le Comte Harry Kessler, son plus important protecteur, lui commande Le Désir et Le Cycliste, pendant que le collectionneur russe Ivan Morozov lui demande Les Quatre saisons. La première exposition Maillol à l'étranger se déroule à Rotterdamer Kunstring (Pays-Bas) dès 1913, précédant de douze ans une exposition outre-Atlantique à Buffalo.

Éprouvé par la Première Guerre mondiale, il réalise gratuitement dans l'Entre-Deux-Guerres quatre monuments commémoratifs : à Elne en 1921, à Céret en 1922, à Port-Vendres en 1923 et à Banyuls-sur-Mer en 1933.

Bon représentant de l'école des Nabis, Maillol accorde toute la primauté au traitement esthétique au détriment du rapport à l'histoire. Sur le monument de Banyuls, il traite le sujet au moyen d'un triptyque : Guerrier mourant ou Immolation, L'épouse et la mère ou la Consolation, Les trois jeunes filles ou le Deuil. Ses figures, en relief, sont massives. Celle du soldat, disproportionnée par rapport au reste de la composition, est représentée grandeur nature afin de résister à l'épreuve du temps. Les deux autres tableaux sont organisées sur le modèle de la frise des Panathénées : les personnages tels des kouroi attiques, thorax de face et jambes de profil, se succèdent en se superposant les uns aux autres.

Le sculpteur rencontre Dina Vierny, fille d'un révolutionnaire ukrainien, en 1934, qui sera son modèle pendant dix ans. En hommage à Henri Barbusse, Maillol façonne La Rivière en 1939 , avant de se retirer à Banyuls-sur-Mer, au moment de la déclaration de guerre.

Victime d'un accident de voiture alors qu'il revient de rendre visite à Raoul Dufy à Vernet-les-Bains, il décède le 27 septembre 1944, laissant inachevée sa dernière oeuvre, Harmonie.

 

Source : Cahn I., L'ABCdaire de Maillol, Paris, Flammarion, 1999 - Les monuments aux morts de la Grande Guerre, Paris, M.P.C.I.H., 1991 - Lorquin B., Aristide Maillol, Paris, Editions du Seuil, 2005

Jean-Marie de Lattre de Tassigny

1889-1952

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Portrait du maréchal de Lattre de Tassigny. Source : www.lesfeuillants.com/Vivre/site_150eme/p7.htm

 

Né le 2 février 1889 à Mouilleron-en-Pareds en Vendée d'une vieille famille aristocratique des Flandres françaises, Jean-Marie de Lattre de Tassigny reçoit une éducation de qualité au collège Saint Joseph de Poitiers.

 

Carrière militaire

De 1898 à 1904 il prépare l'École navale et Saint-Cyr où il est reçu en 1908. Il effectue ses classes au 29e Dragons à Provins. Il est élève de Saint-Cyr de 1909 à 1911, dans la promotion « Maurétanie » où il en sort 4e de promotion. Il entre en 1911 à l'école de cavalerie à Saumur. En 1912 il est affecté dans le 12e Dragons à Pont-à-Mousson puis sur le front.

Pendant la Première Guerre mondiale il est capitaine du 93e régiment d'infanterie et termine la guerre avec 4 blessures et 8 citations. Il est ensuite affecté au 49e régiment d'infanterie de 1919 à 1921 à Bayonne.

En 1921 il est envoyé au Maroc dans le 3e bureau et dans l'état-major de la région de Taza jusqu'en 1926. De 1927 à 1929 il suit les cours de l'école de guerre avec la 49e promotion.

Il se marie avec Simone de Lamazière en 1927 et obtient d'elle un fils en 1928.

En 1929 il devient chef de bataillon au 5e régiment d'infanterie à Coulommiers.

En 1932 il est promu à l'état-major de l'armée puis à celui du général Maxime Weygand, vice-président du Conseil Supérieur de la Guerre au titre de lieutenant-colonel. En 1935 il devient colonel, commandant le 151e régiment d'infanterie à Metz. Entre 1937 et 1938 il suit des cours au centre des hautes études militaires et devient en 1938 chef d'état-major du gouverneur de Strasbourg.

 

Seconde guerre mondiale

Promu général de brigade le 23 mars 1939 il est chef d'état-major de la 5e armée le 2 septembre 1939.

Le 1er janvier 1940 il prend le commandement de la 14e division d'infanterie qu'il commande pendant les affrontements avec la Wehrmacht à Rethel, où sa division résiste héroïquement, jusqu'à la Champagne et l'Yonne, et conserve miraculeusement sa cohésion militaire au milieu du chaos de la débâcle.

De juillet 1940 à septembre 1941, il est adjoint au général commandant la 13e région militaire à Clermont-Ferrand puis devient général de division commandant des troupes de Tunisie jusqu'à la fin 1941. Par la suite il commande la 16e division à Montpellier et est promu général de corps d'armée.

Lorsque la zone libre est envahie par les troupes allemandes il refuse l'ordre de ne pas combattre et est arrêté. Il est condamné à 10 ans de prison par le tribunal d'État de la section de Lyon. Parvenant à s'évader de la prison de Riom le 3 septembre 1943 il rejoint Londres puis Alger où il arrive le 20 décembre 1943 après avoir été promu au rang de général d'armée le 11 novembre 1943 par le général de Gaulle.

En décembre 1943 il commande l'armée B, qui devient la première armée française. Il débarque en Provence le 16 août 1944, prend Toulon et Marseille, remonte la vallée du Rhône, puis le Rhin, libère l'Alsace, et entre en Allemagne jusqu'au Danube. Il représenta la France à la signature de l'armistice du 8 mai 1945 à Berlin au quartier général du Maréchal Joukov.

 

Après la guerre

Entre décembre 1945 et mars 1947, il est inspecteur général et chef d'état-major général de l'armée. En mars 1947 il est inspecteur général de l'armée, puis inspecteur général des forces armées.

D'octobre 1948 à décembre 1950, il est commandant en chef des armées de l'Europe occidentale à Fontainebleau.

Il devint haut-commissaire et commandant en chef en Indochine et commandant en chef en Extrême-Orient (1950-1952) et met sur pied une armée nationale vietnamienne.

Épuisé par le surmenage auquel il s'est astreint tout au long de sa carrière et que n'a pas arrangé sa blessure reçue en 1914, très affecté par la mort de son fils Bernard, tué au cours de la campagne d'Indochine, et atteint d'un cancer, il meurt à Paris le 11 janvier 1952 des suites d'une opération.

Il est élevé à la dignité de maréchal de France, à titre posthume, lors de ses funérailles le 15 janvier 1952. Il est inhumé dans son village natal de Mouilleron-en-Pareds.

 

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Henry Frenay

1905-1988

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Henry Frenay. Source : Photo Ordre national de la Libération

Henri Frenay est né le 19 novembre 1905 à Lyon. Son père est officier, ses deux fils le seront. Henri Frenay appartient à cette génération qui célèbre la France victorieuse de 1918 et voue une haine terrible à l'Allemagne.

Il entre à Saint-Cyr de 1924 à 1926. De 1926 à 1929, il sert en métropole. A partir de 1929, il est affecté en Syrie et retourne en métropole en 1933.

C'est vers 1935 qu'Henri Frenay va faire une rencontre déterminante dans sa vie : Berty Albrecht, femme exceptionnelle, grande figure du féminisme qui oeuvre à la défense des droits de l'Homme. Elle participe à l'accueil des premiers bannis de Hitler. Par elle, Henri Frenay découvre un autre milieu et surtout la réalité de la menace nazie et comprend que cette idéologie est plus qu'un avatar du pangermanisme. C'est probablement pourquoi il décide, après l'Ecole de guerre, de partir, de 1937 à 1938, pour Strasbourg, au centre des Hautes études germaniques pour observer de près la doctrine national-socialiste et son application en Allemagne. Il comprend que la guerre est inéluctable, que c'est une guerre de civilisation qui ne ressemblera pas à la Première.

Le résistant

À la déclaration de guerre, le capitaine Frenay est affecté à Ingwiller. Fait prisonnier, il parvient à s'évader.

Dès juillet 1940, refusant la défaite, il écrit un manifeste, premier appel à la lutte armée. En décembre 1940, il est affecté à Vichy où il fait un bref séjour au service des renseignements, puis démissionne de l'armée en février 1941.

Il entre dans la clandestinité pour se consacrer exclusivement au développement de l'organisation de la Résistance qu'il a imaginée dès l'été 1940. Berty Albrecht retrouve Frenay à Vichy puis à Lyon. Ils deviennent inséparables jusqu'à la mort de Berty en 1943.

Frenay organise les premiers recrutements parmi ceux qui, comme lui, refusent l'armistice. Il publie des bulletins puis des journaux clandestins (les Petites Ailes ou Vérités) qui montrent une certaine confiance en Pétain et une croyance dans le possible double jeu de Vichy. Au même moment il rencontre pour la première fois Jean Moulin qui recueille auprès de lui ses informations sur la résistance et qu'il rapportera à de Gaulle à Londres.

Henri Frenay fonde ensuite le Mouvement de libération nationale (MLN) et édite le journal Vérités à partir de septembre 1941 avec l'aide de Berty Albrecht. En novembre, il rencontre l'universitaire François de Menthon qui dirige le mouvement Liberté, éditant un journal du même nom. De la fusion du MLN et de Liberté naît le mouvement Combat et son journal du même nom. Il devient vite le mouvement le plus grand et le plus structuré de la zone occupée.

Dès juin 1942, Frenay est recherché par la police de Vichy. A l'été 1942, Combat tire à 100 000 exemplaires. Ce développement rapide s'est effectué sans aucune aide de la France de Londres que Frenay regarde avec une grande circonspection. Il faut attendre mars 1942 pour que le journal Combat proclame son allégeance au symbole que représente de Gaulle et condamne la politique de Pétain.

Le 1er octobre, Frenay est à Londres pour signer son ralliement à de Gaulle.

Grâce aux fonds fournis par Jean Moulin, Combat peut financer ses cadres et se développer. Persuadé de l'importance de former la résistance à la lutte armée, Frenay met en place les premières cellules de l'armée secrète et les premiers groupes francs durant l'année 1942. En 1943, sous l'impulsion de Jean Moulin sont créés les Mouvements Unis de Résistance (MUR) qui unifient les principaux mouvements de la zone sud : Combat, Libération et Franc-Tireur. Frenay est alors membre du Comité directeur des MUR.

Pourtant les deux hommes vont se heurter. L'indépendance de Frenay, forte d'une légitimité qui ne doit rien à personne, tolère mal la tutelle financière et politique de Londres et l'espèce de fonctionnarisation progressive imposée à la Résistance intérieure. Frenay a créé le plus grand mouvement structuré, l'Armée secrète et le NAP (noyautage des administrations publiques); il a favorisé la création des MUR. Mais Frenay est opposé à la reconstitution des partis politiques que Moulin veut intégrer dans le Conseil national de la Résistance. De plus il critique l'idée d'une séparation du politique et du militaire, au nom de l'indépendance et aussi de l'idée de l'insurrection nationale.

Le général de Gaulle lui demande d'entrer au Comité français de Libération nationale d'Alger. Frenay devient commissaire aux prisonniers, déportés, et réfugiés, c'est-à-dire ministre. Il le restera lorsque ce gouvernement s'installera à Paris, après la Libération. Cette mission périlleuse le conduira à gérer dans l'urgence le gigantesque problème du retour des Français dispersés dans l'Europe nazifiée.

En mars 1945, 20 000 personnes sont accueillis, puis en avril 313 000, en mai 900 000 et en juin 276 000. En juillet, le ministère considère le rapatriement comme terminé.

En novembre 1945, il est l'initiateur de ce qui deviendra le Mémorial de la France combattante au Mont Valérien avant de démissionner de son poste.

L'Européen

Profondément déçu de voir les anciens partis politiques s'enfermer dans un débat interne, Frenay épouse la cause du fédéralisme européen.

Dans ses articles de Combat, Frenay rêve d'une Europe réconciliée avec elle-même et avec l'Allemagne.

Président de l'Union européenne des Fédéralistes, créée en 1946, il va tout faire pour convaincre les gouvernements de l'époque d'abandonner le cadre de l'Etat-Nation, d'établir une monnaie unique et de construire une armée européenne.Au retour du général de Gaulle au pouvoir en 1958, Frenay comprend que son rêve prend fin. Il abandonne tout engagement "citoyen" pour se consacrer à la rédaction de ses souvenirs de résistant. 

Ce sera le très beau livre "La Nuit" qui finira publié en 1973. A l'occasion de cette parution, il croit découvrir les causes profondes de la rivalité qu'il a eue avec Jean Moulin. Jusqu'à sa mort,en 1988, plus guidé par son ressentiment que par la recherche de la vérité, il ne va cesser d'accuser Jean Moulin d'être un "crypto-communiste" qui aurait trahi de Gaulle et la Résistance. Ce sera un combat douteux, le combat de trop. La mémoire collective ne lui pardonnera pas.

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

Edgar Faure

1908-1988

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Portrait d'Edgar Faure. Source : www.edgarfaure.fr

Fils d'un médecin militaire, Edgar Faure naît le 18 août 1908 à Béziers et parcourt la France au gré des affectations de son père. Il étudie ainsi aux collèges de Verdun et Narbonne, aux lycées Janson de Sailly et Voltaire, à Paris. Bachelier à quinze ans, sa curiosité le conduit à s'intéresser à divers domaines. Il est agrégé des facultés de droit et diplômé de russe de l'Ecole des langues orientales. Il devient avocat à la Cour de Paris dès 1929 . il est alors le plus jeune avocat de France. Sa passion pour la politique le fait côtoyer un temps l'Action française avant de rejoindre la mouvance radical-socialiste. Il écrit et publie à la même époque plusieurs romans policiers sous le pseudonyme d'Edgar Sanday. En 1931 Edgar Faure épouse Lucie Meyer, fondatrice avec Raymond Aron de la revue La Nef.

En 1942, craignant les mesures d'exclusion du régime de Vichy, il rejoint Louis Joxe et Pierre Mendès-France à Alger où il dirige les services législatifs de la présidence du Comité français de libération nationale puis le secrétariat général adjoint du Gouvernement provisoire à Alger en juin-juillet 1944. De retour à Paris il travaille auprès de Pierre Mendès-France au ministère de l'économie. Après la démission de ce dernier, Edgar Faure accepte de remplacer Paul Coste-Floret comme délégué adjoint du ministère public au Tribunal militaire international de Nuremberg en 1945.

En octobre 1945, Edgar Faure se lance dans une carrière politique : il est député radical-socialiste du Jura de 1946 à 1958, député du Doubs de 1967 à 1980 et sénateur du Doubs de 1981 jusqu'à sa mort en 1988, président de l'Assemblée nationale de 1973 à 1978, président du conseil de la région Franche-Comté de 1974 à 1981 et de 1982 à 1988, président du conseil général du Jura de 1949 à 1967, maire de Port-Lesney (Jura) de 1947 à 1970 et de 1983 à 1988, maire de Pontarlier de 1971 à 1977 et sénateur du Jura, de 1959 à 1966, président du Comité d'expansion économique de Franche-Comté et du territoire de Belfort (1951), puis de la Commission de développement économique régionale de Franche-Comté entre 1964 et 1973.

En parallèle à son activité parlementaire, littéraire et professorale, à la Faculté de droit de Dijon, Edgar Faure occupe de nombreux postes ministériels : il est à plusieurs reprises président du Conseil (1952, 1955-1956), ministre des Finances (1949-1951, 1953, 1958), de la Justice (1951), des Affaires étrangères (1955), de l'Agriculture (1966-1968), de l'Education nationale (1968-1969) et des Affaires sociales (1972-1973). Il est aussi représentant à l'Assemblée des communautés européennes de 1979 à 1984.

Son action au gouvernement se résume en trois points : la réforme de l'économie et le redressement des comptes publics, la construction européenne et le renforcement diplomatique de la France, la politique coloniale française en Afrique du Nord.

En matière budgétaire, Edgar Faure est à l'origine d'une proposition de résolution invitant le gouvernement à prévoir la possibilité d'octroi par la Banque de France d'avances sur délégation des titres de l'emprunt (15 janvier 1948), ainsi que de l'assainissement des finances publiques en adossant le budget de l'Etat de 1950 au plan de redressement Mayer. Aussi, lors de sa première législature, en 1952, il forme un gouvernement, qualifié par la presse d'"Ali Baba et de ses quarante voleurs", qui réforme les entreprises nationalisées, fait voter, le 28 février 1952, l'échelle mobile des salaires, avant de démissionner le lendemain en raison du refus de l'Assemblée d'augmenter les impôts. Ministre des Finances et des affaires économiques sous le gouvernement Laniel, il propose, le 4 février 1954, un plan d'expansion de dix-huit mois. Lors de sa seconde législature, il obtient, en mars 1955, les pouvoirs spéciaux en matière économique, ce qui lui permet de faire face à la contestation sociale des poujadistes.

Sur le plan international, Edgar Faure mène campagne en 1952 pour la communauté européenne de défense (C.E.D.) et parvient à se maintenir au gouvernement en dépit de l'hostilité de l'Assemblée quant à ses conceptions de la France et de l'Europe. Il règle en 1954 le dossier indochinois, et, alors que le projet d'une C.E.D. est abandonné, promeut, à Messine, l'idée d'une communauté européenne de l'atome et d'une communauté économique européenne. Témoin d'un monde bipolaire et d'une politique étrangère française indépendante, il est l'artisan de l'établissement de relations diplomatiques avec l'U.R.S.S. et la Chine.

La question de l'Afrique du Nord imprègne ses passages à la tête du gouvernement et fait ressortir l'ambiguïté et les contradictions du personnage. En 1952, afin de calmer la situation en Tunisie, il renforce la présence militaire dans le pays tout en parlant d'"autonomie interne", puis mandate François Mitterrand, alors ministre d'Etat, pour proposer un plan de réformes auxquelles les colons sont hostiles. En 1955, Edgar Faure résout partiellement le conflit en Afrique du Nord en établissant, en mai, les conventions franco-tunisiennes qui accordent l'autonomie interne à la Tunisie et en libérant Habib Bourguiba. Dans le même esprit, il forme au Maroc, suite à la conférence d'Aix-les-Bains, un Conseil du Trône présidé par Mohammed V, de retour d'exil en novembre 1955. A contrario, c'est aussi sous sa législature que le conflit algérien dégénère en guerre civile. Les massacres du Constantinois du 21 août 1955 accentuent l'antinomie entre les communautés. Edgar Faure y répond en envoyant des troupes supplémentaires et en déclarant l'état d'urgence.

Le serviteur de l'État est élu à l'Académie française , le 8 juin 1978, au fauteuil d'André François-Poncet et est reçu sous la coupole le 25 janvier 1979 par le duc de Castries. C'est l'homme de culture et de tradition républicaine qui est admis à siéger dans le cénacle des Immortels. Il est auteur notamment de Pascal, le procès des Provinciales (1931), Le Serpent et la Tortue (1957), La politique française du pétrole (1961), La disgrâce de Turgot (1961), Pour un nouveau contrat social (1973), La banqueroute de Law (1977), Mémoires (1983-1984). Porteur d'une vision de l'histoire, il présente, à la suite de la loi n°46-936 du 7 mai 1946 votée par l'Assemblée du Gouvernement provisoire, une proposition de loi (20 avril 1948) visant à commémorer à date fixe le 8 mai 1945 afin de répondre au souhait des associations de déportés et d'anciens combattants de voir la victoire célébrée à son jour anniversaire. Ministre de l'Éducation nationale après les événements de mai 1968, il répond aux revendications estudiantines par une loi d'orientation sur l'enseignement supérieur, dite "Loi Faure". Le texte qui parait au Journal Officiel le 13 novembre 1968, institue la participation de l'État dans l'Université.

 

Sources : Dictionnaire des parlementaires français 1940-1958, tome 4, Paris - La Documentation française, 2001, pp. 41-44 - Mourre, Michel, Dictionnaire encyclopédique d'histoire, Paris, Bordas, 1996 (1978), pp. 2106-2107

Émile Bourdelle

1861 - 1929

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Bourdelle modelant.
Source : Musée Bourdelle

Émile Antoine Bourdelle naît à Montauban, le 30 octobre 1861, d'Antoine Bourdelle, menuisier-huchier, qui l'initiera au travail des matériaux dès l'âge de treize ans, et d'une mère qui lui enseignera les valeurs essentielles d'une vie simple et rustique.

Sa statuette de faune ornant un bahut est remarquée par deux personnalités locales, Hyppolite Lacaze et Émile Pouvillon qui l'encouragent à suivre les cours de l'école municipale de dessin alors dirigée par Achille Bouis.

En 1876, Bourdelle obtient une bourse pour les Beaux-Arts de Toulouse. Il met à profit la solitude de ses années d'étude pour réaliser ses premiers chefs-d'oeuvre : les trois Têtes d'enfants, le portrait d'Achille Bouis ou celui d'Émile Pouvillon. En 1884, il gagne Paris où il entre dans l'atelier de Falguière, à l'Ecole des Beaux-Arts. Il s'installe en 1884 dans un modeste atelier de l'impasse du Maine.

En 1885 le jeune sculpteur envoie au Salon des Artistes Français la Première Victoire d'Hannibal, pour laquelle il obtient une mention honorable. Épuisé, le sculpteur est hospitalisé. Après une convalescence à Montauban, Bourdelle, convaincu de la vanité de l'enseignement et des prix qui le couronnent, s'éloigne de l'École pour la quitter en 1886, année où il crée l'Amour agonise.

1888 est l'année où apparaît un motif récurrent dans l'oeuvre de Bourdelle : le portrait de Beethoven.

En 1891 le sculpteur expose pour la première fois au Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts. Bourdelle trouve de nouveaux maîtres, qui seront plutôt pour lui des compagnons : il fréquente l'atelier de Dalou, impasse du Maine, entame en 1893 une collaboration avec Rodin rencontré à l'atelier de Falguière. En 1897, la ville de Montauban lui commande le Monument aux Combattants de 1870.

Il fonde avec Rodin en 1900, l'institut Rodin, école libre pour l'enseignement de la sculpture. A la même époque, parmi un nombre grandissant de commandes, il réalise Les Nuées, relief destiné au dessus de scène du Musée Grévin.

Les oeuvres telles que Le Ménage Bourdelle, l'Ouragan, ou M. et Mme Bourdelle par temps d'orage, témoignent de sa vie de couple particulièrement tumultueuse. Félicien Champsaur, Marie Bermond, Jean Moréas, Elie Faure, ou encore Jules Dalou forment son cercle d'amis intimes.

L'année 1902 révèle l'artiste au public : il inaugure le Monument aux morts de Montauban . en 1905 a lieu la première exposition personnelle de Bourdelle à la galerie du fondeur Hébrard. La même année, il expose un Pallas en marbre à la Société Nationale des Beaux-Arts. Il fait de nombreux séjours à l'étranger qui témoignent de l'intérêt qu'il suscite en dehors de son pays : en 1907 il est à Berlin et Genève, en 1908 il est en Pologne comme membre d'un jury pour l'érection d'un monument à Chopin.

Commence alors la période de maturité du sculpteur, son chemin se sépare définitivement de celui de Rodin. Il commence à enseigner en 1909 : donne des cours à l'Académie de la Grande Chaumière - il comptera parmi ses élèves Giacometti et Germaine Richier. Ces années sont aussi celles de la production la plus intense du maître : il réalise en une nuit les projets pour la façade du Théâtre des Champs-Elysées, travaille en même temps au Centaure mourant, à la statue de Carpeaux, au Monument à Auguste Quercy.

 

Bourdelle réalise en 1910 son chef-d'oeuvre : l'Héraklès archer, qui est exposé à la Société Nationale des Beaux Arts, avec le Buste de Rodin. Un an plus tard, Bourdelle présente le plâtre de Pénélope, et termine la maquette du Monument à Mickiewicz. En 1913 s'achève le chantier du Théâtre des Champs-Élysées. Avec ces bas-reliefs et ces frises peintes aux sujets d'inspiration mythologique, Bourdelle réalise son idéal d'un art structural, dans lequel le décor est soumis aux lois de l'architecture. Ses recherches sur le monumental se poursuivent avec la commande du Monument à Alvear, la plus importante qu'il ait jamais reçue, puis en 1919 avec celles du Monument de Montceau-les-Mines et de la Vierge à l'offrande pour la colline de Niederbrück. Jusqu'à la fin de sa vie, Bourdelle élaborera encore de nombreux projets de monuments, mais qu'il n'aura pas le temps de réaliser (monument à Daumier, au Maréchal Foch...).

L'année 1914 est marquée par le succès à la Biennale de Venise et par la présentation du Centaure mourant à la Société Nationale des Beaux-Arts. Son succès est bientôt couronné : en 1919, le sculpteur est promu au rang d'officier de la Légion d'Honneur. Autour de Bourdelle, de nouveaux personnages prennent place : André Suarès, Anatole France, Krishnamurti, Henri Bergson.

Tout en continuant d'exposer à la Société Nationale des Beaux-Arts, Bourdelle fonde en 1920 le salon des Tuileries avec Besnard et Perret. Il expose la Naissance d'Aphrodite au salon des Tuileries, puis en 1925 à l'exposition internationale des Arts Décoratifs (Sapho, Masque de Bourdelle), au Japon, et aux États-Unis. Le bronze du Centaure mourant est présenté au Salon des Tuileries.

Les dernières années de la vie de Bourdelle sont marquées par ses expérimentations autour de la polychromie. Il réalise en 1926 ses premiers essais de sculptures polychromes, la Reine de Saba et Jeune fille de la Roche-Posay.

Alors que La France est présentée au Salon des Tuileries, le Monument à Alvear est inauguré à Buenos-Aires.

Un an avant sa mort, Bourdelle triomphe : la première rétrospective Bourdelle est proposée à l'occasion de l'inauguration du Palais des Beaux-Arts de Bruxelles (141 sculptures et 78 peintures et dessins), le 28 avril 1929, est inauguré, place de l'Alma, le Monument à Mickiewicz.

Le 1er octobre, Bourdelle meurt au Vésinet, chez son ami le fondeur Rudier.

Le talent d'Émile Bourdelle a contribué à pérenniser de nombreux lieux de mémoire :

  • à Montauban, l'artiste façonne le Monument aux Combattants et Défenseurs du Tarn-et-Garonne 1870-1871, puis le Monument à la mémoire des combattants de 1914-1918 .
  • la Victoire du Droit, à l'Assemblée nationale .
  • Héraklès archer dans le Temple du Sport à Toulouse .
  • le Monument de la Pointe de Grave, destiné à commémorer l'entrée en guerre des Etats-Unis en 1917 .
  • le Monument aux Morts de l'école de Saint-Cyr (Coëtquidan), bronze érigé initialement en 1935 à Alger .
  • le moule ayant servi à la réalisation du bronze du Monument des Forces françaises libres .
  • les Figures hurlantes du monument de Capoulet-Junac (Ariège) .
  • la stèle de Trôo (Loir-et-Cher) .
  • le monument de Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire) dont une des faces s'intitule "Le retour du soldat".

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

Jean Jaurès

1859 - 1914

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Portrait de Jean Jaurès. Source : site www.amis-musees-castres.asso.fr

Fils de la bourgeoisie de province, il est reçu premier à l'Ecole Normale Supérieure de la rue d'Ulm en 1878 puis troisième à l'agrégation de philosophie en 1881. Il enseigne tout d'abord à Albi, puis à Toulouse en 1882, pour exercer sa chaire de maître de conférences à la faculté des Lettres.

Il est élu député républicain à Castres, en 1885. C'est sa défaite aux mêmes élections quatre ans plus tard qui l'a conduit à se présenter à Toulouse, cette fois-ci sous la bannière socialiste, et sur la liste municipale.

L'opportunisme

Jaurès n'a pas toujours été socialiste, et encore moins marxiste.

Quand la République s'installe pour de bon, après une décennie de tergiversations au sujet du régime (en 1870 le Second Empire s'effondre, la République est proclamée mais les monarchistes, divisés, dominent à la Chambre des députés), Jaurès n'a que vingt ans. Il s'engage en politique en 1885, devenant député du Tarn à 25 ans. Il est le fils spirituel de Jules Ferry et siège parmi les « opportunistes », républicains socialement modérés. Il trouve alors les radicaux de Clemenceau trop agités et les socialistes violents et dangereux pour l'ordre républicain en construction.

Il ne s'en intéresse pas moins au sort de la classe ouvrière et met son éloquence devenue mythique au service des premières lois sociales du régime (liberté syndicale, protection des délégués, création des caisses de retraite ouvrière...). Fils de 1789, il croit au réformisme institutionnel et républicain, à l'alliance des ouvriers et de la bourgeoisie laborieuse pour le triomphe de la liberté, de l'égalité et de la fraternité.

En 1889, les Républicains gagnent les législatives mais lui, dans sa circonscription de Carmaux (Tarn), est battu. Le baron Reille et le marquis de Solages (tous les deux élus députés respectivement de Castres-Mazamet et de Carmaux), propriétaires des mines de Carmaux, ont employé tous les moyens et toutes les pressions pour battre ce Républicain qui prône le contrôle de l'État sur les entreprises. Il est professeur à Toulouse et soutient ses deux thèses, puis se présente aux municipales (1890).


La grande grève de Carmaux

Jaurès est à l'écart de la vie politique nationale quand, en 1892, éclate la grande grève des mines de Carmaux. Le maire élu, Calvignac, syndicaliste et socialiste, ouvrier mineur, est licencié par le marquis de Solages pour s'être absenté à plusieurs reprises afin de remplir ses obligations d'élu municipal. Les ouvriers se mettent en grève pour défendre ce maire dont ils sont fiers. La République envoie l'armée, 1500 soldats, au nom de la « liberté du travail ». La République semble prendre le parti du patronat monarchiste contre la légitime défense du suffrage universel du peuple carmausin.

En France, on est en plein scandale de Panama. Jaurès ne supporte plus cette République qui semble montrer son vrai visage, de députés et ministres capitalistes pour qui la finance et l'industrie priment sur le respect du droit républicain.

Il s'engage auprès des mineurs de Carmaux. Là, il fait l'apprentissage de la lutte des classes et du socialisme. Arrivé intellectuel bourgeois, républicain social, il sort de la grève de Carmaux apôtre du socialisme.

Sous la pression de Jaurès, le gouvernement arbitre le différent Solages-Calvignac au profit de Calvignac. Solages démissionne de son poste de député. Jaurès est tout naturellement désigné par les ouvriers du bassin pour les représenter à la Chambre. Il est élu malgré les votes ruraux de la circonscription qui ne veulent pas des « partageux ». Désormais Jaurès va se lancer dans l'incessante et résolue défense des ouvriers en lutte. À Albi il est à l'origine de la fameuse Verrerie ouvrière. Dans le Languedoc viticole il ira visiter les « vignerons libres de Maraussan » qui créent la première cave coopérative.

 

L'affaire Dreyfus

Il lutta aussi pour l'innocence d'Alfred Dreyfus. Il s'oppose alors aux marxistes orthodoxes, dont leur meneur, Jules Guesde pour qui Dreyfus est un officier bourgeois et donc, partant, coupable. Pour Jaurès, l'accablement de malheurs et d'injustice dont Dreyfus est la victime gomme les différences de classe. Dreyfus n'est plus un privilégié ou un exploiteur. Il est un homme qui souffre injustement.

Il fonda le journal L'Humanité en 1904 et fut, en 1905, l'un des acteurs majeurs de la fondation de la SFIO, unifiant les différents partis socialistes de France.

 

Le pacifisme

Ses prises de position pacifistes peu avant le déclenchement de la Première Guerre mondiale le rendirent très impopulaire parmi les nationalistes et il fut assassiné au Café du Croissant, rue Montmartre à Paris, trois jours avant le déclenchement des hostilités. Cet assassinat atteint d'ailleurs son but car il facilita le ralliement de la gauche, y compris beaucoup de socialistes qui hésitaient, à l'« Union sacrée ».

À l'issue de la « Grande Guerre » et en réaction au massacre qu'elle occasionna, un grand nombre de communes françaises nommèrent des rues et des places en son honneur, en rappelant qu'il fut le plus fervent opposant à un tel conflit. Une station du métro parisien porte aussi son nom.

La chanson de Jacques Brel intitulée Jaurès (1977) rappelle à quel point l'homme politique était devenu une figure mythique des classes populaires. Le parti socialiste français a choisi de lui rendre hommage à travers sa fondation politique, la fondation Jean-Jaurès.

Son meurtrier, Raoul Villain, après cinquante six mois de détention préventive est acquitté le 29 mars 1919.


Quelques citations

  • « Le courage, c'est de chercher la vérité et de la dire, c'est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe et de ne pas faire écho aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques. » (1903)
  • « Je n'ai jamais séparé la République des idées de justice sociale, sans laquelle elle n'est qu'un mot ».(1887)
  • « Un peu d'internationalisme éloigne de la patrie. beaucoup y ramène ».
  • « Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l'orage »

 

Source : http://histoireetgeographie.free.fr

 

Jean Errard

1554 - 1610

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Jean Errard. Photo : Musée Barrois / Bar-le-Duc

Jean Errard est un protestant natif de Bar-le-Duc. Après des études de mathématique et de géométrie, il est formé par des ingénieurs italiens au service du duc de Lorraine, Charles III, chez qui il entre en 1580. En 1583, il reçoit de ce dernier une somme d'argent pour publier des livres (notamment le premier livre des instruments mathématiques mécaniques) . Son protecteur se ralliant à la Ligue, Errard doit quitter la Lorraine en 1584, pour se réfugier dans la principauté calviniste de Sedan, au service des la Marck, ducs de Bouillon, où il reçoit le titre d'ingénieur du prince de Sedan. Il y poursuit les travaux de l'enceinte urbaine bastionnée, puis part en 1587 à Jametz, les Sedanais ayant décidé de mettre la place en état de défense. Assiégés par les troupes lorraines de Charles III à la fin de 1587, Sedan capitule le 24 juillet 1589. Jean Errard s'y réfugie alors.

Rendu célèbre par sa longue défense de Jametz (six mois), la réputation d'Errard parvient à Henri IV, nouvellement couronné, qui l'appelle à son service. Il accompagne alors le souverain dans les différentes campagnes menées pour reconquérir son royaume, s'occupe des opérations de siège, construit des bastions et édifie de nouvelles fortifications.

Il devient ingénieur des fortifications picardes et d'Île-de-France. Henri IV le charge de remettre en état la défense de la plupart des places fortes. Le roi lui donne le titre de Premier Ingénieur, l'admet au conseil royal et l'anoblit en 1599. Il construit les citadelles d'Amiens et de Verdun, modifie les places de Doullens dans la Somme, de Montreuil (Pas-de-Calais), Sedan, ainsi que Sisteron où la face et le flanc du bastion forment un angle droit.

Jean Errard est ainsi le premier à appliquer en France le principe de la fortification bastionnée et à en exposer les principes. Ses travaux lui valent le qualificatif de "père de la fortification française". La géométrie conditionne sa pensée stratégique : Errard y explique tous les procédés qui permettent de tracer sur le terrain les différents polygones, réguliers ou irréguliers, indispensables pour bien fortifier une place.

La règle majeure de son oeuvre théorique réside dans le fait que la défense d'une place doit reposer davantage sur l'infanterie que sur l'artillerie, dont le feu à son époque n'est pas efficace de face.

Son système se compose de bastions, pouvant accueillir deux cents fantassins, tirant de face, et larges d'environ 70 mètres. Ils sont flanqués de batteries d'artillerie, de 30 mètres de large - le principe des ouvrages avancés inspirera Vauban.

Ses plans prévoient des chemins couverts pour défendre les glacis (notion de "défilement"), ainsi que des demi-lunes entre les bastions pour protéger les portes courtines (notion de "flanquement"). Le principal inconvénient de ce système défensif est de présenter des bastions dont le plan à angles trop aigus ne présentent pas toutes les garanties de sécurité pour les assiégés.

Les principes théoriques d'Errard inspirent les travaux de l'ingénieur Jean Sarrazin, du Chevalier Deville (1595-1656), qui affine la notion de flanquement et divise le chemin couvert, et Blaise Pagan (1607-1667), inspirateur de Vauban, promoteur de la demi-lune (évolution de la barbacane), pour qui le bastion résulte du tracé sinueux brisé de l'enceinte.

Ingénieur, Jean Errard travaille aux questions d'hydraulique. En 1594, il conçoit un système de transformation de l'énergie produite par une roue à eau au moyen d'une tige, évitant les problèmes liés au reflux du courant. Il élabore en 1600 les plans d'un système de commande par chaînes pour les pompes à eau, repris par Arnold Deville.

Errard est l'auteur du Premier Livre des instruments mathématiques et mécaniques, paru à Nancy en 1583, et de La Géométrie et pratique générale d'icelle, (Paris, 1594). Il est aussi un des premier traducteur d'Euclide et publie à Paris en 1604 et 1605 Les neufs premiers livres des Eléments d'Euclide traduits et commentez.

Son oeuvre majeure reste La fortification démonstrée et réduicte en art, dont la première édition sort à Paris avec subvention royale en 1600. Le succès du traité occasionne une réédition en 1604 et les éditeurs allemands en réalisent des copies : à Francfort en 1604, 1617 et 1622, et à Oppenheim en 1616 et 1617. Son neveu, Alexis Errard, se charge ensuite de remanier l'édition originale en fonction des notes de son oncle et en publie à Paris en 1620 une troisième édition.

 

Sources : André Corvisier, dir., Histoire militaire de la France, Paris, Presses universitaires de France, 1992, tome 1 - Dictionnaire des architectes, Paris, Encyclopaedia Universalis-Albin Michel, 1999, p. 233 etc.