Valoriser le patrimoine funéraire de mémoire en France

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Nécropole nationale de Souain - Perthes-lès-Hurlus – L’Opéra. © Guillaume Pichard

En France, outre l’entretien des sépultures de guerre, le ministère des armées développe depuis quelques années une politique ambitieuse de valorisation des 275 nécropoles, des quelque 2 200 carrés militaires disséminés sur le territoire national et du millier de lieux de sépultures militaires françaises répartis dans près de 80 pays, lieux emblématiques d’hommage et de transmission de la mémoire.

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À l’occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale, les sites funéraires ont focalisé l’attention de tous. En effet, les Français se sont découvert un intérêt inédit pour le tourisme de mémoire qui a connu un essor exceptionnel et dont l’élan se poursuit encore aujourd’hui. Prenant conscience de la valeur mémorielle et touristique de ce patrimoine funéraire, les visiteurs attendent qu’il soit digne du respect que l’État doit aux morts pour la France.

Restaurer les nécropoles selon une charte paysagère

Dans ce cadre, la Direction des patrimoines, de la mémoire et des archives (DPMA) du ministère des armées, en lien avec ses opérateurs, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG) en France métropolitaine, en Algérie et au Maroc, les directions du commissariat pour l’outre-mer et les postes diplomatiques à l’étranger (hors Algérie et Maroc), a mis en place une politique de restauration des lieux de mémoire sans précédent. De 2011 à 2019, près de 20 % des nécropoles ont été restaurées ainsi qu’une grande majorité des cimetières militaires français à l’étranger. Pour la période 2020-2025, il a été décidé de poursuivre cette dynamique en insistant sur le respect de l’authenticité des sites et de l’amélioration de l’accueil des visiteurs.

Aux objectifs traditionnels d’entretien des nécropoles, s’ajoute le souci de répondre aux enjeux liés au développement durable et à la préservation de la biodiversité. Pour ce faire, la France développe des méthodes alternatives de restauration des sites respectueuses de l’environnement. Avec le concours de paysagistes et d’architectes conseils de l’État, une charte paysagère des nécropoles a été définie. Celle-ci vise à rendre ces sites plus attractifs grâce à des aménagements informatifs, architecturaux et paysagers, afin de créer des parcs mémoriels, c’est-à-dire des sites aux valeurs patrimoniales et environnementales exemplaires, respectueux du cadre mémoriel dans lequel ils s’inscrivent et qui pourront ainsi être intégrés à des circuits de tourisme de mémoire.

Commémorer "in situ"

Les nécropoles et sites funéraires attirent plusieurs centaines de milliers de visiteurs chaque année ; à eux seuls, le site de Douaumont (Meuse) accueille 200 000 visiteurs par an et celui de Notre-Dame de Lorette (Pas-de-Calais) plus de 300 000.

La valorisation de ce patrimoine funéraire de mémoire est l’outil dont dispose le ministère des armées pour ancrer ces sites dans le tourisme de mémoire. Son action, multiple, est d’envergure nationale, mais peut s’appuyer aussi sur des dynamiques locales. Pour les cimetières militaires à l’étranger, le ministère encourage la valorisation des sites de mémoire partagée, qui contribue au rayonnement de la France. Chaque année, un programme d’actions en lien avec le cycle commémoratif destiné à célébrer les faits marquants des conflits contemporains dans lesquels la France a été engagée est mis en oeuvre. En 2021, les priorités d’action concernent les nécropoles en lien avec les commémorations du 150e anniversaire de la guerre franco-prussienne de 1870-1871 et du cycle du 80e anniversaire de la Seconde Guerre mondiale (2019-2025).

Dans le cadre du cycle du centenaire, ce sont près d’une centaine de cérémonies qui se sont tenues dans l’ensemble des nécropoles, faisant de ces lieux de mémoire le lien physique entre la société venue rendre hommage et les combattants morts pour la France qui y sont inhumés.

À titre d’exemple, le 3 novembre 2018, lors d’une cérémonie internationale, aux côtés des autorités préfectorales et du maire des Vouziers (Ardennes), les représentants d’Allemagne, de la République Tchèque, de Slovaquie, de Belgique et de Russie ont inauguré une stèle contenant des terres de ces six pays, dédiée aux soldats de la Grande Guerre, inhumés dans la nécropole de Vouziers.

 

nécropole de Vouziers
Les autorités déposent des coffrets contenant la terre des pays d’origine des soldats morts dans les Ardennes lors de la Cérémonie internationale à la nécropole de Vouziers, 3 novembre 2018.
© Irina Kalashnikova/Sputnik/Sputnik via AFP

 

Le 10 novembre 2018, à l’occasion du centenaire de l’Armistice, lors d’une veillée, les nécropoles les plus emblématiques de la Première Guerre mondiale ont été illuminées, événements commémoratifs locaux qui ont réuni de nombreux Français. Afin de célébrer le 150e anniversaire de la guerre 1870, le 1er septembre 2020, une cérémonie d’hommage aux soldats français a été organisée dans la nécropole de Mars-la-Tour (Meurthe-et-Moselle) et une seconde à caractère international s’est tenue avec les autorités allemandes dans la halle du souvenir du site mémoriel de Gravelotte (Moselle). Grâce à ces cérémonies, ces lieux de mémoire emblématiques connaissent une mise en lumière qui souligne leur valeur mémorielle.

Inscrire les sites funéraires dans le tourisme de mémoire

Soucieux de faciliter la transmission de la mémoire, le ministère investit pour développer l’information dans ses sites. Entre 2014 et 2019, les 275 nécropoles ont été équipées de panneaux d’information historique. Entre 2020 et 2024, près de 300 panneaux seront installés dans les carrés militaires les plus significatifs.

Il en va de même à l’étranger. Des panneaux d’information historique et touristique équiperont prochainement le cimetière militaire français de Korçë, en Albanie, ainsi que le cimetière militaire de Bel Air au Sénégal. En Macédoine du Nord, un centre d’interprétation dans le cimetière militaire français de Bitola, où reposent plus de 10 000 soldats tombés lors de la Première Guerre mondiale, a été inauguré en 2018. En avril 2021, concrétisant un volet de la mémoire partagée entre les deux pays, a eu lieu l’inauguration d’une salle au musée de Sabang en Indonésie, en honneur de l’enseigne de vaisseau Carissan, militaire français mort au combat le 28 octobre 1914 à bord du torpilleur français le Mousquet lors de la bataille de Penang et enterré sur l’ile de Weh au nord de Sumatra.

Autre objectif que la France s’est fixé : mieux intégrer les nécropoles dans les parcours de mémoire. Une réflexion a été lancée en 2021 pour améliorer la signalisation routière des nécropoles. De la même manière, des plaquettes touristiques des principales nécropoles sont en cours de réalisation par l’ONAC-VG et seront prochainement disponibles dans les offices de tourisme et les lieux de mémoire à proximité de ces sites.

Par ailleurs, des outils novateurs, comme des films 360°, ont été mis en place par la DPMA pour permettre la découverte des nécropoles par de nouveaux publics. Trois films ont déjà été réalisés pour que les visiteurs, notamment les publics empêchés, vivent une expérience immersive au coeur des nécropoles de Notre-Dame de Lorette, de Douaumont et de la tranchée des baïonnettes, ainsi que celles du Vercors. Afin de préparer les commémorations du 150e anniversaire de la guerre de 1870, une websérie a été diffusée en 2021 et a fait découvrir les principaux lieux de mémoire de cette guerre, notamment le cimetière franco-allemand de Gravelotte. Ces dispositifs sont disponibles sur les plates-formes multimédia et ont vocation à servir de support pédagogique aux professeurs d’histoire dans les établissements scolaires afin de sensibiliser les jeunes à ce patrimoine. Actuellement, le ministère des armées soutient un projet original à dimension nationale et internationale qui vise à créer d’ici à 2023 un chemin de la paix, composé de jardins créés dans des lieux de mémoire, allant depuis Ypres en Belgique jusqu’à la frontière suisse, en passant par les principaux départements français de la ligne de front. 35 jardins sont prévus, dont une douzaine dans des nécropoles. Ils doivent permettre aux amateurs de jardins et de botanique de s’intéresser aux sites mémoriels.

Enfin, le projet d’inscription sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO des sites funéraires et mémoriels de la Première Guerre mondiale, dans lequel figurent près de 50 nécropoles et dont les conclusions ont été reportées à 2022, devrait faire découvrir les sites funéraires à un public diversifié.

 

La rédaction