Emile Muselier

1882-1965

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Portrait d'Emile Muselier. Source : SHD

 

Émile Henry Muselier, est né à Marseille le 17 avril 1882 et décédé à Toulon le 2 septembre 1965. Il est élève à l'École navale de 1899 à 1901. De cette date à 1939, il fait une brillante carrière où il alterne postes en unité (Extrême-Orient de 1902 à 1905, Yser en 1915...) et dans la haute fonction publique (membre des cabinets de Painlevé, de Jeanneney et de Clemenceau). Enseigne de 1re classe en 1902, il est promu lieutenant de vaisseau en 1912, capitaine de vaisseau en 1926, contre-amiral en 1933 et vice-amiral en 1939.

Mis à la retraite peu après sa dernière promotion, il rejoint le général de Gaulle à Londres le 30 juin 1940. Celui-ci lui confie la mission de créer les Forces navales françaises libres (FNFL) et les Forces aériennes françaises libres (FAFL). Il assure ses fonctions de chef des FNFL jusqu'au 30 avril 1942.

Devenu commissaire à la Marine au sein du Comité national, il dirige en décembre 1941 l'expédition qui aboutit au ralliement de Saint-Pierre-et-Miquelon. Il démissionne du Comité national le 3 mars 1942.

Il rejoint le général Giraud à Alger en mai 1943 et est nommé adjoint au commandant en chef des Forces maritimes d'Afrique en juin.

Après la fusion des FNFL avec les Forces maritimes d'Afrique du Nord, il est relevé de ses fonctions en août 1943.

Il est nommé chef de la délégation navale à la mission militaire de la Défense nationale chargée des affaires allemandes en septembre 1944. Il quitte le service actif en juin 1946.

Jusqu'en 1960, il travaille en tant qu'ingénieur conseil à la maison Laignel. Il s'occupe également d'organisations d'anciens combattants, d'anciens fusiliers marins de la première guerre mondiale, et est nommé Président d'honneur de l'Union Franco Belge des Combattants de l'Yser et des Flandres, et Président de l'Association Nationale d'Entraide à la Vieillesse.

Le vice-amiral Muselier était Grand officier de la Légion d'honneur, Compagnon de la Libération et Compagnon de l'Ordre du Bain. Il était en outre titulaire de la Croix de guerre 1914-1918 et de la Croix de guerre théâtres d'opérations extérieures.

Parmi ses publications, on notera Marine et Résistance (1945) et De Gaulle contre de Gaulle (1946).

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

Albert Speer

1905-1981

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Albert Speer lors du procès de Nuremberg.
Source : www.trumanlibrary.org

 

Albert Speer, (19 mars 1905 Mannheim - 1er septembre 1981 - Londres)

 

Albert Speer, issu d'une famille d'architectes, étudie aux écoles techniques de Karlsruhe, de Munich puis de Berlin, où il suit les cours d'Heinrich Tessenow, dont il sort diplômé en 1931. A la suite d'un discours d'Hitler en 1930, il s'enthousiasme pour le national socialisme et adhère au parti en janvier de l'année suivante - il est le 474 481e membre.

Grand travailleur, efficace, talentueux et distingué lors de nombreux concours, il est remarqué par Hitler qui, lorsqu'il devient chancelier, en fait son architecte personnel chargé de bâtir la ville de Berlin. En 1933, il reçoit sa première commande officielle : Joseph Goebbels lui demande de participer à la restauration de la Chancellerie de Berlin. L'année suivante, il organise la mise en scène des manifestations de Nuremberg, s'inspirant du site antique de Pergame (Turquie). En 1937, Speer dessine le pavillon allemand pour l'exposition universelle à Paris.

Ses talents d'organisateurs lui ouvrent en 1942 le ministère des armements, succédant alors à Fritz Todt. En 1943 il seconde Hermann Goering dans la planification économique du Reich, reprenant à ces fins les principes de l'organisation Todt : travail forcé pour la construction des routes et sites stratégiques.

Mis en cause en juillet 1944 suite à l'attentat raté contre Hitler, il ne devra son salut qu'à l'annotation "si possible" inscrite par Claus von Stauffenberg sur la liste de conjurés pressentis pour former un gouvernement post-hitlérien.

Albert Speer, réussira à maintenir le niveau élevé de l'activité allemande en 1944 au plus fort des bombardements alliés, allant même jusqu'à limiter dans les derniers mois de la guerre la politique de terre brûlée voulue par Hitler.

Il est condamné en 1946 à l'emprisonnement pendant 20 ans au procès de Nuremberg où il se tient à l'écart du banc des accusés et reconnaît sa culpabilité tout en niant sa responsabilité dans la solution finale. Ceci lui vaudra le qualificatif de "bon nazi", mais fera l'objet d'une remise en question dans le journal Der Spiegel du 2 mai 2005.

Détenu dans la forteresse de Spandau aux côtés de Karl Dönitz, Walter Funk, Rudolf Hess, Konstantin von Neurath, Erich Raeder et Baldur von Schirach, il est libéré en 1966.

Son image de "bon nazi" lui permet de s'inscrire au SPD qui voit en lui l'exemple du repentir et du renouveau allemands.

Il publiera notamment Erinnerungen et Spandauer Tagebücher. Albert Speer décède d'une hémorragie cérébrale à Londres en 1981 alors qu'il participe à une série d'émission de la BBC.

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

Max Jacob

1876-1944

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Portrait de Max Jacob. Source : photo Carl van Vechten, Library of Congress

 

 

Le futur poète naît à Quimper (Finistère), le 12 juillet 1876, dans une famille juive originaire de Prusse. C'est en 1888 que celle-ci change son nom d'Alexandre en celui de Jacob.

Fils d'un tailleur, ses études au lycée de Quimper, son classement à la 8e place du concours général de philosophie et son entrée à l'école coloniale, ne semblent pas le prédisposer à la vie artistique qu'il débute en 1897 en "montant à Paris". Attiré par l'esprit des nouvelles tendances artistiques, il rencontre Picasso en 1901 et fréquente assidûment les artistes du "Bateau-Lavoir" où lui-même s'installe en 1911. En 1903, il publie Histoire de Kaboul 1er et du marmiton Gauvain.

Nombre de ses ouvrages vont être illustrés par ses amis : Derain pour les oeuvres burlesques et mystiques du frère Matorel, Pablo Picasso pour Le siège de Jérusalem, Juan Gris pour Ne coupez pas mademoiselle...

Converti au catholicisme en 1909, il est baptisé le 18 février 1915 au couvent de Sion à Paris, Picasso étant son parrain. Au cours des années 1916-1917 - ayant été réformé, il ne participe pas à la Première Guerre mondiale - il adopte le surréalisme d'où naît Le cornet à dés.

En 1921, il choisit de se retirer à Saint-Benoît-sur-Loire, habitant le monastère. Dans une poésie en prose ou en vers, Max Jacob continue de laisser filer son ironie, sa sensibilité, dans un choc d'images et de mots atteignant le burlesque.
 
 
 
 

"Les manèges déménagent,

Ah ! Vers quels mirages ?

Dites pour quels voyages

Les manèges déménagent."

(Pour les enfants et les raffinés)

Le Laboratoire central, La Couronne de Voltaire, Visions infernales paraissent entre 1921 et 1924. Mais en 1927, il regagne Paris, capitale d'une vie littéraire la plus riche peut-être du XXe siècle, et centre des batailles artistiques. Il y reste neuf ans avant de revenir dans le Loiret, écrivant, récitant ses poèmes, exposant ses gouaches dans la galerie que Christian Dior vient d'ouvrir.

La guerre, à laquelle il avait échappé vingt ans plus tôt, le rejoint sous la forme des mesures anti-juives. En 1943, son frère Gaston est déporté. Puis c'est le tour de sa soeur, Mirthé-Léa, au début de 1944. Le 24 février 1944, Max Jacob est arrêté et conduit à la prison d'Orléans. Transféré le 28 février au camp de Drancy, il y meurt le 5 mars d'une pneumonie. Enterré au cimetière d'Ivry, son corps est ré-inhumé le 5 mars 1949 à Saint-Benoît-sur-Loire.

"Le Paradis est la ligne de craie

sur le tableau noir de ta vie V

as-lu l'effacer avec les diables

de ce temps ?"

(Folklore)

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

 

 

Philippe Pétain

1856- 1951

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Le maréchal Pétain en 1928, commandant en chef des armées. Source : SHD

 

Militaire et homme d'État français, Philippe Pétain est né le 24 avril 1856 à Cauchy-à-la-Tour (Pas-de-Calais), d'une famille de cultivateurs. Pensionnaire dans un collège de jésuites à Saint-Omer, il intègre ensuite l'école des Dominicains d'Arcueil. Très impressionné par les récits de son oncle qui avait servi dans la Grande Armée de Napoléon, et très marqué par la guerre de 1870, alors qu'il n'avait que 14 ans, il décide d'être soldat et entre à Saint-Cyr, en 1876. Il y est admis parmi les derniers (403e sur 412) et en sort en 1878 (Promotion De Plewna), dans un rang toujours très modeste, 229e sur 336, prélude à une carrière militaire qui s'annonce peu brillante. Il est affecté comme sous-lieutenant au 24e bataillon de chasseurs à pied (BCP) de Villefranche (Alpes-Maritimes). Lieutenant à l'ancienneté, il rejoint le 3e bataillon de chasseurs à Besançon en 1883 où il reste cinq ans, ne participant donc à aucune campagne coloniale.

Il est admis en 1888 à l'École Supérieure de Guerre dont il sort breveté d'état-major en 1890. Promu capitaine la même année, il est affecté à l'état-major du 15e corps d'armée, à Marseille avant de revenir au 29e BPC puis à l'état-major du gouverneur de Paris, aux Invalides.

En 1900, il est promu chef de bataillon et est nommé instructeur à l'École normale de tir du camp de Châlons-sur-Marne. Son enseignement et ses idées personnelles de commandement diffèrent alors de ceux de l'École, notamment sur l'intensité du tir qui doit primer, selon lui, sur la précision.

Il est muté en 1901 au 5e régiment d'infanterie (RI) à Paris où, en qualité de professeur-adjoint à l'École supérieure de guerre, il est chargé des cours de tactique appliquée à l'infanterie. Il s'y distingue par ses idées tactiques originales, rappelant l'effet meurtrier du feu et préconisant la défensive et la guerre de positions quand les théoriciens officiels prônent la guerre à outrance.

Nommé lieutenant-colonel en 1907, il est affecté à Quimper au 118e RI.

Promu colonel le 31 décembre 1910, il quitte alors l'École de guerre et prend le commandement du 33e régiment d'infanterie à Arras, où le sous-lieutenant Charles de Gaulle est affecté à sa sortie de Saint-Cyr et où se produira leur première rencontre, le 8 octobre 1912.

En juillet 1914, le colonel Philippe Pétain a 58 ans et s'apprête à prendre sa retraite. Lorsque éclate la Première Guerre mondiale, le 3 août 1914, il est à la tête de la 4e brigade d'infanterie et se distingue en Belgique, dans la province de Namur. Promu général de brigade le 27 août 1914, il reçoit le commandement de la 6e division qui atteint le canal de l'Aisne, après la victoire de la Marne. Le 14 septembre, il est général de division et le 22 octobre, il prend officiellement le commandement du 33e corps d'armée avec lequel il réalise des actions d'éclat, notamment dans les batailles de l'Artois en 1915, tout en se montrant soucieux d'épargner la vie de ses hommes.

Le 21 juin 1915, il reçoit le commandement de la IIe armée.

En février 1916, lorsque les Allemands déclenchent leur offensive sur Verdun, Pétain est désigné par Joffre pour prendre le commandement de ce front et organiser la défense aérienne et terrestre. Il parvient, en quelques jours, à stabiliser la situation et met en place une noria continue de troupes, de camions de munitions et de ravitaillement sur la petite route de Bar-le-Duc à Verdun qui va devenir la "Voie sacrée".

Unanimement reconnu comme "le vainqueur de Verdun", il ne reste pourtant qu'à peine plus de deux mois sur ce front avant de remplacer le général de Langle de Cary à la tête du Groupe d'Armées du Centre et d'être lui-même remplacé par le général Nivelle dont l'étoile de cesse de monter depuis le début de cette bataille pour aboutir à sa nomination, le 25 décembre 1916, de commandant en chef des armées à la place de Joffre. Le général Pétain est quant à lui nommé chef d'état-major général, poste spécialement crée pour lui.

Opposé aux méthodes brutales du nouveau généralissime qui envisage, dans l'Aisne, un assaut mené "jusqu'au bout de la capacité offensive" des unités, c'est-à-dire sans égard aux pertes, il ne peut s'opposer aux menaces de démission qui assurent en dernier lieu à Nivelle la confiance du gouvernement. La bataille du Chemin des Dames, déclenchée le 16 avril 1917, se solde rapidement par un échec très coûteux en vies humaines. Le mécontentement des soldats gronde et des refus collectifs d'obéissance se manifestent dans de nombreuses unités.

Nivelle est remplacé par Pétain qui est nommé, le 15 mai 1917, commandant en chef des armées françaises. Chargé de réprimer les mutineries et de ramener la confiance des troupes, il impose de dures mesures disciplinaires mais réduit au minimum les exécutions prononcées par le Conseil de guerre (49 exécutions pour 554 condamnations à mort), met fin aux offensives mal préparées et améliore les conditions de vie matérielles et morales des soldats, en attendant "les Américains et les chars".

En octobre 1917, il reprend aux Allemands, grâce à des offensives à objectifs limités et ne gaspillant pas la vie des soldats, une partie du terrain perdu du Chemin des Dames (le fort de la Malmaison).

Il développe parallèlement ses idées sur la nouvelle importance de l'aviation dans les batailles et sur son utilisation combinée avec les chars. Sa directive n° 5 du 12 juillet 1918 s'oriente ainsi nettement vers la guerre de mouvement : "la surprise tactique sera obtenue par la soudaineté de l'attaque à la faveur d'une préparation par l'artillerie et l'aviation de bombardement aussi brève et aussi violente que possible, soit sans préparation à la faveur de l'action de rupture des chars d'assaut ouvrant la voie à l'infanterie et à l'artillerie. Le rôle de l'aviation est de la plus haute importance".

Il prépare également une grande offensive en Lorraine, prévue pour le 14 novembre 1918, qui doit mener les troupes franco-américaines jusqu'en Allemagne. Mais elle est abandonnée car, contre son avis et celui du général Pershing qui souhaitaient que la signature de l'armistice n'intervienne pas avant que l'ennemi ne soit rejeté au-delà du Rhin, Foch, nouveau général en chef, et Clemenceau, président du Conseil, acceptent l'armistice demandé par les Allemands à la date du 11 novembre alors que les territoires français et belges ne sont pas encore tous libérés et que les alliés sont encore loin de la frontière allemande.

Bénéficiant d'une popularité considérable à la fin du conflit, véritable légende vivante, Pétain est élevé à la dignité de maréchal de France le 19 novembre 1918 et reçoit le 8 décembre suivant, à Metz, son bâton étoilé des mains du président Poincaré.

Reconduit dans ses fonctions de commandant des troupes françaises en juillet 1919, il est également nommé, par décret du 23 janvier 1920, vice-président du Conseil supérieur de la guerre et par décret du 18 février 1922, Inspecteur général de l'armée. Il se consacre durant toute cette période à la réorganisation de l'armée française.

En 1925, il est envoyé au Maroc pour combattre la rébellion de tribus aux ordres d'Abd-el-Krim, chef de l'éphémère République du Rif. Cette campagne s'achève en mai 1926 par la soumission d'Abd-el-Krim.

C'est la dernière campagne du maréchal Pétain et son ultime victoire.

Entré à l'Académie Française le 22 janvier 1931, il est nommé, le 9 février suivant, Inspecteur général de la défense aérienne du territoire. Son immense popularité, en particulier dans les milieux de gauche qui voient en lui le modèle du militaire républicain, lui permet d'accéder, en 1934, au poste de ministre de la guerre dans le gouvernement Doumergue, poste qu'il occupe jusqu'au renversement du cabinet, le 8 décembre 1934. Au cours de ce bref ministère, il travaille essentiellement à doter les forces françaises des moyens indispensables à la conduite d'une guerre moderne, offensive et audacieuse, grâce à l'emploi combiné de l'aviation et des chars. Mais il est confronté à des contingences politiques et financières qui ne lui laissent guère de moyens d'actions. Il préside par la suite le Conseil supérieur de la guerre où sa politique de guerre défensive s'oppose aux idées du colonel de Gaulle, partisan de la concentration de chars dans des divisions blindées.

Le 2 mars 1939, il est envoyé par Daladier comme ambassadeur de France en Espagne pour négocier la neutralité du régime de Franco en cas de guerre européenne et superviser le rapatriement à Madrid des réserves d'or de la Banque d'Espagne et des toiles du musée du Prado, mises à l'abri en France durant la guerre civile espagnole.

Le 17 mai 1940, Pétain, qui a alors 84 ans, est rappelé d'urgence en France par Paul Reynaud pour occuper le poste de vice-président du Conseil dans son gouvernement. Le général Weygand est nommé à la tête des armées en remplacement du général Gamelin mais il est déjà trop tard. Le gouvernement s'installe à Bordeaux et des centaines de milliers de Français et de Belges prennent les routes de l'exode pour fuir les troupes allemandes. Le 16 juin, Reynaud présente la démission de son gouvernement et propose de confier la Présidence du Conseil au maréchal Pétain, considéré par beaucoup comme l'homme providentiel.

Jusqu'en 1940, Pétain était avant tout et essentiellement un soldat. Après 1940, il doit gouverner au lieu de commander.

Le 17 juin, il prononce son premier message radio-diffusé et annonce aux Français son intention de demander l'armistice qui sera signé à Rethondes, le 22 juin après avoir été approuvé par le Conseil des ministres et le président de la République, Albert Lebrun. Le 29 juin, le gouvernement quitte Bordeaux et s'installe à Vichy où, le 10 juillet, une loi votée par les deux assemblées (569 voix pour, 80 voix contre et 17 abstentions) confie au Maréchal les pleins pouvoirs avec pour mission la promulgation d'une nouvelle constitution.

Mais Pétain décide de ne rien promulguer tant que la France ne sera pas libérée. Il institue donc un État provisoire, l'État français, pour le temps de l'occupation.

Dès lors commence la période la plus controversée de sa vie. Devenu chef de ce nouvel État, Pétain suspend les libertés publiques comme les partis politiques et unifie les syndicats dans une organisation corporatiste du travail. Il instaure un régime autoritaire, antiparlementaire, anticommuniste et anticapitaliste qui veut réaliser la "Révolution Nationale" avec pour devise "Travail, Famille, Patrie" et pour ambition le "relèvement de la France" qui passe d'abord par le rapatriement des réfugiés, le ravitaillement mais aussi le maintien de l'ordre et de l'unité nationale.

Il fait promulguer, anticipant les exigences allemandes, des lois d'exclusion contre les francs-maçons et les juifs qui les excluent de la plupart des activités et fonctions publiques.

Alors que le général de Gaulle, parti à Londres, appelle tous les Français à résister à l'ennemi, le maréchal Pétain s'engage officiellement dans la voie de la collaboration après son entrevue avec le chancelier Hitler dans la ville de Montoire (Loir-et-Cher), le 30 octobre 1940. Il poursuivra cette politique tout au long de la guerre dans l'espoir de faire de la France le partenaire privilégié du Reich dans une Europe durablement sous hégémonie allemande. Son choix collaborationniste exclut toute rébellion ou simple protestation contre les exactions de l'occupant et implique au contraire de dénoncer tous les actes de résistance intérieure ou extérieure et les opérations alliées contre des civils comme des "crimes terroristes". Il encourage les formations para-militaires, fer de lance de la Révolution Nationale et du régime et soutien des troupes allemandes sur le front russe.

Après le débarquement allié en Afrique du Nord le 8 novembre 1942 et les ordres que donne le Maréchal à ses généraux sur place de combattre les alliés, après la dissolution de l'armée d'armistice et le sabordage de la flotte française dans la rade de Toulon le 27 novembre 1942, après la dissidence de la plus grande partie de l'Empire et la fin de la "zone libre", le régime de Vichy ne dispose plus que d'un pouvoir illusoire face aux Allemands et le Maréchal perd, en France, une grande partie de la popularité dont il bénéficiait depuis 1940. De plus en plus affecté par son grand âge qui ne lui laisse plus, selon ses proches collaborateurs, que quelques heures de lucidité quotidiennes, il maintient néanmoins sa politique de collaboration et accepte le durcissement de la répression jusqu'en août 1944 où il est emmené contre son gré à Sigmaringen, en Allemagne, avec de nombreux dignitaires de son régime. Refusant d'y constituer un gouvernement fantoche, il traverse la Suisse et se rend aux autorités françaises le 26 avril 1945.

Traduit devant la Haute Cour de justice, son procès débute le 23 juillet 1945 et s'achève le 15 août suivant en le déclarant coupable d'intelligence avec l'ennemi et de haute trahison. Il est alors condamné à mort, à la dégradation nationale et la confiscation de tous ses biens mais la Haute Cour demande la non-exécution de la sentence, eu égard à son grand âge. Le général de Gaulle accède à cette demande, en raison peut-être également des mérites passés du Maréchal mais aussi de leurs anciens liens, et commue la sentence de mort en peine de réclusion à perpétuité.

Interné quelques mois au fort de Pourtalet, dans les Pyrénées, il est transféré au fort de la Citadelle, sur l'île d'Yeu, en novembre 1945. Il y décède le 23 juillet 1951, à l'âge de 95 ans, et est enterré au cimetière de Port-Joinville.

Léon Gambetta

1838-1882

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Portrait de Léon Gambetta. Sources : SHD

 

Léon Gambetta naît à Cahors le 2 avril 1838, ville d'adoption de Joseph, un génois, et de Marie Madeleine Orasie Massabie, fille d'un pharmacien de Molières, cité du Tarn-et-Garonne. Très jeune, Léon se fait remarquer par son intelligence et sa prodigieuse mémoire. Il devient interne au petit séminaire de Montfaucon avant de poursuivre sa scolarité au lycée de Cahors. Candidat au Concours général, il décroche le prix de dissertation française puis le baccalauréat ès-lettres en 1856, à 17 ans.

Au grand dam de son père qui aurait voulu le voir lui succéder dans les affaires, le jeune homme, orateur talentueux, part pour Paris en janvier 1857 et s'inscrit à l'École de droit afin d'embrasser la carrière d'avocat. Il demande la nationalité française le 29 octobre 1859 et l'obtient. Il soutient sa thèse de licence en droit le 19 janvier de l'année suivante et prête serment le 8 juin 1861.

Ses premières plaidoiries le mettent en rapport avec les groupes parlementaires d'opposition de "gauche" (les Républicains). L'affaire de la souscription Baudin (1851) le révèle en 1868. Ce procès est intenté par le gouvernement impérial contre les journaux favorables à une souscription en vue d'édifier un monument à la mémoire de cet élu tué sur les barricades, faubourg Saint-Antoine, aux côtés du peuple de Paris, le 3 décembre.

Le jeune avocat prononce pour l'occasion un réquisitoire contre le régime de Louis Napoléon Bonaparte.

En janvier 1870, député de la circonscription de Marseille, il s'oppose au gouvernement d'Emile Ollivier dont le ralliement à Napoléon III est perçu comme une traîtrise par les républicains. Gambetta appelle cependant à l'union nationale et vote les crédits militaires à la veille de la guerre. Dans la nuit du 3 au 4 septembre, Léon Gambetta, après avoir vainement tenté d'apaiser la situation insurrectionnelle née de l'annonce de la capitulation de Sedan, proclame la déchéance de l'Empire, dans un Palais Bourbon envahi par la foule. À l'Hôtel de Ville, il assiste à la proclamation du Gouvernement de Défense nationale auquel il est associé aux côtés de Jules Simon et Ernest Picard. Il s'installe de son propre chef au ministère de l'Intérieur et ordonne la destitution des préfets de l'Empire. Il organise en même temps la défense de la capitale.

Le 7 septembre, dans Paris assiégée, Léon Gambetta apparaît comme l'homme providentiel. Face à un gouvernement débordé par la situation, il anime la Défense nationale en province. Gambetta incarne alors la résistance à l'occupant prussien. Il s'envole en ballon pour rejoindre la délégation de Tours, via Montdidier, Amiens et Rouen, ajoute le département de la guerre à son portefeuille, met sur pied des armées nouvelles, veille à l'encadrement et au ravitaillement des troupes, crée des manufactures, multiplie les déplacements, les instructions et les discours appelant à "prolonger la guerre jusqu'à l'extermination". Au même moment la capitale subit le siège des impériaux : la ville est bombardée, la population est affamée. Adolphe Thiers finit par mandater (22 janvier 1871) Jules Favre, chargé des affaires extérieures, auprès de Bismarck afin de convenir d'un armistice. Gambetta est écarté de la scène politique et des négociations en raison d'un décret qu'il a signé à Bordeaux rendant inéligibles les membres des assemblées de l'Empire. Il démissionne le 6 février.

Gambetta est élu sur neuf listes lors des élections générales du 8 février 1871 : dans l'Est, à Paris, à Marseille, en Algérie. Il choisit le Bas-Rhin. Il vote contre la paix et marque sa volonté de récupérer les provinces perdues. De retour de sa retraite à Saint-Sébastien, ayant perdu son siège de député le 2 juillet, il fait campagne dans les Bouches-du-Rhône et dans la Seine.

Député de la Seine, Gambetta forme un parti parlementaire d'extrême gauche, " l'Union républicaine", fonde un journal, La République française, multiplie les allocutions en province au cours desquelles il fustige la politique conservatrice de l'Assemblée nationale, et affiche un anticléricalisme militant. Dans la tumulte de la souveraineté républicaine restaurée, il participe aux débats qui donnent naissance aux lois constitutionnelles, et contribue à faire voter l'amendement Wallon le 28 janvier 1875.

Léon Gambetta s'applique ensuite à promouvoir le nouveau régime, lors de la campagne électorale pour le scrutin de janvier et de février 1876. À Bordeaux (13 février), il énonce les réformes nécessaires : séparation des Églises et de l'État, création d'un impôt sur le revenu, rétablissement de la liberté de réunion et d'association, mesure qu'il renvoie à des temps "opportuns" par crainte de heurter l'électorat rural, le plus nombreux démographiquement. Le vote du 20 février consacre son travail. Gambetta est élu dans plusieurs circonscriptions et opte pour Belleville. Le maréchal de Mac-Mahon cependant ne l'appelle pas dans son ministère. Il lui préfère des personnalités plus "à droite". Gambetta profite de la crise née de la constitution du ministère de Broglie pour fédérer le vote républicain et provoquer la dissolution de la Chambre - ce sera son unique victoire dans sa vaine tentative de rassembler les partis de gauche.

Tacticien et orateur de premier plan, Gambetta fait sienne la campagne électorale de l'été jusqu'à prononcer dans son discours de Lille (15 août), à l'adresse du Président de la République, la phrase "se soumettre ou se démettre", propos qui lui vaudront une condamnation de trois mois de prison, peine qu'il n'effectuera pas. Ayant accédé à la "sainteté républicaine", il préfère cependant le 3 septembre promouvoir Jules Grévy à la fonction de chef de l'État et demeurer au second plan.

Les crises politiques se succèdent . Gambetta s'oppose au maréchal de Mac-Mahon avec véhémence. Il finit par obtenir sa démission, ce dernier ayant refusé de signer le décret de mise en disponibilité des dix généraux de corps d'armée (20 janvier 1879). Refusant à nouveau de prendre la tête du régime, Gambetta laisse Jules Grévy succéder à Mac-Mahon et se contente de la présidence de la chambre (31 janvier 1879).

D'une fonction symbolique dont il s'acquitte élégamment, Gambetta, ne constituant plus un obstacle politique aux yeux du président Grévy, accède à la présidence du conseil le 10 novembre 1881. Il croit alors enfin pouvoir faire de la France un pays stable et pacifique réuni autour de l'idée républicaine. Le nouveau chef de l'État tente de mettre en place un grand ministère réunissant l'ensemble des grandes figures de "gauche". Jules Ferry, Léon Say, Henri Brisson, Charles de Freycinet, les chefs de mouvements déclinent l'offre. Son gouvernement à peine formé (14 janvier 1882) est renversé au bout de 74 jours à la suite d'une proposition de loi sur les modes de désignation des sénateurs et d'élection des représentants à la chambre. Freycinet lui succède entouré de ceux-là mêmes qui avaient refusé de lui apporter leur concours.

Léon Gambetta se désengage alors de la vie politique. Il s'installe dans la région de Nice, ne prend plus part aux débats si ce n'est le 18 juillet 1882 pour demander le maintien de la présence française en Egypte.

Replié aux Jardies (Ville-d'Avray), en compagnie de Léonie Léon, Gambetta est victime d'un accident d'arme à feu qui le contraint à garder le lit pendant le mois de novembre. Cette inactivité lui est fatale. Il succombe à la suite d'une infection intestinale et d'une appendicite non opérée, le 31 décembre 1882.

Héros républicain, "père" fondateur de la IIIe République, Léon Gambetta est une personnalité incontournable pour "arriver à comprendre qu'un régime initialement moderne et populaire, celui de Napoléon III, ait été remplacé par une république qui ajoutait, à ces mêmes mérites, celui d'un libéralisme profond" (M. Aghulon). Ses obsèques, nationales, sont organisées le 6 janvier 1883. Des monuments lui seront élevés dans toute la France : à Bordeaux (25 avril 1905), à Nice (25 avril 1909), etc. Celui installé dans le jardin des Tuileries disparaîtra sous l'occupation allemande.

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

Jules Saliège

1870 - 1956

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Portrait de Jules Saliège. Source : SGA/DMPA

 

Figure de l'engagement de l'église catholique de France en direction des internés, Mgr Saliège est le premier prélat français à protester contre la déportation des Juifs, au départ des camps du Récébédou et de Noé.

Jules Saliège, originaire du Cantal, se destine très tôt à la prêtrise. Il entre au petit séminaire de Pleaux puis intègre le grand séminaire d'Issy-les-Moulineaux. Il est ordonné prêtre le 21 septembre 1895 et devient, deux ans plus tard, supérieur de Saint-Flour, après y avoir enseigné la philosophie et la morale.

Mobilisé en 1914, il participe à la guerre comme aumônier militaire volontaire. Il est affecté à la 163ème division d'infanterie.

Démobilisé en 1918, il reprend ses fonctions à la tête du séminaire puis est nommé évêque de Gap en 1925. Pie XI le nomme archevêque de Toulouse et de Narbonne en 1928 pour succéder à Mgr Germain. En 1931 il est paralysé suite à une attaque d'hémiplégie.

Après l'Armistice du 22 juin 1940, Mgr Saliège donne à son activité pastorale une coloration politique, s'opposant aux lois raciales du gouvernement de Vichy dès le mois de mars 1941.

Il s'engage sur le terrain en soutenant des oeuvres caritatives en faveur des détenus (républicains espagnols, juifs, opposants politiques) des camps de Noé et du Récébédou. En août 1943 il est le premier prélat français à dénoncer l'utilisation des camps français comme anti-chambre d'Auschwitz. Le 23 août 1942, il écrit dans une pastorale : "Que des enfants, des femmes, des hommes, des pères et des mères soient traités comme un vil troupeau, que les membres d'une même famille soient séparés les uns des autres et embarqués pour une destination inconnue, il était réservé à notre temps de voir ce triste spectacle... Dans notre diocèse, des scènes d'épouvante ont eu lieu dans les camps de Noé et de Récébédou. Les Juifs sont des hommes, les Juives sont des femmes... Tout n'est pas permis contre eux... Ils font partie du genre humain. Ils sont nos frères comme tant d'autres. Un chrétien ne peut l'oublier." Bien qu'interdite par arrêté préfectoral, la lecture de cette lettre a quand même lieu dans la plupart des paroisses et surtout, est reprise et diffusée par la BBC. En septembre 1942, le camp du Récébédou est fermé. Il organise alors, en parallèle, le placement des Juifs aux alentours de Toulouse. Son action est suivie par d'autres ecclésiastiques comme Mgr Théas, en charge du diocèse de Montauban. Le 24 mars 1944, s'adressant aux scouts catholiques français partant pour l'Allemagne, il critique ouvertement le national-socialisme, et manque d'être déporté, sort auquel il échappe en raison de sa notoriété et de son état de santé. A la Libération, le général de Gaulle lui remet la médaille de la Résistance et le fait compagnon de la Libération (décret du 7 août 1945).

Mgr Saliège est acclamé par la foule, pour ses actes de résistance, en octobre 1945, à l'occasion de son jubilé sacerdotal et de sa nomination en tant qu'assistant au trône pontifical. Le 18 février 1946 il est créé cardinal-prêtre, du titre de Sainte-Prudentienne, par le Consistoire.

Diminué par son hémiplégie, il est secondé par Mgr Garrone, mais continue d'occuper la fonction de chancelier de l'Institut catholique de Toulouse, et d'être membre des congrégations romaines des Sacrements, des Religieuses et des Cérémoniales.

Il décède le 4 novembre 1956 à l'âge de quatre-vingt-six ans et est inhumé dans la cathédrale Saint-Etienne à Toulouse.

Ses écrits reflètent une vie d'engagement : Lettre pastorale de Mgr l'Archevêque de Toulouse, (1937) . Notes de son Excellence Mgr Saliège (1945) . Un Evêque français sous l'Occupation (1945) . Le Temps présent et l'action catholique (1946) . Le Prêtre, le Temps présent et l'Action catholique (1946) . Les menus Propos du Cardinal Saliège (1947) . Lourdes Pax Christi (1948) . Lettre pastorale de S.E. le Cardinal Archevêque de Toulouse au Clergé et aux fidèles de son diocèse (1948) . Son Excellence Mgr Gabriel Brunhès, Evêque de Montpellier 1932-1949 (1949) . Ma vie par le Christ. Lettre du Cardinal Saliège et de Mgr Houssaron, (1952) . Mgr Maisonobe, Evêque de Belley, 1882-1954 (1955).

 

François Chabaud-Latour

1804-1885

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Portrait du Général François de Chabaud-Latour (1804-1885). Source : Société d'histoire du protestantisme français

 

Fils d'Antoine Georges François (15 mars 1769-19 juillet 1832) et de Julie Verdier de la Coste, François, Ernest Chabaud-Latour naît à Nîmes le 25 janvier 1804.

Il sort 7e de l'école Polytechnique en 1820 et choisit le Génie. En 1829, il participe brièvement aux côtés de l'armée russe au siège des places du Danube, appelé à Paris pour servir dans le ministère Polignac.

En 1830, il est volontaire pour l'expédition d'Alger, et est décoré à la suite du bombardement du Fort-1'Empereur et de l'occupation de Blida.

Nommé officier d'ordonnance du duc d'Orléans, fonction qu'il occupera jusqu'à la mort du Prince en 1842, il se retrouve engagé dans la campagne de Belgique et à la prise d'Anvers. Chabaud-Latour suit également le duc d'Orléans pendant les campagnes d'Algérie (1837, 1839, 1840) et participe aux engagements de Sig, Habra, Mascara, puis, en 1839, à la bataille des Portes de Fer qui lui vaut d'être élevé à la dignité de croix d'officier de la Légion d'honneur et, en 1840, aux combats de Médéah, d'El-Affroun, du col de Mouzaïa et du bois des Oliviers.

En 1840, lorsque se pose la question des fortifications de Paris, il préconise dans son avant-projet la construction d'une enceinte continue fortifiée et d'une ceinture de forts avancés destinés à éviter à la population les rigueurs d'un siège.

Sa charge de député du Gard (de 1837 à 1848, favorable au ministère Guizot), lui permet de défendre son projet au Parlement.

Chef du génie, il s'occupe personnellement du secteur Est de l'enceinte de Paris - il supervise les travaux jusqu'en 1846.

Promu lieutenant-colonel en 1842, il devient l'aide de camp du comte de Paris à la mort du duc d'Orléans. Colonel en 1846, il part commander le 3e régiment du génie, à Arras. Lors des journées de février 1848, il reste fidèle aux Orléans allant jusqu'à offrir sa démission à la suite de l'abdication du roi. Mis en disponibilité quelques semaines, il est appelé à la direction du génie d'Amiens, puis, suite au coup d'État du 2 décembre 1851, il réintègre ses fonctions à Grenoble.

Commandant supérieur du génie en Algérie en 1852, il demeure cinq ans dans la colonie, prenant part aux expéditions des Babors en 1853, des Beni-Iuya en 1854, des Guetchoula en 1855 et de la Grande-Kabylie en 1857. Planificateur talentueux , il réalise en seize jours la route de Tizi-Ouzou à Souk-el-Arba, et, en quatre mois, il fait construire Fort-Napoléon, au centre de la tribu des Béni Raten. Il s'occupe également de construction de barrages sur les rivières et de la création de plusieurs villages.

Général de brigade au 30 avril 1853, Chabaud-Latour est promu général de division après les campagnes de 1857 et 1858, date de son retour à Paris, appelé au comité des fortifications, à l'inspection générale des places fortes, des régiments du génie et de l'École polytechnique, et au comité consultatif des affaires algériennes. Lors de la guerre d'Italie, il commande le corps du génie posté en observation sur la frontière de l'Est. Grand officier de la Légion d'honneur en 1861, président du comité des fortifications en 1864, il passe au cadre de réserve le 25 janvier 1869.

Rappelé à l'activité en 1870, Chabaud-Latour est mis à la tête du génie de la défense de Paris et reprend la présidence du comité des fortifications, mettant en état de défense le camp retranché de la capitale de sorte qu'elle ne put être bombardée sur sa rive gauche qu'à partir des redoutes inachevées de Châtillon et de Montretout.

Son fils, Arthur Henri Alphonse (1839-1910), issu de son mariage avec Hélène Mathilde Périer, saint-cyrien, s'illustre lors des combats de l'armée de la Loire, recevra la Légion d'honneur pour sa conduite exemplaire. Lissagaray, le "Michelet de la Commune", écrira à ce propos "Ce Paris pour qui Hoche, Marceau, Kléber n'eussent été ni trop jeunes, ni trop croyants, ni trop purs, avait comme généraux les plus mauvais résidus de l'Empire et de l'Orléanisme, Vinoy de Décembre, Ducrot, Suzanne, Leflô. Tel prétentieux fossile comme Chabaud-Latour commandait en chef le génie."

L'enceinte ainsi réalisée, appelée communément l'enceinte de Thiers ou "les fortif'" mesure 35 kilomètres de long (son tracé correspond à celui du l'actuel périphérique) assurée par 94 bastions et pourvue de 17 portes et de 8 poternes. L'assise par endroit atteint 40 centimètres d'épaisseur de béton, le pavement extérieur, comme les murs de profil, est en meulière et formé d'une succession de moellons bruts lié par du mortier hydraulique. Nommé grand croix de la Légion d'honneur pour cela, il est maintenu en activité sans limite d'âge.

 

Élu député du Gard, en février 1871 à l'Assemblée nationale - y siégeant au centre droit - il y préside la commission de l'armée chargé de la rédaction de la loi militaire de 1872, il est aussi le rapporteur du projet de loi sur les nouveaux forts à construire autour de Paris et occupe, à plusieurs reprises, la fonction de vice-président de l'Assemblée. Membre du comité de défense, Chabaud-Latour met tout son talent dans l'organisation de la nouvelle frontière de l'Est.

Personnage éminent de l'État, il est désigné pour juger, en 1873, le maréchal Bazaine, accusé d'avoir contribué à la défaite française lors de la guerre franco-allemande de 1870.

Appelé le 20 juillet 1874 par le maréchal de Mac-Mahon aux fonctions de ministre de l'Intérieur, et ce jusqu'au 10 mars 1875, il s'inscrit dans la ligne du duc de Broglie, en plein débat sur le septennat. Il échoue aux élections sénatoriales du 30 janvier 1876 mais est nommé sénateur inamovible le 10 novembre de l'année suivante.

Il décède à Paris le 10 juin 1885 des suites d'une chute dans l'escalier de la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest dont il était l'administrateur.

 

Sources : R. d'Amat et R. Limouzin-Lamothe, Dictionnaire de biographie française, Paris, Letouzey, 1965, tome 6, col. 113-115 . F. Guizot, Mémoires pour servir à l'histoire de mont temps, Paris, Lévy, 1864
Sources complémentaires : P.-O. Lissagaray, Histoire de la Commune, Paris, Dentu, 1896, pp. 58-59 . B. Yvert, Dictionnaire des ministres (1789-1989), Paris, Perrin, 1990, pp. 400-401

Franz Stock

1904-1948

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Portrait de Franz Stock. Source : wikipedia.org

1904 naissance à Neheim (Westphalie) le 21 septembre

1926 participe au congrès La Paix par la jeunesse à Bierville (France) à l'appel de Marc Sangnier

1928 étudiant à Paris (séminaire des Carmes de l'Institut catholique)

1932 ordonné prêtre à Paderborn

1934 recteur de la paroisse allemande de Paris

1940 Aumônier allemand de trois prisons parisiennes : Fresnes, La Santé, Cherche-midi

1944 Il accompagne, aide, soulage les condamnés à mort (plus de mille au Mont Valérien) ou à la déportation ainsi que leurs familles.

1945 supérieur du Séminaire des barbelés, le Coudray (Eure et Loir)

1948 mort à Paris le 24 février

1963 ratification du traité d'amitié et de réconciliation franco-allemande. Transfert du corps à l'église Saint Jean-Baptiste de Rechêvres (Chartres)

 

Le séminaire des barbelés

 

Peu d'hommes ont incarné comme Franz Stock la volonté de réconciliation franco-allemande

 

 Sa vie fut un témoignage d'amour pour l'humanité. Son héritage moral perdure à travers les livres et les témoignages de ceux qui l'ont connu dans les circonstances extrêmes de la guerre.

 

Le souvenir le plus concret qui  reste de lui en France est au  Coudray, près de Chartres

 

C'est le bâtiment qui a abrité de 1945 à 1947 ce que l'Histoire a retenu sous le nom de Séminaire des barbelés et qui, sous la direction de Franz Stock, accueillit près de 1000 jeunes allemands et autrichiens, prêtres et séminaristes prisonniers de guerre, qui allaient contribuer à créer l'Allemagne nouvelle.

Dès les années 60, des associations françaises et allemandes ont été créées par ceux et celles qui voulaient que cet homme hors du commun serve de modèle des deux côtés du Rhin à tous ceux qui voulaient apporter leur contribution à la réconciliation entre nos deux pays et bâtir une Europe de paix.

 

Le Centre européen de rencontre Franz Stock

 

Aujourd'hui trois associations :

  • L'association chartraine Franz Stock
  • Franz Stock Komitee
  • Les amis de l'abbé Stock

ont décidé de tout mettre en oeuvre pour créer dans les lieux même du Séminaire des barbelés, le Centre européen de rencontre Franz Stock (CERFS). Il y a quelques jours, les travaux ont commencé et toutes les associations françaises et allemande contribuent à la réussite du projet.

 

Source : Association Française Les Amis de l'Abbé Stock

Joseph Doumenc

1880-1948

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Photo portrait de Joseph Doumenc

 

Joseph Doumenc (Grenoble 16 novembre 1880 – Massif du Pelvoux 21 juillet 1948) :

 

Polytechnicien puis élève de l'École d'application de l'artillerie et du génie de Fontainebleau, Joseph Édouard Aimé Doumenc intègre l'École supérieure de guerre en 1907. Capitaine à l'état-major du 19e corps d'armée, il sert dans les confins algéro-marocains avant d'être affecté au 60e régiment d'artillerie à Troyes.

Durant la Première Guerre mondiale, adjoint au directeur du Service automobile puis directeur de ce service en 1917, il se signale comme l'organisateur des transports routiers qui assurent le ravitaillement et la relève au cours de la bataille de Verdun en 1916. Par ailleurs, entre novembre 1916 et mars 1917, il participe, aux côtés du général Estienne, à la création des premiers chars d'assaut. Il est nommé commandant en 1918.

Après avoir fait campagne au Maroc en 1925, il prend le commandement de la 1re division d'infanterie puis celui de la 1re région militaire.

En 1938, il est nommé au Conseil supérieur de la guerre. En 1939, promu général d'armée, il est envoyé à Moscou comme chef de la délégation française chargée de négocier un accord militaire avec l'URSS mais la signature du pacte germano-soviétique met un terme à sa mission.

À la déclaration de guerre, il prend la tête de la défense anti-aérienne du territoire avant d'occuper le poste de major général en janvier 1940.

Il quitte le service en 1942. Il se tue accidentellement dans les Alpes en 1948.

Le général Doumenc était Grand officier de la Légion d'honneur. Il était en outre titulaire, notamment, de la Croix de guerre 1914-1918 avec neuf étoiles de bronze, de la Croix de guerre théâtres d'opérations extérieurs et de plusieurs décorations étrangères.

Oeuvre : Commandant Doumenc Les transports automobiles sur le front français 1914-1918, 1920.

 

Collection "Mémoire et citoyenneté", N°14, Publication Ministère de la défense/SGA/DMPA

Sylvain Raynal

1867-1939

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Le Commandant Sylvain Eugène Raynal. Source : D.R.

Sylvain Eugène Raynal naît le 3 mars 1867 dans une famille protestante bordelaise d'artisans, dont il hérite le sens du travail et un profond patriotisme. Il intègre l'école de Saint-Maixent, après une scolarité au lycée d'Angoulême, qu'il quitte avec le même rang d'entrée, treizième. Il connaît ensuite une vie de garnison.

Nommé à l'état-major de Paris, il sert sous les ordre de Guillaumat . découvre ensuite l'Algérie au sein du 7e régiment de tirailleurs de Constantine, où il prend connaissance de l'entrée en guerre de la France à l'été 1914. Blessé à l'épaule par une balle de mitrailleuse en septembre 1914, et en décembre lors du bombardement de son poste de commandement, il est hospitalisé pendant dix mois avant de retourner au combat le 1er octobre 1915.

À la fin 1915, l'offensive allemande se concentre sur le secteur de Verdun sous la direction du Kronprinz, fils aîné du Kaiser. Un face à face de 300 jours qui donnera naissance à une geste militaire contemporaine : Bois des Caures, Froideterre, Mort-Homme, Douaumont, Fleury, etc., Vaux. Le 4 mars 1916, l'état-major germanique ordonne de réduire le verrou de Verdun et de foncer sur Paris.

Place avancée, le Fort de Vaux est défendu par les 300 hommes encore valides du 142e régiment d'infanterie commandés par Raynal du 96e R.I., s'étant porté volontaire pour servir à Verdun, alors qu'il achève une convalescence suite à une blessure de shrapnels qui lui vaut d'être promu officier de la Légion d'honneur. Entre le 2 et le 7 juin 1916, le commandant Sylvain Eugène Raynal résiste avec ses hommes aux attaques allemandes du 39e régiment d'infanterie. "L'héroïsme naît parfois dans les milieux les plus simples" (Fleuriot de Langle, dans Le Ruban Rouge)...

Isolé, il envoie le 4 juin son dernier pigeon voyageur (matricule 787-15) "Vaillant" porteur du message suivant : "Nous tenons toujours, mais nous subissons une attaque par les gaz et les fumées très dangereuses . il y a urgence à nous dégager. Faites-nous donner de suite communication optique par Souville qui ne répond pas à nos appels. C'est mon dernier pigeon. Raynal."

Sans réponse, manquant d'eau potable et dans l'impossibilité de voir sa position être dégagée par des renforts, le commandant et ses hommes finissent par se rendre. Amené devant le Kronprinz, il tend au prince héritier une baïonnette de simple soldat, son épée n'ayant pu être retrouvée dans les décombres du fort, lui disant : "Prince, cette arme vaut une épée d'officier", lequel lui apprend, à la suite de l'interception d'un message émanant de l'état-major français qu'il lui a été décerné la cravate rouge de l'ordre de la Légion d'Honneur. Son messager ayant accompli sa mission recevra le diplôme de la bague d'honneurs - le Musée de la Poste à Paris en conserve le corps de nos jours. Raynal prisonnier est détenu à Mayence du 11 juin 1916 jusqu'en novembre 1917, puis 3 mois à Stressburg sur la frontière Polonaise en Prusse Orientale, et enfin en Suisse, à Interlaken, à partir du 30 mars 1918 jusqu'à sa libération le 4 novembre.

Sylvain Eugène Raynal se retire après guerre au 36 de la rue Denfert-Rochereau à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) où il séjournera jusqu'à sa mort le 13 janvier 1939.

Une plaque y a été apposée en 1966 à l'occasion du cinquantenaire de la Bataille de Verdun.

 

Source : Mindef/SGA/DMPA

Napoléon III

1808-1873

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Portrait de Napoléon III. Source : SHD

NAPOLEON III (Paris, 20 avril 1808 - Chiselhurst, 9 janvier 1873)

Troisième fils de Louis Bonaparte, roi de Hollande, frère de Napoléon Ier, et d'Hortense de Beauharnais, belle-fille de l'Empereur. Il eut pour précepteur le fils du conventionnel Le Bas, qui lui fit aimer le passé révolutionnaire. En 1830, sur les traces de son oncle, il part pour l'Italie, s'affilie au mouvement des carbonari et prend part au soulèvement de Menotti, en Romagne, contre le pape Grégoire XVI. Avec le décès du Duc de Reichstadt en 1832, Louis Napoléon hérite de la légitimité bonapartiste.

Avec l'aide de Persigny, il essaie en vain, le 30 oct. 1836, de soulever la garnison de Strasbourg. Louis-Philippe l'exile au Brésil, d'où il passe aux Etats-Unis, avant de s'installer en 1837 en Angleterre. Il y défend sa conception du "césarisme démocratique" dans son livre Les Idées napoléoniennes (1839) et décide de profiter du regain de ferveur bonapartiste suscité en France par l'annonce du retour des cendres de Napoléon Ier pour tenter à Boulogne un nouveau tour de force, le 6 août 1840. Il comparaît devant la Cour des Pairs, est condamné à la prison perpétuelle et enfermé au fort de Ham (Somme). Il s'en évade en mai 1846, gagne l'Angleterre.

Jugé indésirable sur le territoire métropolitain, Louis Napoléon se fait élire dans cinq département au mois de juin 1848, et siège à l'assemblée trois mois plus tard.

Piètre orateur, l'ambitieux député travaille néanmoins à gagner l'appui des conservateurs, il harangue les foules et se rapproche de l'armée, nostalgique de l'Empire. Candidat aux élections présidentielles de décembre 1848, il est élu avec cinq millions de voix d'avance sur ses concurrents. Le 2 décembre 1851, il réalise un coup d'Etat qu'il fait approuver par plébiscite les 20 et 21 décembre. Ayant au préalable fait modifié la constitution, il devient Président de la République pour dix ans. Il concentre ainsi entre ses mains tous les pouvoirs. Commence alors une série de voyages dans les provinces françaises afin de préparer l'opinion au plébiscite des 21 et 22 novembre 1852 par lequel il se fait proclamer Empereur des Français. Il devient Napoléon III le 2 décembre 1852. Désireux, à l'instar de Napoléon Ier, d'entrer dans le cercle des dynasties européennes, l'année suivante, il épouse, le 30 janv. 1853, une aristocrate espagnole, Eugénie Marie de Montijo.

De 1852 à 1860, Napoléon III exerce le pouvoir sans partage, s'appuyant sur le suffrage universel, qui lui fournit régulièrement des majorités écrasantes mais dont l'orientation est dirigée par le mécanisme de la « candidature officielle ». Le régime reçoit le soutien de l'ancienne bourgeoisie orléaniste, des catholiques et des milieux d'affaires. La vie politique tombe dans le marasme, une oppression feutrée s'appesantit sur tout le pays : l'opposition légitimiste se tait, observant les consignes d'abstention données par le comte de Chambord . l'opposition républicaine est décapitée, les fonctionnaires sont contraints de prêter serment de fidélité à l'empereur, la puissance des préfets est pratiquement illimitée . la presse est bâillonnée par l'autorisation préalable, par le droit de timbre très élevé, par le système des « avertissements », la littérature connaît un sort analogue. L'heure est aussi au faste et à l'apparat : on fait jouer Offenbach, les stations balnéaires sont à la mode. Les grands travaux réalisés à Paris par Haussmann, préfet de 1853 à 1869, restent le symbole du puissant essor de la vie économique à cette époque. La France entre dans la l'ère industrielle : les grands établissements de crédit sont créés (le Crédit foncier et le Crédit mobilier des frères Pereire en 1852, le Crédit industriel et commercial en 1859, etc.) . les transports sont développés (3 100 km de voies ferrées en 1851, 17 000 à la fin de l'Empire, les Grands magasins ouvrent leurs portes (Le Bon Marché, Le Louvre, Le Printemps, La Samaritaine). Les talents de négociateurs de Napoléon III lors du congrès de Paris qui met fin à la guerre de Crimée (1854-1856) lui assurent un grand prestige international. Il intervient dans la création du royaume de Roumanie, prend une part active à l'unification italienne, à l'issue de laquelle il agrégera Nice et la Savoie à la France. Sa politique italienne, lui fait perdre l'appui des catholiques, défenseurs du pouvoir temporel du Pape. L'attentat d'Orsini (14 janvier 1858), sans dommages pour l'Empire, symbolise le mécontentement des conservateurs, et permet à l'empereur de renforcer son pouvoir : par la loi de sûreté générale du 19 février 1858 il peut interner ou de déporter sans jugement les anciens condamnés politiques.

 

Napoléon III se tourne alors vers le courant libéral entre 1860 et 1870. Le décret du 24 novembre 1860 accorde le droit d'adresse au corps législatif, et annonce le retour des républicains dans le débat public. Ces derniers qui réclament l'abolition de la loi de sûreté générale, le rétablissement de la liberté de la presse et du droit de réunion, obtiennent, lors des élections de 1863 trente-deux sièges. Le pouvoir s'incline : l'universitaire anticlérical Victor Duruy est nommé à l'Instruction publique (1863-1869), le droit de grève et de coalition est octroyé en avril 1864, la presse retrouve son autonomie en mai 1868, etc. Napoléon III se réserve le domaine de la politique étrangère : il se lance dans la constitution d'un empire. Ses initiatives finiront par inquiéter les ambitions des autres puissances, et ce, notamment lors de l'expédition du Mexique (1861-1867), où, afin de retrouver les faveurs du Vatican, Napoléon III tente de créer en Amérique centrale un grand empire latin, catholique. L'histoire retiendra le sort tragique de l'empereur du Mexique, Maximilien de Habsbourg, et la bataille de Camerone où, le 30 avril 1863, dans l'hacienda de Camerone, les 3 officiers et les 62 légionnaires de la compagnie du capitaine Danjou ont résisté pendant toute une journée à 2000 Mexicains - cette date est d'ailleurs devenue le jour anniversaire de la Légion. Il achève par ailleurs la conquête de l'Algérie, conforte l'assise coloniale en Nouvelle-Calédonie et au Sénégal, annexe Obock (Mer Rouge) en 1862, se pose en défenseur des chrétiens de Syrie, encourage le creusement du canal de Suez (1859-1869), intervient en Chine aux côté de l'Angleterre (1860), prend possession de la Cochinchine (1863). En Europe, l'Empereur des Français choisit l'ambiguïté, poursuivant en cela sa politique d'affaiblissement de l'Autriche. Après avoir contribué à la formation de l'Italie, il apporte son soutient à la Prusse du chancelier Bismarck pour la constitution d'un Etat allemand, en octobre 1865, lors de l'entrevue de Biarritz, où il tente de négocier l'incorporation des territoires rhénans frontaliers.

À la suite de l'éclatante victoire des troupes prussiennes sur les Autrichiens à Sadowa (3 juillet 1866), Napoléon III prend conscience de la menace de cet État en devenir et donne une nouvelle impulsion à son action politique. Il lance une réorganisation de l'armée par la réforme Niel de 1867-1868, secourt Pie IX à Rome afin de se rallier les catholiques français et les orléanistes. Les élections de 1869 confirment l'assise républicaine de l'Assemblée : Émile Ollivier entre au gouvernement en janvier 1870. L'Empire devient parlementaire. À l'extérieur cependant, la politique française irrite les Italiens et les Prussiens qui ne tardent pas à se rapprocher, alors même que Bismarck achève de discréditer la France en Europe. L'affaire de la succession d'Espagne, dont le trône sans héritier doit échoir aux Hohenzollern, fait planer la menace d'un encerclement de la France. Bismarck utilise l'hostilité née des exigences françaises pour achever l'unification de l'Allemagne. Dans la "dépêche d'Ems", il modifie le compte rendu de l'entrevue entre Benedetti et les Hohenzollern de manière à obliger Napoléon III à déclarer la guerre . chose faite le 19 juillet 1870. Les troupes prussiennes donneront le coup de grâce à l'Empire : Froeschwiller et Forbach, Rezonville-Gravelotte, dans la première quinzaine d'août, Bazaine est encerclé dans Metz. Napoléon III se rend le 2 septembre à Sedan - où il échappe de justesse au peloton d'exécution. L'Empire n'est plus, Gambetta en annonce la déchéance au Palais Bourbon. Le 4 septembre la République est proclamée à l'Hôtel de Ville de Paris.

Charles Louis Napoléon Bonaparte est emmené en captivité à Wilhelmshöhe, en Hesse. Libéré quelques temps plus tard, il rejoint Eugénie de Montijo au château de Chislehurst, dans le Kent.

Comme son oncle, il mourra de maladie (maladie de la pierre), en exil.

 
Sources : Michel MOURRE, Dictionnaire encyclopédique d'histoire, Paris, Bordas, 1996 (1978) - Jean TULARD, Dictionnaire du Second Empire, Paris Fayard, 1995

August von Kageneck

1922-2004

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Portrait de von Kageneck. Source : http://www.arenes.fr

Cavalier et écrivain

 

August von Kageneck, Allemand de Rhénanie a été, successivement, un combattant de l'arme blindée, un journaliste et un écrivain. Il a été l'un des artisans de la réconciliation entre la France et l'Allemagne. Sa vie et ses livres témoignent, à la fois, d'une période dramatique de l'Histoire et de l'existence de "Justes" dans tous les camps.

August von Kageneck naît sur les bords de la Moselle, à mi-chemin entre Trêves et Coblence, dans une famille aristocratique, dont il est le cinquième fils. Son père, ancien général, ayant commandé une brigade de cuirassiers, au cours de la Grande Guerre, avait été, auparavant, attaché militaire à Vienne et aide de camp de l'Empereur Guillaume II.

August passe son enfance dans les environs de Wittlich, siège d'une garnison française, jusqu'en 1930. Les sentiments des Kageneck à l'égard de la France entre les deux guerres sont ambigus.

Elle est jugée responsable du traité de Versailles, unanimement honni, l'occupation de la rive gauche du Rhin est ressentie comme une humiliation. Mais tous parlent français et sont avides de notre littérature.

Catholique et monarchiste, le Général est instinctivement réservé à l'égard d'Hitler et du national socialisme. Cependant il n'empêche pas son fils d'entrer dans la Hitler Jugend, comme on entre aux scouts. August poursuit ses études secondaires au collège des Jésuites de Bad Godesberg, où il est formé par ces inimitables éducateurs. Sa vocation est claire : à moins de 17 ans, en avril 1939, il s'engage au 17ème Régiment de Cavalerie, à Bamberg. Arrivé en France, après la fin de la Campagne de 1940, il y séjourne, quelques mois, dans un Groupe de reconnaissance. Ce sera son destin : il servira toujours dans des formations de reconnaissance.

Le 1er janvier 1941, il rejoint l'Ecole de l'Arme blindée à Krampnitz près de Potsdam, en qualité d'élève officier d'activé. Il en sort sous-lieutenant, le 1er mai 1941, et rejoint le bataillon de reconnaissance de la 9ème Division blindée formée d'Autrichiens.

Le 23 juin 1941, âgé de moins de 19 ans, il entre en Russie, à la tête de son peloton d'automitrailleuses. Ce sont treize mois de combats acharnés, dans la poussière, la boue et le froid extrême. Trois blessures, dont une terrible, à la face, le 25 juillet 1942, dans la région du Don. Pendant de longs mois, il va d'hôpital en hôpital, où il subit de nombreuses opérations, aux résultats remarquables.

Malgré son désir de rejoindre le front, il est affecté comme instructeur à l'Ecole des blindés qu'il suit dans ses déplacements. En décembre 1944, il obtient enfin une affectation sur le front Ouest et finira la guerre, contre les Américains, au coeur du Harz, dans les rangs du bataillon de reconnaissance de la fameuse Panzerlehr-Division.

Il réussira à échapper à la captivité et rejoindra ses parents, en Rhénanie, de nouveau occupée par les Français. Deux de ses frères ont été tués : l'un à la tête d'un bataillon du 18ème Régiment d'Infanterie devant Moscou, l'autre, un as de la Luftwaffe, aux 69 victoires, abattu au-dessus de Tobrouk.

Après la sombre période que traverse l'Allemagne depuis sa défaite, il se lance dans le journalisme. Dès 1948, il collabore à une feuille locale, publiée à Bad Kreuznach. En 1950, il est reporter dans un quotidien de Hambourg. Jusqu'en 1955, date à laquelle il s'installe à Paris, il effectue de nombreux reportages, en Afrique, pour la télévision allemande. Pendant 16 ans, il sera le correspondant, en France, du grand quotidien allemand "Die Welt", en même temps que de la télévision officielle allemande.

Il travaille aussi pour la "Bild Zeitung" : c'est ainsi qu'il couvrira, pour son compte, la "semaine des barricades", à Alger (janvier 1960). A Paris, il est une des personnalités éminentes de la colonie allemande et collabore à son journal, le "Pariser Kurier". Il devient Président de l'Association des journalistes étrangers à Paris. De 1986 à 1994, il regagne Bonn, où il publie sa lettre d'information "Economie et politique allemande" du Bureau de presse fédérale.

En 1994, il rejoint sa famille, à Neuilly et part, enfin, se consacrer à sa seconde vocation : celle d'écrivain.

Il publie, dans l'année même, chez Perrin "Lieutenant de Panzers", écrit en français, qui le fait connaître du public. C'est un récit, dépouillé et vivant, de sa vie de soldat.

En 1996, c'est, chez le même éditeur "Examen de conscience". Le livre soulève une polémique avec ses anciens camarades et même avec ses proches qui l'accusent de contribuer à aggraver la mauvaise conscience des Allemands. Ceux-ci savaient que leur pays s'était rendu coupable de crimes de guerre, notamment en Russie, mais ils voulaient croire que la Wehrmacht n'avait pas été impliquée dans ces crimes, commis par les SS ou les autorités issues du parti national socialiste. Or, August von Kageneck affirmait, preuves à l'appui, que la Wehrmacht avait été complice et, parfois, auteur de ces crimes.

En 1998, toujours chez Perrin, paraît "La guerre à l'Est - Histoire d'un régiment allemand - 1941-1944". C'est l'odyssée du 18ème Régiment d'Infanterie, dans les rangs duquel a été tué son frère, Franz-Joseph. C'est un bon livre de guerre qui fait penser à "Orages d'acier" d'Ernst Junger. Enfin, en 2002, il signe aux Arènes, un livre de dialogues avec Hélie de Saint-Marc, sous le titre "Notre histoire - 1922 - 1945". Les parcours des deux hommes étaient parallèles : même âge, même milieu social, même formation chez les Jésuites, même vocation militaire, même regard porté sur la guerre et la souffrance et pour finir même souci de réfléchir sur le destin et de coucher ces réflexions dans des livres.

August von Kageneck est d'une grande sobriété dans ses récits de guerre, d'une grande sensibilité et d'une conscience inquiète dans ses réflexions. Ses livres sont d'une lecture facile et agréable. August von Kageneck a beaucoup oeuvré pour une réconciliation entre la France et l'Allemagne, fondée sur la confession des crimes et la reconnaissance des fautes. N'avait-il pas, dès 1948, participé à une marche européenne de la jeunesse à Strasbourg ?

Par ses livres, ses conférences, ses relations avec le "Tout Paris" il a contribué à transformer l'image que les Français se faisaient de leurs voisins.

En 2001, il s'est rendu à Oradour-sur-Glane, pour demander pardon des crimes commis en 1944.

Il est décédé, le 13 décembre 2004, à Bad Oldesloe dans la région de Lübeck, après une longue maladie.

 

Sources : Francis Boulnois, dans : Avenir & Traditions. Union Nationale de l'Arme Blindée Cavalerie Chars, 91, mars 2005

François Bazaine

1811-1888

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Portrait de François Achille BAZAINE.
Source : Wikipedia, libre de droit

Maréchal de France (Versailles, le 13 février 1811 - Madrid, le 23 septembre 1888)

 

Fils de Pierre Dominique et de Marie Madeleine Josèphe dite Mélanie Vasseur, François Achille Bazaine entre en 1831 dans l'armée à la suite d'un échec au concours d'entrée à l'école Polytechnique. Il sert dans la Légion étrangère en Algérie, puis combat de 1835 à 1838 en Espagne contre les carlistes, avant de revenir à Alger où il dirige le district de Tlemcen. Il devient colonel de la Légion en 1850.

Bazaine s'illustre lors de la guerre de Crimée. Son courage lui vaut d'être élevé au rang de général de division. Il commande les troupes françaises dans l'expédition de Kinburln en 1859, est blessé à Melgrano, et prend une part non négligeable lors de la bataille de Solférino, ce pour quoi il sera élevé à la dignité de Grand Croix de la Légion d'Honneur.

Membre du contingent de légionnaires au Mexique, de 1862 à 1867, il s'empare de Puebla en 1863, et finit par remplacer le général Foyer à la tête du corps expéditionnaire. Il contraint le président mexicain, Benito Juárez, à la clandestinité. Ses qualités de commandement reconnues, il devient maréchal en 1864.

Devenu veuf par le suicide de sa femme, il se remarie en 1865 avec une Mexicaine issue d'une riche famille proche du président déchu, qui l'incite à intriguer contre l'empereur Maximilien de Habsbourg. Face à l'intervention américaine, le corps expéditionnaire français est contraint de se retirer . Bazaine restera avec ses hommes jusqu'au terme du rembarquement à Vera Cruz en 1867.

Bien que disgracié par Napoléon III à son retour en France, sa grande popularité lui octroie en 1869 le commandement de la garde impériale et en 1870 celui du troisième corps de l'armée du Rhin. L'armée allemande, supérieure numériquement, mieux équipée et entraînée, déborde rapidement l'armée impériale. Suite à la défaite de Spicheren, Bazaine décide de tenir une position stratégique. Son expérience coloniale est cependant inefficace. Indécis et inquiet, le maréchal se laisse enfermer dans Metz (18 août) par Constantin von Alvensleben qui lance, deux jours durant, deux corps de troupe à l'assaut de la place. Les renforts demandés tardent à arriver. Tiraillé entre le devoir d'obéissance à une hiérarchie, différant sans cesse les décisions liées à un pouvoir dans lequel il ne croit plus, et celui de se ranger du côté de la puissance venue "libérer la France d'elle-même", Bazaine décide d'attendre l'armée de Châlons du maréchal Mac-Mahon. Apprenant la reddition de Napoléon III à Sedan (2 septembre), il tente de se poser en médiateur de la France, perdant son temps à négocier dans ce dessein avec l'impératrice Eugénie, avant d'être finalement contraint à la reddition sans conditions le 27 octobre 1870. Les Allemands feront prisonniers 140 000 hommes de l'armée du Rhin.

En 1873, il est jugé, après instruction du dossier par Séré de Rivière, par un conseil de guerre présidé par le duc d'Aumale, condamné à la dégradation militaire et à la peine de mort. Gracié par Mac-Mahon, alors président de la République, il est interné pour vingt ans à l'île Sainte-Marguerite, dont il s'évade dans la nuit du 9 au 10 août 1874. Il gagne ensuite l'Espagne et s'installe à Madrid où il reçoit les égard du gouvernement d'Alfonse XII.

Il profitera de ses dernières années de vie pour écrire Épisodes de la guerre de 1870 et blocus de Metz (1883), ouvrage justifiant son attitude.

 

Sources : Michel Mourre, Dictionnaire encyclopédique d'histoire, Paris, Bordas, 1996 (978) . Jean Tulard, Dictionnaire du Second Empire, Paris Fayard, 1995.

Théodose Morel

1915-1944

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Portrait de Théodose Morel alias "Tom". Source : http://www.ordredelaliberation.fr

Théodose Morel, dit "Tom"

 

Issu, par son père, d'une vieille famille lyonnaise d'industriels de la soierie et, par sa mère, d'une famille d'officiers et de juristes savoyards, Théodose Morel voit le jour le 1er août 1915, à Lyon.

Après des études primaires secondaires chez les Pères Jésuites, il choisit le métier des armes et prépare, de 1933 à 1935, le concours de l'Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr à l'école Sainte Geneviève de Versailles. Admis à l'ESM en 1935 (promotion Lyautey), son rang de sortie, deux ans plus tard, lui permet de choisir son affectation : le 27e Bataillon de Chasseurs Alpins (27e BCA), à Annecy où il arrive le 1er octobre 1937, jour de sa nomination au grade de sous-lieutenant.

Formé comme éclaireur-skieur à Chamonix, Théodose Morel, qui épouse en novembre 1938 Marie-Germaine Lamy, devient officier adjoint au commandant de la section d'éclaireurs-skieurs à Abondance avant d'en prendre lui-même la tête.

En mai 1939, sa section gagne la Savoie et la frontière italienne. Elle est en poste au-dessus de Val d'Isère.

Le 21 septembre il est promu lieutenant et, alors que le 27e BCA part pour le front de l'Est, sa section, à son grand regret, reste sur place pour la garde des frontières.

Ce qui ne l'empêche pas de se distinguer, du 12 au 20 juin face aux troupes alpines italiennes . par une manoeuvre habile mais risquée, avec un de ses chasseurs, il réussit au cours d'une reconnaissance à faire quatre prisonniers.

Blessé par balle au bras droit le 18 juin, il continue néanmoins le combat avec ses chasseurs . il reçoit la croix de guerre.

Les 21 et 22 juin 1940, appelé en renfort avec sa section près du col du Petit Saint-Bernard, il parvient à localiser les forces adverses permettant à l'artillerie d'effectuer un tir d'arrêt qui contraint l'ennemi à se replier. Le lieutenant Morel reçoit une seconde citation et la croix de la Légion d'Honneur.

Il sert ensuite dans l'armée d'armistice à Annecy où le commandant Vallette d'Osia a pris le commandement du 27e BCA tout en préparant son unité à la revanche.

En août 1941, le lieutenant Morel est nommé instructeur à Saint-Cyr, repliée à Aix-en-Provence, et c'est dans l'esprit de la reprise du combat qu'il oriente et instruit ses élèves.

Après l'invasion de la zone sud par les Allemands en novembre 1942 et la démobilisation de l'armée d'armistice, il entre dans la Résistance de Haute-Savoie et dans la clandestinité sous le couvert d'une entreprise de tissage.

Retrouvant Vallette d'Osia, qui commande l'Armée Secrète (AS) du département, et le capitaine Anjot du 27e BCA, il s'attache à mettre sur pied l'AS de Haute-Savoie, que l'instauration du Service du Travail Obligatoire (STO) en février 1943 va contribuer involontairement à alimenter.

Avec l'arrestation de Vallette d'Osia en septembre 1943 par les Allemands, qui ont remplacé les Italiens, puis son évasion pour l'Angleterre, l'AS de Haute-Savoie perd son chef. Il est remplacé par Henri Romans-Petit, chef de l'AS de l'Ain. Morel redouble d'activité, sa famille échappe de peu à l'arrestation.

À la fin du mois de janvier 1944, le lieutenant Théodose Morel, alias Tom, reçoit de Henri Romans-Petit le commandement des maquis de Haute-Savoie et la mission de réceptionner les parachutages sur le plateau des Glières à 1500 mètres d'altitude et à une quinzaine de kilomètres d'Annecy. Les actions de résistance et de sabotage se multiplient, la loi martiale est décrétée dans le département. Tom décide alors le regroupement de 120 maquisards aux Glières. Deux compagnies sont constituées.

À partir de février, et pendant six semaines, les accrochages se multiplient avec les Gardes Mobiles de Réserve (GMR) qui ceinturent le plateau sur lequel se trouvent, à la fin du mois de février, plus de 300 hommes formant trois compagnies.

Tom organise énergiquement, avec les moyens dont il dispose, la défense du site des Glières et instruit son bataillon pour en faire une unité forte et homogène, en vue des combats de la libération. Sous son impulsion, le bataillon - qui a adopté la devise "vivre libre ou mourir" - regroupe des membres de l'AS mais aussi des Franc-Tireurs et Partisans (FTP) et plusieurs dizaines de Républicains espagnols, réussissant l'amalgame entre les différentes branches armées de la résistance savoyarde.

Un premier parachutage de 54 containers permet de les équiper en armes légères.

Le 2 mars, il décide une opération contre l'Hôtel Beau séjour à Saint Jean de Sixt, où sont cantonnés les GMR. Trente d'entre eux sont faits prisonniers, monnaie d'échange en contrepartie de la libération de Michel Fournier, un étudiant en médecine, infirmier du maquis, arrêté au Grand Bornand quelques jours auparavant. Mais, malgré l'accord sur l'honneur de l'intendant de police Lelong d'Annecy, celui-ci reste détenu.

Le 5 mars, les Glières connaissent leur second parachutage de 30 containers. Pour obliger Lelong à respecter sa promesse et sur des renseignements précis, Tom décide alors de mener, dans la nuit du 9 mars 1944, contre le P.C. des GMR à Entremont, une opération importante dans laquelle il engage une centaine d'hommes. Il se réserve l'objectif principal : l'attaque de l'Hôtel de France, siège de l'Etat-major des forces de l'ordre. La section des éclaireurs-skieurs parvient à pénétrer à l'intérieur, au prix d'un combat acharné.

Au moment où les chasseurs désarment leurs prisonniers, le commandant Lefèvre, chef des GMR, sort de sa poche une arme restée cachée et tire lâchement à bout portant sur Tom Morel qui s'effondre, touché au coeur, avant d'être lui-même abattu.

Le lieutenant Théodose Morel est enterré par ses camarades, sur le plateau des Glières, le 13 mars. Le 2 mai 1944, son corps est descendu dans la vallée. Il est aujourd'hui inhumé au cimetière Militaire de Morette, aujourd'hui Nécropole Nationale des Glières, en Haute-Savoie.

  • Chevalier de la Légion d'Honneur
  • Compagnon de la Libération - décret du 20 novembre 1944
  • Croix de Guerre 1939-1945 (2 citations)

 

Source : http://www.ordredelaliberation.fr

Honoré d' Estienne d'Orves

1901-1941

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Portrait d'Honoré d'Estienne d'Orves. Source : www.ordredelaliberation.fr

 

Le 30 août 1941, les Parisiens apprennent, par une affiche jaune bordée de noir placardée sur les murs, que la veille " Henri Louis Honoré, comte d'Estiennes d'Orves, Français, né le 5 juin 1901 à Verrières ", condamné à mort pour espionnage par le tribunal allemand, a été fusillé ainsi que Maurice Barlier et Jan Doornik.

D'Estienne d'Orves est issu d'une longue lignée nobiliaire : les d'Estienne, vieille famille d'origine provençale, côté paternel, et les Vilmorin, côté maternel, familles légitimistes attirées par le christianisme social.

Études et loisirs, répartis équitablement, trament une jeunesse heureuse : il passe son bac en 1917, prépare Polytechnique en 1921, sur fond de voyages en France et en Europe. A sa sortie de Polytechnique, en août 1923, où ses condisciples l'ont décrit comme un homme affable, un esprit curieux, spirituel, il décide de servir dans la Royale. En octobre 1923, il est élève à bord de la Jeanne d'Arc. Ses embarquements successifs vont chaque fois l'emmener vers de nouveaux horizons : Du Brésil à la Chine, du Maroc à Bali, les escales sont pour lui autant d'occasions d'apprendre, de tenter de comprendre les hommes et leurs cultures.

En 1929, il s'est marié avec Eliane de Lorgeril, elle-même issue de la vieille noblesse bretonne. De cette union vont naître 5 enfants. 1939 : La guerre éclate. Le lieutenant de vaisseau d'Estienne d'Orves se trouve affecté sur le Duquesne, à l'état-major de la Force X qui, sous les ordres de l'amiral Godfroy, doit renforcer la flotte britannique de l'amiral Cunningham en Méditerranée orientale.

L'Armistice intervient alors que les Français sont à Alexandrie : un accord tacite entre les amiraux français et anglais évite l'affrontement entre les alliés de la veille, mais les bateaux français sont immobilisés. Cette inaction prévisible et la conscience de jouir encore d'une certaine liberté de manoeuvre vont conduire d'Estienne d'Orves à poursuivre le combat. Cette décision n'est pas sans déchirement : il sait qu'il devra laisser au loin sa famille, sa terre natale . ses origines, son éducation, sa position militaire même, auraient pu l'inciter à rester dans le camp où vont se retrouver la majorité de ses amis. Pourtant, écrira-t-il, "En continuant la lutte, j'ai pensé que j'agissais conformément à nos traditions". Et, sous le pseudonyme de Château vieux (du nom de l'une de ses aïeules), il publie un communiqué de presse annonçant la création du 1er Groupe marin.

Au début de juillet 1940, d'Estienne d'Orves offre ses services au général Legentilhomme, commandant des troupes françaises à Djibouti, qui a annoncé son intention de repousser l'Armistice et d'entraîner avec lui la colonie. Avec quelques autres officiers et marins, il gagne Suez où il rencontre le colonel de Larminat qui vient de passer à la France Libre. Le 23 juillet, il débarque de l'Antenor à Aden pour apprendre que Legentilhomme a échoué dans son projet. D'Estienne d'Orves décide alors de rejoindre la Grande-Bretagne où des bâtiments français attendent des équipages.

Embarqués le 2 août 1940 sur un vieux cargo armé, le Jehangir, d'Estienne d'Orves et ses compagnons arrivent à Londres fin septembre à bord d'un paquebot, l'Arundel Castle, après une équipée le long des côtes africaines.

Il n'aura jamais la satisfaction de reprendre la mer sur une passerelle de commandement : le réarmement des bateaux se fait en effet très lentement et, de plus, il s'avère être l'un des seuls officiers des Forces Navales Françaises Libres à avoir fait l'école de guerre. Le 1er octobre 1940, il est promu capitaine de corvette . il se voit donc affecté au 2ème Bureau de l'état-major. La tâche primordiale du service de renseignements de la France Libre vise bien sûr le pays occupé : connaître le mouvement des troupes ennemies, l'emplacement des aérodromes, les positions des batteries ...

Plusieurs missions ont déjà été envoyées dans ce but sur les côtes françaises. Devenu l'adjoint du colonel Passy, chef du B.C.R.A, d'Estienne d'Orves jette les bases d'un réseau, "Nemrod". Le 6 septembre 1940, Maurice Barlier est le premier agent à gagner la France . Jan Doornick le suit le 1er octobre.

Mais d'Estienne d'Orves veut bientôt aller lui-même sur place pour coordonner l'action de ses hommes, nouer les contacts indispensables, recruter d'autres agents. C'est à ce moment qu'il prend la tête du service, Passy étant appelé temporairement à d'autres fonctions. Etait-il prudent d'envoyer déjà en France occupée le chef des services secrets ? Passy doute même qu'au fond, cet homme foncièrement droit, d'une nature confiante, soit fait pour l'action clandestine. Mais le général de Gaulle donne son accord : Le 21 décembre 1940, le chalutier " la Marie-Louise" part de Newlyn, en Cornouailles, avec à son bord d'Estienne d'Orves - devenu "Jean-Pierre" - et un jeune radio alsacien, Alfred Geissler dit "Marty", qui débarquent le soir même non loin de la Pointe du Raz, avant d'être hébergés à Chantenay, près de Nantes. Des contacts sont pris avec les membres de "Nemrod", à Lorient, à Nantes. Le 25 décembre, la première liaison radio entre la France occupée et Londres est établie. Barlier est chargé de prospecter la région bordelaise, d'Estienne d'Orves s'occupant du Nord et de la région parisienne. Le 27 décembre, ce dernier est à Paris où il rencontre des pionniers de la Résistance.

De Bretagne, "Marty" envoie régulièrement d'importants messages vers Londres. Il se montre toutefois curieusement buveur et bavard. "Jean-Pierre", de retour à Nantes le 19 janvier 1941, décide de le ramener avec lui en Angleterre.

Mais "Marty", fils d'un Alsacien pro-nazi, germanophile lui-même, aurait déjà contacté ce même jour le contre-espionnage allemand, donnant les noms des 34 membres du réseau. De fait, les arrestations se succèdent - d' Estienne d'Orves est arrêté dans la nuit du 21 au 22 janvier - alors que "Marty" émet jusqu'en février de faux messages vers Londres. Les prisonniers sont successivement transférés à Nantes -où ils subissent les premiers interrogatoires - à Angers, à Paris et à Berlin, avant d'être à nouveau incarcérés à Paris, le 26 février, dans la prison du Cherche-Midi.

Le 13 mai 1941 commence son procès et celui de 26 de ses compagnons. Il durera 12 jours. D'Estienne d'Orves couvre ses co-détenus. Les juges militaires vont prononcer 9 sentences de mort et des peines de prison, après avoir, fait notable, rendu hommage à l'adversaire. Des recours en grâce sont déposés.

Le sursis dont va bénéficier notamment d'Estienne d'Orves est diversement expliqué : certains y voient le désir de Von Stülpnagel, le commandant militaire en France, d'attendre une occasion spectaculaire pour frapper les esprits . d'autres rappellent que la condamnation provoqua une forte émotion dans la marine, à Londres mais aussi à Vichy, au point que l'amiral Darlan intervint auprès des autorités allemandes.

Dans la prison du Cherche-Midi, puis |f dans celle de Fresnes, d'Estienne d'Orves lit, médite, prie, commente les grands classiques littéraires, entretient le moral de ses co-détenus. Surtout, il écrit. Son journal est un témoignage, presque au v-i sens religieux du terme : il raconte aux siens son enfance, leur laissant l'exemple d'un chrétien et d'un soldat. Périodes d'espoirs et de déceptions se succèdent au fil des jours. Son avocat, l'Oberleutnant Mörner, paraît confiant. Le 21 août 1941, l'aspirant Moser, de la Kriegsmarine, est abattu à Paris, dans la station de métro Barbès-Rochechouart. Le 22, le général Schaumburg, commandant du "Gross Paris", signe une ordonnance transformant désormais les Français arrêtés en otages. Parallèlement, le commandant militaire en France, Von Stülpnagel, a sans doute trouvé l'occasion de faire un exemple en exécutant des prisonniers déjà condamnés à mort.

Le 28 août 1941, d'Estienne d'Orves écrit à sa soeur, parlant de la France, " je meurs (...) pour sa liberté entière, j'espère que mon sacrifice lui servira".

"Que personne ne songe à me venger. Je ne désire que la paix dans la grandeur retrouvée de la France. Dites bien à tous que je meurs pour elle, pour sa liberté entière, et que j'espère que mon sacrifice lui servira. Je vous embrasse tous avec mon infinie tendresse.

Honoré"

Le lendemain, d'Estienne d'Orves, Barlier et Doornik - leurs 6 compagnons ont été graciés - sont emmenés au fort du Mont-Valérien.

C'est un matin ensoleillé. Devant poteau d'exécution, l'officier de marine se montre égal à lui-même, pardonnant publiquement à ses juges. Il avait écrit : " N'ayez à cause de moi de haine pour personne, chacun a fait son devoir pour sa propre patrie. Apprenez au contraire à connaitre et à comprendre mieux le caractère des peuples voisins de la France". A 6h30, les trois hommes sont fusillés.

D'Estienne d'Orves plaçait très haut le devoir d'obéir : II choisit pourtant de désobéir à ses supérieurs hiérarchiques au nom d'un idéal alors qu'il aurait pu trouver aisément sa place dans la France du maréchal Pétain. Jamais il ne l'envisagea, persuadé qu'un combat n'est jamais vraiment perdu tant qu'il subsiste la possibilité d'une action libre. Le 11 mars 1943, Aragon faisait paraitre son poème "La Rose et le Réséda" qui évoque le combat commun de "celui qui croyait au ciel et celui qui n'y croyait pas". D'Estienne d'Orves était le premier.

 

Source : Mindef/SGA/DMPA

Maurice Anjot

1904-1944

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Portrait du Capitaine Anjot. Source : Jourdan-Joubert L., Helgot J., Golliet P., Glières, Haute-Savoie : première bataille de la Résistance 31 janvier-26 mars 1944

dit "Bayart"

 

Né à Rennes, le 21 juillet 1904, Maurice Anjot grandit dans une famille qui conservait très vives les traditions religieuses et nationales. Il lui dut le sens du devoir et les qualités morales qui lui donnèrent, avant l'âge, une maturité de caractère et d'intelligence que ses chefs ont toujours admirée. C'était un homme vif et robuste. Au premier abord, on le trouvait réservé et froid . mais on sentait bien vite que, s'il se communiquait peu et ne cherchait pas à briller, c'est qu'il vivait intensément en lui-même, avec ses responsabilités, avec son idéal et avec sa foi.

Sa carrière militaire fut brillante. Sorti de Saint-Cyr en 1925, il y revint en 1929 comme instructeur pour six ans. Ses chefs notèrent toujours en lui " un rare ensemble de qualités morales, intellectuelles et physiques " qui en faisait un homme complet. Il apparaissait comme un " chef à la fois énergique et pondéré", faisant preuve d'un " jugement très sûr, de sens pratique, de coup-d'oeil et de tact ". Capitaine depuis 1935, il mérita, lors des combats sur l'Aisne et sur la Marne, une belle citation. C'est après l'Armistice qu'il fut affecté au 27e BCA d'Annecy.

Tel est l'officier d'élite qui se mit, dès le printemps 1941, au service de la Résistance. Des rapports de police pour « menées antigouvernementales », nous permettent de deviner le genre d'activité qu'il déploya pendant un an. On le voit multiplier les contacts avec les officiers de réserve pour constituer dans la région des bataillons secrets. « Au printemps 1941, dit un des témoins interrogés lors de l'enquête qui fut menée en automne 1942, j'ai reçu la visite du capitaine Danjot ou Anjot, adjudant-major du 27e chasseurs. Il était en civil et était venu en voiture. Il se présenta à moi, puis fit un tour d'horizon sur la situation de la France. Après leur défaite, en 1918, les Allemands avaient monté une organisation occulte pour refaire une armée. Il était normal que la France fît de même, me dit-il... Voici quelle était l'organisation du mouvement : il s'agissait de constituer dans chaque arrondissement, avec des éléments de réserve, un bataillon semblable aux bataillons de chasseurs, comprenant environ un millier d'hommes à mobiliser par convocation individuelle. »

C'était là un plan de résistance qui aurait été particulièrement efficace : il aurait, au moment voulu, fait surgir sur les arrières de l'ennemi une véritable armée de réserve élargissant brusquement l'armée d'armistice. Le projet était d'autant plus audacieux qu'il datait du début de 1941, à une époque où la masse des Français ne songeait guère à faire de la résistance à l'intérieur. L'invasion de la « zone libre », en novembre 1942, fit tout échouer. Il fallut trouver d'autres méthodes . mais le but restait le même : reconstituer des bataillons « pour le jour où, comme disait Anjot d'après un autre rapport de police, il faudrait nettoyer le pays ». Alors naquit l'armée secrète. Le capitaine Anjot en fut l'un des principaux artisans en Haute-Savoie, sous les ordres du colonel Vallette d'Osia.

Après l'arrestation de son chef, il connaît lui aussi la vie de proscrit. Il se laisse pousser la moustache et les favoris . il devient un autre homme, avec une autre identité. Il trouve un gîte chez des amis, puis chez un prêtre, puis dans une ferme. HIl est, dans la Résistance, ce qu'il était dans l'armée : un homme méthodique, travaillant avec obstination, poursuivant son idée sans relâche. Il assure lui-même les liaisons importantes . il centralise les renseignements . il s'assure des complicités et des concours -activité souterraine, dont lui seul a connu l'ampleur et la fécondité. Au moment de Glières, il n'hésite pas à se présenter à l'intendant de police, le colonel Lelong, pour parlementer. " Ma vie importe peu, dit-il à ceux qui veulent lui épargner les risques d'une pareille démarche, si je peux sauver celle des autres. " Quelques jours après, Tom fut tué dans l'engagement d'Entremont. Il fallait un officier qui se dévouât pour continuer l'entreprise envers et contre tout, afin que Glières restât Glières. Anjot se proposa et il se trouva que sa venue était ardemment souhaitée par les officiers du Plateau.

Il écrivit alors à sa femme une lettre où l'on sent bien quel homme il était : " Tu sais combien les événements ont marché depuis ton départ. La disparition brutale de notre camarade Morel a nécessité son remplacement. Si j'ai pris cette charge, c'est parce que j'ai jugé que mon devoir était là. Ne crois pas qu'il ne m'en a pas coûté de le faire, toi absente . mais peut-être que cette absence même m'a permis de surmonter plus librement le côté familial de la question. Nombreux sont ceux qui, par des sentiments plus ou moins lâches et faux, se laissent détourner actuellement du devoir national. En tant qu'officier, je ne puis le faire. Que cette décision soit acceptée par vous deux, Claude et toi, très crânement."

A ce testament spirituel, il ajoutait un petit mot pour son fils : " Je te recommande surtout d'être toujours très gentil avec ta maman. Sois très obéissant et toujours le bon petit élève que j'avais plaisir à faire travailler. Je rentrerai à la maison dès que je le pourrai et nous reprendrons notre vie d'avant. N'oublie pas ton papa dans tes prières. "

En fait, tandis qu'il essayait ainsi de rassurer les siens, il connaissait trop bien la situation pour être optimiste. Au lieu de vivre dans l'enthousiasme du Plateau, il avait dû suivre personnellement de près, jour par jour, la marche des événements . il savait toutes les menaces qui s'amoncelaient. Il n'espérait pas redescendre . il le fit comprendre à un ami, chez qui il passa sa dernière soirée avant d'aller prendre son commandement. Mais, toujours méthodique, il établit avec lui les plans d'une action concertée pour le cas où la situation n'évoluerait pas trop rapidement.

Il monta à Glières le 18 mars. C'était toute une expédition pour rejoindre le Plateau à travers les barrages. Il apportait le drapeau de la compagnie qu'il avait commandée au Pont de Kehl, afin de le faire flotter symboliquement à Glières. Il emmenait aussi avec lui sa vareuse de chasseur alpin : " Si je dois mourir, disait-il, je veux mourir Anjot " . c'est pourquoi, dès son arrivée moustache et favoris disparurent.

Les événements allèrent trop vite pour lui permettre de donner sa mesure. Pendant les huit jours où le Plateau put résister encore, il n'eut que le temps de s'installer dans son nouveau commandement et de renforcer hâtivement la défense. L'initiative appartenait désormais à l'adversaire . la grande idée d'Anjot fut de sauvegarder l'honneur en épargnant le plus possible la vie des hommes : c'est cette préoccupation du sort de plus de quatre cents jeunes gens qui lui avait inspiré de venir prendre cette charge désespérée. Après avoir refusé fièrement de traiter avec les miliciens, il mit en oeuvre tous les moyens disponibles pour soutenir l'attaque imminente. Le soir du 26 mars, quand les défenses furent irrémédiablement percées, il lança l'ordre d'évacuation, en donnant à chaque chef des instructions détaillées pour son repli. Il partit avec la nombreuse colonne qui s'engagea dans la gorge d'Ablon. Il était déjà parvenu au village de Nâves, en compagnie du lieutenant Lambert Dancet et de Vitipon, lorsqu'un barrage allemand ouvrit le feu sur leur petit groupe et sur les Espagnols qui suivaient. Ils ripostèrent, mais ils ne tardèrent pas à tomber. Anjot avait été atteint par une rafale de mitraillette. P. G.

 

Source : Jourdan-Joubert L., Helgot J., Golliet P., Glières, Haute-Savoie : première bataille de la Résistance 31 janvier-26 mars 1944, Annecy, Association des rescapés des Glières, 1994

Jean Rosenthal

1906-1993

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Portait de Jean Rosenthal. Source : www.ordredelaliberation.fr

 

Jean Rosenthal est né le 5 septembre 1906 à Paris dans le 1er arrondissement. Son père était marchand de pierres précieuses. Il fait ses études secondaires à l'Ecole Alsacienne, passe le baccalauréat et obtient une licence en droit.

En octobre 1925, il s'engage par devancement d'appel au titre du 1er Groupe d'Ouvriers d'Aéronautique. Nommé caporal en juin 1926, puis sergent en novembre, il est libéré en mai 1927.

Il travaille ensuite avec son père dans la joaillerie avant de se mettre à son compte, en 1935.

Mobilisé en septembre 1939 comme lieutenant de réserve, Jean Rosenthal est affecté à la 8ème Escadre aérienne. Démobilisé en juillet 1940, il réside dès lors dans sa maison familiale de Megève.

En décembre 1942, il décide de s'évader de France par l'Espagne . arrêté, il est incarcéré une quinzaine de jours à la prison de Pampelune puis, par Madrid et Lisbonne, il réussit à gagner la Grande-Bretagne le 23 janvier 1943.

Affecté en février 1943 comme lieutenant à la Force "L", il est dirigé sur Le Caire via Freetown et Lagos. Il rejoint Tripoli et les forces du général Leclerc le 25 mars 1943 . lieutenant de chars, il est envoyé en mission à Londres par le général Leclerc en juillet 1943.

Le 1er septembre 1943, il est incorporé au Bureau Central de Renseignements et d'Action (BCRA) et, après un bref stage d'instruction, se porte volontaire pour une mission en France occupée.

Dans la nuit du 21 au 22 septembre 1943, dans le cadre de la mission "Musc", il est déposé par opération aérienne sur le terrain "Junot" au carrefour des départements du Rhône, de l'Ain et de la Saône-et-Loire avec le colonel britannique Richard Heslop (alias "Xavier") du Special Opération Executive (SOE). Leur mission consiste à évaluer la situation des maquis de Haute-Savoie, leur besoin en armement et en ravitaillement, l'importance de leurs effectifs et leur niveau d'instruction. Il font la tournée des maquis pendant laquelle le capitaine Jean Rosenthal sous le nom de "Cantinier" installe un poste radio dans la gendarmerie de Megève.

Revenu à Londres par opération aérienne dans la nuit du 16 au 17 octobre afin de rendre compte directement au général de Gaulle, "Cantinier" se voit immédiatement confier une seconde mission. Il est désormais délégué de la France Libre et est déposé dans le Jura, sur le terrain "Orion", près de Bletterans, dans la nuit du 18 au 19 octobre, avec Xavier, le capitaine radio américain Denis O. Johnson dit Paul et Elisabeth Reynolds, agent de liaison. Il s'installe en Haute-Savoie dans la clandestinité. Dans son équipe figure notamment sa cousine Micheline Rosenthal dite Michette, âgée de seize ans, qui devient agent de liaison.

En compagnie de Bourgès-Maunoury, il rencontre Chaban-Delmas, mais surtout, précédant la mise en place des FFI, il négocie un accord avec les FTP. A Paris, il rencontre leur chef, Charles Tillon, et un gentleman agreement est conclu. Cantinier va pouvoir se consacrer aux grandes manoeuvres des Glières.

Il mène début 1944, en liaison avec les chefs des différents maquis, des missions périlleuses et notamment la délicate opération de sabotage des usines de roulements à bille Schmidt-Ross à Annecy qui interrompt la production de l'usine pendant plusieurs mois. Il organise également en février plusieurs parachutages sur le maquis des Glières.

Présent le 9 mars 1944 lors de l'expédition contre la garnison des GMR à Entremont au cours de laquelle Tom Morel est abattu, il participe à la défense du plateau des Glières et, après l'ordre de repli donné au maquis le 26 mars 1944, s'attache à préparer la libération de la Haute-Savoie.

Le 3 mai 1944, Jean Rosenthal retourne à Londres pour prendre des instructions et repart une nouvelle fois pour la France. Il est parachuté dans la nuit du 7 au 8 juin 1944, à Cluny en Saône-et-Loire, en compagnie de Maurice Bourgès-Maunoury et Paul Rivière, pour assurer la liaison entre les maquis et l'État-major interallié.

En août 1944, sous sa direction, les maquisards de Haute-Savoie libèrent le département, capturent 3 000 prisonniers et un important matériel de guerre . le 19 août 1944, il reçoit, à la préfecture de Haute-Savoie, en compagnie du Chef Régional FFI Nizier, la capitulation des forces allemandes commandées par le général Oberg.

En octobre 1944, Jean Rosenthal est muté à la Direction Générale des Etudes et Recheches (DGER) à Paris puis il se porte volontaire pour servir en Extrême-Orient contre les Japonais . il part de Londres en avril 1945 pour Calcutta où il est l'adjoint du chef de base . promu au grade de chef de bataillon, il prépare les parachutages et obtient des équipes de parachutistes de brillants résultats. Après plusieurs aller et retours à Paris, il rentre définitivement en mars 1946 et est démobilisé deux mois plus tard.

Dès lors, Jean Rosenthal reprend ses activités d'avant guerre et son métier de négociant en pierres précieuses. Il est Président de la Confédération Internationale des Bijoutiers, Joailliers, Orfèvres et Horlogers.

Colonel Honoraire, il assume également des responsabilités importantes au sein de la communauté juive comme président du CRIF et de l'Association Unifiée des Juifs de France.

Jean Rosenthal est décédé le 2 août 1993 à Garches (Hauts-de-Seine). Il a été inhumé au cimetière du Montparnasse à Paris.

 

  • Grand Officier de la Légion d'Honneur [list]Compagnon de la Libération - décret du 20 novembre 1944
  • Croix de Guerre 39/45 (6 citations)
  • Médaille Coloniale
  • Military Cross (GB)

 

Source : http://www.ordredelaliberation.fr

 

Émile Gilioli

1911-1977

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Portrait d'Emile Gilioli

Gilioli est l'un des chefs de file de l'abstraction lyrique dans la sculpture française des années 50 aux côtés de Brancusi et de Arp. Il a conçu le mémorial de la résistance du plateau des Glières (Haute-Savoie).

Émile Gilioli naît le 10 juin 1911, à Paris, dans une famille de cordonniers italiens installée au bord du canal Saint-Martin. Il apprend l'art de la forge dès l'enfance pendant les vacances dans sa famille paternelle dans les environs de Mantoue.

À la fin de la Première Guerre mondiale, les Gilioli se rapprochent de l'Italie en s'installant à Nice. Le jeune Emile travaille dans l'affaire familiale et suit en parallèle des cours à l'école des arts décoratifs de la ville. En 1928, il entre au service d'un artisan sculpteur pour qui il travaille pendant deux ans avant d'intégrer en tant que boursier l'Ecole des Beaux Arts de Paris. Il fréquente alors l'atelier de Jean Boucher où, comme de nombreux artistes de sa génération, il est influencé par le travail de Charles Malfray.

Mobilisé en 1939, il est envoyé à Grenoble et y reste jusqu'à la Libération. Sur place il se lie d'amitié avec Andry-Fracy, conservateur du musée de 1919 à 1949, qui lui transmet son intérêt pour le cubisme et le présente au peintre Closon, pionnier de l'abstraction française. C'est dans la cité grenobloise qu'il réalise sa première exposition personnelle à la galerie Laforge en 1945.

De retour à Paris, il anime la jeune école abstraite de Paris avec Poliakoff et Deyrolle, et expose ses oeuvres à la galerie Breteau en 1946. Il participe alors à la plupart des manifestations artistiques françaises et étrangères : le Salon des Réalités nouvelles en 1947, expose fréquemment au Salon de Mai, et au Salon de la Jeune Sculpture. Le musée Galliera lui consacre une exposition en 1968. Il expose la même année sa conception de l'art dans La Sculpture (édition Robert Morel).

La simplicité de son art où la forme et la matière se conditionnent réciproquement, inspiré à la fois de la Grèce archaïque, de la statuaire de l'ancienne Egypte, et du Cubisme, lui vaut d'honorer nombres de commandes publiques, notamment dans le département de l'Isère où il réalise le Mémorial de Voreppe en 1946, le monument aux morts des Déportés de Grenoble en 1950, le monument de la Chapelle-en-Vercors en 1951, le Gisant de Vassieux-en-Vercors en 1952, le Mémorial de la Résistance au plateau des Glières en 1973.

 

Insatiable travailleur, Gilioli signe Prière et Force, sculpture de béton à laquelle il se consacre de 1959 à 1963, La Mendiante (1962), Apparition de la Vierge à Bernadette (1964), une Fontaine pour l'Hôtel de Ville de Grenoble (1968). Parmi ses oeuvres de bronzier figurent ses Composition et Formes, un Cadran Solaire, des Soleil sur la montagne, ses Histoire crétoise, une Divinité, une Tête siennoise. Travaillant le marbre, il sculpte des Abstraction, L'Homme oiseau, Chloe, Tabernacle, et Forme Abstraite.

Ses gouaches et aquarelles révèlent une Composition pour le monument des Glières, des Compositions. A noter encore : une Composition bleu, rouge et noir (collage), une Vitesse (acier), une Composition transparente (résille), un Portrait de femme (fusain).

Les oeuvres d'Émile Gilioli sont exposées dans le monde entier, notamment : Musée National d'Art Moderne de Paris, Tate Gallery de Londres, Musée de Sculpture de Plaen Air de Middelheim d'Anvers, Museo de Arte Moderna de Sao-Paulo, Museum of Modern Art de New York, Musée Bezabel de Jerusalem, Musée de Peinture et de Sculpture de Grenoble, Musée des Beaux-Arts d'Ostende, Musée National d'Histoire et d'Art de Luxembourg, Centre Georges-Pompidou à Paris, Musée de Sculpture de la Ville de Paris, Museo de Bellas Artes de Caracas, Musée des Beaux-Arts de Dunkerque, Musée des Beaux-Arts de Rouen, Museo dei Bozzetti Pietrasanta, Kunsthaus de Zurich, Musée Fabre Montpellier.

Un de ses ateliers, "son grenier", aménagé dans une bâtisse acquise par la municipalité de Saint Martin de la Cluze en 1997, resté intact depuis sa disparition, est aujourd'hui ouvert au public.

 

Sources : Benezit E., Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs, t. 6, 1999 - Ragon M., dans : Nouveau dictionnaire de la sculpture moderne, Paris, Hazan, 1970.
 

 

 

Henri Romans Petit

1897 - 1980

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Portrait de Henri Romans-Petit. Source : site ordredelaliberation.fr

 

Fils d'un agent des chemins de fer, Henri Petit est né le 13 février 1897 à Firminy dans la Loire.

Il fait ses études au lycée de Saint-Etienne et s'engage en 1915 pour la durée de la guerre au 13e Bataillon de Chasseurs. Promu caporal puis sergent, il est cité à l'ordre de l'Armée et décoré de la Légion d'Honneur. Admis à Saint-Cyr en 1918 au titre des réserves, il en sort aspirant. Muté dans l'Aviation, il rejoint alors l'escadrille B.R.127 affectée au bombardement de jour. Il est nommé sous-lieutenant avant d'être démobilisé.

Reprenant ses études à Lyon, il obtient sa licence en droit et s'occupe alors des relations publiques et de la publicité pour des maisons d'édition. Il crée en 1928 à Saint-Etienne l'agence de publicité Stefa.

Capitaine de réserve dans l'aviation, il est rappelé en août 1939 et commande les bases aériennes de Cannes et de Nice. Refusant l'armistice de juin 1940, il tente en vain de rallier le général de Gaulle à Londres. En 1942 Henri Romans-Petit arrive dans l'Ain où il établit immédiatement des contacts avec la Résistance. Au bout de quelques mois, en décembre 1942, il commence à organiser l'hébergement de réfractaires du STO.

Il crée en juin 1943, près de Mongriffon, une école de cadres pour former les maquisards dont le nombre augmente sans cesse dans la région.

En juillet 1943, les camps, qui ne doivent pas, pour des raisons de sécurité et de mobilité, compter plus de 60 hommes, sont réellement structurés. Au même moment, les contacts se multiplient entre le maquis de l'Ain et l'Armée secrète (AS).

En septembre, sous la direction de Romans-Petit, les maquisards réalisent deux coups d'éclat : ils prennent un dépôt d'Intendance des Chantiers de Jeunesse à Artemare et l'Intendance de l'Armée à Bourg-en-Bresse.

En octobre 1943, Romans-Petit devient chef militaire, responsable de l'Armée secrète (AS) pour le département de l'Ain.

Le 11 novembre 1943, il organise le célèbre défilé d'une partie de ses troupes (250 hommes) à Oyonnax.

Devant une foule médusée puis ravie, il dépose une gerbe en forme de Croix de Lorraine au monument aux morts avant de quitter la ville en bon ordre. Le défilé d'Oyonnax, filmé par le fils de Henri Jaboulay, abondamment raconté par la presse clandestine et la radio de Londres, a un impact très important sur la population française et sur les Alliés pour lesquels la résistance armée française a désormais une existence concrète. A la fin de l'année, alors que les effectifs paramilitaires de l'Ain (AS et maquis) atteignent 2 000 hommes, il prend en main les forces clandestines et l'AS de Haute-Savoie en remplacement du commandant Vallette d'Osia . il y applique les mêmes principes que dans l'Ain : école de formation des cadres, action brève et repli rapide. Il est en liaison avec Londres par le biais de la mission "Musc" composée de Jean Rosenthal (Cantinier), chargé de l'inspection des maquis, et de Richard Heslop (Xavier) du SOE britannique.

Pour répondre au besoin de parachutages d'armes, il choisit le plateau des Glières près d'Annecy où, en janvier 1944, sont rassemblés tous les maquisards du département.

Il regagne l'Ain après avoir confié le commandement des Glières à "Tom" Morel.

Lorsque, 5 000 Allemands appuyés par de l'aviation attaquent en masse les camps du maquis de l'Ain, y massacrant les maquisards, Romans-Petit se rend immédiatement sur place . à ski, il part à la recherche des rescapés, passant au travers du dispositif allemand. Il réorganise ensuite le maquis et rencontre les responsables des forces du Haut-Jura.

Le 6 avril 1944, plusieurs milliers de soldats de la Wehrmacht sont rassemblés dans la région d'Ambérieu et donnent l'assaut le lendemain. Le colonel Romans-Petit décide alors de disperser les maquis . ceux-ci organisent néanmoins des opérations de sabotage de nuit. Les Allemands se vengent sur les villages d'Oyonnax et de Saint-Claude, entre autres. Le 6 juin 1944, prévenus du débarquement, les maquisards détruisent le dépôt d'Ambérieu, plaque tournante du réseau ferroviaire du sud-est. Cinquante-deux locomotives et dix machines outil sont rendues inutilisables.

Le même mois Henri Romans-Petit est fait Compagnon de la Libération par décret du général de Gaulle.

Le 11 juillet 1944, les Allemands tentent une contre-offensive d'envergure avec quelque 27 000 hommes. Les 5 000 maquisards du colonel Romans-Petit parviennent à résister malgré de violents combats. En septembre l'Ain est libéré.

Après la guerre, Henri Romans-Petit reprend son métier de publicitaire. Il est également administrateur de sociétés, notamment dans l'électronique. Président d'honneur des Anciens des maquis de l'Ain et de Haute-Savoie et président de l'Association nationale des Résistants de l'Air, il est également membre du comité directeur de la LICRA.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages sur la guerre et notamment Les Obstinés et, en 1974, Les Maquis de l'Ain.

Henri Romans-Petit est décédé le 1er novembre 1980 à Ceignes dans l'Ain. Ses obsèques se sont déroulées devant le mémorial du Val d'Enfer à Cerdon (Ain).

Il a été inhumé au cimetière d'Oyonnax.

 

  • Grand Officier de la Légion d'Honneur
  • Compagnon de la Libération - décret du 16 juin 1944
  • Croix de Guerre 14/18
  • Croix de Guerre 39/45
  • Médaille de la Résistance
  • Officier de la Legion of Merit (USA)
  • Distinguished Service Order (GB)
  • Officier de l'Ordre de Léopold (Belgique)
  • Croix de Guerre (Belgique)
  • Grand Officier du Nicham Iftikhar
  • Commandeur de l'Ordre du Mérite (Congo)
  • Officier de l'Ordre du Mérite (Cameroun)

 

Henri Romans-Petit est l'auteur de :

  • Les Obstinés, Editions Janicot, Lille 1945
  • L'Appel de l'aventure, Editions Dorian, Saint-Etienne 1947
  • Les Maquis de l'Ain, Hachette, Paris 1974

 

Source : http://www.ordredelaliberation.fr

Charles Lanrezac

1852 - 1925

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Portrait de Charles Lanrezac. Source : www.firstworldwar.com

 

Né à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) en 1852, Charles Louis Marie Lanrezac est une personnalité militaire atypique de la Grande Guerre : il est un des généraux dont le rôle stratégique est le plus controversé. Bien que relevé par le généralissime Joffre à la veille de la première bataille de la Marne, il évite, pendant ses trente-deux jours de commandement effectifs, l'anéantissement de l'armée française en août 1914.

Créole guadeloupéen, fils d'un officier arrivé par le rang, Victor Lanrezac, dont le père, Auguste, s'était fait établir des faux papiers au nom de Lanrezac, anagramme de Cazernal à des fins d'anonymat, Charles Louis Marie Lanrezac est issu d'une famille de petite noblesse toulousaine dont l'aïeul Augustin Théreze de Quinquiry d'Olive, d'une famille toulousaine de petite noblesse, avait été obligé de vendre ses biens au lieu dit de "Cazernal" - transcription erronée de "du Cabanial - avant d'émigrer à Hambourg afin d'échapper à la Terreur. Au gré des garnisons, la modeste famille Lanrezac réside à Cherbourg lorsque, titulaire d'une bourse accordée par le préfet de la Manche, Charles entre à l'école impériale spéciale militaire de Saint-Cyr 75e sur 250, après avoir été renvoyé du Prytanée militaire de La Flèche en septembre 1869. A peine un an plus tard, le 14 août 1870, le sous-lieutenant Charles Lanrezac rejoint sa première affectation au 13e régiment d'infanterie.

Le 20 septembre, le Second Empire déchu, le Gouvernement de défense nationale décide de poursuivre la lutte en levant de nouvelles armées. Le jeune militaire est affecté au 15e corps d'armée, la future armée de la Loire, commandé par le général de la Motte Rouge puis le général d'Aurelle de Paladines. Les positions françaises autours d'Orléans enfoncées, l'armée doit évacuer la ville à partir du 11 octobre. Lanrezac, lors de la bataille de Coulmiers (9 novembre), des combats au nord d'Orléans (24 novembre) montre beaucoup de courage et se retrouve provisoirement promu lieutenant et décoré sur le champ de bataille de la Légion d'Honneur. En janvier 1871, son corps rejoint l'armée de l'Est du général Bourbaki afin de tenter de dégager Belfort et de prendre à revers les Prussiens en Alsace. L'entreprise est vaine. Le lieutenant Lanrezac participe aux combats d'Héricourt (15-17 janvier), reste avec son unité à Besançon afin de couvrir la retraite de l'armée, et échappe de peu à l'internement en Suisse après la bataille de Larnod, le 20 janvier.

La guerre terminée, Lanrezac termine sa formation d'officier à Saint-Cyr et rejoint sa nouvelle unité, le 30e régiment d'infanterie, à Annecy. Il entame alors une carrière militaire des plus classiques. Il se marie à Paris en 1873 avec Félicie Marie-Louise Dutau, une réunionnaise, cousine de sa mère. Passé capitaine le 21 février 1876 au 24e régiment d'infanterie, il obtint son brevet d'état-major en 1879, est nommé professeur d'art militaire adjoint à Saint-Cyr, avant d'intégrer l'état-major de la brigade d'occupation de la Tunisie au 113e pendant cinq ans. Ses brillants états de service et son aptitude au commandement lui valent d'être nommé professeur à l'école supérieure de guerre, et finalement d'être promu chef de bataillon à l'ancienneté en juillet 1892.

De 1896 à 1899 il est nommé au 104e RI, à Paris. Parallèlement, il enseigne l'histoire militaire, la stratégie et la tactique générale à l'école militaire. Travailleur doté d'une personnalité haute en couleurs (qui lui vaut déjà quelques remarques), pédagogue averti, son enseignement est rapidement apprécié des cadres et suscite l'enthousiasme des élèves. Lieutenant-colonel, il devient en 1898 sous-directeur des études à l'école supérieure de guerre. Trois ans plus tard, il gagne ses galons de colonel et reçoit le commandement du 119e RI de Paris où il "s'est révélé aussi bon chef de corps qu'éminent professeur", notera sa hiérarchie.

En mars 1906, il commande par intérim la 43e brigade de Vannes et reçoit au mois de mai ses étoiles de général de brigade. Reconnu par sa hiérarchie, il officie en tant que chef d'état-major d'une armée lors des exercices de mobilisations dans les Vosges en 1908. Son ascension se poursuit en 1909 : il devient, en mai, commandant en chef de la défense des places du groupe de Reims dont il est le gouverneur, et devient membre du Comité technique d'état-major au mois d'août, organe consultatif auprès du ministre de la Guerre. En 1911, il commande la 20e division d'infanterie de Saint-Malo, devenant général de division en mars. Et, bientôt au faîte de sa gloire, Lanrezac se fait remarquer par le général Lyautey - "quand une armée possède un chef de cette valeur, c'est au premier rang qu'il doit être" écrit-il le 13 novembre 1911 - qui ajoute, en 1912, à son commandement les départements du Finistère, de la Loire-inférieure (Loire-Atlantique), du Morbihan et de la Vendée. C'est à nouveau sur ses conseils qu'il quitte son commandement le 10 avril 1914 pour entrer au Conseil supérieur de la guerre. Il succède au général Galliéni à la tête de la Ve armée le 24 avril 1914, et est élevé, à la veille de la guerre à la dignité de commandeur de la Légion d'Honneur, à l'âge de soixante ans.

La guerre déclarée, Lanrezac prend le commandement de la Ve armée après une brève réunion de chefs d'état-major qu'il juge décevante en raison de l'apparente absence de stratégie du général Joffre. Familier de la langue et de la pensée germanique, il fait remettre, le 31 juillet 1914, un rapport au généralissime dans lequel il met en évidence l'importance du secteur de la Meuse . le document sera sans suite. Il a sous ses ordres 300 000 hommes, 800 canons, 110 000 chevaux et 21 000 véhicules. Dans la première quinzaine d'août, il établit son quartier général à Rethel et concentre ses troupes entre Vouziers et Aubenton avant de faire mouvement vers la frontière nord-est. Le 6 août, il reçoit l'ordre de prêter main forte au troupes belges sur la Meuse, alors que les Allemands, passés en Belgique depuis le 3 août, assiègent la ville de Liège. Lanrezac obtient l'autorisation de porter une de ses unités vers le Nord, en avant du fleuve et parvient à repousser un corps de cavalerie allemand dans le secteur de Dinant, le 15 août. Cet épisode amène le généralissime à déployer l'armée de Lanrezac sur la frontière nord (vers Jeumont et Charleroi) où, avec les Britanniques du maréchal French, les armées alliées couvrent les fronts nord et est jusqu'à Maubeuge. A partir du 21 août, Joffre décide de concentrer l'offensive sur le front belge et les Ardennes, contre les Ve, VIe armées du Reich, la IIe armée de von Bülow et la Ie armée de von Kluck. Du 21 au 23 août, les affrontements autour de Charleroi, à Tamines, Roselies, Mons tournent à la défaveur des troupes franco-britanniques qui, suivant les ordres de l'état-major, attaquent désespérément un ennemi retranché et masqué. L'armée française est menacée d'encerclement, d'anéantissement donc. Le 23 août, Lanrezac décide de passer outre les consignes de combat à outrance du généralissime et ordonne la retraite, échappe aux armées allemandes, entérinant l'abandon du plan d'attaque XVII deux jours après. Cette bravade lui vaut l'inimitié d'officiers de l'entourage de Joffre, lequel envisage dès lors de se passer de ses services. La même attitude prélude aux combats de Guise, entre le 26 et le 29 août 1914. Ayant reçu l'ordre de porter l'attaque vers le Nord afin de venir en aide au 2e corps anglais qui s'est fait surprendre au Cateau, Lanrezac obtient une journée afin de permettre à son armée de se reposer et de préparer son attaque. Le 29 août, il place ses troupes en équerre : le 10e corps au nord-nord-ouest sur la rive sud de l'Oise, vers Guise, les 3e et 18e corps complétés de troupes de réserve glissent le long du fleuve et se présentent par l'Ouest face aux Allemands.

L'attaque conjointe appuyée par les batteries de 75 surprend l'état-major allemand, qui abandonne le plan Schlieffen. Paris est sauvée. Von Bülow renonce à poursuivre le maréchal French et n'aura de cesse de talonner la Ve armée. Cette dernière, en effet, a remporté une victoire défensive, mais l'initiative reste aux mains des Ie et IIe armées allemandes qui tentent d'encercler Lanrezac et ses hommes, découverts sur leurs flancs et battant toujours en retraite. Les Français atteignent la Marne, la franchissent et installent le quartier général à Sézanne. Le 3 septembre, à 17 heures, Lanrezac est relevé de son commandement et remplacé par le général Franchet d'Espérey... Deux jours plus tard la première bataille de la Marne commence.

Les raisons de cette destitution sont multiples : l'entêtement d'un chef que seul ses troupes intéresse, ses penchants à contester les ordres, ses mauvais rapports avec le maréchal French alors que l'état-major français déploie des trésors d'ingéniosité pour ménager son allié, la reconnaissance implicite de la supériorité stratégique allemande dont le plan d'action (plan Schlieffen) est offensif et mobile alors que le plan XVII n'est qu'un plan de concentration de troupes, la nécessité de trouver des coupables pour expliquer cette "débâcle" des premiers engagements. Lanrezac écrira plus tard : "A la place du général Joffre, j'aurais agi comme lui . nous n'avions pas la même manière de voir les choses, ni au point de vue tactique ni au point de vue stratégique . nous ne pouvions pas nous entendre... J'étais bien décidé à ne pas attaquer le généralissime, car je n'avais pas le droit de juger ses actes sur les autres parties du champ de bataille."

Lanrezac est mis à la disposition du général Galliéni, gouverneur militaire de Paris, qui l'envoie à Bordeaux où le Gouvernement s'est réfugié. A partir du mois d'octobre, Lanrezac se voit confier des missions ponctuelles : inspecteur des centres d'instruction des élèves de l'école militaire de Saint-Cyr en octobre 1914, inspecteur de l'école normale supérieure et de l'école forestière en 1915, inspecteur général des camps et dépôts d'infanterie des XIXe et XXe régions en février 1916, etc. Fin 1916, le généralissime est limogé. L'état-major et le Gouvernement cherchent à réparer l'injustice en proposant des postes à la hauteur de ses compétences. Lanrezac les repousse et obtient du général Lyautey le poste d'inspecteur de l'instruction de l'infanterie. Pétain, promu généralissime, le fait élever à la dignité de Grand Officier de la Légion d'Honneur le 3 juillet : "par sa science militaire et son habileté à exécuter une manoeuvre des plus difficiles au cours de laquelle il a remporté des succès marqués et a rendu au pays les plus éminents services". Le 1er août 1917, Charles Lanrezac quitte le service actif pour raisons de santé.

L'entreprise de réhabilitation du général commence alors. Plusieurs articles d'Engerand, député du Calvados, parus dans Le Correspondant en 1917 et 1918 reviennent sur le bien fondé de son limogeage. Le général de Maud'huy dans un article publié dans le Gaulois, en 1920, écrit que Lanrezac a sauvé la France à Charleroi. Le général Palat dans son Histoire de la Grande Guerre porte à la connaissance du public français le respect de ses anciens adversaires, von Bülow et von Hausen. En 1922, le général déchu Lanrezac est décoré de la grand-croix de la Couronne de Belgique avec Croix de guerre avec palme en raison de Charleroi. Le 29 août 1924, date anniversaire de la bataille de Guise, la grand-croix de la Légion d'Honneur lui est accordée. Elle réhabilite la mémoire du général. Les insignes lui sont remis le 6 septembre, à Neuilly-sur-Seine, par le maréchal Pétain et le ministre de la Guerre, le général Nollet.

Charles Lanrezac décède le 18 janvier 1925. Sur sa tombe au cimetière de Montmartre est inscrit : "A celui qui, en août 1914, sauva la France".

Forme ultime de réhabilitation et de reconnaissance nationale : le général Lanrezac repose aux Invalides depuis 1933.

 
Source : "Lanrezac, Charles." Encyclopædia Britannica, 2006. Beau G., En Août 1914, Lanrezac a-t-il sauvé la France ?, Paris, Presses de la Cité, 1964. Engerand F., Lanrezac, Paris, Bossard, 1926