Milan Stefanik

1880-1919

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Le général Stefanik. © SHD

Fils de pasteur, Milan Stefanik est né le 21 juillet 1880 à Kosariska. Après des études à Bratislava, Sopron et Sarvas, il entre à l'université de Prague. Il devient mathématicien, astronome puis docteur ès sciences en 1904. En France en 1905, il est l'assistant du directeur de l'observatoire de Meudon, publie de nombreux traités et organise sept expéditions astronomiques d'observation au sommet du Mont Blanc. Grand voyageur, il effectue plusieurs missions diplomatiques et astronomiques pour le compte du gouvernement français dont une à Tahiti en 1910 pour y observer le passage de la comète de Halley.

 

Milan Stefanik pendant un séjour à l'Observatoire de Meudon, France. Source : IMS

 

Naturalisé français en 1912, chevalier de la Légion d'honneur en 1914, il s'engage dans l'armée française, s'élevant en trois ans au grade de général de brigade. Incorporé dans l'armée de l'air, il améliore la météorologie militaire. En 1916 et 1917, il se rend officiellement en Roumanie, en Sibérie, aux États-Unis, pour organiser le recrutement de volontaires tchécoslovaques. Le 21 avril 1918, il signe, en Italie, avec le Premier ministre Orlando, le traité de formation d'une armée tchécoslovaque sur le front italien.

 

Le sergent Stefanik reçoit la croix de Guerre 1914-1918 avec palme pour son action au sein de l'armée de l'air, France. © SHD

 

La France le fait commandeur de la Légion d'honneur. Le 28 octobre 1918, la Tchécoslovaquie devient indépendante et Stefanik est ministre de la Guerre du jeune gouvernement. C'est en regagnant son pays, le 4 mai 1919, qu'il meurt dans l'accident de son avion qui s'écrase près de Bratislava. Son corps repose dans le mausolée de Bradlo depuis 1928.

 

Source : Ministère de la défense/SGA/DMPA

Henri Mathias Berthelot

1861-1931

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Fils d'un capitaine de gendarmerie, Henri Berthelot est né le 7 décembre 1861 à Feurs, dans la Loire. À sa sortie de  Saint-Cyr, 4e de sa promotion, il opte pour la coloniale. Sous-lieutenant au 1er régiment de zouaves de Koléas, en Algérie, il part ensuite pour l'Indochine où il fait son baptême du feu. Lieutenant en 1886, il est fait chevalier de l'Ordre du Dragon d'Annam en juillet 1887. Une fièvre le ramène en France où il rejoint le 96e régiment d'infanterie à Gap.

Admis à l'École supérieure de guerre, il reçoit son brevet d'état-major et est promu capitaine en 1891. Il part alors en Autriche pour améliorer son allemand. Il devient officier d'ordonnance du général Joseph Brugère dans le 132e régiment d'infanterie à Reims puis au 8e corps d'armée à Bourges. Après avoir intégré le 2e corps d'armée à Amiens, il est réaffecté au 132e régiment d'infanterie à Reims en décembre 1897 puis muté au 115e régiment d'infanterie en juillet 1899.

Ayant rejoint le général Brugère, alors gouverneur militaire de Paris, il supervise l'organisation du pavillon de l'armée pendant l'exposition universelle de 1900. Nommé chef de bataillon en novembre de la même année, il accompagne en 1901, en tant qu'officier d'ordonnance de Brugère, le tsar Nicolas II à Reims.

En 1903, il devient commandant du 20e bataillon de chasseurs à pied de Baccarat. Rappelé par Brugère en janvier 1906, il est nommé au 2e bureau de la direction de l'infanterie en décembre. Lieutenant-colonel en mars 1907, il devient en octobre secrétaire du comité technique d'état-major. Promu colonel en 1910, il prend la tête du 94e régiment d'infanterie de Bar-le-Duc l'année suivante. En 1913, il intègre l’état-major de Joffre, chef d'état-major des armées. Prenant part à l’élaboration du Plan XVII, le plan de mobilisation et de concentration de l'armée française en cas d'entrée en guerre, il ne croit pas en un mouvement allemand à travers la Belgique.

En 1914, il est premier aide-major général du général Joffre chargé des opérations. En disgrâce suite aux échecs d'août, Berthelot reçoit son avis de mutation à la tête du 5e groupe de divisions de réserve le 21 novembre. En janvier 1915, il mène une offensive à Crouy, près de Soissons. Après de rudes combats, il est contraint de se replier au-delà des positions de départ.

Du 3 août 1915 au 19 septembre 1916, il commande le 32e corps d'armée (32e CA) ou "groupement Berthelot" qui prend part à l'offensive de Champagne en septembre-octobre. En mars 1916, le 32e CA est à Verdun où il doit reprendre le Mort-Homme et la cote 304. Le 32e CA quitte Verdun en juin pour servir dans les Vosges puis dans la Somme.

Le 14 octobre 1916, il est à la tête de la mission militaire française en Roumanie, forte de près de 2 000 officiers et sous-officiers. Il réorganise l'armée roumaine, lourdement défaite par l'Allemagne et résistant difficilement en Moldavie. Coupée des Alliée après le retrait de la Russie du conflit, la Roumanie signe l'armistice de Focșani le 9 décembre 1917.

Après son retour en France, le général Foch confie au général Berthelot le commandement de la 5e armée, du 5 juillet au 7 octobre 1918, qui participe aux batailles devant Reims et Epernay.

Le 7 octobre, il est rappelé à la tête d'une mission roumaine. Son rôle est tout autant diplomatique que militaire. L'armée roumaine modernisée et réorganisée, la Roumanie reprend les armes le 10 novembre, alors même que les empires centraux s'effondrent. Cette nouvelle intervention militaire permet à la fois de contenir la pression révolutionnaire russe dans les Balkans mais aussi de satisfaire certaines des revendications roumaines, notamment sur la Transylvanie et le nord du Banat.

Après la défaite allemande, il est chargé de combattre les bolcheviks russes en Bessarabie puis les bolcheviks hongrois en Transylvanie durant la guerre hungaro-roumaine de 1919. Il est ensuite gouverneur militaire de Metz jusqu'en 1922 puis de Strasbourg de 1923 à 1926.

Décédé à Paris en janvier 1931, il est inhumé à Nervieux dans le Forez, sa région natale.

Il était titulaire, notamment, de la Grand-croix de la Légion d'Honneur, de la Croix de guerre 1914-1918 avec trois palmes, de la Médaille militaire, de la Médaille interalliée 1914-1918 ainsi que de nombreuses décorations étrangères.

 

Ministère de la défense/SGA/DMPA

Rouget de Lisle

1760-1836

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Claude-Joseph Rouget de Lisle. 1792 © BnF

Né à Lons-le-Saunier le 10 mai 1760, Claude-Joseph Rouget joue du violon, et, encore enfant, compose instinctivement. Afin de pouvoir entrer à l’École du génie à Paris à seize ans, il ajouta à son nom la désinence « de Lisle », empruntée à son grand-père.

Sorti lieutenant six ans plus tard, et après trois affectations, il est envoyé à Strasbourg en 1791, où, avec d’autres officiers, il est reçu dans les salons du maire Dietrich, qui, lassé d’entendre les « ça ira, ça ira ! » demande au jeune capitaine, déjà réputé compositeur, d’écrire un chant patriotique… Surpris, Rouget veut se dérober, mais cède au maire et aux officiers qui le pressent de s’exécuter.

Rentré chez lui, il saisit son violon et en tire des arpèges tandis que les phrases entendues la veille lui martèlent la tête. Peu à peu la mélodie naît et les paroles se superposent à la musique. Épuisé, l’auteur s’endort. Dès l’aube, il se rend chez le maire, qui, surpris de tant de rapidité, se met au clavecin et apprécie le chant. Il convoque les officiers présents la veille et d’une voix forte, entonne : « Allons enfants de la patrie ». Tous se déclarent ravis et Rouget est heureux.

Ce chant sera exécuté publiquement place d’Armes, le 29 avril, en présence de huit bataillons alignés pour la revue de départ. Les hommes écoutent et sont galvanisés. Ce chant est vite connu à Paris, à Marseille où le régiment en partance pour la capitale l’adopte . il prend le nom de Marseillaise. Le jeune capitaine est envoyé à Huningue pour y diriger les travaux de cette place et, le 14 juillet, le chant est exécuté au camp de Hoensingue. Le 25 août 1792, Rouget est relevé de ses fonctions par les commissaires du gouvernement, car il avait protesté contre l’internement de Dietrich.

Après la proclamation de la République, il est réintégré et rejoint l’armée du Nord, mais suspendu de ses fonctions de capitaine, il devient suspect. Arrêté, sans doute pour avoir critiqué l’exécution de l’ancien maire de Strasbourg, il est emprisonné et rédige un mémoire. La mort de Robespierre lui rend la liberté.

 

 

Le décret de la Convention daté du 26 messidor an III, qui choisit La Marseillaise comme chant national ne fut jamais appliqué.

Réintégré dans l’armée, Rouget de Lisle démissionne pour retrouver la poésie et la musique. Le 10 vendémiaire de l’an IV, il est représenté à l’Opéra et à l’Opéra Comique. Bonaparte demande à Rouget de lui composer un chant qui, non apprécié, est refusé. Rouget, mortifié, écrit une lettre arrogante à Bonaparte. Il ne servira jamais l’Empire et redevient suspect. En 1812, il part vivre à Montaigu (Jura) dans la maison de famille et compose . en 1817, il se retire à Paris et publie en 1825 un recueil de cinquante Chants français.

Le duc d’Orléans qui fut le compagnon d’armes du capitaine Rouget de Lisle lui accorde trois pensions, le mettant ainsi à l’abri du besoin. Il est fait chevalier de la Légion d’honneur. Il décède à Choisy-le-Roi, âgé de soixante-dix-sept ans, ignorant que son chant deviendrait l’hymne national de la France en 1879. Il fut inhumé au cimetière de Choisy-le-Roi et ses cendres furent déposées aux Invalides le 14 juillet 1915.

Marie-Louise Jacotey, historienne

Transfert aux Invalides des cendres de Rouget de Lisle - 14 juillet 1915 © BnF, Dist. RMN-Grand Palais / image BnF

 

Source : www.archivesdefrance.culture.gouv.fr

Roland Garros

1888-1918

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Roland Garros, ce célèbre inconnu…

Il est des noms que nul n’ignore et dont pourtant bien peu connaissent le destin de ceux qui les ont portés. Celui de Roland Garros en est peut-être l’un des meilleurs exemples dans la mesure où le succès du tournoi de tennis éponyme est tel qu’il a désormais pratiquement totalement occulté la formidable trajectoire de ce pionnier de l’aéronautique disparu dans les dernières semaines de la Grande Guerre.

Enfant de l’outre-mer, Garros, né le 6 octobre 1888 à l’île de la Réunion, a grandi à Saïgon avant de partir en pension à Paris à l’âge de douze ans. De santé fragile, il poursuit sa scolarité à Cannes puis à Nice où il se découvre une passion pour le sport. Le cyclisme et le football mobilisent une grande partie de son énergie sans pour autant qu’il néglige ses études.

Son diplôme des Hautes Études commerciales en poche, Garros ouvre une concession d’automobiles, proposant même un modèle sport aménagé par ses soins. Son rapide succès commercial lui permet de s’offrir un aéroplane avec lequel il effectue seul son apprentissage au printemps 1910. La fascination qu’il avait éprouvée un an plus tôt, lors du meeting aérien de Reims, devant ces fragiles oiseaux entoilés ne le quittera plus. Fini le commerce automobile, il se consacre désormais entièrement à l’aviation.

Tout va très vite, dès l’été il obtient ses premiers contrats rétribués pour des exhibitions en province, puis entraîné aux États-Unis par l’aviateur John Moisant, il part, en octobre, pour une tournée dans le cirque aérien de ce dernier. De retour en France, en 1911, Garros participe aux grandes courses aériennes alors en vogue et, toujours infatigable, s’embarque en fin d’année pour une nouvelle tournée au Brésil.

À peine revenu à Paris, il remporte avec brio, à la mi-juin 1912, le grand prix de l’Aéro-club offrant même son appareil, un Blériot XI, à l’armée, qui le confie au capitaine de Rose, premier officier à avoir obtenu le brevet de pilote militaire.

Le destin de ces deux hommes, pères fondateurs de la chasse, ne va cesser dès lors de se croiser. Si nous ignorons la date de leur première rencontre, nous savons qu’ils ont rapidement sympathisé et œuvré ensemble, tout au long de la même année, sur le problème de la synchronisation du tir de la mitrailleuse avec l’hélice. Dans le même temps, Garros ne cesse de relever de nouveaux défis allant chercher aux commandes de son Morane-Saulnier le record du monde d’altitude, puis traversant victorieusement la Méditerranée, le 23 septembre 1913. Les compétitions se succèdent à travers toute l’Europe tandis que Garros découvre, à l’instar de Pégoud, tous les secrets du looping.

Lorsque le conflit éclate, il n’est pas mobilisable, mais il s’empresse d’aller s’engager le 4 août, pour être affecté comme pilote à l’escadrille MS 23. Il multiplie les missions tout en obtenant l’accord du commandement pour reprendre dès l’automne, soutenu par le capitaine de Rose, ses recherches sur le tir à travers l’hélice. Aidé par Jules Hue, son fidèle mécanicien, Garros parvient à mettre au point un système de déflecteurs sur les pales de l’hélice avec lequel il abat son premier avion le 1er avril 1915.

Malheureusement, dix-huit jours plus tard il est contraint par une avarie de se poser à l’arrière des lignes allemandes. L’appareil, qu’il n’a pas réussi à détruire complètement, tombe aux mains de l’ennemi. Trois longues années de prison l’attendent, au cours desquelles ce fin lettré, ami de Jean Cocteau, écrit ses Mémoires.

Le 15 février 1918, il réussit enfin à s’évader, en compagnie du lieutenant Marchal, et à regagner la France après un long périple. Il demande immédiatement à être réaffecté à son unité, la MS 26, refusant le poste technique qui lui est offert. Dès le mois de mai, il part s’entraîner de nouveau à Pau pour acquérir les nouvelles méthodes de combat sur SPAD XIII, avant de rejoindre son unité, le 20 août. Petit à petit, les sensations lui reviennent et, même si sa vision défaillante lui cause des inquiétudes, il remporte enfin une victoire, le 2 octobre. Trois jours plus tard il disparaît, son appareil étant abattu en plein vol par une patrouille de Fokker.

 

Marie-Catherine Villatoux, Service historique de la défense /DAA.

Henry Dunant

1828-1910

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Henry Dunant. Domaine public

 

En 1859, un jeune Suisse du nom de Henry Dunant découvre, sur le champ de bataille de Solferino en Italie, les horreurs de la guerre. Il décide de créer une organisation internationale pour venir en aide aux blessés des conflits.

Ce sera la Croix-Rouge.

Né à Genève le 8 mai 1828, Henry Dunant est issu d'une famille calviniste très pieuse et pratiquant la charité. Abandonnant ses études secondaires, il entre en apprentissage dans une banque genevoise. Il œuvre dans l'action sociale et consacre une partie de son temps à visiter les prisonniers et à aider les démunis.

En 1853, il part en Algérie pour prendre la direction d'une colonie suisse de Sétif. Il se lance dans la construction d'un moulin à blé, mais n'obtenant pas la concession de territoire indispensable pour le faire fonctionner, il va à Paris pour rencontrer Napoléon III. Or celui-ci est à la tête des troupes franco-sardes qui se battent dans le nord de l'Italie contre les Autrichiens. Dunant se rend sur place pour voir l'empereur. Le 24 juin 1859, jour de la bataille, il arrive à Castiglione, en Lombardie, petite ville proche du lieu des combats. Le lendemain, il découvre le champ de bataille de Solferino. "Celui qui parcourt cet immense théâtre des combats de la veille y rencontre à chaque pas, et au milieu d'une confusion sans pareille, des désespoirs inexprimables et des misères de tous genres". Devant tant de malheurs, Dunant prend en main l'organisation des secours et obtient qu'on traite les prisonniers autrichiens de la même façon que les autres soldats. Il obtient aussi que les médecins autrichiens prisonniers soient autorisés à soigner les blessés.

De retour à Genève, il écrit Un souvenir de Solferino (1862) dans lequel il raconte la bataille et expose ses idées pour améliorer le sort des blessés. "N'y aurait-il pas moyen, pendant une époque de paix et de tranquillité, de constituer des sociétés de secours dont le but serait de faire donner des soins aux blessés en temps de guerre, par des volontaires zélés, dévoués et bien qualifiés ?"

Dunant crée, le 17 février 1863, un comité international et permanent de secours aux militaires blessés, qui prendra en 1875 le nom de Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Le 26 octobre 1863, une quinzaine de pays participent à la conférence internationale de Genève qui constitue vraiment l'acte fondateur de la Croix-Rouge. Soutenu par Napoléon III, le comité, dont Dunant est membre et secrétaire, prépare la Convention de Genève signée en 1864 par quinze pays.

Désormais célèbre, Dunant est reçu par de nombreux chefs d'État. Mais ses affaires financières se portent mal . il est déclaré en faillite en 1867. Ruiné, endetté, il est contraint de démissionner de son poste au Comité international. À Paris, il en est réduit à dormir sur les bancs publics. Pourtant, l'impératrice Eugénie le convoque au palais des Tuileries pour avoir son avis sur l'extension de la convention de Genève à la guerre sur mer. Dunant est alors nommé membre d'honneur des sociétés nationales de la Croix-Rouge d'Autriche, de Hollande, de Suède, de Prusse et d'Espagne.

Durant la guerre franco-prussienne de 1870, il visite les blessés ramenés à Paris et introduit le port de la plaque d'identité qui permettra d'identifier les morts.

La paix revenue, Dunant se rend à Londres, d'où il s'efforce d'organiser une conférence diplomatique pour statuer sur le sort des prisonniers de guerre . le tsar l'encourage, mais l'Angleterre est hostile au projet. Le 1er février 1875, à son initiative, s'ouvre à Londres un congrès international pour "l'abolition complète et définitive de la traite des nègres et du commerce d'esclaves".

Puis viennent des années d'errance et de misère : Dunant voyage à pied en Alsace, en Allemagne et en Italie . il vit de charité et de l'hospitalité de quelques amis. Finalement, en 1887, il échoue dans une bourgade suisse surplombant le lac de Constance : Heiden.

Malade, il trouve refuge à l'hospice et c'est là qu'en 1895 le découvre un journaliste, qui lui consacre un article repris quelques jours plus tard par la presse de toute l'Europe. Dunant redevient d'un coup célèbre et honoré. En 1901, il reçoit le premier prix Nobel de la paix. Il meurt le 30 octobre 1910.

 

In Les Chemins de la Mémoire, 196/juillet-août 2009

Fernand Hederer

1889-1984

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Hederer en 1950. Domaine public

 

La promotion 2008 des élèves-officiers du commissariat de la marine a reçu le nom de "promotion Hederer" en mémoire de Fernand Hederer, commissaire de la marine, ancien combattant de la Grande Guerre et résistant à l'occupant nazi.

Né en 1889, Fernand Hederer fait partie de la promotion 1913 de l'école du commissariat de la marine. En 1914, il est affecté au 1er régiment de canonniers marins, puis au 1er groupe d'artillerie lourde sur voie ferrée où il sert comme officier en second puis commandant de batterie. Devenu le 6 avril 1916 observateur aérien puis pilote de chasse en septembre 1917, Hederer prend en février 1918 le commandement de l'escadrille de chasse SPAD 285, distinction tout à fait exceptionnelle pour un jeune commissaire de 3e classe.

La guerre lui permet de côtoyer des "As" de l'aviation, notamment Coli, Guy­nemer, Fonck et Navarre. Hederer reçoit plusieurs citations (armée, division, régiment) et est décoré de la Croix de guerre avec trois palmes et trois étoiles ainsi que de la Légion d'honneur en 1917. Toutes les citations obtenues mettent en relief les qualités de l'homme, son courage, son énergie, son mépris du danger et ses qualités de chef. Hederer a également rapporté de la guerre un éclat d'obus dans l'avant-bras droit, un pied à moitié gelé lors d'un vol où il n'avait échappé aux avions ennemis qu'en montant le plus haut possible. Mais il est une blessure qui ne s'est pas cicatrisée : la mort au combat en moins d'un an des vingt pilotes de son escadrille.

Au retour de la paix, Hederer, commissaire de 1re classe, sert à bord du croiseur cuirassé Marseillaise, puis comme commissaire de la base navale de Constantinople. Il rejoint ensuite les services de l'intendance maritime dans divers ports. En 1925, il commence une nouvelle carrière dans le corps du contrôle de la marine. Il est affecté sur sa demande en 1929 au ministère de l'air. Il effectue des missions de contrôle parfois délicates, comme celle de la Compagnie générale aéropostale en Amérique du Sud, qui lui valent d'être intégré en 1933 dans le corps du contrôle de l'administration de l'aéronautique. Nommé contrôleur général en mars 1936, il dirige avec Pierre Cot, alors ministre de l'air, la nationalisation de l'industrie aéronautique.

Toujours au cabinet de Cot durant la "drôle de guerre", Hederer est gravement blessé dans un accident d'automobile lors de la débâcle de juin 1940. Dès le début de l'Occupation, il participe à la diffusion d'une propagande anti-allemande. Sous le pseudonyme de "Pommery", il prend part à de nombreuses actions de résistance et adhère au réseau Marco Polo le 1er janvier 1943. Il entretient des contacts avec des émissaires de Londres et fournit des renseignements au SRA de Lyon, notamment sur les activités de la Luftwaffe entre Salon-de-Provence et Marignane : stockage "des bombes et munitions, postes de contrôle, radars, emplacements de DCA... Organisateur de ce service de renseignement aviation, ses activités le font rechercher par la Gestapo de Marseille et d'Aix début 1944.

Pendant la libération de Paris, il sauvegarde et réorganise sous son autorité les organes d'administration du ministère de l'air. Sa conduite est récompensée par la plaque de grand officier de la Légion d'honneur, la Croix de guerre 1939-1945 avec deux palmes et la Médaille de la Résistance avec rosette.

Nommé, après la guerre, directeur du contrôle de l'aéronautique puis de l'armement, Hederer termine sa carrière au service de l'État comme secrétaire général de l'aviation civile. Parvenu à la limite d'âge de son grade en 1951, il commence une nouvelle vie professionnelle dans l'industrie. Il occupe alors le poste de président-directeur général de la Société française d'équipements pour la navigation aérienne jusqu'en 1965.

À 93 ans, il est élevé à la dignité de grand-croix de la Légion d'honneur. Cette décoration lui sera remise par Marcel Dassault, heureux de pouvoir rendre hommage à celui qui l'avait défendu lorsqu'en 1941 il était poursuivi et emprisonné sur ordre de Laval, à celui qui avait secouru son épouse pendant les deux ans que l'avionneur passa en déportation au camp de Buchenwald et qui avait aidé plusieurs familles juives réfugiées dans le Midi de la France.

 

C. Mommessin, Commissaire de la marine de 1re classe, In Les Chemins de la Mémoire, 197/septembre 2009

René Cassin

1887-1976

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René Cassin. Domaine public

 

"Il n'y aura pas de paix sur cette planète tant que les droits de l'homme seront violés en quelque partie du monde que ce soit". Ainsi s'exprime René Cassin, grand juriste français et l'un des pères de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Nul mieux que lui n'a compris que les droits de l'homme et la paix étaient indissolublement liés.

Appartenant à une vieille famille de tradition juive, René Samuel Cassin voit le jour le 5 octobre 1887 à Bayonne. Après de brillantes études au lycée Masséna de Nice, il entre à la faculté de droit d'Aix-en-Provence. Licencié ès-Lettres, premier prix au concours général des facultés de droit, il devient docteur ès-sciences juridiques, économiques et politiques et obtiendra son agrégation en droit privé en 1919.

René Cassin est mobilisé en 1914 comme caporal chef. Un tir de mitrailleuse le blesse grièvement le 12 octobre de la même année à Saint-Mihiel. Il reçoit la Croix de guerre avec palme et la Médaille militaire. Réformé, il enseigne à la faculté d'Aix-en-Provence, puis à celles de Marseille, Lille et Paris. Par solidarité avec ses anciens camarades de combat, il participe dès 1917 à la création de l'une des toutes premières associations de victimes de guerre. En 1929, il devient vice-président du conseil supérieur des pupilles de la nation. Jusqu'en 1940, il consacre une partie de ses activités aux anciens combattants et fera voter plusieurs lois en faveur des victimes de guerre.

Militant de la paix, René Cassin veut "effacer toute frontière entre les hommes, reconnaissant à chacun d'entre eux les mêmes droits inséparables à la dignité d'être". En 1924, il fait partie de la délégation française à la Société des Nations. Après les accords de Munich, qu'il dénonce, il refusera de siéger à Genève. Dès le début des années 1930, averti des dangers du nazisme par des juifs allemands rencontrés lors d'un voyage en Palestine, il avait pressenti un nouveau conflit en Europe.

Prix Nobel de la paix pour ce défenseur des droits de l'homme

En juin 1940, il refuse l'idée d'un armistice, rejoint l'Angleterre et se présente le 29 juin au général de Gaulle. Ce dernier lui confie la mission de négocier l'accord du 7 août 1940 avec les Britanniques, accord qui fait de De Gaulle un allié à part entière et donne un statut à la France libre qu'il dote ensuite de structures juridiques et administratives propres à assurer la continuité de l'État et de la République.

À la demande du général de Gaulle, il prend la direction, en 1943, de l'Alliance israélite universelle qu'il dirigera jusqu'à sa mort. Secrétaire permanent du Conseil de défense de l'Empire français, président du comité juridique de la France combattante puis du Gouvernement provisoire de la République française (1941-1944), il est nommé, en 1944, vice-président du Conseil d'État, fonction qu'il exercera jusqu'en 1960.

Délégué de la France à l'ONU, René Cassin a fait partie, dès 1946, du petit groupe de spécialistes chargés de rédiger la Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée à Paris le 10 décembre 1948 par l'assemblée générale des Nations-Unies. Aux côtés de la présidente de la commission, Eleanor Roosevelt, épouse de l'ancien président des États-Unis, il y joue un rôle majeur . il obtient que la Déclaration soit "universelle" et non "internationale", faisant admettre que les droits économiques, sociaux et culturels soient désormais considérés comme des droits fondamentaux.

En janvier 1959, il est choisi par l'assemblée consultative du Conseil de l'Europe pour siéger comme juge à la Cour européenne des droits de l'homme, qu'il présidera de 1965 à 1968. Il reçoit le prix Nobel de la paix en octobre 1968 . le montant de la récompense lui permet de créer, en 1969, l'Institut international des droits de l'homme.

René Cassin participe par ailleurs activement à la vie institutionnelle de la France. Il préside, en 1958, le comité chargé de préparer la Constitution de la Ve République et reçoit, en 1959, en tant que vice-président du Conseil d'État, le serment du nouveau président de la République, le général de Gaulle. Il joue également un rôle essentiel dans la création du Conseil constitutionnel dont il est membre de 1960 à 1971.

Grand Croix de la Légion d'honneur, Compagnon de la Libération, médaillé de la Résistance, commandeur des Palmes académiques, René Cassin décède le 20 février 1976 à Paris. Le 5 octobre 1987, à l'occasion du centième anniversaire de sa naissance, son corps est transféré au Panthéon.

 

Source : In Les Chemins de la Mémoire, 188/novembre 2008

Charles Tricornot de Rose

1876-1916

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Charles de Tricornot de Rose dans un supplément de L’Illustration 1923

 

Charles de Rose, père de la chasse aérienne

Jean-Baptiste, Marie, Charles Tricornot de Rose, dit Carlo, baron de Tricornot, marquis de Rose est peu connu du grand public. Pourtant cet esprit libre et inventif est la figure emblématique de l’avion de chasse dont il est le père fondateur.

Né à Paris, le 16 octobre 1876, Charles de Tricornot de Rose choisit de perpétuer les traditions familiales en embrassant la carrière des armes. depuis six générations, en effet, les Tricornot sont officiers de cavalerie. Entré à Saint-Cyr en 1895, il est ensuite affecté au 9e régiment de dragons à Lunéville. Son parcours, qui s'annonce brillant, connaît un arrêt brutal en 1906. Carlo de Rose est mis aux arrêts de rigueur pour avoir refusé d'expulser un prêtre de son église dans le cadre de l'application de la loi sur la séparation de l'Église et de l'État.

Acquitté par le Conseil de guerre, il n'en reste pas moins en non activité pendant trois ans. Carlo de Rose tire néanmoins profit de cette difficile situation en s'intéressant à la mécanique et aux moteurs à explosion, trouvant même un emploi à la société automobile Brillié. Cette expérience, qui va s'avérer déterminante pour la suite de sa carrière, nous révèle un homme à l'esprit libre, curieux et doué d'imagination, qui entrevoit les bouleversements que vont entraîner dans l'avenir les progrès techniques. Son purgatoire prend fin le 25 mars 1909, date à laquelle il est réintégré dans l'armée.

Affecté au 19e régiment de dragons de Carcassonne, Carlo de Rose n'hésite cependant pas, dès la fin de l'année, à se porter volontaire pour une formation de pilote alors que le général Roques met en place le Service aéronautique de l'Armée. Il obtient son brevet civil de l'Aéro-club en décembre 1910 et se fait connaître du grand public en réalisant plusieurs raids. Carlo de Rose a trouvé sa voie dans l'aviation, où son esprit énergique et inventif va pouvoir s'exprimer pleinement.

À la poursuite des avions ennemis

En mai 1911, il est officiellement rattaché à l'établissement de Vincennes où s'effectuent de nombreuses recherches dans le domaine de l'aviation. De Rose se lance dans maintes expérimentations effectuant le premier réglage de tir d'artillerie depuis un aéroplane en août suivant. Il se passionne pour l'armement des appareils, sa rencontre avec Roland Garros en 1912 s'avérant à ce titre une étape décisive dans ce processus.

Lorsque la guerre éclate, le commandement de l'aéronautique de la Ve Armée lui est confié . son expérience se révèle incontournable. La victoire de Frantz et Quenault, qui abattent, le 5 octobre 1914, un appareil allemand, est pour de Rose la preuve éclatante que ses intuitions sont justes. En mars 1915, il confie aux pilotes de son unité, la MS 12, tout juste équipée de Morane-Saulnier, une nouvelle mission : rechercher les appareils ennemis et les abattre. Il jette ainsi les premières bases de la chasse, même si la synchronisation du tir reste un problème qui le préoccupe mais sera finalement résolu par le sergent Alkan de la MS 12 au printemps 1916, après des mois d'efforts. Sa clairvoyance convainc le haut-commandement de mettre en place les premières escadrilles de chasse le long du front.

À l'évidence, lorsque débute la terrible bataille de Verdun en février 1916, un homme est en mesure de retourner la situation, qui est alors défavorable à la France, le commandant de Rose. Le général Pétain lui confie une mission qu'il résume en ces termes demeurés célèbres : "Rose, balayez-moi le ciel ! Je suis aveugle." De Rose obtient l'envoi de 15 escadrilles équipées du fameux avion Nieuport XI dit "Bébé" et rassemble les meilleurs pilotes avec parmi eux les célèbres as tels Navarre, Guynemer, Brocard, Garros, Heurtaux, Nungesser, Dorme... Après de rudes combats, les patrouilles françaises parviennent enfin à obtenir, au mois d'avril, la maîtrise de l'air.

Le 11 mai, alors qu'il effectue un vol de démonstration au sud de Soissons, aux commandes de son Nieuport décoré d'une rose, son insigne personnel, le commandant de Rose, victime d'une panne de moteur, se tue accidentellement après avoir donné ses lettres de noblesse à la chasse.

 

Marie-Catherine Villatoux, Service historique de la Défense, département de l'armée de l'Air, In Les Chemins de la Mémoire, 193/avril 2009

Franklin Delano Roosevelt

1882-1945

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Roosevelt en 1933. ©Library of Congress/Elias Goldensky

 

Né le 30 janvier 1882, Franklin Delano Roosevelt est issu d’une famille de colons hollandais émigrés aux États-Unis au XVIIe siècle. Diplômé de la prestigieuse université d’Harvard, il entreprend une carrière d’avocat avant de se lancer en politique, sur les traces de son cousin Theodore Roosevelt, président des États-Unis de 1901 à 1909.

Figure montante du parti démocrate, sa carrière débute en 1910, lorsqu’il est élu sénateur de l’État de New York. En 1913, il est nommé secrétaire adjoint à la Marine par le président Woodrow Wilson. Au cours du premier conflit mondial,  il s’emploie au développement des sous-marins et soutient le projet d’installer un barrage de mines en mer du Nord pour protéger les navires alliés des attaques sous-marines allemandes.

À l’occasion d’une tournée d’inspection en Grande-Bretagne et sur le front français, il rencontre pour la première fois Winston Churchill.

Chargé de la démobilisation après l’Armistice, il quitte son poste à la Marine en juillet 1920. La même année, la défaite  des démocrates aux élections présidentielles inaugure une longue traversée du désert lors de laquelle il contracte une maladie qui lui fait perdre l’usage des jambes, en 1921.

Il revient sur le devant de la scène politique en 1928, en étant élu gouverneur de l'État de New York. Au cours de ce mandat, il entreprend des réformes tant en faveur des campagnes que dans le domaine social, mettant notamment en place l'Office temporaire des secours d'urgence pour venir en aide aux chômeurs, réduisant la durée du temps de travail pour les femmes et les enfants ou encore veillant à l’amélioration des hôpitaux. Il fait également montre de tolérance en matière d’immigration comme de religion. Son action, couronnée de succès, est validée par sa réélection en 1930.

 

Roosevelt (à droite) avec Woodrow Wilson le 14 juin 1914. ©Library of Congress /Domaine public

 

En 1932, Roosevelt est désigné candidat à l’élection présidentielle par le parti démocrate, basant sa campagne sur le New Deal (« nouvelle donne »), un programme de redressement économique qui doit mettre fin à la crise qui touche le pays depuis le krach boursier de 1929. Élu par 57 % des suffrages, il met en œuvre son programme de relance de l’économie et de lutte contre le chômage, réforme le système bancaire américain et fonde la Sécurité sociale. Tout en restant fragile, l’économie se rétablit progressivement et Roosevelt est réélu en 1936 puis en 1940.

La situation se dégradant en Europe, il s’efforce de rompre avec la politique d’isolationnisme et de neutralité des États-Unis soutenue par le Congrès et l’opinion publique américains. Il obtient tout d’abord, en septembre 1939, l'abrogation des lois sur l'embargo des ventes d’armes aux belligérants puis, en 1941, l’accord du Congrès pour une aide en armements aux Alliés, sans remboursement. La loi Lend-Lease (prêt-bail), signée le 11 mars 1941, permet ainsi aux Américains de fournir les Alliés en matériel de guerre sans intervenir directement dans le conflit. Le 14 août 1941, Roosevelt et Churchill signent la Charte de l’Atlantique, déclaration commune définissant les principes moraux devant présider au rétablissement durable de la paix et qui servira ultérieurement de base à la Charte des Nations unies (juin 1945).

 

Le président américain Roosevelt signant la déclaration de guerre contre le Japon, le 8 décembre 1941.
© National Archives and Records Administration/ Abbie Rowe

 

Entre-temps, dans le Pacifique, les relations entre le Japon et les puissances occidentales se détériorent. Les États-Unis accordent leur soutien à la Chine, opposée au Japon, par l’octroi d’un prêt-bail puis, celui-ci refusant de se retirer de l'Indochine et de la Chine, les États-Unis, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas décident d’un embargo sur les matières premières tandis que les avoirs japonais aux États-Unis sont gelés. Le 7 décembre 1941, les forces japonaises bombardent Pearl Harbor, la plus grande base navale américaine dans l'océan Pacifique, faisant entrer les États-Unis dans la guerre.

 

Franklin Delano Roosevelt signant la déclaration de guerre contre l'Allemagne,  le 11 décembre 1941.
© Farm Security Administration/Office of War Information/Domaine public

 

En 1942, Roosevelt donne la priorité au front européen tout en contenant l'avancée japonaise dans le Pacifique. C'est ainsi que les États-Unis interviennent aux côtés des Britanniques, d'abord en Afrique du Nord (opération Torch en novembre 1942) puis en Europe par les débarquements en Italie et en France.

Durant le conflit, il est l’un des principaux acteurs des conférences interalliées (Anfa en janvier 1943 pour le choix du prochain front en Europe et la reddition sans condition de l’Allemagne, Dumbarton Oaks en août-octobre 1944 pour préparer la réunion constitutive de l’Organisation des Nations Unies, Yalta en février 1945 pour résoudre les problèmes de l’Europe d’après-guerre).

 

Franklin D. Roosevelt, Churchill, Giraud et de Gaulle lors de la conférence d’Anfa (Casablanca), 24 janvier 1943.
© National Archives and Records Administration.

 

Ne reconnaissant pas la légitimité du général de Gaulle, dont il se méfie car il voit en lui un apprenti dictateur, Roosevelt s'oppose à ce que la France Libre participe aux Nations unies tant que des élections n’auront pas eu lieu en France. Le retour de Laval au pouvoir en 1942 entraîne le rappel de Vichy de l'ambassadeur américain et l’ouverture d’un consulat à Brazzaville. Le président américain soutient successivement l'amiral Darlan –collaborateur notoire- puis le général Giraud –vichyste patenté- et tente d’entraver l'action du Comité français de la Libération nationale d'Alger dont de Gaulle à résolument pris la tête, reléguant Giraud à des tâches strictement militaires.

Quant à son idée de placer la France libérée sous occupation militaire américaine (AMGOT), elle ne verra jamais le jour, le général Eisenhower ayant affirmé à de Gaulle, dès le 30 décembre 1943 : « Dans les faits, je ne connaîtrai en France d’autre autorité que la vôtre ». En signe d’apaisement et pour satisfaire une presse et une opinion publique américaines très favorables au Général, il reçoit celui-ci à Washington en juillet 1944.  Mais il ne reconnaît officiellement le Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) qu'en octobre 1944 et n’invite pas son chef à  Yalta, signe que sa méfiance ne s’était pas totalement dissipée.

 

  Conférence de Yalta, 1945. © Army Signal Corps Collection/National Archives

 

Le 7 novembre 1944, Franklin Roosevelt est réélu pour un quatrième mandat à la Maison Blanche. Il décède brusquement le 12 avril 1945, d’une hémorragie cérébrale. Conformément à la constitution américaine, le vice-président Harry Truman lui succède.

 
Source : La rédaction du site CDM

Georges Bernanos

1888-1948

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Georges Bernanos vers 1940. Domaine public

 

L'auteur du Journal d'un curé de campagne s'engage dans la cavalerie en août 1914 à l'âge de 26 ans. Comme celle de bien d'autres écrivains, œuvre de Georges Bernanos est marquée par la Grande Guerre. À travers son travail d'écriture, il ne cessera de sonder le mystère du mal tout en s'engageant dans un combat pour la foi et la liberté.

Né à Paris en 1888, Georges Bernanos fait des études de droit et de lettres. Catholique et royaliste, il milite auprès des "Camelots du Roi". Ses premiers essais romanesques paraissent dans la presse en 1913 et 1914 avant d'être réunis dans un livre intitulé Dialogues d'ombres. Bien que réformé en 1911, il parvient cependant à s'engager fin août 1914. Sa passion des chevaux et de l'équitation le conduit à choisir la cavalerie. Il rejoint fin décembre le 6e régiment de dragons dans lequel il servira jusqu'à l'armistice.

La guerre va changer Bernanos. Elle est le creuset de son œuvre. Il écrit dans une lettre: "Ceux qui n'entendent pas ce que ce temps a de tragique, non pas à cause des quelques milliers de morts, mais parce qu'il marque une limite dans l'histoire du monde, sont des ânes."

"L'épreuve des tranchées lui a révélé la redoutable grimace de l'humanité moderne", a observé Albert Béguin, professeur de littérature, critique d'art et éditeur, que Bernanos a chargé de s'occuper de ses écrits après sa mort. C'est là sans doute que prend naissance la dimension tragique de son œuvre, l'auteur passant, comme le souligne Jean Bastier "d'un univers un peu conventionnel à des ciels bas et troubles, des aubes sales et livides, des terres boueuses et sataniques", qui peupleront ses grands romans. De son livre Sous le soleil de Satan, commencé peu après l'armistice et paru en 1926, Bernanos lui-même dira qu'il est né de la guerre.

En février 1915, Bernanos est dans la Marne . en avril, près de Verdun. En mai, sa division se trouve en Picardie où une partie des hommes sont terrés dans les tranchées. En septembre, avant les deux grandes offensives en Artois et en Champagne, il espère une percée de l'infanterie qui permettra enfin à la cavalerie de chevaucher victorieusement. Mais la grande attaque est annulée. Durant l'hiver qui suit, le 6e dragons fournit encore des détachements aux tranchées. Lors d'un bombardement, le 1er mai 1916, Bernanos est sérieusement commotionné : "Leurs gros obus nous encadraient bien régulièrement, en rétrécissant le cercle de minute en minute, jusqu'au moment où l'un d'eux éclatait dans la tranchée même, à la hauteur d'une tête et à un mètre de moi. Quel éclair (...) et tout de suite après, quel noir! La chose étincelante m'avait jeté je ne sais où, avec un camarade, sous une avalanche de terre fumante. Le sol autour de nous et au-dessous de nous était criblé d'éclats énormes (...)".

En février et mars 1917, il suit des cours de pilotage à l'école d'aviation de Dijon-Longvic, puis à celle de Chartres. Mais, sa vue n'étant pas jugée suffisamment bonne, il est renvoyé début avril au 6e dragons. Il profite cependant de son éloignement momentané du front pour se marier le 14 mai 1917.

Arrivent les grandes offensives allemandes du printemps 1918. L'unité de Bernanos se bat, à pied, dans l'Aisne, l'Oise. Le 30 mai, il est blessé à la jambe et reçoit une citation. "J'ai fait deux jours de service de liaison entre ma section et ma compagnie. (...). J'ai circulé toute la journée de jeudi dans une plaine et un bois littéralement criblé de balles (....). J'ai combattu comme je l'avais toujours rêvé."

Hospitalisé en juillet-août, Bernanos rejoint en septembre son régiment : "Poussière, boue (...), je reprends la couleur de nos chemins". Quand arrive le 11 novembre, l'écrivain partage le regret des cavaliers : il n'y a pas eu de victoire complète, pas de poursuite avec désorganisation de l'armée ennemie. Il sera également déçu par l'application du traité de Versailles : "La Victoire ne nous aimait pas", écrira-t-il dans Les Enfants humiliés.

Dans les années trente, il rompt avec son milieu politique. Installé avec sa famille à Palma de Majorque, il assiste de là à la guerre d'Espagne qui lui inspirera Les grands cimetières sous la lune (1938), où il stigmatise Franco et ses partisans. En 1938, il part pour le Paraguay, puis le Brésil. Qualifiant le régime de Vichy de "ridicule dictature agricole", il prend le parti du général de Gaulle.

Il rentre en France en 1945, repart pour la Tunisie d'où il ne reviendra que pour mourir, à Neuilly, en 1948.

 

Source : Jean Bastier, "Georges Bernanos, le dragon de 1914-1918" In Les écrivains combattants de la Grande Guerre, Giovanangeli éd., 2004. In Les Chemins de la Mémoire, 186/septembre 2008

Colonel Rémy

1904-1984

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Colonel Rémy.©Chancellerie de l’Ordre de la Libération

Dès 1940, Gilbert Renault, alias Rémy, met sur pied le plus important réseau de renseignement de la France libre : la Confrérie Notre-Dame qui va mener de très nombreuses actions en France. Son biographe, l'historien Guy Perrier, revient sur son action, en particulier durant l'année 1943.


Abasourdi par l'effondrement de 1940, Gilbert Renault, catholique fervent proche des idées de l'Action française, mouvement auquel il n'adhéra toutefois jamais, refuse d'admettre la défaite de la France. Se séparant de sa femme et de ses quatre enfants, il quitte la ville de Vannes et s'embarque pour l'Angleterre où il se rallie au général de Gaulle, avec qui vont se créer des liens d'admiration et d'affection qui ne se démentiront jamais, malgré les divergences futures. Celui-ci l'affecte au 2e bureau, qui allait devenir le Bureau central de renseignement et (l'action (BCRA) dirigé par le colonel Passy, de son vrai nom André Dewavrin, qui le charge de mettre sur pied un réseau le long de la façade Atlantique, d'où la Kriegstnarine harcèle les navires britanniques.

Une vie nouvelle commence alors pour cet aventurier à la fois impulsif, fantasque et chevaleresque qu'est Rémy, qui a longtemps travaillé dans le milieu du cinéma comme producteur après avoir exercé moult métiers. Multipliant les allées et venues entre l'Angleterre, la France occupée et l'Espagne, Rémy dispose bientôt d'informateurs dans tous les ports. Le 6 janvier 1942, après s'être recueilli à l'église Notre-Dame des Victoires à Paris, il baptise son mouvement la Confrérie Notre-Dame (CND) dont le succès va lui valoir, selon Sébastien Albertelli, auteur des Services secrets de la France libre, "un prestige incomparable auprès de l'Intelligence Service".

Devenu le réseau le plus important de la France libre, celui-ci accueille et transmet le courrier de plusieurs réseaux : l'Organisation civile et militaire (OCM), Libération-Nord, Fana (communiste). Après un séjour en France à la fin de l'année 1942, Rémy regagne Londres, le 11 janvier 1943, qu'il ne quittera pratiquement plus jusqu'à la Libération. C'est à cette occasion, qu'il amène le dirigeant communiste Fernand Grenier à la rencontre du général de Gaulle, un évènement aux conséquences considérables. Pour Rémy, dont les convictions monarchistes sont à l'opposé du Parti communiste, le sort de son pays doit transcender les clivages idéologiques !

Alors que la Confrérie Notre-Dame poursuit son œuvre de renseignement, survient un grave évènement qui bouleverse l'activité du réseau. Le 6 octobre 1943, un agent de la CND, Parsifal, tombe entre les mains du Service de sureté allemand, l'Abwehr. Il est interrogé par un collaborateur belge, Christian Masuy, qui le soumet au supplice de la baignoire. L'agent n'y résiste pas et livre les noms de membres importants du réseau. La Confrérie Notre-Dame en sort très affaiblie.

Rémy échafaude un plan d'urgence pour remettre son organisation sur pied et veut repartir en France. Mais Londres estime que le colonel Rémy est plus utile sur place pour préparer le débarquement des Alliés, dans le cadre du plan Sussex qui prévoit d'employer des soldats français pour des missions interalliées. Resté en Angleterre, Rémy aura le bonheur, durant le Noël 1943 qu'il passe avec sa femme dans sa petite maison d'Elwood, d'entendre le message de soutien qu'il a diffusé la veille sur la BBC, destiné aux résistants emprisonnés en France.

Nommé, le 13 mars 1942, Compagnon de la Libération, Rémy deviendra après la Libération le combattant d'une nouvelle cause, qui apparaît improbable aujourd'hui : réconcilier gaullistes, résistants de toutes obédiences et pétainistes anti allemands ! Devenu militant du RPF gaulliste (Rassemblement du peuple français) au lendemain de la guerre, il défendra la thèse, réfutée par la plupart des historiens, selon laquelle le général de Gaulle et le maréchal Pétain étaient complémentaires, le premier représentant "l'épée de la France" et le second "le bouclier". Une assertion défendue dans plusieurs de ses livres consacrés à son action dans la résistance, mais que démentira de Gaulle lui-même, qui lui conservera toutefois son amitié et son estime.

Le 28 juillet 1984, Rémy l'agent secret n°1 de la France libre s'éteint, à quelques jours de son 80e anniversaire. François Mitterrand, président de la République, salue en lui "l'un des plus glorieux héros de la Résistance, qui restera à jamais l'honneur de la France". Deux ans après sa mort, paraît son dernier livre, tout simplement intitulé: La Résistance.

 

Guy Perrier, historien, In Les Chemins de la Mémoire, 235/avril 2013

Philippe Viannay

1917-1986

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Philippe Viannay (au centre). ©Fondation de la Résistance, AERI, coll. Défense de la France DR

 

Rien ne le préparait à affronter la guerre et à entrer dans la Résistance. Et pourtant, Philippe Viannay devient, à 25 ans, le chef incontesté d'un des principaux mouvements de résistance de la zone nord. Retour sur l'itinéraire d'un homme, épris de liberté, qui fut un précurseur dans de nombreux domaines.

Dans la galaxie des grands chefs de la résistance française, Philippe Viannay occupe une place singulière. Bien qu'il ait dirigé Défense de la France (DF), un important mouvement de zone nord, l'homme est resté moins connu que nombre de ses homologues – Frenay, Bourdet ou le couple Aubrac pour ne citer qu'eux. Sa jeunesse – il a tout juste 23 ans en 1940, son refus d'embrasser après-guerre une carrière politique, la publication posthume de ses mémoires..., autant d'éléments qui expliquent ce silence relatif. Dans le même temps, tous les hommes qui l'ont croisé – dans la nuit clandestine comme au Centre de formation des journalistes (CFJ), au club Jean Moulin comme au centre des Glénans – conservent le souvenir ému d'une personnalité dont le charisme était grand. Quels qu'aient été ses mérites, il ne s'agit pas, ici, de proposer une lecture hagiographique d'un résistant mais d'explorer la singularité d'un éminent dirigeant de l'Armée des ombres.

Philippe Viannay naît en 1917, dans un milieu conservateur : son père est proche du PSF du colonel de la Roque et sa mère appartient plutôt à une petite noblesse de robe. Il estimait d'ailleurs que sa famille appartenait à "une bourgeoisie d'honneur", méprisant l'argent tout en en ayant quelque peu. Après une année d'hypokhâgne au lycée Louis-le-Grand, il entame des études de philosophie tout en envisageant la prêtrise – vocation qu'il abandonne en 1938 pour reprendre son cursus à la Sorbonne.

Combattant vaillamment en 1940, il revient à Paris, bien décidé, pour reprendre la formule consacrée, "à faire quelque chose". En effet, il envisage dès octobre 1940 de monter un journal clandestin, suivant l'idée soufflée par un patron de ses amis, Marcel Lebon. Épaulé par un ancien condisciple, Robert Salmon, et par une étudiante rencontrée à la Sorbonne, Hélène Mordkovitch, qu'il épousera en 1942, il lance un journal clandestin, Défense de la France, dont le premier numéro sort le 14 juillet 1941.

Peut-on s'émanciper de ses origines ? L'itinéraire de Viannay invite à répondre de façon nuancée. Issu d'une famille conservatrice et catholique, l'homme épouse à bien des égards les réflexes de son milieu. De fait, DF adopte, jusqu'en 1942, une ligne maréchaliste, créditant bien à tort Pétain de sentiments résistants. De même, l'apprenti philosophe construit son combat sur un plan éthique. Il ne cherche pas à lutter militairement contre l'occupant mais appelle avant tout à un sursaut moral.

Dans le même temps, Philippe Viannay s'éloigne de son milieu. Loin de suivre aveuglément le Maréchal, il considère la lutte contre l'Allemand comme une ardente priorité. Et DF devient, grâce à Hélène Viannay, un lieu de brassage où une bourgeoisie plutôt droitière se mêle à des émigrés russes notamment, plutôt de gauche.

Par son charisme, son sens de l'organisation et son ouverture d'esprit, Viannay infléchit par la suite les destinées de son mouvement. Se rendant à l'évidence, le journal abandonne progressivement sa ligne maréchaliste pour soutenir de Gaulle, non sans un détour giraudiste. Surtout, DF se convertit progressivement à la lutte armée, montant des corps-francs puis des maquis, en Bourgogne-Franche-Comté et en Seine-et-Oise notamment. Mais, il ne parvient pas à s'imposer auprès de la France combattante. Tout en obtenant des fonds qui lui permettent, entre autres, de soutenir un atelier de faux-papiers, le mouvement ne siège pas au Conseil national de la Résistance. Viannay était sans doute meilleur organisateur que fin politique ! De fait, il préfère, en 1944, combattre en Seine-et-Oise – où il est gravement blessé – plutôt que de préparer à Paris la sortie au grand jour de Défense de la France /France Soir.

 

Albert Bernier, Philippe Viannay (au centre) et Françoise de Rivière, maquis de Seine-et-Oise, août 1944.
© Fondation de la Résistance, AERI, coll. Défense de la France DR

 

Bien que député à l'Assemblée consultative, Viannay abandonne à la Libération et la carrière politique, et France-Soir. En revanche, soucieux de former les journalistes dont il avait constaté avant-guerre le manque de professionnalisme, il monte le CFJ, s'investit au journal France-Observateur, tout en créant le centre nautique des Glénans. Il reste, à cette aune, fidèle à ses postulats. Tout en s'intéressant, via l'Union de la Gauche socialiste puis le club Jean-Moulin, à la chose publique, il préfère s'investir dans la société civile – fil rouge qui relie son engagement clandestin à ses investissements durant les temps plus calmes de la République retrouvée. Il décède en 1986, à l'âge de 69 ans.


Olivier Wieviorka, historien, auteur de Une certaine idée de la Résistance, Seuil, 1995, rééd. 2010, In Les Chemins de la Mémoire, 240/novembre 2013

Germaine Tillion

1907-2008

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Photo : Germaine Tillion, carte d'étudiante, 1934. Association Germaine Tillion

 

Grande figure de la Résistance française, ethnologue et écrivain, Germaine Tillion a tiré de son expérience pendant la Seconde Guerre mondiale des leçons qui lui ont servi tout au long de sa vie. Elle a su conjuguer, en toutes circonstances, témoignage, réflexion et action.

 

Germaine Tillion est née le 30 mai 1907 à Allègre, en Haute-Loire. En 1919, la famille déménage dans la Région parisienne. Au cours des années vingt, elle entreprend des études d'ethnologie et obtient, en 1933, une bourse pour aller étudier la population berbère dans les Aurès algériens. Entre 1934 et 1940, elle accomplit quatre longs séjours chez les Chaouias et poursuit la rédaction de sa thèse.

De retour en France, le 9 juin 1940, elle décide, après l'Armistice, qu'"il faut faire quelque chose". En compagnie de Paul Hauet, colonel à la retraite, elle commence son activité de résistance sous couvert d'une association d'aide aux prisonniers de guerre, l'Union nationale des combattants coloniaux. Cette cellule entre en contact avec des groupes analogues, comme celui du musée de l'Homme, réunissant quelques ethnologues, avec à sa tête Boris Vildé. C'est en 1946, quand Germaine Tillion s'occupera de l'homologation administrative du réseau, qu'elle lui donnera le nom de "réseau du musée de l'Homme", en hommage à une bonne partie de ses fondateurs. Le groupe se livre à des actions multiples : collecter des informations pour les transmettre à Londres, accueillir les soldats évadés ou organiser des évasions, héberger des parachutistes anglais, fabriquer des faux papiers, diffuser des appels au combat, liquider des traîtres et des agents de la Gestapo.

Bien que patriote dévouée, Germaine Tillion n'oublie pas un principe directeur dont elle se réclame : le dévouement à la vérité et à la justice. Dans un tract destiné à la presse clandestine, elle constate que de nombreuses informations concernant la situation du moment circulent dans la société française mais sont contradictoires car elles proviennent de différentes sources. Elle enjoint à ses camarades résistants de ne pas biaiser avec la vérité, de ne rien cacher, de s'efforcer de comprendre et de juger impartialement. "Sur le plan des idées, nous ne connaissons d'emblée qu'une cause qui nous est chère, celle de notre patrie, c'est par amour pour elle que nous nous sommes groupés, c'est pour essayer de maintenir sa foi et son espérance. Mais nous ne voulons pas, nous ne voulons absolument pas lui sacrifier la vérité, car notre patrie ne nous est chère qu'à la condition de ne pas devoir lui sacrifier la vérité".

Une première dénonciation entraîne l'arrestation de plusieurs membres de la cellule du musée de l'Homme . en avril 1941, une seconde trahison provoque celle de ses autres membres. Leur procès se tiendra un an plus tard, en février 1942. Dix personnes, dont plusieurs proches amis, sont condamnées à mort. Germaine Tillion, qui a échappé à ces arrestations, se démène pour obtenir leur grâce mais en vain : les sept hommes du groupe sont fusillés, les trois femmes partent en déportation. Elle-même est arrêtée dans la rue, en août 1942, par la police allemande : elle a été trahie, à son tour, par un prêtre français qui se faisait passer pour résistant. Détenue pendant plus d'un an dans les prisons françaises, à la Santé et à Fresnes, elle est déportée au camp de Ravensbrück, en octobre 1943. Elle en sortira en avril 1945.

Après son retour en France, elle se consacre essentiellement à l'histoire de la Résistance et de la Déportation, sur lesquelles elle publie plusieurs études. Cependant, elle n'abandonne pas son engagement civique et participe à la campagne contre les camps, toujours en activité, dans les pays communistes en Europe et en Asie.

En 1954, elle est envoyée par le gouvernement français en mission d'observation en Algérie, où l'on assiste aux premiers pas de l'insurrection. Au début, elle propose de renforcer l'enseignement délivré à la population indigène (garçons et filles, enfants et adultes) pour lui permettre de sortir de la misère que le développement économique n'a pas réussi à endiguer. Le conflit s'intensifiant, à partir de 1957, Germaine Tillion se consacre exclusivement à atténuer les effets de la violence : elle milite contre la torture, les exécutions et rencontre les dirigeants du FLN pour les convaincre d'interrompre les attentats aveugles.

Élue directeur d'études à l'École pratique des hautes études en 1958, elle consacre les décennies suivantes à l'étude des sociétés d'Afrique du Nord. Elle publie également une édition refondue de Ravensbrück, son livre sur la Déportation. Elle décède le 19 avril 2008 à l'âge de 100 ans. Son ouvrage autobiographique, Fragments de vie, paraît l'année suivante.

 

Tzvetan Todorov, Président de l'association Germaine Tillion, In Les Chemins de la Mémoire, 241/décembre 2013

Marc Bloch

1886-1944

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Marc Bloch. ©Roger-Viollet/Albert Harlingue

Aussi illustre soit-il en tant qu'historien, la résistance de Marc Bloch, qui fut arrêté en mars 1944 par la Gestapo et fusillé, avec 29 autres résistants, le 16 juin à Saint-Didier de Formans, reste peu connue. L'historien Laurent Douzou relate l'action clandestine de cet intellectuel engagé, depuis l'année 1943 jusqu'à sa mort.

 

"On devrait se préoccuper davantage qu'on ne le fait de la façon dont meurent les universitaires, quand il leur arrive de ne pas mourir de maladie ou de vieillesse" écrivait le philosophe Georges Canguilhem à propos de Marc Bloch, dont l'extraordinaire notoriété d'historien a parfois occulté le rôle actif durant l'Occupation.

Professeur à la Sorbonne, le co-fondateur des Annales d'histoire économique et sociale était, quand la guerre éclata, une sommité scientifique. Alors qu'il entrait dans sa pleine maturité, il avait déjà une œuvre à son actif. Il avait, de surcroît, été exposé au feu au cours de la Grande Guerre qu'il avait terminée avec la Légion d'honneur à titre militaire et la Croix de guerre.

Âgé de 53 ans en 1939, ce père de six enfants demanda à combattre. Chargé du ravitaillement en essence de la 1re Armée, il remplit sa mission non sans constater avec stupéfaction que l'édifice qu'il avait cru solide était vermoulu. Disséquant dans une analyse rédigée à l'été 1940 et publiée en 1946 sous le titre de L'Étrange Défaite, les niveaux de responsabilité du désastre, il ne s'exonéra pas pour autant des siennes : "J'appartiens à une génération qui a mauvaise conscience. De la dernière guerre, c'est vrai, nous étions revenus bien fatigués. Nous avions aussi, après ces quatre ans d'oisiveté combattante, grande hâte de reprendre sur l'établi, où nous les avions laissé envahir par la rouille, les outils de nos divers métiers : nous voulions, par des bouchées doubles, rattraper le travail perdu. Telles sont nos excuses. Je ne crois plus, depuis longtemps, qu'elles suffisent à nous blanchir".

Touché par le statut des Juifs d'octobre 1940, Marc Bloch fut exclu de son poste de professeur détaché auprès de l'université de Strasbourg repliée à Clermont-Ferrand. Au titre de l'article 8, qui prévoyait des exemptions pour les individualités ayant rendu des services exceptionnels à la France, il fut relevé de cette mesure, en janvier 1941, et affecté à Montpellier en juillet. Il renonça à user du visa qu'il avait obtenu pour les États-Unis parce qu'il ne voulait pas laisser les siens. Il exerça ses fonctions à Montpellier jusqu'à sa révocation le 15 mars 1943.

À cette date, la paisible vie de labeur du médiéviste avait bifurqué radicalement. Entré de plain pied en résistance, Marc Bloch était devenu "Narbonne" en nouant contact avec Franc-Tireur. Georges Altman, dirigeant de ce mouvement, a relaté cette rencontre : "Je revois encore cette minute charmante où Maurice [Pessis], l'un de nos jeunes amis de la lutte clandestine, son visage de vingt ans rouge de joie, me présenta sa "nouvelle recrue", un monsieur de cinquante ans, décoré, le visage fin sous les cheveux gris argent, le regard aigu derrière ses lunettes, sa serviette d'une main, une canne de l'autre ; un peu cérémonieux d'abord, mon visiteur bientôt sourit en me tendant la main et dit avec gentillesse : Oui, c'est moi le "poulain" de Maurice..."

Précieux témoignage qui suggère bien ce que put représenter pour l'universitaire Marc Bloch le saut dans une clandestinité où, les cartes rebattues, il lui fallut faire ses preuves comme un débutant. Tout ce qu'il eut dès lors à faire s'inscrivit en rupture avec sa vie antérieure comme le relevait Georges Altman : "Et l'on vit bientôt le professeur en Sorbonne partager avec un flegme étonnant cette épuisante vie de "chiens de rues" que fut la Résistance clandestine dans nos villes". Au "poulain de Maurice" on confia vite des tâches à la mesure de ses talents. Il collabora aux Cahiers politiques du Comité général d'Études et à La Revue libre, éditée par Franc-Tireur. Ces publications portent sa marque, notamment cette table méthodique des articles de la première année des Cahiers politiques dans le numéro 5 de janvier 1944 !

En juillet 1943, Marc Bloch devint un des trois membres du directoire régional des Mouvements unis de résistance, poste à la fois exposé et harassant. Conscient du danger, efficace et déterminé, "Narbonne" s'affirma comme un dirigeant légitime et respecté dans le petit monde si exigeant de la clandestinité. Son arrestation, par une Gestapo bien renseignée, au matin du mercredi 8 mars 1944 sur le pont de la Boucle à Lyon, bouleversa ses camarades. Torturé dans les locaux de l'École de santé militaire, interné à la prison de Montluc, Marc Bloch fut fusillé le 16 juin 1944 avec 29 autres résistants à Saint-Didier-de-Formans.

 

Laurent Douzou, historien, In Les Chemins de la Mémoire, 234/mars 2013

Louis Pergaud

1882-1915

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« Mort pour la France »

 

Louis Pergaud naît le 22 janvier 1882 à Belmont dans le Doubs. Fils d’un instituteur laïc, il vit son enfance dans des petits villages, explorant la campagne et traquant la truite avec ses copains. Brillant élève, il entre, en 1898, à l’École normale et est nommé instituteur à Durnes en octobre 1901. La mort de ses deux parents, en février et mars 1900, a causé au jeune homme un traumatisme profond qu’il surmonte en lisant les poèmes de Léon Deubel, lesquels suscitent en lui une passion littéraire.

En 1902, il effectue son service militaire dont il garde un mauvais souvenir . son mariage, en 1903, avec Marthe Caffot, se révèle un échec et sa fille décède en 1904. En même temps, son républicanisme de combat lui vaut des querelles avec la population, entraînant sa mutation à Landresse, à un moment où les tensions entre l’Église et l’école républicaine sont extrêmement vives. Mal dans sa peau, Louis Pergaud se réfugie dans la chasse, les promenades où se réveillent les parfums de l’enfance, les discussions avec les amis dont le volubile cafetier Duboz. Il tombe bientôt amoureux de l’une de ses filles, Delphine. Léon Deubel, qui l’a aidé, en 1904, à faire paraître son premier recueil de poèmes, lui propose de le rejoindre à Paris.

Pergaud décide de changer de vie. En 1907, il gagne la capitale, fait venir Delphine qu’il épouse après son divorce. Léon Deubel le conforte dans son désir d’écrire. Pour subsister, il reprend son métier d’instituteur et pendant ses vacances recueille le matériau de ses ouvrages. D’emblée, la figure de Louis Pergaud s’impose dans le monde littéraire : le Prix Goncourt couronne en 1910 son premier ouvrage, De Goupil à Margot, qui rencontre un véritable succès.

 
 
 
En 1912, il publie La Guerre des boutons, roman de ma douzième année. Sur fond de rivalités entre deux villages, l’auteur développe, avec un humour parfois féroce, des thèmes qui lui sont chers : la vie campagnarde, l’esprit de clocher, les querelles laïco-cléricales…1913 est pour Pergaud une période faste qui voit le succès de son Roman de Miraut, chien de chasse, mais aussi douloureuse à cause du suicide de Léon Deubel.

Écrivain naturaliste, Pergaud déploie une écriture riche et dense pour un hymne à la vie encore sauvage, se montrant novateur en cherchant l’empathie avec les animaux. Il revisite son univers rural, préparant plusieurs textes, qu’il remet au printemps 1914 au Mercure de France sous le titre Les rustiques. Le livre n’est pas encore imprimé que Louis Pergaud reçoit son ordre de mobilisation. La guerre éclate le 2 septembre. Matricule 2216 au recrutement de Belfort, il est affecté comme sergent au 166e régiment d’infanterie, à Verdun. « Pacifiste et antimilitariste, je ne voulais pas plus de la botte du Kaiser que de n’importe quelle botte éperonnée pour mon pays. » (1)

En octobre, il gagne le front, dans le secteur meusien de la Woëvre, région humide dont les collines font l’objet d’âpres combats. Sa correspondance stigmatise « les patriotes en chambre », décrit le courage des poilus, la boue des tranchées, la mort permanente. Les bagarres juvéniles entre la bande de Lebrac et celle de l’Aztec des Gués, héros de La Guerre des boutons, ont pris la dimension mortelle d’un conflit d’adultes.

 

Le sous-lieutenant Louis Pergaud (au centre de l'image).

 

Au printemps 1915, les Français lancent une offensive dans les Hauts de Meuse. Le 7 avril, dans la nuit, la compagnie du sous-lieutenant Pergaud attaque, depuis Fresnes-en-Woëvre, la cote 233 vers Marchéville. Près des tranchées ennemies, sous une pluie battante, les soldats subissent une intense fusillade. La section de Louis Pergaud est décimée, les survivants se terrent puis se replient au petit jour. Nul ne reverra l’écrivain. Des hommes l’ont dit blessé. Des brancardiers allemands auraient pu le récupérer et le transporter dans une tranchée, en attendant de pouvoir l’évacuer. Mais pour assurer la conquête de la crête des Éparges, la cote 233 doit être reprise : le lendemain, l’artillerie française la pilonne, détruisant tout le paysage, ensevelissant à jamais, sans distinction, les hommes dans cette terre.

Le 4 août 1921, par jugement du tribunal de la Seine, Louis Pergaud, disparu, fut déclaré « mort pour la France » le 8 avril 1915 à Fresnes-en-Woëvre. Il compte au nombre des 1 160 morts et disparus du 166e RI pour l’année 1915. En l’absence de tombe, ce sont désormais ses livres qui portent le souvenir de l’écrivain au destin brisé.

 

Plaque commémorative, 3 rue Marguerin, Paris 14e. Source :  © Public Domain / Wikimedia Commons

 

Ministère de la défense - DMPA - Daniel Fleury - Revue : Les Chemins de la Mémoire n° 221 – Déc. 2011

 

(1) Lettre à Lucien Descaves, mars 1915.

Marie-Madeleine Fourcade

1909-1989

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Source photo : © Ministère de la Défense-DMPA

Résistante dès 1940, Marie-Madeleine Fourcade fut la seule femme reconnue comme chef d’un grand réseau de résistance français, le réseau Alliance. Michèle Cointet, sa biographe, nous relate son parcours hors du commun.


Marie-Madeleine Bridou échappe aux conformismes du milieu bourgeois où elle naît en 1909. Éloignée de son mari Édouard Méric, officier des Affaires indigènes au Maroc, elle vit avec ses deux enfants à Paris. Elle se partage entre « Radio-Cité » et le secrétariat général des publications anticommunistes et antiallemandes du commandant Loustaunau-Lacau, fondateur du réseau Corvignolles et de La Spirale, son initiateur ès activités secrètes. L’amour d’une patrie mythifiée dans une enfance à Shanghai où son père était l’agent général des Messageries maritimes et… « honorable correspondant », une absence d’illusions sur le maréchal Pétain, inspirent en juin 1940 un réflexe : puisque les hommes ont déposé les armes c’est aux femmes de les relever.

Elle se laisse cependant convaincre de suivre à Vichy Loustaunau-Lacau, attiré par une délégation générale à la puissante Légion française des combattants. S’y met en place un réseau centré sur Marseille et Vichy qui se révèle un terrain fertile où recruter fonctionnaires de ministères et officiers patriotes. La rupture avec Vichy ne tarde d’ailleurs pas, l’amiral Darlan renvoyant en février 1941 Loustaunau-Lacau de la Légion. L’évolution de la guerre leur offre une opportunité de s’engager activement contre Hitler. En effet, la guerre sous-marine met en péril la survie des Britanniques. Obtenir des renseignements sur les départs de Lorient des sous-marins est vital. Seul des Français peuvent les fournir. En avril 1941, un contact est établi à Lisbonne d’où Loustaunau-Lacau rapporte de l’argent et un premier poste-émetteur, l’arme la plus efficace car remédiant aux délais de plusieurs semaines des anciens courriers et permettant enfin une riposte immédiate. Alliance en possédera jusqu’à 17. Marie-Madeleine n’étant pas « grillée » comme Loustaunau-Lacau à Paris organise en zone nord et dans l’ouest le réseau Alliance, un nom qui proclame la fidélité à l’Angleterre et l’égalité des partenaires. Les Allemands l’appelleront « Arche de Noé » en raison des pseudonymes d’animaux adoptés par ses membres.

Arrêté à Alger en mai 1941, Loustaunau-Lacau est condamné puis livré aux Allemands. Marie-Madeleine tirera de cet épisode un refus des engagements politiques, ce qui éloignera d’elle des membres comme le général Alamichel qui voulait se rattacher au général de Gaulle. Poussée par ses compagnons, elle succède à Loustaunau-Lacau en usant d’une signature neutre : POZ 55. Les résultats étant exceptionnels, les Britanniques finissent par reconnaître la femme enfin dévoilée comme chef du réseau de renseignements militaires, la seule à en bénéficier en Europe. Grande organisatrice, autoritaire, rigoureuse, entraîneuse d’hommes, hardie, elle a assez de souplesse d’esprit pour suivre les conseils des Britanniques de décentralisation du réseau en sous réseaux comme Sea Star ou les remarquables Druides de Georges Lamarque.

Alliance recrute beaucoup dans la fonction publique et présente une originalité : 24% des membres sont des femmes, ce qui en fait l’organisation résistante la plus féminisée. Alliance a joué son plus grand rôle dans la bataille de l’Atlantique, en fournissant des renseignements sur les TCO (transports allemands vers l’Est), une première information grâce à Amniarix (Jeannie Rousseau) sur les essais de V1 et V2 à Peenemünde, des relevés des rampes de lancement dans le nord-ouest de la France, une carte renseignée des défenses de l’Atlantique. Marie-Madeleine organise le départ le 4 novembre 1942, en sous-marin depuis le Lavandou, du général Giraud qui doit accueillir le débarquement allié à Alger.

Retenue en Angleterre à cause de l’arrestation, en septembre 1943, de son adjoint Faye, elle obtient de revenir en France en juillet 1944 et réalise, après son évasion d’une caserne allemande, des missions de renseignements en avant de l’armée de Patton.

Sensible aux détresses matérielles et morales, elle veille pendant plus de vingt ans sur les survivants et les familles d’un réseau très éprouvé – 431 disparus, soit un tiers de ses membres. Elle publie des souvenirs en forme de mémorial sous le titre L’Arche de Noé et défend la mémoire de la Résistance en tant que présidente du Comité d’action de la Résistance. Elle contribue, avec son mari, le Français libre Hubert Fourcade, au retour au pouvoir du général de Gaulle en 1958. Ni icône d’un parti politique, ni militante antifasciste, elle est restée fidèle à sa conception de la Résistance : un combat patriotique efficace contre l’Allemagne hitlérienne.


Michèle Cointet, professeur émérite des Universités, In Les Chemins de la Mémoire, 239/octobre 2013
Pour en savoir plus :
Marie-Madeleine Fourcade-Un chef de la Résistance, éd. Perrin, 2006.

Alain Savary

Alger 25 avril 1918 - Paris 17 février 1988

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Le lieutenant de vaisseau Savary. Source : Collection du musée de l'Ordre de la Libération

 

Après des études secondaires menées à Paris, Alain Savary obtient une licence de droit et un diplôme de Sciences politiques puis intègre l'École du commissariat de la marine.

Il effectue la campagne de France dans le corps des commissaires avant de rejoindre l'Angleterre où, le 8 août 1940, il s'engage dans les Forces navales françaises libres (FNFL). Avec le grade d'enseigne de vaisseau, il devient l'aide de camp de l'amiral Muselier, commandant des FNFL. Après le ralliement de Saint-Pierre-et-Miquelon, celui-ci le nomme gouverneur de ce territoire, avec le grade de lieutenant de vaisseau.

En juin 1943, il rejoint en Tripolitaine, d'abord à l'état-major puis comme commandant du 2ème escadron, le 1er régiment de Fusiliers marins, qui devient un régiment blindé de reconnaissance intégré à la 1ère division française libre. Il participe, au sein de son unité, à la campagne d'Italie, au débarquement de Provence et à la libération du territoire national avant d'être nommé, en octobre 1944, à l'Assemblée consultative provisoire pour y représenter les Compagnons de la Libération.

En 1945, il est mis à la disposition du ministère de l'intérieur et entame alors une carrière de haut fonctionnaire et d'homme politique.

Secrétaire général du commissariat aux Affaires allemandes et autrichiennes, en 1946, puis conseiller de l'Union française, député de Saint-Pierre-et-Miquelon, secrétaire d'État chargé des affaires marocaines et tunisiennes, il est premier secrétaire du parti socialiste de 1969 à 1971. Député de Haute-Garonne (1973-1981) et président du Conseil régional Midi-Pyrénées (1974-1981), il est ministre de l'éducation nationale de 1981 à 1984.

Alain Savary était officier de la Légion d'honneur, Compagnon de la Libération, titulaire de la Croix de guerre 1939-1945 (avec trois citations), médaillé de la Résistance et titulaire de la Silver Star (États-Unis).

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

Georges Thierry d'Argenlieu

Brest 1889 – Carmel du Relecq-Kerhuon 1964

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Georges Thierry d'Argenlieu. Source : Musée de l'Ordre de la Libération

 

Georges Thierry d'Argenlieu sort de l'école navale en 1908 et sert d'abord au Maroc puis, durant la guerre 1914-1918, en Méditerranée, avant d'intégrer l'ordre du Carmel en 1920.

 

Réserviste, il est mobilisé en 1939 et affecté à l'état-major de Cherbourg avant d'être promu capitaine de corvette. Fait prisonnier le 19 juin 1940, il s'évade le 22 pour rejoindre le général de Gaulle qui le nomme chef d'état-major des Forces navales françaises libres. Le capitaine de frégate Thierry d'Argenlieu participe aux opérations de ralliement en Afrique de l'automne 1940. Rappelé à Londres, il est nommé, en juillet 1941, haut-commissaire de France pour le Pacifique où il préside notamment, en 1942, au ralliement de Wallis et Futuna. Après avoir participé à la conférence de Casablanca, il est nommé, le 19 juillet 1943, commandant des Forces navales en Grande-Bretagne. Le 14 juin 1944, à bord de la Combattante, il conduit le général de Gaulle en France et l'accompagne jusqu'à Paris où ils entrent le 25 août 1944.

Nommé vice-amiral en décembre 1944, Thierry d'Argenlieu, de la fin de la Seconde Guerre mondiale à 1947, se voit confier de très hautes fonctions dont celle, entre août 1945 et mars 1947, de haut-commissaire de France et commandant en chef pour l'Indochine, avant de rejoindre l'ordre du Carmel.

Le révérend père Louis de la Trinité, amiral Thierry d'Argenlieu, était Grand-Croix de la Légion d'honneur et Compagnon de la Libération. Il était notamment titulaire de la Médaille militaire, de la Croix de guerre 1939-1945 avec trois palmes, de la Croix de guerre des théâtres d'opérations extérieures avec palme et de la Médaille de la résistance avec rosette.

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

Charles N’Tchoréré

1896 – 1940

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Le capitaine N’Tchoréré, commandant la 7e compagnie du 53e RICMS. Source : Musée des troupes de marine

 

Fils de notable, Charles N’Tchoréré fait ses études à Montfort. Contraint d’entrer dans la vie active, il occupe un poste commercial au Cameroun.

À la déclaration de guerre en 1914, il quitte la colonie allemande pour rentrer au Gabon. En 1916, il se porte volontaire pour le front. À la fin de la guerre, il opte définitivement pour la carrière des armes. Promu adjudant en 1919, il prend part aux combats du Maroc. Entré à l’école d’officiers de Fréjus, il en sort "major" en 1922. Désigné pour le Levant, le lieutenant N’Tchoréré est gravement blessé lors des opérations en Syrie. Il est cité en 1925 à l’ordre de la division et décoré de la Croix de guerre avec étoile d’argent.

Après un bref passage au ministère de la guerre, il demande à partir pour le Soudan. Il prend à Kati le commandement de la compagnie hors-rang du 2e RTS, dirigeant parallèlement l’école d’enfants de troupe.

Promu capitaine en 1933, il est affecté au 1er RTS, à Saint-Louis (Sénégal) où il commande également l’école d’enfants de troupe.

À la déclaration de guerre en septembre 1939, il demande à partir avec un bataillon de volontaires gabonais. Affecté au camp de Sauge, près de Bordeaux, il est envoyé sur le front de la Somme où il prend le commandement de la 7e compagnie du 53e RICMS. Le 7 juin 1940, retranchés dans le village d’Airaines, près d’Amiens, le capitaine N’Tchoréré et sa compagnie, débordés par les assauts allemands, sont faits prisonniers au terme de rudes combats. Pour avoir revendiqué le droit d’être traité en officier français, il est abattu à bout portant d’un coup de pistolet.

Pour son comportement durant la campagne de France, le capitaine N’Tchoréré est cité, à titre posthume, à l’ordre de la division en octobre 1940 puis à l’ordre du corps d’armée en août 1954 et décoré de la Croix de guerre avec étoile de vermeil.

La promotion 1957-1959 de l’École de formation des officiers ressortissants des territoires d’outre-mer prend le nom "Capitaine N’Tchoréré".

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

Alphonse Juin

(1888-1967)

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Le maréchal Juin. Source : ECPAD

 

Fils de gendarme, Alphonse Juin est né le 16 décembre 1888, à Bône, en Algérie. Après des études à Constantine puis à Alger, il est reçu à Saint-Cyr en 1909. Sorti major de sa promotion - promotion "de Fès", la même que Charles de Gaulle - en 1912, il opte pour les tirailleurs algériens. Affecté au Maroc fin 1912, le sous-lieutenant Juin prend part aux opérations de pacification du pays.

Le 3 août 1914, l'Allemagne déclare la guerre à la France. Le lieutenant Juin monte au front avec les troupes marocaines. En septembre 1914, il participe aux combats de la Marne. Grièvement blessé sur le front de Champagne en mars 1915, il perd en partie l'usage du bras droit. Capitaine en 1916, il rejoint le 5e bataillon de tirailleurs marocains au Chemin des Dames. En février 1918, il suit les cours d'état-major à Melun avant d'être détaché en octobre à la mission militaire française auprès de l'armée américaine et affecté au cours de perfectionnement des officiers de liaison du Corps expéditionnaire américain.

Breveté de l'École supérieure de guerre en 1921, il sert en Tunisie avant de rejoindre à la fin de l'année 1923 le Maroc où il participe à la campagne du Rif. À l'automne 1925, il rentre en France avec le maréchal Lyautey et travaille sous ses ordres au Conseil supérieur de la guerre. Promu chef de bataillon en 1926, il part l'année suivante rejoindre le 7e régiment de tirailleurs algériens à Constantine.

En 1929, il est chef du cabinet militaire du résident général au Maroc, Lucien Saint, et prend une part active à la réalisation de la dernière phase du plan de pacification de l'Atlas. Lieutenant-colonel en mars 1932, il devient professeur de tactique générale à l'École supérieure de guerre en 1933 avant d'être affecté comme commandant en second au 3e régiment de zouaves à Constantine. Il prend le commandement de ce régiment le 6 mars 1935. En juin, il est promu colonel. En 1937, il est affecté auprès du résident général au Maroc, le général Noguès, et suit parallèlement les cours du Centre des hautes études militaires.

Nommé général de brigade le 26 décembre 1938, il est affecté à la mobilisation à l'état-major du théâtre d'opérations d'Afrique du Nord. Alors que la situation se durcit en Europe, il prépare à Alger les mesures relatives à la levée de divisions en Algérie et en Tunisie. À la déclaration de guerre, en septembre 1939, il demande à servir en France métropolitaine. Le 4 décembre suivant, il prend le commandement de la 15ème division d'infanterie motorisée. Tandis que les forces allemandes lancent leur offensive à l'Ouest le 10 mai 1940, sa division entre en Belgique où elle s'illustre à Gembloux les 14 et 15 mai. Plus au sud, les troupes allemandes ont percé le front à Sedan. Juin reçoit l'ordre de se replier. Il défend alors successivement Valenciennes puis les faubourgs de Lille, couvrant la retraite de la 1re armée française vers Dunkerque. Il est fait prisonnier à Lille le 30 mai 1940 et incarcéré à la forteresse de Königstein. Nommé général de division durant sa captivité, il est libéré en juin 1941 à la demande du maréchal Pétain au titre de spécialiste de l'Afrique du Nord. Nommé adjoint au général commandant supérieur des troupes du Maroc le 16 juillet 1941, il est promu général de corps d'armée et remplace le général Weygand à la tête des forces d'Afrique du Nord le 20 novembre suivant. Il poursuit alors à l'égard de l'armée d'Afrique la ligne insufflée par son prédécesseur de "défense contre quiconque" (forces de l'Axe comme Alliés).

Le 8 novembre 1942, les Anglo-Américains débarquent en Algérie et au Maroc. Juin, qui n'a pas été informé de l'opération, est arrêté à Alger par des membres de la résistance locale. Les autorités reprennent toutefois rapidement le contrôle de la ville. Libéré, Juin intervient pour obtenir le cessez-le-feu entre les forces de débarquement et les troupes françaises. Rentrée dans la guerre aux côtés des Alliés, l'armée d'Afrique va alors participer à la reconquête du territoire national avec, comme premier théâtre d'opérations, la Tunisie. Durant cette campagne (novembre 1942-mai 1943), le général Juin commande le détachement d'armée française (DAF) et est nommé général d'armée le 25 décembre 1942. Il occupe le poste de résident général de France en Tunisie, par intérim, à partir du 8 mai 1943. Au cours de l'été, il met sur pied le corps expéditionnaire français (CEF) à la tête duquel il participe à la campagne d'Italie. Après plusieurs combats menés avec succès, sur le Pantano en décembre 1943, sur le Rapido et au Belvédère en janvier 1944, il remporte la victoire du Garigliano le 13 mai, ouvrant les portes de Rome aux Alliés, puis remonte sur Sienne et le nord de la Toscane. Juin quitte le corps expéditionnaire français et l'Italie en août.

Nommé chef d'état-major général de la défense nationale auprès du général de Gaulle, chef du gouvernement provisoire, il entre le 25 août à ses côtés dans Paris libéré. Tandis que la libération du territoire national se poursuit, il se consacre à la réorganisation des forces armées françaises pour leur permettre de participer pleinement à la fin des opérations. Dans le même temps, il est amené, en qualité d'expert militaire, à effectuer de nombreuses missions qui le conduisent notamment, en décembre 1944, à Moscou, où il prend part aux négociations relatives au futur pacte franco-soviétique, et, en avril 1945, aux États-Unis, pour la création de l'Organisation des Nations Unies. En avril 1946, le général Juin est envoyé en Extrême-Orient, pour négocier le retrait des troupes chinoises qui occupent le nord de l'Indochine.

En 1947, Juin rejoint l'Afrique du Nord où il occupe le poste de résident général de France à Rabat, au Maroc. En Extrême-Orient, la situation ne cesse cependant de s'aggraver et, en octobre 1950, il effectue à la demande du gouvernement une nouvelle mission en Indochine. Inspecteur général des forces armées françaises en janvier 1951, il prend au mois de septembre suivant le commandement en chef des forces alliées du secteur Centre Europe dans le cadre de l'alliance Atlantique. Ses fonctions le placent au coeur des problèmes nationaux et internationaux : place de la France dans l'alliance Atlantique, débat sur la Communauté européenne de défense (CED), évolution des pays d'Afrique du Nord vers l'indépendance, guerre d'Indochine... Dans le même temps, il est élevé à la dignité de maréchal de France le 7 mai 1952 et reçu à l'Académie française le 26 juin.

En février 1957, il fait paraître son premier livre Le Maghreb en feu puis se consacre à la rédaction de ses Mémoires et de divers ouvrages.

Le maréchal Juin s'éteint le 27 janvier 1967.

Il était Grand-Croix de la Légion d'honneur et titulaire de la Médaille militaire, de la Croix de guerre 1914-1918, de la Croix de guerre 1939-1945, de la Croix de guerre des théâtres d'opérations extérieurs, de la Médaille coloniale Maroc et Tunisie ainsi que de nombreuses décorations étrangères.

 
Source : MINDEF/SGA/DMPA