Simone MICHEL-LEVY

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Résistante exécutée, compagnon de la Libération

 

Simone, Joséphine, Françoise Michel-Lévy, née le 17 janvier 1914 à Chaussun (39-Jura), décédée le 13 avril 1945 à Flossenbürg (Allemagne). Grade : commandant. 

 

Rédactrice pour les PTT, Simone Michel-Lévy entre dans la Résistance en décembre 1940. Elle participe à la création en 1941 du réseau « Action-PTT » où elle met en place un système de boîtes aux lettres pour les communications secrètes. Le 1er janvier 1943, elle rejoint le réseau « Confrérie Notre-Dame » (CND), puis l’Organisation Civile et Militaire (OCM). Elle est arrêtée par la police allemande le 5 novembre 1943 à Paris. Torturée, elle est déportée le 15 janvier 1944 à Ravensbrück puis au camp de Holleichen en Tchécoslovaquie où elle travaille dans une usine d’armement, tout en sabotant la production de son atelier ce qui lui vaut d’être condamnée à mort. Elle est transférée à Flossenbürg où elle est pendue dix jours avant la libération du camp.


• Morte pour la France

• Chevalier de la Légion d’honneur

• Compagnon de la Libération

• Croix de guerre 1939-1945

• Médaille de la Résistance française

• De nombreuses rues et bâtiments publics portent son nom.

 


 
Sources : SHD : GR 16 P 417594.
Vladimir Trouplin, Dictionnaire des Compagnons de la Libération, Bordeaux, Elytis, 2010.
Jacques Péquériau, Simone-Michel Lévy, Besançon, éd. Cètre, 2007.

Eugénie MÉLIKA DJENDI

(1923-1945)

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Volontaire du Corps féminin des transmissions, déportée, exécutée

 

Eugénie Mélika Manon Djendi, née le 8 avril 1923 à Bône (aujourd’hui Bejaïa – Algérie), fusillée le 18 janvier 1945 à Ravensbrück (Allemagne). Grade : sous-lieutenant. Eugénie Djendi s’engage le 11 janvier 1943, dans le Corps féminin des transmissions (CFT) créé par le général Lucien Merlin et participe à la campagne de Tunisie. Avec ses camarades, Marie-Louise Cloarec, Pierrette Louin et Suzanne Mertzizen, elle est sollicitée à l’automne 1943 pour rejoindre les services de contre-espionnage du colonel Paillole à Alger (SSMF-TR). Après un stage d’opératrice radio et de parachutiste, elle rejoint l’Angleterre le 20 mars 1943 et se porte volontaire pour accomplir une mission au profit du BCRA. Parachutée en France occupée début avril, elle est arrêtée le 27 avril. Interrogée par police allemande, elle refuse de divulguer ses informations et est déportée au camp de Ravensbrück où elle retrouve ses trois camarades du CFT. Elles sont exécutées ensemble le 18 janvier 1945.


• Morte pour la France

• Chevalier de la Légion d’honneur

• Croix de guerre 1939-1945

• Médaille de la Résistance française

• Les noms d’Eugénie Djendi et de ses trois autres camarades exécutées le même jour figurent sur plusieurs monuments, à Suresnes, Ravensbrück, Tempsford

(Bedfordshire, Royaume-Uni) et Ramatuelle (Var) et sur le monument aux morts communal du village d’Ucciani (Corse-du-Sud)

• Le jardin où est situé le Monument aux morts pour la France en opérations extérieures, à Paris, porte son nom. 

 


 

Sources : SHD : GR 16 P 187055 ; AC 21 P 153848 ; AC 21 P 481 079.
Dominique Camusso, Marie-Antoinette Arrio, La vie brisée d’Eugénie Djendi de l’Algérie à Ravensbrück,
la légende et la mémoire, Paris, l’Harmattan, 2020. 

Pierrette LOUIN

(1920-1945)

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Volontaire du Corps féminin des transmissions (CFT), déportée, exécutée

 

Pierrette Denise Louin, née le 1er octobre 1920 à Oran (Algérie), exécutée le 18 janvier 1945 à Ravensbrück (Allemagne). Pierrette Louin s’engage en 1943 dans le Corps féminin des transmissions (CFT) créé par le général Lucien Merlin et participe à la campagne de Tunisie. Avec ses camarades, Marie-Louise Cloarec, Eugénie Djendi et Suzanne Mertzizen, elle est sollicitée à l’automne 1943 pour rejoindre les services de contre-espionnage du colonel Paillole à Alger (SSMF-TR). Après un stage d’opératrice radio et de parachutiste, elle se rend en Angleterre le 20 mars 1943 et se porte volontaire pour accomplir une mission au profit du BCRA. Parachutée en France occupée début avril, elle est arrêtée le 27 avril. Interrogée par police allemande, elle refuse de divulguer ses informations et est déportée au camp de Ravensbrück où elle retrouve ses trois camarades du CFT. Elles sont exécutées ensemble le 18 janvier 1945.


• Morte pour la France

• Chevalier de la Légion d’honneur

• Croix de guerre 1939-1945

• Médaille de la Résistance française

• Une rue porte son nom à Toulouse

• Les noms de Pierrette Louin et de ses trois autres camarades exécutées le même jour figurent sur plusieurs monuments, à Suresnes, Ravensbrück, Tempsford (Bedfordshire, Royaume-Uni) et Ramatuelle (Var) et sur le monument aux morts communal du village d’Ucciani (Corse-du-Sud)


 

Sources : SHD : GR 16 P 378007 ; GR 28 P 4 23 259 ; AC 21 P 437 089

Bernard O’Connor, Agents Françaises : French Women infiltrated into France during the Second

World War, 2017, s.l., p. 424.

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L’hiver d’une libération. La difficile campagne d’Alsace (novembre 1944-mars 1945)

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Colonne de blindés du 501e RCC aux environs de Strasbourg.  © Gabriel Raphel/ECPAD/Défense

À partir du printemps 1944,  la coordination des offensives alliées entérine la situation défensive de l’Allemagne nazie. À l’Est comme à l’Ouest, les combats se rapprochent des frontières allemandes. Pourtant, selon le Haut-commandement allemand, le combat doit être systématiquement mené jusqu’au dernier homme. Le 20 juillet 1944, l’attentat manqué contre Hitler provoque un raidissement à l’égard de la Wehrmacht : l’encadrement est renouvelé, la surveillance se renforce et le pouvoir coercitif s’exerce sans plus de retenue.

Albanie, Macédoine du Nord, les commémorations du 11 novembre

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Portail d'entrée du cimetière militaire français de Bitola.

À l’occasion du 11 novembre, la mission de défense de Tirana a organisé les cérémonies de commémoration de Tijana et de Bitola.

Mars 1945, un débarquement allemand à Granville

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1944. La ville haute de Granville. © NARA.

Le 6 juin 1944 est inscrit dans la mémoire collective comme un tournant de la Seconde Guerre mondiale. Pourtant, l’histoire du Débarquement débute bien avant le D-Day, ne serait-ce que lors des conférences diplomatiques interalliées et se déroule aussi bien au-delà, car la journée du 6 juin n’est que le prélude à la longue et difficile bataille de Normandie. S’appuyant sur le dernier état de la recherche, cet article revient sur une tentative méconnue de contre-attaque allemande.

1945, sorties de guerre

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Sommaire

    En résumé

    La victoire sur le nazisme, plus que toute autre victoire, laisse aussi un goût amer, celui de l’horreur et de la barbarie de cette guerre mondiale qu’il est essentiel de rappeler : l’immensité des destructions, la souffrance des prisonniers pendant cinq années de captivité et surtout l’ampleur des pertes humaines dans la population civile, tout comme le caractère indicible de l’extermination et de l’horreur des camps, dont très peu reviennent.

    L’écroulement du IIIe Reich et la capitulation japonaise signent la fin d’un conflit dont le bilan humain, matériel et moral pèse lourdement sur la détermination à reconstruire, y compris un nouvel ordre international, augurant déjà de nouvelles tensions. Historien, spécialiste de la Seconde Guerre mondiale et de la Résistance, Fabrice Grenard donne un aperçu complet de la situation: entre traumatisme et renouveau, l’année 1945 est décisive.

    Avec la victoire des Alliés sur les forces de l’Axe en Europe (8 mai) puis en Asie (2 septembre), 1945 marque la fin de Seconde Guerre mondiale et entraîne l’espoir que cesse le cycle de guerres et de crises économiques débuté en 1914, avec l’émergence d’un monde nouveau, plus égalitaire et plus pacifique. La parenthèse du conflit ne peut toutefois se refermer immédiatement, au regard de son terrible bilan humain et matériel mais aussi du choc psychologique et moral très grave provoqué par la politique d’extermination mise en œuvre par les nazis ou les bombardements atomiques contre le Japon, qui entretiennent un sentiment de fin de civilisation.

    Dernières batailles

    Du 4 au 11 février 1945, Churchill, Roosevelt et Staline, les chefs des trois puissances alliées, se réunissent à Yalta en Crimée alors que se prépare l’assaut final contre l’Allemagne. Sur le front de l’Est, les Soviétiques ont atteint les rives de l’Oder fin janvier et ne sont plus qu’à 75 km de Berlin. La découverte par l’Armée rouge de l’immense complexe d’Auschwitz le 27 janvier confirme au monde entier les terribles réalités de l’univers concentrationnaire nazi et l’évidence de l’extermination des Juifs. Sur le front ouest, la tentative de contre-offensive allemande dans les Ardennes déclenchée le 16 décembre 1944 a été stoppée début janvier.

    Américains, Britanniques et Français peuvent reprendre leur progression vers le Reich et envisager de franchir le Rhin. À Yalta, les Alliés s’accordent pour une capitulation « sans condition » de l’Allemagne. Les zones d’opération des différentes armées alliées deviendront après la capitulation les zones d’occupation respectives de l’URSS, de la Grande-Bretagne, des États-Unis et de la France, pour laquelle une telle zone est prévue (bien qu’elle ne soit pas représentée à Yalta) en raison de son rôle dans la campagne finale contre le Reich mais aussi pour permettre aux Occidentaux de peser davantage face aux Soviétiques. Cette occupation de l’Allemagne devra s’accompagner d’une dénazification et d’une démocratisation du pays. Roosevelt a également obtenu à Yalta que l’URSS entre en guerre contre le Japon, une fois que les opérations seront terminées sur le sol européen.

    Sur le front occidental, l’offensive finale est lancée début mars 1945. Fin mars, le Rhin est partout franchi. La grande zone industrielle de la Ruhr est aux mains des Alliés à la mi-avril. Aux côtés des Américains et des Britanniques, la France prend toute sa part dans cette offensive, ce qui permet à l’armée française de renaître après l’humiliante défaite de 1940. La 1re armée du général de Lattre de Tassigny, qui a succédé à l’armée B débarquée en Provence le 15 août 1944 après l’amalgame opéré avec les Forces françaises de l’intérieur (FFI), reçoit le surnom de « Rhin et Danube » en raison de ses victoires. Elle s’illustre notamment lors des prises de Karlsruhe et Stuttgart. La 2e Division blindée (DB) du général Leclerc s’empare du « nid d’aigle » d’Hitler à Berchtesgaden le 4 mai 1945.

    Le 25 avril, à Torgau, sur l’Elbe, les troupes alliées venues de l’Ouest font leur jonction avec l’Armée rouge qui a lancé à l’Est son attaque finale le 12 avril. Alors que Berlin est totalement encerclée, Hitler se suicide le 30 avril. L’amiral Dönitz, que le Führer a désigné comme son successeur dans son testament, tente d’obtenir un cessez-le-feu séparé avec les Alliés occidentaux afin de poursuivre le combat contre l’Armée rouge. Il s’agit également de permettre le passage d’un maximum d’unités allemandes derrière les lignes américaines pour leur éviter de tomber aux mains des Soviétiques. Mais Eisenhower refusant une reddition séparée, une capitulation générale du Reich est signée dans la nuit du 7 mai 1945 à Reims, où le général américain a installé son état-major. Staline exige toutefois qu’une seconde cérémonie soit organisée le 8 mai à Berlin, en zone soviétique et en présence du maréchal Joukov. Le général de Lattre y représente la France. L’acte de capitulation entre en vigueur le 8 mai 1945 à 23h01, soit le 9 mai à Moscou, date retenue en URSS comme date de la victoire. La guerre cesse dans toute l’Europe. En France, les dernières poches allemandes de Dunkerque, Lorient et Saint-Nazaire se rendent entre le 9 et le 11 mai 1945.

    Le 8 mai 1945 ne marque toutefois pas la fin de la Seconde Guerre mondiale, qui se poursuit en Asie. Alors que les Américains envisageaient initialement la possibilité d’un débarquement au Japon, la conquête des îles d’Iwoshima (février-mars) et d’Okinawa (mars-avril) provoque de très lourdes pertes et illustre le jusqu’au-boutisme des Japonais qui préfèrent le suicide à la reddition. Les bombardements du Japon s’intensifient. Le 8 mars, 2 000 tonnes de bombes sont déversées sur Tokyo, où périssent 83 000 victimes. Pour accélérer la fin de la guerre mais aussi révéler au monde entier, et plus particulièrement aux Soviétiques, la maîtrise par les Américains d’une arme nouvelle de destruction, la bombe atomique, le président Truman, qui a succédé à Roosevelt après son décès en avril, décide de lancer en août 1945 deux attaques nucléaires contre les villes d’Hiroshima et de Nagasaki, qui font un total d’au moins 200 000 victimes.

    Ruines du bâtiment de l’industrie après l’explosion de la bombe atomique larguée par l’armée américaine. Hiroshima, 9 août 1945.
    © SZ Photo / Bridgeman Images


    Le 14 août, le gouvernement japonais accepte les conditions alliées. Le 2 septembre 1945, le général Mac Arthur préside en baie de Tokyo, sur le cuirassé « Missouri », la cérémonie de reddition du Japon. Elle marque la fin d’un conflit mondial qui avait débuté dès 1937 en Asie avec l’invasion de la partie orientale de la Chine par le Japon, en 1939 en Europe avec l’invasion de la Pologne par l’Allemagne.

    Pour la première fois dans l’histoire, une justice militaire internationale est mise en place afin de juger les responsables de la guerre pour leurs crimes. Le procès de Nuremberg, chargé de juger les dirigeants nazis, s’ouvre le 20 novembre 1945. Le tribunal prononcera en octobre 1946 douze condamnations à mort suivies d’exécutions. Ce procès marque une étape importante car il définit la notion de crime contre l’humanité. Il a également permis de révéler au grand public la réalité du génocide juif qui était resté largement ignoré jusqu’à la découverte des centres de mises à mort par les armées alliées. Le procès de Tokyo chargé de juger les dirigeants japonais (à l’exception de l’empereur) se tiendra pour sa part entre avril 1946 et novembre 1948.

    Des morts et des ruines

    Dans les pays alliés, l’annonce de la capitulation allemande le 8 mai 1945 donne lieu à d’importantes manifestations pour célébrer le jour de la victoire (Victory day) sur le Reich. À Londres, la foule envahit Trafalgar Square. À Whitehall, le discours patriotique prononcé par Churchill sur le rôle déterminant dans la victoire de la Grande-Bretagne, qui a longtemps lutté seule contre le Reich, galvanise les Londoniens. À Paris, la ferveur s’est également emparée de la rue. Les Parisiens se sont rassemblés pour écouter le discours de De Gaulle annonçant la capitulation allemande, diffusé dans toutes les rues de la ville. À 15 heures, les cloches de Notre-Dame, comme celles de toutes les églises de France, sonnent la fin de la guerre en Europe.

    Les 8 et 9 mai ayant été déclarés fériés, deux jours de célébrations se développent dans toute la France, avec de nombreux rassemblements patriotiques, défilés et bals populaires. À New York, une grande parade de la victoire est organisée dans les rues de la ville. Partout dans le monde, on célèbre la victoire sur le nazisme et la fin de la guerre en Europe, même si celle-ci se poursuit encore plusieurs mois dans le Pacifique.

    Mais cette célébration intervient dans une Europe en ruines. La fin des combats ne peut marquer un retour immédiat à la normale dès lors que les conséquences d’une guerre ayant fait plus de 60 millions de morts et provoqué des destructions matérielles immenses vont se faire sentir encore longtemps. Des villes ont été entièrement détruites par les bombardements, comme Dresde ou Cologne en Allemagne, Le Havre ou Dunkerque en France.

    Si elles apparaissent plus dures dans les pays vaincus et occupés par les Alliés, les restrictions restent importantes dans les pays vainqueurs. En France, au printemps 1945, le nombre de calories fournies par le ravitaillement officiel n’est encore que de 1 376, loin donc des 2 200 calories quotidiennes indispensables. Dans ces conditions, le ravitaillement reste, pour les Français, une véritable obsession. D’après les sondages de l’époque, il occupe même le premier rang des préoccupations de la population et le ministre du Ravitaillement, Paul Ramadier, est surnommé « Ramadan » ou « Ramadiète ». En Grande-Bretagne, même si les rations officielles apparaissent un peu plus élevées qu’en France, les restrictions se maintiennent également au sortir de la guerre. Elles ne disparaîtront définitivement dans ces deux pays qu’à la charnière des années 1949-1950.

     

    File d’attente devant une boulangerie juste avant le retour du rationnement du pain, Paris, 31 décembre 1945.
    © Keystone - France / Gamma Rapho


    Les contraintes et sacrifices, que doivent encore endurer les populations du fait des conséquences de la guerre, s’accompagnent toutefois d’importantes promesses pour des « jours meilleurs » avec la mise en place de réformes structurelles importantes qui redéfinissent les règles sur le plan économique et social avec l’émergence des « États-providence ». En Grande-Bretagne, le gouvernement Attlee qui accède au pouvoir en juillet 1945 après la victoire des travaillistes s’inspire du rapport Beveridge de 1942 pour créer le Service national de Santé (National Health Service) et adopte un large programme de nationalisations. En France, la plupart des réformes proposées dans le programme adopté par le Conseil national de la Résistance en mars 1944 (sécurité sociale, « retour à la nation des grands moyens de production monopolisés », pouvoirs étendus des syndicats dans les entreprises) sont mises en place entre l’automne 1944 et le début 1946.

    Mouvements et déplacements de population

    La fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe s’accompagne de gigantesques mouvements de populations qui s’expliquent par deux phénomènes différents. Le premier concerne la libération de plus de 20 millions de personnes qui avaient été transférées au sein du Reich à la suite des politiques d’extermination, de travail forcé et d’épuration ethnique conduites par l’Allemagne nazie. La question du retour de ces dispaced persons (DPs) constitue un enjeu important sur le plan logistique et provoque également certaines tensions entre les Alliés alors qu’une partie des « déracinés » originaires de l’Europe de l’Est souhaite obtenir le droit d’émigrer vers l’Ouest, ce que refuse Staline.

     

    Des personnes déplacées attendent près de Hanovre des camions, pour être rapatriés aux Pays-Bas, en Belgique et en France. Allemagne, 9 mai 1945.
    © USHMM, National Archives Record Administration, College Park


    La France est le second pays d’Europe (après l’URSS) à compter le plus grand nombre de ses compatriotes retenus en Allemagne (environ deux millions de personnes, soit 5 % de la population). Parmi eux, une majorité de prisonniers de guerre (1 million), 600 000 requis du STO, 60 000 déportés raciaux ou politiques (seuls 2 500 Juifs sur les 76 000 déportés de France ont survécu), mais aussi 100 000 Alsaciens-Lorrains incorporés de force dans la Wehrmacht. Menés sous l’égide du ministère des Prisonniers, des Déportés et des Réfugiés, que dirige Henri Frenay, les retours s’effectuent entre le début du printemps et l’été 1945.

    En dépit de ses efforts, le ministère est rapidement critiqué. Les formalités administratives sont jugées trop longues, l’accueil n’est pas toujours à la hauteur de ce qu’attendent les rapatriés. Les efforts pour réunir l’ensemble des rapatriés en une même catégorie (« Ils sont unis, ne les divisez pas » demandent des affiches éditées par les fédérations nationales de rapatriés) n’empêchent pas qu’une hiérarchie s’installe.

     

    Affiche du mouvement national des prisonniers de guerre et déportés, 1945.
    © François Guénet / akg images


    Les résistants et déportés politiques sont accueillis en héros. Pour les prisonniers de guerre, si leur longue absence leur confère un accueil chaleureux de la part des populations, leur statut rappelle le déshonneur de la défaite de 1940. L’indifférence est plus grande à l’égard des travailleurs requis qui ont accepté de partir en Allemagne. Et plus encore à l’égard des déportés raciaux dont la vue provoque une sorte d’effroi et renvoie au sujet tabou de la complicité de l’État français dans la déportation. Les rapatriés, qui n’ont pas pu participer à la « fête » de la Libération, retrouvent la France alors que la vie y a déjà repris, y compris la vie politique puisque les élections municipales d’avril 1945 ont lieu avant leur retour. La réinsertion se révèle souvent compliquée, aussi bien sur les plans psychologique, professionnel ou familial (50 000 divorces sont prononcés entre 1945 et 1948). Elle apparaît plus difficile encore pour les déportés raciaux, qui ne retrouvent souvent personne à leur retour et doivent continuer à vivre avec un traumatisme insurmontable.

    La libération des territoires, qui avaient été colonisés par les populations allemandes à l’est de l’Europe, et la redéfinition des frontières en Europe centrale et orientale entraînent un exode massif et des déplacements forcés des Allemands vers l’ouest, qui concerne plus de 12 millions de personnes. Dès 1944, des millions d’Allemands vivant dans les régions orientales du Reich avaient fui face à l’avancée de l’Armée rouge. Après la capitulation, les minorités allemandes de Tchécoslovaquie, Roumanie, Yougoslavie ou encore Hongrie sont chassées de ces pays. Le déplacement de la frontière polonaise vers l’ouest, jusqu’à la ligne Oder-Neiss, entraîne l’évacuation des populations allemandes des territoires concernés. Ces déplacements se développent dans un contexte très difficile et s’accompagnent de nombreux lynchages et massacres qui font plusieurs dizaines de milliers de victimes. Lors de la conférence de Postdam (juillet 1945), les Alliés tentent de mettre en place un système d’encadrement des flux dans leurs zones d’occupation respectives. Afin de favoriser la construction d’États-nations aussi homogènes que possibles, des échanges de populations sont également organisés entre l’URSS et la Pologne, la Hongrie et la Tchécoslovaquie, du fait des nouvelles frontières établies entre ces différents pays.

    Quelle place pour la France dans le nouvel ordre mondial ?

    La fin de la guerre accouche d’un nouvel ordre mondial, dominé par les États-Unis et l’URSS, qui s’imposent comme les deux nouvelles super-puissances alors que le conflit a accéléré le déclin de la « vieille Europe », y compris de la Grande-Bretagne, contrainte sous la pression américaine de renoncer à ses ambitions coloniales et qui sort exsangue de la guerre. Alors que l’État français dirigé par Pétain s’était largement compromis par sa politique de collaboration avec l’Allemagne entre 1940 et 1944, l’existence de la France libre dans le camp allié et le rôle important joué par la Résistance française lors des combats de la Libération ont permis de sauver l’essentiel.

    La France figure bien dans le camp des vainqueurs en 1945. Elle a échappé au projet d’occupation militaire que souhaitaient mettre en place les Américains dans le cadre de l’Allied Military Government of Occupied Territories (AMGOT) et, en octobre 1944, le Gouvernement provisoire de la République française (GPRF), présidé par de Gaulle, est reconnu par les Alliés. Son statut de vainqueur lui permet d’obtenir une zone d’occupation en Allemagne ainsi qu’un siège permanent au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies, nouvelle institution internationale visant à préserver la paix dans le monde et le respect du droit international, dont le principe avait été discuté à Yalta, et qui est officiellement entérinée après la conférence de San Francisco (juillet 1945).

    Mais la France voit à la fin de la guerre sa domination coloniale contestée, avec des révoltes qui éclatent dans plusieurs parties de l’Empire. En Algérie, à l’annonce de la capitulation du Reich, des manifestations nationalistes ont lieu à Sétif, Guelma et Kherrata, avec la présence de drapeaux algériens et de slogans favorables à l’indépendance. La répression au cours des semaines suivantes fera entre 10 et 20 000 morts. En Asie, Hô Chi Minh, qui dirige le Vietminh, profite de la défaite du Japon pour proclamer le 2 septembre 1945 l’indépendance du Vietnam. Les deux grandes guerres de décolonisation qui éclateront par la suite apparaissent ainsi en germe dès 1945. Surtout, la France est un pays qui sort meurtri et divisé de quatre années d’occupation. L’unité de façade qui s’était manifestée au sein du GPRF en 1944, comme un prolongement de l’unification de la Résistance, commence à se fissurer dès 1945.

     

    Séance de clôture de la conférence de San Francisco, le 26 juin 1945.
    © Alamy


    Des divisions se développent notamment autour de l’épuration, que certains (les communistes) souhaitent importante, alors que d’autres cherchent à en limiter davantage les effets. L’avenir institutionnel du pays ne fait également pas consensus. Si la Résistance pèse lourd sur un plan symbolique au sortir de la guerre, elle ne parvient pas à s’imposer comme une force politique nouvelle capable de redessiner le paysage politique, comme avaient pu l’espérer certains de ses membres. L’organisation des premières élections démocratiques de l’après-guerre (auxquelles les femmes participent pour la première fois) permet d’élire de nouvelles municipalités dans toute la France au printemps 1945. Elles marquent le retour au premier plan des partis politiques traditionnels et donnent la victoire aux trois grands partis de gauche : le Parti communiste français (PCF), la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) et le Mouvement républicain populaire (MRP). Le 21 octobre 1945, les Français élisent une assemblée et décident par référendum de la doter de pouvoirs constituants : cela signifie qu’ils souhaitent changer de régime et non rester dans le cadre de la IIIe République. De Gaulle est élu chef du gouvernement provisoire par l’Assemblée. Mais un désaccord éclate entre le général et l’Assemblée sur les futures institutions. Alors que le premier défend un régime présidentiel, les partis de gauche actent la mise en place d’un régime parlementaire. De Gaulle démissionne le 20 janvier 1946 et quitte un pouvoir qu’il ne retrouvera qu’en 1958. La refondation, qu’il souhaitait pour donner à la France la stabilité institutionnelle nécessaire à la mise en oeuvre de la politique de « grandeur » qu’il appelait de ses vœux, attendra donc douze ans.

    Auteur

    Fabrice Grenard, historien et directeur scientifique de la Fondation de la Résistance

    Articles de la revue

    Les étrangers dans la France libre

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    Sommaire

      En résumé

      Le dossier retrace l’engagement aux côtés des combattants de la France libre de nombreux volontaires étrangers.

      Durant la Seconde Guerre mondiale, la résistance au nazisme est l’œuvre d’hommes et de femmes de toutes conditions sociales et de toutes nationalités. Des étrangers, fuyant leur pays pour des raisons politiques ou économiques, se sont engagés dans ce combat, souvent jusqu’à la mort.

      La France libre offre le singulier exemple d’une tour de Babel militaire. Sur les 63 000 engagés volontaires qui ont combattu dans les rangs des Forces françaises libres (FFL), du 18 juin 1940 au 31 juillet 1943 (date de leur fusion avec l’armée d’Afrique), on dénombre environ 32 000 soldats coloniaux et 3 000 étrangers, soit 56% de l’effectif, contre 44% de citoyens français. À côté de forts contingents d’Espagnols, de Polonais ou de Belges, on trouve aussi des poignées d’Argentins, de Canadiens, de Britanniques, de Roumains, de Yougoslaves et même une dizaine de Chinois, trois Cubains et deux Équatoriens. Si les soldats coloniaux ne sont pas étudiés dans ce dossier, on essaiera de dresser le tableau de ces milliers d’étrangers qui, au lendemain de la défaite, sur la base du volontariat et au péril de leur vie, décidèrent de servir la France.

      Le nombre de ces étrangers n’est pas aisé à estimer dans la mesure où les fiches d’engagement dans les FFL ne mentionnent pas systématiquement la nationalité du volontaire. Difficulté encore renforcée par la forte proportion, parmi les étrangers, de légionnaires qui pouvaient s’engager sous un nom et une nationalité d’emprunt. Et que dire des nombreux volontaires possédant une double nationalité ou des apatrides ? Au Levant, où les FFL recrutèrent fortement, il est souvent difficile de distinguer qui se cache derrière les nationalités mentionnées sur les fiches d’engagement : « Arméniens » (plus de 300), « Palestiniens » (comprenons, selon les termes de l’époque, des juifs de Palestine ; environ 200), « Turcs », « Libanais », « Syriens » ou « Druzzes ». Au total, plus de trente nationalités cohabitent sous l’uniforme à Croix de Lorraine. Malgré cette somme de difficultés, on peut estimer à 2800 le nombre des étrangers et à 200 celui des volontaires à la nationalité incertaine, mais dont on peut supposer qu’ils étaient étrangers au moment de l’engagement. Le nombre total d’étrangers est donc de l’ordre de 3000 individus, soit 8,5% des non-coloniaux et 4,7% de l’ensemble de l’effectif.

      À leur manière, les FFL constituent ainsi une autre forme de « brigades internationales », même si les effectifs étrangers y furent nettement moindres, ainsi que montré par l’historien Rémi Skoutelski : environ 130 Britanniques dans les FFL contre 1 800 dans les brigades, 90 « Français libres » américains et canadiens contre 2 800 brigadistes, 260 Belges contre plus de 1 700, une vingtaine de Néerlandais contre 630.

      La Légion étrangère dans la France libre

      Dans la mesure où les FFL ont par trois fois puisé dans le vivier de la Légion – à l’été 1940 avec la 13e Demi-brigade de Légion étrangère (DBLE), puis à l’été 1941 avec le 6e Régiment étranger d’infanterie (REI) au Levant, enfin, par de nombreuses désertions en Algérie au printemps 1943 – les origines de ces volontaires étrangers sont fortement déterminées par la nature des engagements dans la Légion étrangère à la fin de l’entre-deux-guerres. À cet égard, comme l’indique l’historien britannique Douglas Porch, plusieurs phénomènes retiennent l’attention.

      a 13e DBLE rejoint les forces de la France libre. Défilé du général de Gaulle à Londres, le 14 juillet 1940. © Musée de l'Ordre de la Libération

      La 13e DBLE rejoint les forces de la France libre. Défilé du général de Gaulle à Londres, le 14 juillet 1940.
      © Musée de l'Ordre de la Libération

      Dès la déclaration de guerre, comme en 1914, mais à une échelle encore plus importante, les volontaires étrangers affluent vers les armées françaises : 64 000 demandes d’engagement en 1939, 83 000 en février 1940, soit deux fois plus qu’en 1914. Pour la seule année 1939 et pour la seule Légion étrangère, Porch comptabilise 3 050 volontaires espagnols, 800 Tchèques, 640 Italiens, 530 Polonais. En outre, les origines de ces étrangers sont très polarisées et 75% d’entre eux appartiennent à trois groupes principaux : républicains espagnols, Tchèques et Juifs d’Europe centrale, auxquels s’ajoute un contingent nettement moins important d’antifascistes allemands, autrichiens ou italiens. Ce portrait de groupe est donc très différent de celui des engagés de la Légion de 1914 où prédominaient Italiens, Russes, Alsaciens-Lorrains, Espagnols, Suisses, Grecs. Il diffère également des lignes de force de la Légion de l’entre-deux-guerres, nettement dominée par les Russes, les Allemands et les Italiens. Enfin, comme en 1914, l’attitude des autorités françaises à l’égard de ces étrangers est des plus ambiguës, oscillant entre l’encouragement à l’engagement et la méfiance, dans le contexte de xénophobie rampante de la fin des années 1930.

      Au sein de la Légion, l’amalgame se passe plutôt mal. Les volontaires étrangers, dans leur grande majorité, ne souhaitaient pas servir dans la Légion dont l’image à la fin des années 1930 était sulfureuse et négative. En outre, le choc des cultures est violent entre la « vieille légion », composée de soldats professionnels et apolitiques, et ces « nouveaux légionnaires » politisés et rétifs aussi bien à l’esprit légionnaire qu’à sa discipline de fer. Ainsi, les Espagnols, habitués à la discipline relâchée de l’armée républicaine, sont particulièrement hostiles au « dressage » légionnaire. Enfin, l’encadrement de la Légion ne trouve rien de mieux que de confier l’entraînement des nouveaux venus à des sous-officiers parmi lesquels se trouvent de nombreux Allemands, engagés dans les années 1920, et qui ne vouent un amour débordant ni aux Juifs ni aux communistes.

      Au sein de la Légion, l’amalgame se passe plutôt mal. Les volontaires étrangers, dans leur grande majorité, ne souhaitaient pas servir dans la Légion dont l’image à la fin des années 1930 était sulfureuse et négative. En outre, le choc des cultures est violent entre la « vieille légion », composée de soldats professionnels et apolitiques, et ces « nouveaux légionnaires » politisés et rétifs aussi bien à l’esprit légionnaire qu’à sa discipline de fer. Ainsi, les Espagnols, habitués à la discipline relâchée de l’armée républicaine, sont particulièrement hostiles au « dressage » légionnaire. Enfin, l’encadrement de la Légion ne trouve rien de mieux que de confier l’entraînement des nouveaux venus à des sous-officiers parmi lesquels se trouvent de nombreux Allemands, engagés dans les années 1920, et qui ne vouent un amour débordant ni aux Juifs ni aux communistes.

      23 avril 1940. Départ de la 13e DBMLE pour la Norvège.

      Cérémonie avant le départ de la 13e DBMLE pour la Norvège. 23 avril 1940. L'amiral Jean de Laborde, commandant en chef des forces maritimes de l'Ouest (Amiral Ouest), se fait présenter les officiers par le lieutenant-colonel Magrin-Vernerey, commandant la 13e demi-brigade de Légion étrangère.
      © Marine 224-3150 - Jammaron / ECPAD / Défense

      C’est dans ce contexte qu’est formée, le 27 mars 1940, la 13e DBLE, par l’association de deux bataillons d’un peu plus de 1 000 hommes, que le haut-commandement français envoie en Norvège « couper la route du fer » à l’Allemagne. La 13e DBLE est commandée par un grand soldat, le lieutenant-colonel Magrin-Vernerey (le futur « Monclar »), sept fois blessé durant la Grande Guerre. La « 13 » fournit un bel exemple de l’association de la « vieille » et de la « nouvelle » Légion puisqu’à une moitié de légionnaires de métier est associé un gros quart d’Espagnols et d’importants contingents de Tchèques et de Juifs d’Europe centrale. Après la campagne de Norvège, où la 13e DBLE combat plus qu’honorablement, le choix décisif s’opère au camp de Trentham Park, près de Stoke-on-Trent. Le 1er juillet 1940, sur les 1 619 rescapés de Norvège, 989 décident de rejoindre de Gaulle et les FFL et de rester en Angleterre, alors que 630 choisissent de rentrer en France ou d’être rapatriés au Maroc. À titre de comparaison, l’écrasante majorité des chasseurs alpins qui formaient l’autre moitié de la force expéditionnaire, sous les ordres du colonel Béthouart, choisissent le rapatriement vers le Maroc.

      Espagnols, Polonais, Belges, Italiens et Allemands entre immigration et antifascisme

      Sans surprise, on retrouve également dans les rangs des FFL les lignes de force de l’immigration en France de l’entre-deux-guerres : forte présence de frontaliers (Espagnols, Belges, Italiens), de Polonais de la vague migratoire des années 1920 et, plus récemment, de Juifs ayant fui les persécutions d’Europe centrale. Les républicains espagnols constituent, avec les Polonais et les Belges, le principal groupe d’étrangers chez les FFL. Après la victoire franquiste, un grand nombre de républicains, jusque-là internés dans des camps du sud de la France, signent un engagement à la Légion étrangère. Leurs motivations sont diverses, de l’antifascisme militant à la volonté de fuir des camps sordides, sans compter la peur d’être livrés à Franco. Environ 350 de ces Espagnols sont
      affectés à la 13e DBLE envoyée en Norvège. Au terme de la campagne de Norvège, ils refusent farouchement de rentrer en France et, après diverses péripéties, la majorité d’entre eux décide de rallier les FFL. Au même moment, au Levant, une vingtaine d’autres Espagnols désertent du 6e REI et gagnent la Palestine britannique ; ils sont incorporés au 1er bataillon d’infanterie de marine, quand celui-ci est créé en août 1940. À ces engagements de 1940, s’ajoutent les ralliements de nouveaux légionnaires espagnols au terme des combats fratricides de Syrie de juin 1941, puis, après la libération de l’Afrique du Nord à la fin de 1942, ceux d’un nombre non négligeable de nouveaux républicains espagnols (mais aussi d’Italiens antifascistes) jusque-là internés par Vichy en Afrique française du Nord (AFN). Ne négligeons pas non plus la tentative, même avortée, de création d’un « bataillon basque ». En mai 1941, la France libre et le Conseil national basque en exil à Londres signèrent un accord en vertu duquel les soldats de l’ex armée du gouvernement autonome de Bilbao présents sur le sol anglais, mais aussi les Basques d’Amérique pourraient s’engager dans les FFL. À cet effet, en septembre 1941, fut formé le 3e bataillon de fusiliers marins, sous les ordres du colonel Marenco, ancien officier basque de l’armée républicaine espagnole. Le bataillon fut dissous en mars 1942, à la fois en raison du faible nombre des engagés (66 Basques) et des difficultés diplomatiques soulevées par les Britanniques, peu enclins à alimenter le séparatisme basque.

      Au total, on peut estimer qu’environ 500 anciens républicains espagnols ont rejoint les FFL. Ils ont été répartis en deux principaux groupes : la plupart des « anciens » de 1940 sont demeurés à la 13e DBLE tandis que les ralliés de 1943 ont été dirigés vers la 2e Division blindée (DB), où ils ont été regroupés à la 9e compagnie (la « Nueve ») du 3e bataillon du régiment de marche du Tchad, commandé par le capitaine Raymond Dronne et dont les chars portaient le nom de batailles de la guerre d’Espagne. Ces Espagnols sont les premiers à entrer dans Paris le 24 août 1944 au soir, avec une section du 501e Régiment de chars de combat (RCC).

      25 août 1944. Rue de Rivoli, blindé espagnol de la 2e DB du général Leclerc.

      Blindé espagnol de la 2e DB du général Leclerc acclamé par la foule rue de Rivoli, à la hauteur de la place de l’Hôtel-de-Ville. 25 août 1944.
      © LAPI / Roger-Viollet

      Si la démarche politique prime probablement chez les républicains espagnols, les raisons de l’engagement sont plus complexes à déterminer pour les Italiens, dont le nombre est proche de 300 dans les FFL. Dans leur cas, se mêlent l’attachement à la France consécutif à l’immigration et au mariage avec des Françaises, l’antifascisme ou le rejet de la politique xénophobe de Vichy. Ces Italiens partagent avec leurs camarades français et allemands la particularité (que n’ont pas connue les Espagnols) d’avoir eu à surmonter les cas de conscience liés à la lutte contre leur propre patrie ; en Érythrée, au Fezzan en Lybie, en Tunisie, les combats des Français libres ont d’abord été tournés contre l’armée italienne. Certains de ces Italiens, comme le sergent Augusto Bruschi, de la 13e DBLE, mort à Keren le 15 mars 1941, sont tombés sous les obus italiens.

      Gustavo Camerini est une des grandes figures de l’antifascisme français libre. Né en 1907 à Alexandrie dans une riche famille de banquiers milanais installés en Égypte, il est avocat et officier de réserve de l’armée italienne. Son antifascisme le pousse à souscrire un engagement dans la Légion étrangère en 1939. De retour de Norvège, il rallie les FFL où il sert toute la guerre à la 13e DBLE, sous le nom de « Clarence », au grade de capitaine. Figure pittoresque de la France libre, sorte de « Gatsby italo-égyptien », il obtient de séjourner, entre deux campagnes, dans sa belle villa du Caire où il donne de fastueuses réceptions. Mais le mondain n’étouffe pas le guerrier ; une grave blessure par les Italiens à Massaouah (8 avril 1941), un comportement héroïque à Bir Hakeim, puis en Tunisie et encore en Italie (deux nouvelles blessures, cette fois face aux Allemands) lui valent la Croix de la Libération (il est l’un des deux Italiens avec Ettore Toneatti à avoir obtenu cette distinction). Après la guerre, il poursuit une brillante carrière d’avocat auprès de la Cour d’appel de Milan et de la Cour de cassation italienne.

      Le lieutenant Gustavo Camerini (1907 - 2001) dit Clarence, ici en Érythrée en 1941.
      © Tallandier / Bridgeman Images

      Les Allemands et les Autrichiens furent à peine moins nombreux que les Italiens dans les rangs des FFL (environ 250). Leur situation était pourtant très différente. Environ 1 500 Allemands avaient souscrit des engagements à la Légion durant l’entre-deux guerres. Après la défaite de la France, leur position à la Légion devient intenable. Un grand nombre d’entre eux, humiliés de servir dans une armée vaincue, ne cachent pas leur intention de retourner dans leur pays. Le gouvernement allemand multiplie les pressions de toutes sortes sur Vichy pour récupérer « ses » légionnaires. L’article 19 de la Convention d’armistice impose à Vichy de fournir à la Commission allemande d’application la liste des soldats de l’armée de l’armistice, ce qui lézarde le « sanctuaire » qu’offre traditionnellement la Légion à ses hommes. Malgré la résistance de Weygand, haut-commissaire en Afrique du Nord, qui envoie les plus exposés en Indochine, Vichy cède peu à peu et, le 31 mars 1942, le gouvernement ordonne que tous les légionnaires allemands rencontrent un délégué militaire allemand pour trancher leur destin. La plupart choisissent de regagner la mère patrie et nombre d’entre eux rejoignent le 361e Infanterie Regiment (avril 1942), lui-même intégré à la 90e Leichte Division de l’Afrika Korps. L’engagement de cette division contre le camp de Bir Hakeim en juin 1942 conduisit ainsi à d’impitoyables combats fratricides entre légionnaires de la « 13 » et ex-légionnaires allemands.

      Il n’est pas facile de percer les raisons du ralliement aux FFL des Allemands et des Autrichiens : antinazisme ? esprit de corps de la Légion ? amour de la France ? peur des représailles en Allemagne ? contingences matérielles ou personnelles ? À cet égard, il est significatif d’observer que le ralliement le plus important des FFL germanophones se produit au terme de la campagne de Syrie, c'est-à-dire dans des circonstances qui leur offrent la possibilité d’être rapatriés vers l’AFN. Avec beaucoup de prudence, on peut donc supposer que priment chez eux des sentiments d’ordre politique.

      Destins croisés

      On n’en finirait pas d’égrener les destins, parfois tragiques, de ces étrangers au service de la France. La figure de Dimitri Amilakvari (naturalisé français en mars 1940), héritier d’une famille princière de Géorgie qui a fui la révolution bolchévique, saint-cyrien et héros légendaire de la Légion, mort en octobre 1942 à El-Alamein, est bien connue. Stanislas Malec-Natlacen est un combattant d’un genre certes différent, mais tout aussi hors du commun. Né en Slovénie en 1913 dans l’empire des Habsbourg, il s’installe en France et est ordonné prêtre en 1938. Dans le même temps, ce colosse de près de deux mètres s’engage dans la Légion étrangère comme aumônier et rallie les FFL en juillet 1940 après la campagne de Norvège. Il sert toute la guerre comme aumônier-capitaine de la 13e DBLE et il est, à ce titre, plusieurs fois blessé, en particulier à Pontecorvo en mai 1944. Compagnon de la Libération, il travaille d’abord au Haut-Comité pour les réfugiés de l’ONU après la guerre, puis il part diriger un laboratoire de recherche en agronomie en Australie.

      El Tag, Égypte, 10 août 1942. Le capitaine aumônier Malec-Natlacen, Victor Mirkin, John Hasey et le lieutenant-colonel Amilakvari lors de la remise de sa croix de la Libération

      De gauche à droite : Le capitaine aumônier Malec-Natlacen, Victor Mirkin, John Hasey et le lieutenant-colonel Amilakvari lors de la remise de sa croix de la Libération à El Tag (Égypte), 10 août 1942
      © Musée de l’Ordre de la Libération / © Collection familiale

      Destinée singulière également que celle de Victor Mirkin. Né en 1909 en Russie dans une riche famille de la bourgeoisie juive de Saint-Pétersbourg, il fuit la Révolution avec ses parents qui s’installent en France. Diplômé de la faculté de droit de Paris, avocat aux barreaux de Paris et Londres, polyglotte, il réside en Palestine à la veille de la guerre, où il administre les kibboutz que finance le baron de Rothschild pour le compte de l’Organisation sioniste mondiale. Naturalisé français, il est mobilisé comme officier de réserve en 1939 et la défaite le surprend au Levant. Aussitôt, il déserte avec quelques compagnons et gagne la Palestine, où il s’engage dans les FFL. Il sert comme capitaine au bataillon du Pacifique, s’illustre à Bir Hakeim et meurt au combat, le 22 novembre 1944, à Grosmagny, dans les Vosges. Pour totalement atypique qu’il soit, le parcours de John Hasey témoigne également de l’extrême diversité des « Français » libres. Ce jeune étudiant américain (né en 1916), fils d’un combattant engagé volontaire de la Grande Guerre, était venu s’installer à Paris à la fin des années 1930 pour y parfaire son français. Employé chez Cartier, il abandonne brusquement l’univers du luxe parisien et s’engage en décembre 1939 dans un corps sanitaire américain qui part porter secours à la Finlande. Gravement blessé par les Soviétiques, il est rapatrié dans son pays pour y être soigné, mais il revient en France au printemps 1940, où il a juste le temps de sauter dans un bateau pour gagner l’Angleterre via l’Espagne. En août 1940, il s’engage à la 13e DBLE où il est d’abord affecté au service de santé avant de rejoindre une unité combattante. Le 20 juin 1941, il
      est très grièvement blessé en Syrie, la mâchoire arrachée. Au terme d’une nouvelle convalescence, il est affecté à des postes moins exposés, instructeur au bataillon des Antilles, puis officier-interprète à l’état-major de Koenig à Londres en 1944. Après la guerre, cet inlassable baroudeur poursuit sa carrière à la Central Intelligence Agency (CIA), dirige une dizaine de bureaux de l’Agence à l’étranger et finit à la tête de l’une des sous-directions de Langley. Il est l’un des quatre Américains « Compagnons de la Libération ». Les trois autres sont le général Eisenhower, le lieutenant James Worden du service de santé de la 1re Division française libre (DFL) et l’adjudant franco- américain Jacques Tartière, jeune premier de Hollywood mort en Syrie en juin 1941.

      Destin singulier encore que celui de Jacob Kramer. Né à Magdebourg en 1902, ce juif allemand s’engage en 1920 comme simple soldat dans la Légion étrangère sous le nom de « Renard » et il gravit peu à peu les échelons. Lieutenant en 1939, il participe à la campagne de Norvège et rallie les FFL en juillet 1940. Affecté à la 13e DBLE, puis aux transmissions de la 1re DFL, il est grièvement blessé à Bir Hakeim et doit être amputé d’une jambe. Il reprend néanmoins son poste dans les transmissions, puis comme chef des services spéciaux en Corse. Après la guerre, Kramer-Renard poursuit une carrière militaire et prend sa retraite de colonel en 1958. Hermann Eckstein et Jacob Kramer sont les deux seuls Allemands à avoir été faits « Compagnons de la Libération ».

      Les Forces françaises libres présentent le visage d’une tour de Babel militaire fondée sur le volontariat, dont il y a peu d’exemples au XXe siècle à l’exception des Brigades internationales. Association d’un morceau de Coloniale, d’un bout de Légion, d’une cohorte d’antifascistes et d’immigrés européens, de contingents issus du melting-pot levantin et d’aventuriers venus du bout du monde, elles préfigurent, jusque dans leurs proportions, en comptant les soldats colonisés, ce que sera l’armée « française » d’Indochine.

      Auteur

      Jean-François Muracciole Historien, professeur d'histoire contemporaine à l'Université Paul-Valéry de Montpellier

      Les étrangers dans la résistance française

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