Robert Desnos

1900-1945

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Portrait de Robert Desnos. Source : http://perso.orange.fr/d-d.natanson/desnos.htm

 

Robert Desnos naît à Paris le 4 juillet 1900 et passe son enfance dans le quartier des Halles. Peu intéressé par l'école, il préfère l'univers des bandes dessinées et des romans d'aventures. A 16 ans, il devient commis dans une droguerie. En 1918, ses premiers écrits paraissent dans La Tribune des jeunes, et son recueil de poèmes Le Fard des argonautes est publié dans une revue d'avant-garde, Le Trait d'union, en 1919. L'année suivante, il découvre le mouvement Dada avec Benjamin Perret et André Breton, groupe qu'il rejoint après son service militaire effectué au Maroc.

Quand le surréalisme, qui marqua tant la littérature de l'entre-deux-guerres, remplaçe le dadaïsme, Desnos en devient un acteur primordial : l'écriture automatique, le rêve sous hypnose, engendrent d'étranges poésies et aphorismes : Prose Sélavy, L'Aumonyme, L'asile ami...

"La lame qui tranche l'affliction

des âmes dévoile-t-elle aux amis

la fiction de l'affection ?"

 

(Prose Sélavy)

 

 

Entre 1924 et 1929, il est rédacteur de La Révolution surréaliste, mais aussi comptable, caissier, journaliste à Paris-Soir puis au Soir, partageant peu à peu sa vie sentimentale entre la chanteuse Yvonne George - qui meurt en 1930 - et Youki Foujita. De cette époque datent La liberté ou l'amour, La mystérieuse, Siramour. En 1926, il s'installe dans le quartier Montparnasse, côtoyant les frères Prévert, Raymond Queneau, Joan Miro.

Savoir si l'esprit surréaliste est ou non compatible avec un engagement politique - le communisme - provoque la scission du groupe et oppose à coups d'injures Desnos, Prévert, Soupault et quelques autres, à Breton, Aragon, Eluard...

Dans les années trente, l'activité de Desnos évolue : il écrit moins, se lançant dans la radio - réalisateur d'émissions, rédacteur publicitaire - dans la chanson, le cinéma. Issu d'un milieu modeste, il veut que la culture imprègne la vie de tous.

 

"La lune, nid des vers luisants,

Dans le ciel continue sa route.

Elle sème sur les enfants,

Sur tous les beaux enfants dormants,

Rêve sur rêve, goutte à goutte."

 

(Chantefables et Chantefleurs)

 

Mais l'artiste qu'il est perçoit comme un danger pour la liberté les tensions internationales : il rejoint le Comité de Vigilance des Intellectuels Antifascistes, milite en faveur des républicains espagnols, endosse sans complexe l'uniforme en 1939.

Démobilisé après la défaite de juin 1940, il entre au journal Aujourd'hui. En 1942, il intègre le réseau de Résistance "Agir", participe à l'action de la presse clandestine et retrouve la littérature sous forme de pamphlets et de romans (Maréchal Duconno, Etat de veille...).

 

"Je suis le veilleur de la Porte Dorée

Autour ou donjon le bois de Vincennes

épaissi ! les ténèbres

J'ai entendu des cris

dans ta direction de Créteil

Et des trains roulent vers l'est

avec un sillage Je chants de révolte."

 

(Destinée arbitraire)

 

Le 22 février 1944, Desnos est arrêté et emmené à la prison de Fresnes. Le camp de Compiègne-Royallieu, où il est transféré le 20 mars, est la première étape de sa déportation. Le 12 mai, il doit partir pour Buchenwald.

Le 25 mai, il gagne le camp de Flossenburg puis, le 2 juin, le commando de Flohä. Lorsque les Alliés pénètrent en Allemagne, les Nazis font évacuer les camps, exécutant les déportés ou les lançant dans d'épouvantables marches jalonnées de morts.

Parti le 14 avril 1945, Desnos arrive ainsi à Theresienstadt (Terezin) en Tchécoslovaquie, ville délivrée par les Russes le 8 mai suivant. Atteint de typhus, il s'éteint le 8 juin 1945.

Ses restes mortels reposent à Paris, dans le cimetière du Montparnasse.

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

 

Max Jacob

1876-1944

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Portrait de Max Jacob. Source : photo Carl van Vechten, Library of Congress

 

 

Le futur poète naît à Quimper (Finistère), le 12 juillet 1876, dans une famille juive originaire de Prusse. C'est en 1888 que celle-ci change son nom d'Alexandre en celui de Jacob.

Fils d'un tailleur, ses études au lycée de Quimper, son classement à la 8e place du concours général de philosophie et son entrée à l'école coloniale, ne semblent pas le prédisposer à la vie artistique qu'il débute en 1897 en "montant à Paris". Attiré par l'esprit des nouvelles tendances artistiques, il rencontre Picasso en 1901 et fréquente assidûment les artistes du "Bateau-Lavoir" où lui-même s'installe en 1911. En 1903, il publie Histoire de Kaboul 1er et du marmiton Gauvain.

Nombre de ses ouvrages vont être illustrés par ses amis : Derain pour les oeuvres burlesques et mystiques du frère Matorel, Pablo Picasso pour Le siège de Jérusalem, Juan Gris pour Ne coupez pas mademoiselle...

Converti au catholicisme en 1909, il est baptisé le 18 février 1915 au couvent de Sion à Paris, Picasso étant son parrain. Au cours des années 1916-1917 - ayant été réformé, il ne participe pas à la Première Guerre mondiale - il adopte le surréalisme d'où naît Le cornet à dés.

En 1921, il choisit de se retirer à Saint-Benoît-sur-Loire, habitant le monastère. Dans une poésie en prose ou en vers, Max Jacob continue de laisser filer son ironie, sa sensibilité, dans un choc d'images et de mots atteignant le burlesque.
 
 
 
 

"Les manèges déménagent,

Ah ! Vers quels mirages ?

Dites pour quels voyages

Les manèges déménagent."

(Pour les enfants et les raffinés)

Le Laboratoire central, La Couronne de Voltaire, Visions infernales paraissent entre 1921 et 1924. Mais en 1927, il regagne Paris, capitale d'une vie littéraire la plus riche peut-être du XXe siècle, et centre des batailles artistiques. Il y reste neuf ans avant de revenir dans le Loiret, écrivant, récitant ses poèmes, exposant ses gouaches dans la galerie que Christian Dior vient d'ouvrir.

La guerre, à laquelle il avait échappé vingt ans plus tôt, le rejoint sous la forme des mesures anti-juives. En 1943, son frère Gaston est déporté. Puis c'est le tour de sa soeur, Mirthé-Léa, au début de 1944. Le 24 février 1944, Max Jacob est arrêté et conduit à la prison d'Orléans. Transféré le 28 février au camp de Drancy, il y meurt le 5 mars d'une pneumonie. Enterré au cimetière d'Ivry, son corps est ré-inhumé le 5 mars 1949 à Saint-Benoît-sur-Loire.

"Le Paradis est la ligne de craie

sur le tableau noir de ta vie V

as-lu l'effacer avec les diables

de ce temps ?"

(Folklore)

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

 

 

Albert Speer

1905-1981

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Albert Speer lors du procès de Nuremberg.
Source : www.trumanlibrary.org

 

Albert Speer, (19 mars 1905 Mannheim - 1er septembre 1981 - Londres)

 

Albert Speer, issu d'une famille d'architectes, étudie aux écoles techniques de Karlsruhe, de Munich puis de Berlin, où il suit les cours d'Heinrich Tessenow, dont il sort diplômé en 1931. A la suite d'un discours d'Hitler en 1930, il s'enthousiasme pour le national socialisme et adhère au parti en janvier de l'année suivante - il est le 474 481e membre.

Grand travailleur, efficace, talentueux et distingué lors de nombreux concours, il est remarqué par Hitler qui, lorsqu'il devient chancelier, en fait son architecte personnel chargé de bâtir la ville de Berlin. En 1933, il reçoit sa première commande officielle : Joseph Goebbels lui demande de participer à la restauration de la Chancellerie de Berlin. L'année suivante, il organise la mise en scène des manifestations de Nuremberg, s'inspirant du site antique de Pergame (Turquie). En 1937, Speer dessine le pavillon allemand pour l'exposition universelle à Paris.

Ses talents d'organisateurs lui ouvrent en 1942 le ministère des armements, succédant alors à Fritz Todt. En 1943 il seconde Hermann Goering dans la planification économique du Reich, reprenant à ces fins les principes de l'organisation Todt : travail forcé pour la construction des routes et sites stratégiques.

Mis en cause en juillet 1944 suite à l'attentat raté contre Hitler, il ne devra son salut qu'à l'annotation "si possible" inscrite par Claus von Stauffenberg sur la liste de conjurés pressentis pour former un gouvernement post-hitlérien.

Albert Speer, réussira à maintenir le niveau élevé de l'activité allemande en 1944 au plus fort des bombardements alliés, allant même jusqu'à limiter dans les derniers mois de la guerre la politique de terre brûlée voulue par Hitler.

Il est condamné en 1946 à l'emprisonnement pendant 20 ans au procès de Nuremberg où il se tient à l'écart du banc des accusés et reconnaît sa culpabilité tout en niant sa responsabilité dans la solution finale. Ceci lui vaudra le qualificatif de "bon nazi", mais fera l'objet d'une remise en question dans le journal Der Spiegel du 2 mai 2005.

Détenu dans la forteresse de Spandau aux côtés de Karl Dönitz, Walter Funk, Rudolf Hess, Konstantin von Neurath, Erich Raeder et Baldur von Schirach, il est libéré en 1966.

Son image de "bon nazi" lui permet de s'inscrire au SPD qui voit en lui l'exemple du repentir et du renouveau allemands.

Il publiera notamment Erinnerungen et Spandauer Tagebücher. Albert Speer décède d'une hémorragie cérébrale à Londres en 1981 alors qu'il participe à une série d'émission de la BBC.

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

Philippe Pétain

1856- 1951

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Le maréchal Pétain en 1928, commandant en chef des armées. Source : SHD

 

Militaire et homme d'État français, Philippe Pétain est né le 24 avril 1856 à Cauchy-à-la-Tour (Pas-de-Calais), d'une famille de cultivateurs. Pensionnaire dans un collège de jésuites à Saint-Omer, il intègre ensuite l'école des Dominicains d'Arcueil. Très impressionné par les récits de son oncle qui avait servi dans la Grande Armée de Napoléon, et très marqué par la guerre de 1870, alors qu'il n'avait que 14 ans, il décide d'être soldat et entre à Saint-Cyr, en 1876. Il y est admis parmi les derniers (403e sur 412) et en sort en 1878 (Promotion De Plewna), dans un rang toujours très modeste, 229e sur 336, prélude à une carrière militaire qui s'annonce peu brillante. Il est affecté comme sous-lieutenant au 24e bataillon de chasseurs à pied (BCP) de Villefranche (Alpes-Maritimes). Lieutenant à l'ancienneté, il rejoint le 3e bataillon de chasseurs à Besançon en 1883 où il reste cinq ans, ne participant donc à aucune campagne coloniale.

Il est admis en 1888 à l'École Supérieure de Guerre dont il sort breveté d'état-major en 1890. Promu capitaine la même année, il est affecté à l'état-major du 15e corps d'armée, à Marseille avant de revenir au 29e BPC puis à l'état-major du gouverneur de Paris, aux Invalides.

En 1900, il est promu chef de bataillon et est nommé instructeur à l'École normale de tir du camp de Châlons-sur-Marne. Son enseignement et ses idées personnelles de commandement diffèrent alors de ceux de l'École, notamment sur l'intensité du tir qui doit primer, selon lui, sur la précision.

Il est muté en 1901 au 5e régiment d'infanterie (RI) à Paris où, en qualité de professeur-adjoint à l'École supérieure de guerre, il est chargé des cours de tactique appliquée à l'infanterie. Il s'y distingue par ses idées tactiques originales, rappelant l'effet meurtrier du feu et préconisant la défensive et la guerre de positions quand les théoriciens officiels prônent la guerre à outrance.

Nommé lieutenant-colonel en 1907, il est affecté à Quimper au 118e RI.

Promu colonel le 31 décembre 1910, il quitte alors l'École de guerre et prend le commandement du 33e régiment d'infanterie à Arras, où le sous-lieutenant Charles de Gaulle est affecté à sa sortie de Saint-Cyr et où se produira leur première rencontre, le 8 octobre 1912.

En juillet 1914, le colonel Philippe Pétain a 58 ans et s'apprête à prendre sa retraite. Lorsque éclate la Première Guerre mondiale, le 3 août 1914, il est à la tête de la 4e brigade d'infanterie et se distingue en Belgique, dans la province de Namur. Promu général de brigade le 27 août 1914, il reçoit le commandement de la 6e division qui atteint le canal de l'Aisne, après la victoire de la Marne. Le 14 septembre, il est général de division et le 22 octobre, il prend officiellement le commandement du 33e corps d'armée avec lequel il réalise des actions d'éclat, notamment dans les batailles de l'Artois en 1915, tout en se montrant soucieux d'épargner la vie de ses hommes.

Le 21 juin 1915, il reçoit le commandement de la IIe armée.

En février 1916, lorsque les Allemands déclenchent leur offensive sur Verdun, Pétain est désigné par Joffre pour prendre le commandement de ce front et organiser la défense aérienne et terrestre. Il parvient, en quelques jours, à stabiliser la situation et met en place une noria continue de troupes, de camions de munitions et de ravitaillement sur la petite route de Bar-le-Duc à Verdun qui va devenir la "Voie sacrée".

Unanimement reconnu comme "le vainqueur de Verdun", il ne reste pourtant qu'à peine plus de deux mois sur ce front avant de remplacer le général de Langle de Cary à la tête du Groupe d'Armées du Centre et d'être lui-même remplacé par le général Nivelle dont l'étoile de cesse de monter depuis le début de cette bataille pour aboutir à sa nomination, le 25 décembre 1916, de commandant en chef des armées à la place de Joffre. Le général Pétain est quant à lui nommé chef d'état-major général, poste spécialement crée pour lui.

Opposé aux méthodes brutales du nouveau généralissime qui envisage, dans l'Aisne, un assaut mené "jusqu'au bout de la capacité offensive" des unités, c'est-à-dire sans égard aux pertes, il ne peut s'opposer aux menaces de démission qui assurent en dernier lieu à Nivelle la confiance du gouvernement. La bataille du Chemin des Dames, déclenchée le 16 avril 1917, se solde rapidement par un échec très coûteux en vies humaines. Le mécontentement des soldats gronde et des refus collectifs d'obéissance se manifestent dans de nombreuses unités.

Nivelle est remplacé par Pétain qui est nommé, le 15 mai 1917, commandant en chef des armées françaises. Chargé de réprimer les mutineries et de ramener la confiance des troupes, il impose de dures mesures disciplinaires mais réduit au minimum les exécutions prononcées par le Conseil de guerre (49 exécutions pour 554 condamnations à mort), met fin aux offensives mal préparées et améliore les conditions de vie matérielles et morales des soldats, en attendant "les Américains et les chars".

En octobre 1917, il reprend aux Allemands, grâce à des offensives à objectifs limités et ne gaspillant pas la vie des soldats, une partie du terrain perdu du Chemin des Dames (le fort de la Malmaison).

Il développe parallèlement ses idées sur la nouvelle importance de l'aviation dans les batailles et sur son utilisation combinée avec les chars. Sa directive n° 5 du 12 juillet 1918 s'oriente ainsi nettement vers la guerre de mouvement : "la surprise tactique sera obtenue par la soudaineté de l'attaque à la faveur d'une préparation par l'artillerie et l'aviation de bombardement aussi brève et aussi violente que possible, soit sans préparation à la faveur de l'action de rupture des chars d'assaut ouvrant la voie à l'infanterie et à l'artillerie. Le rôle de l'aviation est de la plus haute importance".

Il prépare également une grande offensive en Lorraine, prévue pour le 14 novembre 1918, qui doit mener les troupes franco-américaines jusqu'en Allemagne. Mais elle est abandonnée car, contre son avis et celui du général Pershing qui souhaitaient que la signature de l'armistice n'intervienne pas avant que l'ennemi ne soit rejeté au-delà du Rhin, Foch, nouveau général en chef, et Clemenceau, président du Conseil, acceptent l'armistice demandé par les Allemands à la date du 11 novembre alors que les territoires français et belges ne sont pas encore tous libérés et que les alliés sont encore loin de la frontière allemande.

Bénéficiant d'une popularité considérable à la fin du conflit, véritable légende vivante, Pétain est élevé à la dignité de maréchal de France le 19 novembre 1918 et reçoit le 8 décembre suivant, à Metz, son bâton étoilé des mains du président Poincaré.

Reconduit dans ses fonctions de commandant des troupes françaises en juillet 1919, il est également nommé, par décret du 23 janvier 1920, vice-président du Conseil supérieur de la guerre et par décret du 18 février 1922, Inspecteur général de l'armée. Il se consacre durant toute cette période à la réorganisation de l'armée française.

En 1925, il est envoyé au Maroc pour combattre la rébellion de tribus aux ordres d'Abd-el-Krim, chef de l'éphémère République du Rif. Cette campagne s'achève en mai 1926 par la soumission d'Abd-el-Krim.

C'est la dernière campagne du maréchal Pétain et son ultime victoire.

Entré à l'Académie Française le 22 janvier 1931, il est nommé, le 9 février suivant, Inspecteur général de la défense aérienne du territoire. Son immense popularité, en particulier dans les milieux de gauche qui voient en lui le modèle du militaire républicain, lui permet d'accéder, en 1934, au poste de ministre de la guerre dans le gouvernement Doumergue, poste qu'il occupe jusqu'au renversement du cabinet, le 8 décembre 1934. Au cours de ce bref ministère, il travaille essentiellement à doter les forces françaises des moyens indispensables à la conduite d'une guerre moderne, offensive et audacieuse, grâce à l'emploi combiné de l'aviation et des chars. Mais il est confronté à des contingences politiques et financières qui ne lui laissent guère de moyens d'actions. Il préside par la suite le Conseil supérieur de la guerre où sa politique de guerre défensive s'oppose aux idées du colonel de Gaulle, partisan de la concentration de chars dans des divisions blindées.

Le 2 mars 1939, il est envoyé par Daladier comme ambassadeur de France en Espagne pour négocier la neutralité du régime de Franco en cas de guerre européenne et superviser le rapatriement à Madrid des réserves d'or de la Banque d'Espagne et des toiles du musée du Prado, mises à l'abri en France durant la guerre civile espagnole.

Le 17 mai 1940, Pétain, qui a alors 84 ans, est rappelé d'urgence en France par Paul Reynaud pour occuper le poste de vice-président du Conseil dans son gouvernement. Le général Weygand est nommé à la tête des armées en remplacement du général Gamelin mais il est déjà trop tard. Le gouvernement s'installe à Bordeaux et des centaines de milliers de Français et de Belges prennent les routes de l'exode pour fuir les troupes allemandes. Le 16 juin, Reynaud présente la démission de son gouvernement et propose de confier la Présidence du Conseil au maréchal Pétain, considéré par beaucoup comme l'homme providentiel.

Jusqu'en 1940, Pétain était avant tout et essentiellement un soldat. Après 1940, il doit gouverner au lieu de commander.

Le 17 juin, il prononce son premier message radio-diffusé et annonce aux Français son intention de demander l'armistice qui sera signé à Rethondes, le 22 juin après avoir été approuvé par le Conseil des ministres et le président de la République, Albert Lebrun. Le 29 juin, le gouvernement quitte Bordeaux et s'installe à Vichy où, le 10 juillet, une loi votée par les deux assemblées (569 voix pour, 80 voix contre et 17 abstentions) confie au Maréchal les pleins pouvoirs avec pour mission la promulgation d'une nouvelle constitution.

Mais Pétain décide de ne rien promulguer tant que la France ne sera pas libérée. Il institue donc un État provisoire, l'État français, pour le temps de l'occupation.

Dès lors commence la période la plus controversée de sa vie. Devenu chef de ce nouvel État, Pétain suspend les libertés publiques comme les partis politiques et unifie les syndicats dans une organisation corporatiste du travail. Il instaure un régime autoritaire, antiparlementaire, anticommuniste et anticapitaliste qui veut réaliser la "Révolution Nationale" avec pour devise "Travail, Famille, Patrie" et pour ambition le "relèvement de la France" qui passe d'abord par le rapatriement des réfugiés, le ravitaillement mais aussi le maintien de l'ordre et de l'unité nationale.

Il fait promulguer, anticipant les exigences allemandes, des lois d'exclusion contre les francs-maçons et les juifs qui les excluent de la plupart des activités et fonctions publiques.

Alors que le général de Gaulle, parti à Londres, appelle tous les Français à résister à l'ennemi, le maréchal Pétain s'engage officiellement dans la voie de la collaboration après son entrevue avec le chancelier Hitler dans la ville de Montoire (Loir-et-Cher), le 30 octobre 1940. Il poursuivra cette politique tout au long de la guerre dans l'espoir de faire de la France le partenaire privilégié du Reich dans une Europe durablement sous hégémonie allemande. Son choix collaborationniste exclut toute rébellion ou simple protestation contre les exactions de l'occupant et implique au contraire de dénoncer tous les actes de résistance intérieure ou extérieure et les opérations alliées contre des civils comme des "crimes terroristes". Il encourage les formations para-militaires, fer de lance de la Révolution Nationale et du régime et soutien des troupes allemandes sur le front russe.

Après le débarquement allié en Afrique du Nord le 8 novembre 1942 et les ordres que donne le Maréchal à ses généraux sur place de combattre les alliés, après la dissolution de l'armée d'armistice et le sabordage de la flotte française dans la rade de Toulon le 27 novembre 1942, après la dissidence de la plus grande partie de l'Empire et la fin de la "zone libre", le régime de Vichy ne dispose plus que d'un pouvoir illusoire face aux Allemands et le Maréchal perd, en France, une grande partie de la popularité dont il bénéficiait depuis 1940. De plus en plus affecté par son grand âge qui ne lui laisse plus, selon ses proches collaborateurs, que quelques heures de lucidité quotidiennes, il maintient néanmoins sa politique de collaboration et accepte le durcissement de la répression jusqu'en août 1944 où il est emmené contre son gré à Sigmaringen, en Allemagne, avec de nombreux dignitaires de son régime. Refusant d'y constituer un gouvernement fantoche, il traverse la Suisse et se rend aux autorités françaises le 26 avril 1945.

Traduit devant la Haute Cour de justice, son procès débute le 23 juillet 1945 et s'achève le 15 août suivant en le déclarant coupable d'intelligence avec l'ennemi et de haute trahison. Il est alors condamné à mort, à la dégradation nationale et la confiscation de tous ses biens mais la Haute Cour demande la non-exécution de la sentence, eu égard à son grand âge. Le général de Gaulle accède à cette demande, en raison peut-être également des mérites passés du Maréchal mais aussi de leurs anciens liens, et commue la sentence de mort en peine de réclusion à perpétuité.

Interné quelques mois au fort de Pourtalet, dans les Pyrénées, il est transféré au fort de la Citadelle, sur l'île d'Yeu, en novembre 1945. Il y décède le 23 juillet 1951, à l'âge de 95 ans, et est enterré au cimetière de Port-Joinville.

Jules Saliège

1870 - 1956

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Portrait de Jules Saliège. Source : SGA/DMPA

 

Figure de l'engagement de l'église catholique de France en direction des internés, Mgr Saliège est le premier prélat français à protester contre la déportation des Juifs, au départ des camps du Récébédou et de Noé.

Jules Saliège, originaire du Cantal, se destine très tôt à la prêtrise. Il entre au petit séminaire de Pleaux puis intègre le grand séminaire d'Issy-les-Moulineaux. Il est ordonné prêtre le 21 septembre 1895 et devient, deux ans plus tard, supérieur de Saint-Flour, après y avoir enseigné la philosophie et la morale.

Mobilisé en 1914, il participe à la guerre comme aumônier militaire volontaire. Il est affecté à la 163ème division d'infanterie.

Démobilisé en 1918, il reprend ses fonctions à la tête du séminaire puis est nommé évêque de Gap en 1925. Pie XI le nomme archevêque de Toulouse et de Narbonne en 1928 pour succéder à Mgr Germain. En 1931 il est paralysé suite à une attaque d'hémiplégie.

Après l'Armistice du 22 juin 1940, Mgr Saliège donne à son activité pastorale une coloration politique, s'opposant aux lois raciales du gouvernement de Vichy dès le mois de mars 1941.

Il s'engage sur le terrain en soutenant des oeuvres caritatives en faveur des détenus (républicains espagnols, juifs, opposants politiques) des camps de Noé et du Récébédou. En août 1943 il est le premier prélat français à dénoncer l'utilisation des camps français comme anti-chambre d'Auschwitz. Le 23 août 1942, il écrit dans une pastorale : "Que des enfants, des femmes, des hommes, des pères et des mères soient traités comme un vil troupeau, que les membres d'une même famille soient séparés les uns des autres et embarqués pour une destination inconnue, il était réservé à notre temps de voir ce triste spectacle... Dans notre diocèse, des scènes d'épouvante ont eu lieu dans les camps de Noé et de Récébédou. Les Juifs sont des hommes, les Juives sont des femmes... Tout n'est pas permis contre eux... Ils font partie du genre humain. Ils sont nos frères comme tant d'autres. Un chrétien ne peut l'oublier." Bien qu'interdite par arrêté préfectoral, la lecture de cette lettre a quand même lieu dans la plupart des paroisses et surtout, est reprise et diffusée par la BBC. En septembre 1942, le camp du Récébédou est fermé. Il organise alors, en parallèle, le placement des Juifs aux alentours de Toulouse. Son action est suivie par d'autres ecclésiastiques comme Mgr Théas, en charge du diocèse de Montauban. Le 24 mars 1944, s'adressant aux scouts catholiques français partant pour l'Allemagne, il critique ouvertement le national-socialisme, et manque d'être déporté, sort auquel il échappe en raison de sa notoriété et de son état de santé. A la Libération, le général de Gaulle lui remet la médaille de la Résistance et le fait compagnon de la Libération (décret du 7 août 1945).

Mgr Saliège est acclamé par la foule, pour ses actes de résistance, en octobre 1945, à l'occasion de son jubilé sacerdotal et de sa nomination en tant qu'assistant au trône pontifical. Le 18 février 1946 il est créé cardinal-prêtre, du titre de Sainte-Prudentienne, par le Consistoire.

Diminué par son hémiplégie, il est secondé par Mgr Garrone, mais continue d'occuper la fonction de chancelier de l'Institut catholique de Toulouse, et d'être membre des congrégations romaines des Sacrements, des Religieuses et des Cérémoniales.

Il décède le 4 novembre 1956 à l'âge de quatre-vingt-six ans et est inhumé dans la cathédrale Saint-Etienne à Toulouse.

Ses écrits reflètent une vie d'engagement : Lettre pastorale de Mgr l'Archevêque de Toulouse, (1937) . Notes de son Excellence Mgr Saliège (1945) . Un Evêque français sous l'Occupation (1945) . Le Temps présent et l'action catholique (1946) . Le Prêtre, le Temps présent et l'Action catholique (1946) . Les menus Propos du Cardinal Saliège (1947) . Lourdes Pax Christi (1948) . Lettre pastorale de S.E. le Cardinal Archevêque de Toulouse au Clergé et aux fidèles de son diocèse (1948) . Son Excellence Mgr Gabriel Brunhès, Evêque de Montpellier 1932-1949 (1949) . Ma vie par le Christ. Lettre du Cardinal Saliège et de Mgr Houssaron, (1952) . Mgr Maisonobe, Evêque de Belley, 1882-1954 (1955).

 

Joseph Doumenc

1880-1948

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Photo portrait de Joseph Doumenc

 

Joseph Doumenc (Grenoble 16 novembre 1880 – Massif du Pelvoux 21 juillet 1948) :

 

Polytechnicien puis élève de l'École d'application de l'artillerie et du génie de Fontainebleau, Joseph Édouard Aimé Doumenc intègre l'École supérieure de guerre en 1907. Capitaine à l'état-major du 19e corps d'armée, il sert dans les confins algéro-marocains avant d'être affecté au 60e régiment d'artillerie à Troyes.

Durant la Première Guerre mondiale, adjoint au directeur du Service automobile puis directeur de ce service en 1917, il se signale comme l'organisateur des transports routiers qui assurent le ravitaillement et la relève au cours de la bataille de Verdun en 1916. Par ailleurs, entre novembre 1916 et mars 1917, il participe, aux côtés du général Estienne, à la création des premiers chars d'assaut. Il est nommé commandant en 1918.

Après avoir fait campagne au Maroc en 1925, il prend le commandement de la 1re division d'infanterie puis celui de la 1re région militaire.

En 1938, il est nommé au Conseil supérieur de la guerre. En 1939, promu général d'armée, il est envoyé à Moscou comme chef de la délégation française chargée de négocier un accord militaire avec l'URSS mais la signature du pacte germano-soviétique met un terme à sa mission.

À la déclaration de guerre, il prend la tête de la défense anti-aérienne du territoire avant d'occuper le poste de major général en janvier 1940.

Il quitte le service en 1942. Il se tue accidentellement dans les Alpes en 1948.

Le général Doumenc était Grand officier de la Légion d'honneur. Il était en outre titulaire, notamment, de la Croix de guerre 1914-1918 avec neuf étoiles de bronze, de la Croix de guerre théâtres d'opérations extérieurs et de plusieurs décorations étrangères.

Oeuvre : Commandant Doumenc Les transports automobiles sur le front français 1914-1918, 1920.

 

Collection "Mémoire et citoyenneté", N°14, Publication Ministère de la défense/SGA/DMPA

Franz Stock

1904-1948

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Portrait de Franz Stock. Source : wikipedia.org

1904 naissance à Neheim (Westphalie) le 21 septembre

1926 participe au congrès La Paix par la jeunesse à Bierville (France) à l'appel de Marc Sangnier

1928 étudiant à Paris (séminaire des Carmes de l'Institut catholique)

1932 ordonné prêtre à Paderborn

1934 recteur de la paroisse allemande de Paris

1940 Aumônier allemand de trois prisons parisiennes : Fresnes, La Santé, Cherche-midi

1944 Il accompagne, aide, soulage les condamnés à mort (plus de mille au Mont Valérien) ou à la déportation ainsi que leurs familles.

1945 supérieur du Séminaire des barbelés, le Coudray (Eure et Loir)

1948 mort à Paris le 24 février

1963 ratification du traité d'amitié et de réconciliation franco-allemande. Transfert du corps à l'église Saint Jean-Baptiste de Rechêvres (Chartres)

 

Le séminaire des barbelés

 

Peu d'hommes ont incarné comme Franz Stock la volonté de réconciliation franco-allemande

 

 Sa vie fut un témoignage d'amour pour l'humanité. Son héritage moral perdure à travers les livres et les témoignages de ceux qui l'ont connu dans les circonstances extrêmes de la guerre.

 

Le souvenir le plus concret qui  reste de lui en France est au  Coudray, près de Chartres

 

C'est le bâtiment qui a abrité de 1945 à 1947 ce que l'Histoire a retenu sous le nom de Séminaire des barbelés et qui, sous la direction de Franz Stock, accueillit près de 1000 jeunes allemands et autrichiens, prêtres et séminaristes prisonniers de guerre, qui allaient contribuer à créer l'Allemagne nouvelle.

Dès les années 60, des associations françaises et allemandes ont été créées par ceux et celles qui voulaient que cet homme hors du commun serve de modèle des deux côtés du Rhin à tous ceux qui voulaient apporter leur contribution à la réconciliation entre nos deux pays et bâtir une Europe de paix.

 

Le Centre européen de rencontre Franz Stock

 

Aujourd'hui trois associations :

  • L'association chartraine Franz Stock
  • Franz Stock Komitee
  • Les amis de l'abbé Stock

ont décidé de tout mettre en oeuvre pour créer dans les lieux même du Séminaire des barbelés, le Centre européen de rencontre Franz Stock (CERFS). Il y a quelques jours, les travaux ont commencé et toutes les associations françaises et allemande contribuent à la réussite du projet.

 

Source : Association Française Les Amis de l'Abbé Stock

August von Kageneck

1922-2004

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Portrait de von Kageneck. Source : http://www.arenes.fr

Cavalier et écrivain

 

August von Kageneck, Allemand de Rhénanie a été, successivement, un combattant de l'arme blindée, un journaliste et un écrivain. Il a été l'un des artisans de la réconciliation entre la France et l'Allemagne. Sa vie et ses livres témoignent, à la fois, d'une période dramatique de l'Histoire et de l'existence de "Justes" dans tous les camps.

August von Kageneck naît sur les bords de la Moselle, à mi-chemin entre Trêves et Coblence, dans une famille aristocratique, dont il est le cinquième fils. Son père, ancien général, ayant commandé une brigade de cuirassiers, au cours de la Grande Guerre, avait été, auparavant, attaché militaire à Vienne et aide de camp de l'Empereur Guillaume II.

August passe son enfance dans les environs de Wittlich, siège d'une garnison française, jusqu'en 1930. Les sentiments des Kageneck à l'égard de la France entre les deux guerres sont ambigus.

Elle est jugée responsable du traité de Versailles, unanimement honni, l'occupation de la rive gauche du Rhin est ressentie comme une humiliation. Mais tous parlent français et sont avides de notre littérature.

Catholique et monarchiste, le Général est instinctivement réservé à l'égard d'Hitler et du national socialisme. Cependant il n'empêche pas son fils d'entrer dans la Hitler Jugend, comme on entre aux scouts. August poursuit ses études secondaires au collège des Jésuites de Bad Godesberg, où il est formé par ces inimitables éducateurs. Sa vocation est claire : à moins de 17 ans, en avril 1939, il s'engage au 17ème Régiment de Cavalerie, à Bamberg. Arrivé en France, après la fin de la Campagne de 1940, il y séjourne, quelques mois, dans un Groupe de reconnaissance. Ce sera son destin : il servira toujours dans des formations de reconnaissance.

Le 1er janvier 1941, il rejoint l'Ecole de l'Arme blindée à Krampnitz près de Potsdam, en qualité d'élève officier d'activé. Il en sort sous-lieutenant, le 1er mai 1941, et rejoint le bataillon de reconnaissance de la 9ème Division blindée formée d'Autrichiens.

Le 23 juin 1941, âgé de moins de 19 ans, il entre en Russie, à la tête de son peloton d'automitrailleuses. Ce sont treize mois de combats acharnés, dans la poussière, la boue et le froid extrême. Trois blessures, dont une terrible, à la face, le 25 juillet 1942, dans la région du Don. Pendant de longs mois, il va d'hôpital en hôpital, où il subit de nombreuses opérations, aux résultats remarquables.

Malgré son désir de rejoindre le front, il est affecté comme instructeur à l'Ecole des blindés qu'il suit dans ses déplacements. En décembre 1944, il obtient enfin une affectation sur le front Ouest et finira la guerre, contre les Américains, au coeur du Harz, dans les rangs du bataillon de reconnaissance de la fameuse Panzerlehr-Division.

Il réussira à échapper à la captivité et rejoindra ses parents, en Rhénanie, de nouveau occupée par les Français. Deux de ses frères ont été tués : l'un à la tête d'un bataillon du 18ème Régiment d'Infanterie devant Moscou, l'autre, un as de la Luftwaffe, aux 69 victoires, abattu au-dessus de Tobrouk.

Après la sombre période que traverse l'Allemagne depuis sa défaite, il se lance dans le journalisme. Dès 1948, il collabore à une feuille locale, publiée à Bad Kreuznach. En 1950, il est reporter dans un quotidien de Hambourg. Jusqu'en 1955, date à laquelle il s'installe à Paris, il effectue de nombreux reportages, en Afrique, pour la télévision allemande. Pendant 16 ans, il sera le correspondant, en France, du grand quotidien allemand "Die Welt", en même temps que de la télévision officielle allemande.

Il travaille aussi pour la "Bild Zeitung" : c'est ainsi qu'il couvrira, pour son compte, la "semaine des barricades", à Alger (janvier 1960). A Paris, il est une des personnalités éminentes de la colonie allemande et collabore à son journal, le "Pariser Kurier". Il devient Président de l'Association des journalistes étrangers à Paris. De 1986 à 1994, il regagne Bonn, où il publie sa lettre d'information "Economie et politique allemande" du Bureau de presse fédérale.

En 1994, il rejoint sa famille, à Neuilly et part, enfin, se consacrer à sa seconde vocation : celle d'écrivain.

Il publie, dans l'année même, chez Perrin "Lieutenant de Panzers", écrit en français, qui le fait connaître du public. C'est un récit, dépouillé et vivant, de sa vie de soldat.

En 1996, c'est, chez le même éditeur "Examen de conscience". Le livre soulève une polémique avec ses anciens camarades et même avec ses proches qui l'accusent de contribuer à aggraver la mauvaise conscience des Allemands. Ceux-ci savaient que leur pays s'était rendu coupable de crimes de guerre, notamment en Russie, mais ils voulaient croire que la Wehrmacht n'avait pas été impliquée dans ces crimes, commis par les SS ou les autorités issues du parti national socialiste. Or, August von Kageneck affirmait, preuves à l'appui, que la Wehrmacht avait été complice et, parfois, auteur de ces crimes.

En 1998, toujours chez Perrin, paraît "La guerre à l'Est - Histoire d'un régiment allemand - 1941-1944". C'est l'odyssée du 18ème Régiment d'Infanterie, dans les rangs duquel a été tué son frère, Franz-Joseph. C'est un bon livre de guerre qui fait penser à "Orages d'acier" d'Ernst Junger. Enfin, en 2002, il signe aux Arènes, un livre de dialogues avec Hélie de Saint-Marc, sous le titre "Notre histoire - 1922 - 1945". Les parcours des deux hommes étaient parallèles : même âge, même milieu social, même formation chez les Jésuites, même vocation militaire, même regard porté sur la guerre et la souffrance et pour finir même souci de réfléchir sur le destin et de coucher ces réflexions dans des livres.

August von Kageneck est d'une grande sobriété dans ses récits de guerre, d'une grande sensibilité et d'une conscience inquiète dans ses réflexions. Ses livres sont d'une lecture facile et agréable. August von Kageneck a beaucoup oeuvré pour une réconciliation entre la France et l'Allemagne, fondée sur la confession des crimes et la reconnaissance des fautes. N'avait-il pas, dès 1948, participé à une marche européenne de la jeunesse à Strasbourg ?

Par ses livres, ses conférences, ses relations avec le "Tout Paris" il a contribué à transformer l'image que les Français se faisaient de leurs voisins.

En 2001, il s'est rendu à Oradour-sur-Glane, pour demander pardon des crimes commis en 1944.

Il est décédé, le 13 décembre 2004, à Bad Oldesloe dans la région de Lübeck, après une longue maladie.

 

Sources : Francis Boulnois, dans : Avenir & Traditions. Union Nationale de l'Arme Blindée Cavalerie Chars, 91, mars 2005

Honoré d' Estienne d'Orves

1901-1941

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Portrait d'Honoré d'Estienne d'Orves. Source : www.ordredelaliberation.fr

 

Le 30 août 1941, les Parisiens apprennent, par une affiche jaune bordée de noir placardée sur les murs, que la veille " Henri Louis Honoré, comte d'Estiennes d'Orves, Français, né le 5 juin 1901 à Verrières ", condamné à mort pour espionnage par le tribunal allemand, a été fusillé ainsi que Maurice Barlier et Jan Doornik.

D'Estienne d'Orves est issu d'une longue lignée nobiliaire : les d'Estienne, vieille famille d'origine provençale, côté paternel, et les Vilmorin, côté maternel, familles légitimistes attirées par le christianisme social.

Études et loisirs, répartis équitablement, trament une jeunesse heureuse : il passe son bac en 1917, prépare Polytechnique en 1921, sur fond de voyages en France et en Europe. A sa sortie de Polytechnique, en août 1923, où ses condisciples l'ont décrit comme un homme affable, un esprit curieux, spirituel, il décide de servir dans la Royale. En octobre 1923, il est élève à bord de la Jeanne d'Arc. Ses embarquements successifs vont chaque fois l'emmener vers de nouveaux horizons : Du Brésil à la Chine, du Maroc à Bali, les escales sont pour lui autant d'occasions d'apprendre, de tenter de comprendre les hommes et leurs cultures.

En 1929, il s'est marié avec Eliane de Lorgeril, elle-même issue de la vieille noblesse bretonne. De cette union vont naître 5 enfants. 1939 : La guerre éclate. Le lieutenant de vaisseau d'Estienne d'Orves se trouve affecté sur le Duquesne, à l'état-major de la Force X qui, sous les ordres de l'amiral Godfroy, doit renforcer la flotte britannique de l'amiral Cunningham en Méditerranée orientale.

L'Armistice intervient alors que les Français sont à Alexandrie : un accord tacite entre les amiraux français et anglais évite l'affrontement entre les alliés de la veille, mais les bateaux français sont immobilisés. Cette inaction prévisible et la conscience de jouir encore d'une certaine liberté de manoeuvre vont conduire d'Estienne d'Orves à poursuivre le combat. Cette décision n'est pas sans déchirement : il sait qu'il devra laisser au loin sa famille, sa terre natale . ses origines, son éducation, sa position militaire même, auraient pu l'inciter à rester dans le camp où vont se retrouver la majorité de ses amis. Pourtant, écrira-t-il, "En continuant la lutte, j'ai pensé que j'agissais conformément à nos traditions". Et, sous le pseudonyme de Château vieux (du nom de l'une de ses aïeules), il publie un communiqué de presse annonçant la création du 1er Groupe marin.

Au début de juillet 1940, d'Estienne d'Orves offre ses services au général Legentilhomme, commandant des troupes françaises à Djibouti, qui a annoncé son intention de repousser l'Armistice et d'entraîner avec lui la colonie. Avec quelques autres officiers et marins, il gagne Suez où il rencontre le colonel de Larminat qui vient de passer à la France Libre. Le 23 juillet, il débarque de l'Antenor à Aden pour apprendre que Legentilhomme a échoué dans son projet. D'Estienne d'Orves décide alors de rejoindre la Grande-Bretagne où des bâtiments français attendent des équipages.

Embarqués le 2 août 1940 sur un vieux cargo armé, le Jehangir, d'Estienne d'Orves et ses compagnons arrivent à Londres fin septembre à bord d'un paquebot, l'Arundel Castle, après une équipée le long des côtes africaines.

Il n'aura jamais la satisfaction de reprendre la mer sur une passerelle de commandement : le réarmement des bateaux se fait en effet très lentement et, de plus, il s'avère être l'un des seuls officiers des Forces Navales Françaises Libres à avoir fait l'école de guerre. Le 1er octobre 1940, il est promu capitaine de corvette . il se voit donc affecté au 2ème Bureau de l'état-major. La tâche primordiale du service de renseignements de la France Libre vise bien sûr le pays occupé : connaître le mouvement des troupes ennemies, l'emplacement des aérodromes, les positions des batteries ...

Plusieurs missions ont déjà été envoyées dans ce but sur les côtes françaises. Devenu l'adjoint du colonel Passy, chef du B.C.R.A, d'Estienne d'Orves jette les bases d'un réseau, "Nemrod". Le 6 septembre 1940, Maurice Barlier est le premier agent à gagner la France . Jan Doornick le suit le 1er octobre.

Mais d'Estienne d'Orves veut bientôt aller lui-même sur place pour coordonner l'action de ses hommes, nouer les contacts indispensables, recruter d'autres agents. C'est à ce moment qu'il prend la tête du service, Passy étant appelé temporairement à d'autres fonctions. Etait-il prudent d'envoyer déjà en France occupée le chef des services secrets ? Passy doute même qu'au fond, cet homme foncièrement droit, d'une nature confiante, soit fait pour l'action clandestine. Mais le général de Gaulle donne son accord : Le 21 décembre 1940, le chalutier " la Marie-Louise" part de Newlyn, en Cornouailles, avec à son bord d'Estienne d'Orves - devenu "Jean-Pierre" - et un jeune radio alsacien, Alfred Geissler dit "Marty", qui débarquent le soir même non loin de la Pointe du Raz, avant d'être hébergés à Chantenay, près de Nantes. Des contacts sont pris avec les membres de "Nemrod", à Lorient, à Nantes. Le 25 décembre, la première liaison radio entre la France occupée et Londres est établie. Barlier est chargé de prospecter la région bordelaise, d'Estienne d'Orves s'occupant du Nord et de la région parisienne. Le 27 décembre, ce dernier est à Paris où il rencontre des pionniers de la Résistance.

De Bretagne, "Marty" envoie régulièrement d'importants messages vers Londres. Il se montre toutefois curieusement buveur et bavard. "Jean-Pierre", de retour à Nantes le 19 janvier 1941, décide de le ramener avec lui en Angleterre.

Mais "Marty", fils d'un Alsacien pro-nazi, germanophile lui-même, aurait déjà contacté ce même jour le contre-espionnage allemand, donnant les noms des 34 membres du réseau. De fait, les arrestations se succèdent - d' Estienne d'Orves est arrêté dans la nuit du 21 au 22 janvier - alors que "Marty" émet jusqu'en février de faux messages vers Londres. Les prisonniers sont successivement transférés à Nantes -où ils subissent les premiers interrogatoires - à Angers, à Paris et à Berlin, avant d'être à nouveau incarcérés à Paris, le 26 février, dans la prison du Cherche-Midi.

Le 13 mai 1941 commence son procès et celui de 26 de ses compagnons. Il durera 12 jours. D'Estienne d'Orves couvre ses co-détenus. Les juges militaires vont prononcer 9 sentences de mort et des peines de prison, après avoir, fait notable, rendu hommage à l'adversaire. Des recours en grâce sont déposés.

Le sursis dont va bénéficier notamment d'Estienne d'Orves est diversement expliqué : certains y voient le désir de Von Stülpnagel, le commandant militaire en France, d'attendre une occasion spectaculaire pour frapper les esprits . d'autres rappellent que la condamnation provoqua une forte émotion dans la marine, à Londres mais aussi à Vichy, au point que l'amiral Darlan intervint auprès des autorités allemandes.

Dans la prison du Cherche-Midi, puis |f dans celle de Fresnes, d'Estienne d'Orves lit, médite, prie, commente les grands classiques littéraires, entretient le moral de ses co-détenus. Surtout, il écrit. Son journal est un témoignage, presque au v-i sens religieux du terme : il raconte aux siens son enfance, leur laissant l'exemple d'un chrétien et d'un soldat. Périodes d'espoirs et de déceptions se succèdent au fil des jours. Son avocat, l'Oberleutnant Mörner, paraît confiant. Le 21 août 1941, l'aspirant Moser, de la Kriegsmarine, est abattu à Paris, dans la station de métro Barbès-Rochechouart. Le 22, le général Schaumburg, commandant du "Gross Paris", signe une ordonnance transformant désormais les Français arrêtés en otages. Parallèlement, le commandant militaire en France, Von Stülpnagel, a sans doute trouvé l'occasion de faire un exemple en exécutant des prisonniers déjà condamnés à mort.

Le 28 août 1941, d'Estienne d'Orves écrit à sa soeur, parlant de la France, " je meurs (...) pour sa liberté entière, j'espère que mon sacrifice lui servira".

"Que personne ne songe à me venger. Je ne désire que la paix dans la grandeur retrouvée de la France. Dites bien à tous que je meurs pour elle, pour sa liberté entière, et que j'espère que mon sacrifice lui servira. Je vous embrasse tous avec mon infinie tendresse.

Honoré"

Le lendemain, d'Estienne d'Orves, Barlier et Doornik - leurs 6 compagnons ont été graciés - sont emmenés au fort du Mont-Valérien.

C'est un matin ensoleillé. Devant poteau d'exécution, l'officier de marine se montre égal à lui-même, pardonnant publiquement à ses juges. Il avait écrit : " N'ayez à cause de moi de haine pour personne, chacun a fait son devoir pour sa propre patrie. Apprenez au contraire à connaitre et à comprendre mieux le caractère des peuples voisins de la France". A 6h30, les trois hommes sont fusillés.

D'Estienne d'Orves plaçait très haut le devoir d'obéir : II choisit pourtant de désobéir à ses supérieurs hiérarchiques au nom d'un idéal alors qu'il aurait pu trouver aisément sa place dans la France du maréchal Pétain. Jamais il ne l'envisagea, persuadé qu'un combat n'est jamais vraiment perdu tant qu'il subsiste la possibilité d'une action libre. Le 11 mars 1943, Aragon faisait paraitre son poème "La Rose et le Réséda" qui évoque le combat commun de "celui qui croyait au ciel et celui qui n'y croyait pas". D'Estienne d'Orves était le premier.

 

Source : Mindef/SGA/DMPA

Théodose Morel

1915-1944

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Portrait de Théodose Morel alias "Tom". Source : http://www.ordredelaliberation.fr

Théodose Morel, dit "Tom"

 

Issu, par son père, d'une vieille famille lyonnaise d'industriels de la soierie et, par sa mère, d'une famille d'officiers et de juristes savoyards, Théodose Morel voit le jour le 1er août 1915, à Lyon.

Après des études primaires secondaires chez les Pères Jésuites, il choisit le métier des armes et prépare, de 1933 à 1935, le concours de l'Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr à l'école Sainte Geneviève de Versailles. Admis à l'ESM en 1935 (promotion Lyautey), son rang de sortie, deux ans plus tard, lui permet de choisir son affectation : le 27e Bataillon de Chasseurs Alpins (27e BCA), à Annecy où il arrive le 1er octobre 1937, jour de sa nomination au grade de sous-lieutenant.

Formé comme éclaireur-skieur à Chamonix, Théodose Morel, qui épouse en novembre 1938 Marie-Germaine Lamy, devient officier adjoint au commandant de la section d'éclaireurs-skieurs à Abondance avant d'en prendre lui-même la tête.

En mai 1939, sa section gagne la Savoie et la frontière italienne. Elle est en poste au-dessus de Val d'Isère.

Le 21 septembre il est promu lieutenant et, alors que le 27e BCA part pour le front de l'Est, sa section, à son grand regret, reste sur place pour la garde des frontières.

Ce qui ne l'empêche pas de se distinguer, du 12 au 20 juin face aux troupes alpines italiennes . par une manoeuvre habile mais risquée, avec un de ses chasseurs, il réussit au cours d'une reconnaissance à faire quatre prisonniers.

Blessé par balle au bras droit le 18 juin, il continue néanmoins le combat avec ses chasseurs . il reçoit la croix de guerre.

Les 21 et 22 juin 1940, appelé en renfort avec sa section près du col du Petit Saint-Bernard, il parvient à localiser les forces adverses permettant à l'artillerie d'effectuer un tir d'arrêt qui contraint l'ennemi à se replier. Le lieutenant Morel reçoit une seconde citation et la croix de la Légion d'Honneur.

Il sert ensuite dans l'armée d'armistice à Annecy où le commandant Vallette d'Osia a pris le commandement du 27e BCA tout en préparant son unité à la revanche.

En août 1941, le lieutenant Morel est nommé instructeur à Saint-Cyr, repliée à Aix-en-Provence, et c'est dans l'esprit de la reprise du combat qu'il oriente et instruit ses élèves.

Après l'invasion de la zone sud par les Allemands en novembre 1942 et la démobilisation de l'armée d'armistice, il entre dans la Résistance de Haute-Savoie et dans la clandestinité sous le couvert d'une entreprise de tissage.

Retrouvant Vallette d'Osia, qui commande l'Armée Secrète (AS) du département, et le capitaine Anjot du 27e BCA, il s'attache à mettre sur pied l'AS de Haute-Savoie, que l'instauration du Service du Travail Obligatoire (STO) en février 1943 va contribuer involontairement à alimenter.

Avec l'arrestation de Vallette d'Osia en septembre 1943 par les Allemands, qui ont remplacé les Italiens, puis son évasion pour l'Angleterre, l'AS de Haute-Savoie perd son chef. Il est remplacé par Henri Romans-Petit, chef de l'AS de l'Ain. Morel redouble d'activité, sa famille échappe de peu à l'arrestation.

À la fin du mois de janvier 1944, le lieutenant Théodose Morel, alias Tom, reçoit de Henri Romans-Petit le commandement des maquis de Haute-Savoie et la mission de réceptionner les parachutages sur le plateau des Glières à 1500 mètres d'altitude et à une quinzaine de kilomètres d'Annecy. Les actions de résistance et de sabotage se multiplient, la loi martiale est décrétée dans le département. Tom décide alors le regroupement de 120 maquisards aux Glières. Deux compagnies sont constituées.

À partir de février, et pendant six semaines, les accrochages se multiplient avec les Gardes Mobiles de Réserve (GMR) qui ceinturent le plateau sur lequel se trouvent, à la fin du mois de février, plus de 300 hommes formant trois compagnies.

Tom organise énergiquement, avec les moyens dont il dispose, la défense du site des Glières et instruit son bataillon pour en faire une unité forte et homogène, en vue des combats de la libération. Sous son impulsion, le bataillon - qui a adopté la devise "vivre libre ou mourir" - regroupe des membres de l'AS mais aussi des Franc-Tireurs et Partisans (FTP) et plusieurs dizaines de Républicains espagnols, réussissant l'amalgame entre les différentes branches armées de la résistance savoyarde.

Un premier parachutage de 54 containers permet de les équiper en armes légères.

Le 2 mars, il décide une opération contre l'Hôtel Beau séjour à Saint Jean de Sixt, où sont cantonnés les GMR. Trente d'entre eux sont faits prisonniers, monnaie d'échange en contrepartie de la libération de Michel Fournier, un étudiant en médecine, infirmier du maquis, arrêté au Grand Bornand quelques jours auparavant. Mais, malgré l'accord sur l'honneur de l'intendant de police Lelong d'Annecy, celui-ci reste détenu.

Le 5 mars, les Glières connaissent leur second parachutage de 30 containers. Pour obliger Lelong à respecter sa promesse et sur des renseignements précis, Tom décide alors de mener, dans la nuit du 9 mars 1944, contre le P.C. des GMR à Entremont, une opération importante dans laquelle il engage une centaine d'hommes. Il se réserve l'objectif principal : l'attaque de l'Hôtel de France, siège de l'Etat-major des forces de l'ordre. La section des éclaireurs-skieurs parvient à pénétrer à l'intérieur, au prix d'un combat acharné.

Au moment où les chasseurs désarment leurs prisonniers, le commandant Lefèvre, chef des GMR, sort de sa poche une arme restée cachée et tire lâchement à bout portant sur Tom Morel qui s'effondre, touché au coeur, avant d'être lui-même abattu.

Le lieutenant Théodose Morel est enterré par ses camarades, sur le plateau des Glières, le 13 mars. Le 2 mai 1944, son corps est descendu dans la vallée. Il est aujourd'hui inhumé au cimetière Militaire de Morette, aujourd'hui Nécropole Nationale des Glières, en Haute-Savoie.

  • Chevalier de la Légion d'Honneur
  • Compagnon de la Libération - décret du 20 novembre 1944
  • Croix de Guerre 1939-1945 (2 citations)

 

Source : http://www.ordredelaliberation.fr