1944 : Opération overlord (n° 244)

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Le retour à la République (n°247)

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Fred Moore

1920-2017

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©Musée de l'ordre de la Libération

Colonel (h) Fred Moore - Chancelier d’honneur de l’ordre de la Libération - 8 avril 1920-16 septembre 2017

 

Fred Moore est né le 8 avril 1920 à Brest. Son père, ancien officier de la Royal Navy, naturalisé français en 1926, est commerçant à Amiens dès 1921.

Après ses études au Lycée d'Amiens, Fred Moore entre à l'Ecole Nationale d'Optique à Morez dans le Jura.

Trop jeune pour être mobilisé, il s'engage comme volontaire en mai 1940 au titre du Bataillon de l'Air n° 117 stationné à Chartres, mais ne peut rejoindre son unité.

Il rejoint Brest où ses parents et son frère se réfugient après avoir évacué Amiens. Refusant la défaite, le 19 juin 1940, il quitte la France en bateau à voile en compagnie de son jeune frère et, de Bretagne, atteint l'Angleterre où, le 1er juillet 1940, il s'engage dans les Forces Françaises Libres au titre des Forces Aériennes Françaises Libres (FAFL).

Titulaire de son permis de conduire depuis 1938, il est, pour cette raison, finalement affecté à la 1ère Compagnie du Train avant de prendre part à l'expédition de Dakar en septembre 1940.

Désigné pour suivre, en décembre 1940, les cours d'élève aspirant au camp Colonna d'Ornano à Brazzaville, il est nommé aspirant le 14 juillet 1941 et dirigé sur Beyrouth pour servir aux troupes du Levant.

Le 1er septembre 1941, il est affecté chez les Spahis Marocains, comme chef du 2ème Peloton du 1er Escadron du Groupe de Reconnaissance de Corps d'Armée (GRCA) à Damas, où il s'entraîne en vue de participer à la campagne de Libye.

En avril 1942, il passe en Egypte avec son unité qui devient bientôt le 1er Régiment de Marche de Spahis Marocains. Il participe dès lors, à la tête du 2ème peloton de reconnaissance, à toutes les campagnes avec le 1er Escadron du 1er RMSM. Il combat en Egypte puis en Libye.

En 1943, il se distingue en Tunisie, notamment le 6 mars, au combat de l'Oued Gragour où il engage résolument son peloton face à des engins blindés ennemis en nombre supérieur et les stoppe à deux reprises. Par cette action retardatrice, il permet au gros des troupes d'intervenir à temps et de mettre en échec l'ennemi. En avril, il participe aux combats autour du Djebel Fadeloun avec la Force L du général Leclerc.

En juillet 1943, Fred Moore est affecté pendant un mois et demi à la Garde d'Honneur du général de Gaulle à Alger avant de rejoindre le 1er RMSM au Maroc où se constitue la 2ème Division Blindée.

Le 10 avril 1944, Il embarque à Oran avec son unité à destination de l'Angleterre.

Promu au grade de lieutenant en juin 1944, il débarque en Normandie, à Grandcamp, le 2 août 1944 avec la 2ème D.B. A la tête du 2ème Peloton du 5ème Escadron du 1er RMSM - il s'agit en réalité du 1er Escadron rebaptisé 5ème Escadron - le lieutenant Moore combat en Normandie. Du 15 au 29 août 1944, il met hors de combat avec son peloton trois canons antichars allemands, capture plus de cent prisonniers et un important matériel, ne perdant que deux hommes au cours de ces opérations.

Lors de la libération de Paris le 25 août 1944, il prend une part active à la prise de l'Ecole Militaire, puis, le 27 août, à la bataille de Dugny - Le Bourget en Seine-Saint-Denis.
S'ensuit la campagne des Vosges où avec audace et initiative, il prend sous ses feux la route Luneville-Strasbourg, le 23 septembre 1944 à Buriville dans les combats de la forêt de Mondon, et inflige à l'ennemi d'importantes pertes en matériel et en hommes.

Durant la campagne d'Alsace, il participe activement au combat de Mittellbron devant Sarrebourg le 20 novembre et à la libération de Strasbourg le 23 novembre, puis à la prise de Plobsheim, Krafft et Gerstheim les 28, 29 et 30 novembre.

En avril 1945, le lieutenant Moore prend part aux opérations sur le front de La Rochelle avant de faire route sur l'Allemagne où il participe aux derniers combats.

Démobilisé en avril 1946, il crée une affaire d'optique à Amiens.

Promu au grade de capitaine de réserve en 1950, Fred Moore est rappelé à l'activité en mai 1956 et affecté au 6ème Régiment de Spahis Marocains. Il sert en Algérie jusqu'en novembre 1956, commandant le 4ème Escadron.

Promu successivement, dans la réserve, chef d'escadrons en octobre 1958 puis lieutenant-colonel en 1966 et colonel en 1971. Il est chef de corps du 54ème RID de l'Oise de 1962 à 1978.

Colonel honoraire le 8 avril 1982.

Élu député de la Somme à Amiens (1ère circonscription) en 1958, Conseiller technique au cabinet du Ministre de l'Industrie (1962 à 1964), membre du Conseil Economique (1964-1966), il démissionne de toutes ses fonctions politiques en 1969 et se consacre à son métier d'opticien.

Vice-président national de l'Ordre des Opticiens, administrateur de Sociétés et PDG de la Société Industrielle de Développement Electronique et Nucléaire (S.I.D.E.N.) de 1969 à 1974.

Délégué Général du syndicat général de l'Optique française ainsi que de son équivalent à l'échelle européenne, l'Eurom, de 1977 à 1982.

En mars 2004, Fred Moore est nommé membre du Conseil de l'Ordre de la Libération, puis par décret du 11 octobre 2011, chancelier de l'Ordre de la Libération, succédant au Professeur François Jacob.

Le 16 novembre 2012, il est nommé par décret Délégué national du Conseil national des communes "Compagnon de la Libération". Renouvelé en octobre 2015, il met fin à ses fonctions en janvier 2017 et est nommé le 4 mai  2017 chancelier d’honneur de l’ordre de la Libération. 

Fred Moore est décédé le 16 septembre 2017 à Paris où il est inhumé.



• Grand Croix de la Légion d'Honneur

• Compagnon de la Libération - décret du 17 novembre 1945

• Croix de Guerre 39/45 (nombreuses citations)

• Médaille des Évadés

• Médaille Coloniale avec agrafes "Libye", "Tunisie"

• Croix du combattant Volontaire 39/45

• Croix du combattant Volontaire de la Résistance

• Officier des Palmes Académiques

• Médaille des Services Militaires Volontaires

• Médaille Commémorative des Services Volontaires dans la France Libre

• Médaille Commémorative des Opérations de Sécurité et de Maintien de l'Ordre en Algérie

• Presidential Unit Citation (USA)

• Officier du Nicham Iftikar (Tunisie)

• Officier du Ouissam Alaouite (Maroc)

 

Source : Musée de l'ordre de la Libération | Ordre de la Libération |

 

Fernand Hederer

1889-1984

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Hederer en 1950. Domaine public

 

La promotion 2008 des élèves-officiers du commissariat de la marine a reçu le nom de "promotion Hederer" en mémoire de Fernand Hederer, commissaire de la marine, ancien combattant de la Grande Guerre et résistant à l'occupant nazi.

Né en 1889, Fernand Hederer fait partie de la promotion 1913 de l'école du commissariat de la marine. En 1914, il est affecté au 1er régiment de canonniers marins, puis au 1er groupe d'artillerie lourde sur voie ferrée où il sert comme officier en second puis commandant de batterie. Devenu le 6 avril 1916 observateur aérien puis pilote de chasse en septembre 1917, Hederer prend en février 1918 le commandement de l'escadrille de chasse SPAD 285, distinction tout à fait exceptionnelle pour un jeune commissaire de 3e classe.

La guerre lui permet de côtoyer des "As" de l'aviation, notamment Coli, Guy­nemer, Fonck et Navarre. Hederer reçoit plusieurs citations (armée, division, régiment) et est décoré de la Croix de guerre avec trois palmes et trois étoiles ainsi que de la Légion d'honneur en 1917. Toutes les citations obtenues mettent en relief les qualités de l'homme, son courage, son énergie, son mépris du danger et ses qualités de chef. Hederer a également rapporté de la guerre un éclat d'obus dans l'avant-bras droit, un pied à moitié gelé lors d'un vol où il n'avait échappé aux avions ennemis qu'en montant le plus haut possible. Mais il est une blessure qui ne s'est pas cicatrisée : la mort au combat en moins d'un an des vingt pilotes de son escadrille.

Au retour de la paix, Hederer, commissaire de 1re classe, sert à bord du croiseur cuirassé Marseillaise, puis comme commissaire de la base navale de Constantinople. Il rejoint ensuite les services de l'intendance maritime dans divers ports. En 1925, il commence une nouvelle carrière dans le corps du contrôle de la marine. Il est affecté sur sa demande en 1929 au ministère de l'air. Il effectue des missions de contrôle parfois délicates, comme celle de la Compagnie générale aéropostale en Amérique du Sud, qui lui valent d'être intégré en 1933 dans le corps du contrôle de l'administration de l'aéronautique. Nommé contrôleur général en mars 1936, il dirige avec Pierre Cot, alors ministre de l'air, la nationalisation de l'industrie aéronautique.

Toujours au cabinet de Cot durant la "drôle de guerre", Hederer est gravement blessé dans un accident d'automobile lors de la débâcle de juin 1940. Dès le début de l'Occupation, il participe à la diffusion d'une propagande anti-allemande. Sous le pseudonyme de "Pommery", il prend part à de nombreuses actions de résistance et adhère au réseau Marco Polo le 1er janvier 1943. Il entretient des contacts avec des émissaires de Londres et fournit des renseignements au SRA de Lyon, notamment sur les activités de la Luftwaffe entre Salon-de-Provence et Marignane : stockage "des bombes et munitions, postes de contrôle, radars, emplacements de DCA... Organisateur de ce service de renseignement aviation, ses activités le font rechercher par la Gestapo de Marseille et d'Aix début 1944.

Pendant la libération de Paris, il sauvegarde et réorganise sous son autorité les organes d'administration du ministère de l'air. Sa conduite est récompensée par la plaque de grand officier de la Légion d'honneur, la Croix de guerre 1939-1945 avec deux palmes et la Médaille de la Résistance avec rosette.

Nommé, après la guerre, directeur du contrôle de l'aéronautique puis de l'armement, Hederer termine sa carrière au service de l'État comme secrétaire général de l'aviation civile. Parvenu à la limite d'âge de son grade en 1951, il commence une nouvelle vie professionnelle dans l'industrie. Il occupe alors le poste de président-directeur général de la Société française d'équipements pour la navigation aérienne jusqu'en 1965.

À 93 ans, il est élevé à la dignité de grand-croix de la Légion d'honneur. Cette décoration lui sera remise par Marcel Dassault, heureux de pouvoir rendre hommage à celui qui l'avait défendu lorsqu'en 1941 il était poursuivi et emprisonné sur ordre de Laval, à celui qui avait secouru son épouse pendant les deux ans que l'avionneur passa en déportation au camp de Buchenwald et qui avait aidé plusieurs familles juives réfugiées dans le Midi de la France.

 

C. Mommessin, Commissaire de la marine de 1re classe, In Les Chemins de la Mémoire, 197/septembre 2009

Charles Tricornot de Rose

1876-1916

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Charles de Tricornot de Rose dans un supplément de L’Illustration 1923

 

Charles de Rose, père de la chasse aérienne

Jean-Baptiste, Marie, Charles Tricornot de Rose, dit Carlo, baron de Tricornot, marquis de Rose est peu connu du grand public. Pourtant cet esprit libre et inventif est la figure emblématique de l’avion de chasse dont il est le père fondateur.

Né à Paris, le 16 octobre 1876, Charles de Tricornot de Rose choisit de perpétuer les traditions familiales en embrassant la carrière des armes. depuis six générations, en effet, les Tricornot sont officiers de cavalerie. Entré à Saint-Cyr en 1895, il est ensuite affecté au 9e régiment de dragons à Lunéville. Son parcours, qui s'annonce brillant, connaît un arrêt brutal en 1906. Carlo de Rose est mis aux arrêts de rigueur pour avoir refusé d'expulser un prêtre de son église dans le cadre de l'application de la loi sur la séparation de l'Église et de l'État.

Acquitté par le Conseil de guerre, il n'en reste pas moins en non activité pendant trois ans. Carlo de Rose tire néanmoins profit de cette difficile situation en s'intéressant à la mécanique et aux moteurs à explosion, trouvant même un emploi à la société automobile Brillié. Cette expérience, qui va s'avérer déterminante pour la suite de sa carrière, nous révèle un homme à l'esprit libre, curieux et doué d'imagination, qui entrevoit les bouleversements que vont entraîner dans l'avenir les progrès techniques. Son purgatoire prend fin le 25 mars 1909, date à laquelle il est réintégré dans l'armée.

Affecté au 19e régiment de dragons de Carcassonne, Carlo de Rose n'hésite cependant pas, dès la fin de l'année, à se porter volontaire pour une formation de pilote alors que le général Roques met en place le Service aéronautique de l'Armée. Il obtient son brevet civil de l'Aéro-club en décembre 1910 et se fait connaître du grand public en réalisant plusieurs raids. Carlo de Rose a trouvé sa voie dans l'aviation, où son esprit énergique et inventif va pouvoir s'exprimer pleinement.

À la poursuite des avions ennemis

En mai 1911, il est officiellement rattaché à l'établissement de Vincennes où s'effectuent de nombreuses recherches dans le domaine de l'aviation. De Rose se lance dans maintes expérimentations effectuant le premier réglage de tir d'artillerie depuis un aéroplane en août suivant. Il se passionne pour l'armement des appareils, sa rencontre avec Roland Garros en 1912 s'avérant à ce titre une étape décisive dans ce processus.

Lorsque la guerre éclate, le commandement de l'aéronautique de la Ve Armée lui est confié . son expérience se révèle incontournable. La victoire de Frantz et Quenault, qui abattent, le 5 octobre 1914, un appareil allemand, est pour de Rose la preuve éclatante que ses intuitions sont justes. En mars 1915, il confie aux pilotes de son unité, la MS 12, tout juste équipée de Morane-Saulnier, une nouvelle mission : rechercher les appareils ennemis et les abattre. Il jette ainsi les premières bases de la chasse, même si la synchronisation du tir reste un problème qui le préoccupe mais sera finalement résolu par le sergent Alkan de la MS 12 au printemps 1916, après des mois d'efforts. Sa clairvoyance convainc le haut-commandement de mettre en place les premières escadrilles de chasse le long du front.

À l'évidence, lorsque débute la terrible bataille de Verdun en février 1916, un homme est en mesure de retourner la situation, qui est alors défavorable à la France, le commandant de Rose. Le général Pétain lui confie une mission qu'il résume en ces termes demeurés célèbres : "Rose, balayez-moi le ciel ! Je suis aveugle." De Rose obtient l'envoi de 15 escadrilles équipées du fameux avion Nieuport XI dit "Bébé" et rassemble les meilleurs pilotes avec parmi eux les célèbres as tels Navarre, Guynemer, Brocard, Garros, Heurtaux, Nungesser, Dorme... Après de rudes combats, les patrouilles françaises parviennent enfin à obtenir, au mois d'avril, la maîtrise de l'air.

Le 11 mai, alors qu'il effectue un vol de démonstration au sud de Soissons, aux commandes de son Nieuport décoré d'une rose, son insigne personnel, le commandant de Rose, victime d'une panne de moteur, se tue accidentellement après avoir donné ses lettres de noblesse à la chasse.

 

Marie-Catherine Villatoux, Service historique de la Défense, département de l'armée de l'Air, In Les Chemins de la Mémoire, 193/avril 2009

René Cassin

1887-1976

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René Cassin. Domaine public

 

"Il n'y aura pas de paix sur cette planète tant que les droits de l'homme seront violés en quelque partie du monde que ce soit". Ainsi s'exprime René Cassin, grand juriste français et l'un des pères de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Nul mieux que lui n'a compris que les droits de l'homme et la paix étaient indissolublement liés.

Appartenant à une vieille famille de tradition juive, René Samuel Cassin voit le jour le 5 octobre 1887 à Bayonne. Après de brillantes études au lycée Masséna de Nice, il entre à la faculté de droit d'Aix-en-Provence. Licencié ès-Lettres, premier prix au concours général des facultés de droit, il devient docteur ès-sciences juridiques, économiques et politiques et obtiendra son agrégation en droit privé en 1919.

René Cassin est mobilisé en 1914 comme caporal chef. Un tir de mitrailleuse le blesse grièvement le 12 octobre de la même année à Saint-Mihiel. Il reçoit la Croix de guerre avec palme et la Médaille militaire. Réformé, il enseigne à la faculté d'Aix-en-Provence, puis à celles de Marseille, Lille et Paris. Par solidarité avec ses anciens camarades de combat, il participe dès 1917 à la création de l'une des toutes premières associations de victimes de guerre. En 1929, il devient vice-président du conseil supérieur des pupilles de la nation. Jusqu'en 1940, il consacre une partie de ses activités aux anciens combattants et fera voter plusieurs lois en faveur des victimes de guerre.

Militant de la paix, René Cassin veut "effacer toute frontière entre les hommes, reconnaissant à chacun d'entre eux les mêmes droits inséparables à la dignité d'être". En 1924, il fait partie de la délégation française à la Société des Nations. Après les accords de Munich, qu'il dénonce, il refusera de siéger à Genève. Dès le début des années 1930, averti des dangers du nazisme par des juifs allemands rencontrés lors d'un voyage en Palestine, il avait pressenti un nouveau conflit en Europe.

Prix Nobel de la paix pour ce défenseur des droits de l'homme

En juin 1940, il refuse l'idée d'un armistice, rejoint l'Angleterre et se présente le 29 juin au général de Gaulle. Ce dernier lui confie la mission de négocier l'accord du 7 août 1940 avec les Britanniques, accord qui fait de De Gaulle un allié à part entière et donne un statut à la France libre qu'il dote ensuite de structures juridiques et administratives propres à assurer la continuité de l'État et de la République.

À la demande du général de Gaulle, il prend la direction, en 1943, de l'Alliance israélite universelle qu'il dirigera jusqu'à sa mort. Secrétaire permanent du Conseil de défense de l'Empire français, président du comité juridique de la France combattante puis du Gouvernement provisoire de la République française (1941-1944), il est nommé, en 1944, vice-président du Conseil d'État, fonction qu'il exercera jusqu'en 1960.

Délégué de la France à l'ONU, René Cassin a fait partie, dès 1946, du petit groupe de spécialistes chargés de rédiger la Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée à Paris le 10 décembre 1948 par l'assemblée générale des Nations-Unies. Aux côtés de la présidente de la commission, Eleanor Roosevelt, épouse de l'ancien président des États-Unis, il y joue un rôle majeur . il obtient que la Déclaration soit "universelle" et non "internationale", faisant admettre que les droits économiques, sociaux et culturels soient désormais considérés comme des droits fondamentaux.

En janvier 1959, il est choisi par l'assemblée consultative du Conseil de l'Europe pour siéger comme juge à la Cour européenne des droits de l'homme, qu'il présidera de 1965 à 1968. Il reçoit le prix Nobel de la paix en octobre 1968 . le montant de la récompense lui permet de créer, en 1969, l'Institut international des droits de l'homme.

René Cassin participe par ailleurs activement à la vie institutionnelle de la France. Il préside, en 1958, le comité chargé de préparer la Constitution de la Ve République et reçoit, en 1959, en tant que vice-président du Conseil d'État, le serment du nouveau président de la République, le général de Gaulle. Il joue également un rôle essentiel dans la création du Conseil constitutionnel dont il est membre de 1960 à 1971.

Grand Croix de la Légion d'honneur, Compagnon de la Libération, médaillé de la Résistance, commandeur des Palmes académiques, René Cassin décède le 20 février 1976 à Paris. Le 5 octobre 1987, à l'occasion du centième anniversaire de sa naissance, son corps est transféré au Panthéon.

 

Source : In Les Chemins de la Mémoire, 188/novembre 2008

Georges Bernanos

1888-1948

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Georges Bernanos vers 1940. Domaine public

 

L'auteur du Journal d'un curé de campagne s'engage dans la cavalerie en août 1914 à l'âge de 26 ans. Comme celle de bien d'autres écrivains, œuvre de Georges Bernanos est marquée par la Grande Guerre. À travers son travail d'écriture, il ne cessera de sonder le mystère du mal tout en s'engageant dans un combat pour la foi et la liberté.

Né à Paris en 1888, Georges Bernanos fait des études de droit et de lettres. Catholique et royaliste, il milite auprès des "Camelots du Roi". Ses premiers essais romanesques paraissent dans la presse en 1913 et 1914 avant d'être réunis dans un livre intitulé Dialogues d'ombres. Bien que réformé en 1911, il parvient cependant à s'engager fin août 1914. Sa passion des chevaux et de l'équitation le conduit à choisir la cavalerie. Il rejoint fin décembre le 6e régiment de dragons dans lequel il servira jusqu'à l'armistice.

La guerre va changer Bernanos. Elle est le creuset de son œuvre. Il écrit dans une lettre: "Ceux qui n'entendent pas ce que ce temps a de tragique, non pas à cause des quelques milliers de morts, mais parce qu'il marque une limite dans l'histoire du monde, sont des ânes."

"L'épreuve des tranchées lui a révélé la redoutable grimace de l'humanité moderne", a observé Albert Béguin, professeur de littérature, critique d'art et éditeur, que Bernanos a chargé de s'occuper de ses écrits après sa mort. C'est là sans doute que prend naissance la dimension tragique de son œuvre, l'auteur passant, comme le souligne Jean Bastier "d'un univers un peu conventionnel à des ciels bas et troubles, des aubes sales et livides, des terres boueuses et sataniques", qui peupleront ses grands romans. De son livre Sous le soleil de Satan, commencé peu après l'armistice et paru en 1926, Bernanos lui-même dira qu'il est né de la guerre.

En février 1915, Bernanos est dans la Marne . en avril, près de Verdun. En mai, sa division se trouve en Picardie où une partie des hommes sont terrés dans les tranchées. En septembre, avant les deux grandes offensives en Artois et en Champagne, il espère une percée de l'infanterie qui permettra enfin à la cavalerie de chevaucher victorieusement. Mais la grande attaque est annulée. Durant l'hiver qui suit, le 6e dragons fournit encore des détachements aux tranchées. Lors d'un bombardement, le 1er mai 1916, Bernanos est sérieusement commotionné : "Leurs gros obus nous encadraient bien régulièrement, en rétrécissant le cercle de minute en minute, jusqu'au moment où l'un d'eux éclatait dans la tranchée même, à la hauteur d'une tête et à un mètre de moi. Quel éclair (...) et tout de suite après, quel noir! La chose étincelante m'avait jeté je ne sais où, avec un camarade, sous une avalanche de terre fumante. Le sol autour de nous et au-dessous de nous était criblé d'éclats énormes (...)".

En février et mars 1917, il suit des cours de pilotage à l'école d'aviation de Dijon-Longvic, puis à celle de Chartres. Mais, sa vue n'étant pas jugée suffisamment bonne, il est renvoyé début avril au 6e dragons. Il profite cependant de son éloignement momentané du front pour se marier le 14 mai 1917.

Arrivent les grandes offensives allemandes du printemps 1918. L'unité de Bernanos se bat, à pied, dans l'Aisne, l'Oise. Le 30 mai, il est blessé à la jambe et reçoit une citation. "J'ai fait deux jours de service de liaison entre ma section et ma compagnie. (...). J'ai circulé toute la journée de jeudi dans une plaine et un bois littéralement criblé de balles (....). J'ai combattu comme je l'avais toujours rêvé."

Hospitalisé en juillet-août, Bernanos rejoint en septembre son régiment : "Poussière, boue (...), je reprends la couleur de nos chemins". Quand arrive le 11 novembre, l'écrivain partage le regret des cavaliers : il n'y a pas eu de victoire complète, pas de poursuite avec désorganisation de l'armée ennemie. Il sera également déçu par l'application du traité de Versailles : "La Victoire ne nous aimait pas", écrira-t-il dans Les Enfants humiliés.

Dans les années trente, il rompt avec son milieu politique. Installé avec sa famille à Palma de Majorque, il assiste de là à la guerre d'Espagne qui lui inspirera Les grands cimetières sous la lune (1938), où il stigmatise Franco et ses partisans. En 1938, il part pour le Paraguay, puis le Brésil. Qualifiant le régime de Vichy de "ridicule dictature agricole", il prend le parti du général de Gaulle.

Il rentre en France en 1945, repart pour la Tunisie d'où il ne reviendra que pour mourir, à Neuilly, en 1948.

 

Source : Jean Bastier, "Georges Bernanos, le dragon de 1914-1918" In Les écrivains combattants de la Grande Guerre, Giovanangeli éd., 2004. In Les Chemins de la Mémoire, 186/septembre 2008

Franklin Delano Roosevelt

1882-1945

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Roosevelt en 1933. ©Library of Congress/Elias Goldensky

 

Né le 30 janvier 1882, Franklin Delano Roosevelt est issu d’une famille de colons hollandais émigrés aux États-Unis au XVIIe siècle. Diplômé de la prestigieuse université d’Harvard, il entreprend une carrière d’avocat avant de se lancer en politique, sur les traces de son cousin Theodore Roosevelt, président des États-Unis de 1901 à 1909.

Figure montante du parti démocrate, sa carrière débute en 1910, lorsqu’il est élu sénateur de l’État de New York. En 1913, il est nommé secrétaire adjoint à la Marine par le président Woodrow Wilson. Au cours du premier conflit mondial,  il s’emploie au développement des sous-marins et soutient le projet d’installer un barrage de mines en mer du Nord pour protéger les navires alliés des attaques sous-marines allemandes.

À l’occasion d’une tournée d’inspection en Grande-Bretagne et sur le front français, il rencontre pour la première fois Winston Churchill.

Chargé de la démobilisation après l’Armistice, il quitte son poste à la Marine en juillet 1920. La même année, la défaite  des démocrates aux élections présidentielles inaugure une longue traversée du désert lors de laquelle il contracte une maladie qui lui fait perdre l’usage des jambes, en 1921.

Il revient sur le devant de la scène politique en 1928, en étant élu gouverneur de l'État de New York. Au cours de ce mandat, il entreprend des réformes tant en faveur des campagnes que dans le domaine social, mettant notamment en place l'Office temporaire des secours d'urgence pour venir en aide aux chômeurs, réduisant la durée du temps de travail pour les femmes et les enfants ou encore veillant à l’amélioration des hôpitaux. Il fait également montre de tolérance en matière d’immigration comme de religion. Son action, couronnée de succès, est validée par sa réélection en 1930.

 

Roosevelt (à droite) avec Woodrow Wilson le 14 juin 1914. ©Library of Congress /Domaine public

 

En 1932, Roosevelt est désigné candidat à l’élection présidentielle par le parti démocrate, basant sa campagne sur le New Deal (« nouvelle donne »), un programme de redressement économique qui doit mettre fin à la crise qui touche le pays depuis le krach boursier de 1929. Élu par 57 % des suffrages, il met en œuvre son programme de relance de l’économie et de lutte contre le chômage, réforme le système bancaire américain et fonde la Sécurité sociale. Tout en restant fragile, l’économie se rétablit progressivement et Roosevelt est réélu en 1936 puis en 1940.

La situation se dégradant en Europe, il s’efforce de rompre avec la politique d’isolationnisme et de neutralité des États-Unis soutenue par le Congrès et l’opinion publique américains. Il obtient tout d’abord, en septembre 1939, l'abrogation des lois sur l'embargo des ventes d’armes aux belligérants puis, en 1941, l’accord du Congrès pour une aide en armements aux Alliés, sans remboursement. La loi Lend-Lease (prêt-bail), signée le 11 mars 1941, permet ainsi aux Américains de fournir les Alliés en matériel de guerre sans intervenir directement dans le conflit. Le 14 août 1941, Roosevelt et Churchill signent la Charte de l’Atlantique, déclaration commune définissant les principes moraux devant présider au rétablissement durable de la paix et qui servira ultérieurement de base à la Charte des Nations unies (juin 1945).

 

Le président américain Roosevelt signant la déclaration de guerre contre le Japon, le 8 décembre 1941.
© National Archives and Records Administration/ Abbie Rowe

 

Entre-temps, dans le Pacifique, les relations entre le Japon et les puissances occidentales se détériorent. Les États-Unis accordent leur soutien à la Chine, opposée au Japon, par l’octroi d’un prêt-bail puis, celui-ci refusant de se retirer de l'Indochine et de la Chine, les États-Unis, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas décident d’un embargo sur les matières premières tandis que les avoirs japonais aux États-Unis sont gelés. Le 7 décembre 1941, les forces japonaises bombardent Pearl Harbor, la plus grande base navale américaine dans l'océan Pacifique, faisant entrer les États-Unis dans la guerre.

 

Franklin Delano Roosevelt signant la déclaration de guerre contre l'Allemagne,  le 11 décembre 1941.
© Farm Security Administration/Office of War Information/Domaine public

 

En 1942, Roosevelt donne la priorité au front européen tout en contenant l'avancée japonaise dans le Pacifique. C'est ainsi que les États-Unis interviennent aux côtés des Britanniques, d'abord en Afrique du Nord (opération Torch en novembre 1942) puis en Europe par les débarquements en Italie et en France.

Durant le conflit, il est l’un des principaux acteurs des conférences interalliées (Anfa en janvier 1943 pour le choix du prochain front en Europe et la reddition sans condition de l’Allemagne, Dumbarton Oaks en août-octobre 1944 pour préparer la réunion constitutive de l’Organisation des Nations Unies, Yalta en février 1945 pour résoudre les problèmes de l’Europe d’après-guerre).

 

Franklin D. Roosevelt, Churchill, Giraud et de Gaulle lors de la conférence d’Anfa (Casablanca), 24 janvier 1943.
© National Archives and Records Administration.

 

Ne reconnaissant pas la légitimité du général de Gaulle, dont il se méfie car il voit en lui un apprenti dictateur, Roosevelt s'oppose à ce que la France Libre participe aux Nations unies tant que des élections n’auront pas eu lieu en France. Le retour de Laval au pouvoir en 1942 entraîne le rappel de Vichy de l'ambassadeur américain et l’ouverture d’un consulat à Brazzaville. Le président américain soutient successivement l'amiral Darlan –collaborateur notoire- puis le général Giraud –vichyste patenté- et tente d’entraver l'action du Comité français de la Libération nationale d'Alger dont de Gaulle à résolument pris la tête, reléguant Giraud à des tâches strictement militaires.

Quant à son idée de placer la France libérée sous occupation militaire américaine (AMGOT), elle ne verra jamais le jour, le général Eisenhower ayant affirmé à de Gaulle, dès le 30 décembre 1943 : « Dans les faits, je ne connaîtrai en France d’autre autorité que la vôtre ». En signe d’apaisement et pour satisfaire une presse et une opinion publique américaines très favorables au Général, il reçoit celui-ci à Washington en juillet 1944.  Mais il ne reconnaît officiellement le Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) qu'en octobre 1944 et n’invite pas son chef à  Yalta, signe que sa méfiance ne s’était pas totalement dissipée.

 

  Conférence de Yalta, 1945. © Army Signal Corps Collection/National Archives

 

Le 7 novembre 1944, Franklin Roosevelt est réélu pour un quatrième mandat à la Maison Blanche. Il décède brusquement le 12 avril 1945, d’une hémorragie cérébrale. Conformément à la constitution américaine, le vice-président Harry Truman lui succède.

 
Source : La rédaction du site CDM

Philippe Viannay

1917-1986

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Philippe Viannay (au centre). ©Fondation de la Résistance, AERI, coll. Défense de la France DR

 

Rien ne le préparait à affronter la guerre et à entrer dans la Résistance. Et pourtant, Philippe Viannay devient, à 25 ans, le chef incontesté d'un des principaux mouvements de résistance de la zone nord. Retour sur l'itinéraire d'un homme, épris de liberté, qui fut un précurseur dans de nombreux domaines.

Dans la galaxie des grands chefs de la résistance française, Philippe Viannay occupe une place singulière. Bien qu'il ait dirigé Défense de la France (DF), un important mouvement de zone nord, l'homme est resté moins connu que nombre de ses homologues – Frenay, Bourdet ou le couple Aubrac pour ne citer qu'eux. Sa jeunesse – il a tout juste 23 ans en 1940, son refus d'embrasser après-guerre une carrière politique, la publication posthume de ses mémoires..., autant d'éléments qui expliquent ce silence relatif. Dans le même temps, tous les hommes qui l'ont croisé – dans la nuit clandestine comme au Centre de formation des journalistes (CFJ), au club Jean Moulin comme au centre des Glénans – conservent le souvenir ému d'une personnalité dont le charisme était grand. Quels qu'aient été ses mérites, il ne s'agit pas, ici, de proposer une lecture hagiographique d'un résistant mais d'explorer la singularité d'un éminent dirigeant de l'Armée des ombres.

Philippe Viannay naît en 1917, dans un milieu conservateur : son père est proche du PSF du colonel de la Roque et sa mère appartient plutôt à une petite noblesse de robe. Il estimait d'ailleurs que sa famille appartenait à "une bourgeoisie d'honneur", méprisant l'argent tout en en ayant quelque peu. Après une année d'hypokhâgne au lycée Louis-le-Grand, il entame des études de philosophie tout en envisageant la prêtrise – vocation qu'il abandonne en 1938 pour reprendre son cursus à la Sorbonne.

Combattant vaillamment en 1940, il revient à Paris, bien décidé, pour reprendre la formule consacrée, "à faire quelque chose". En effet, il envisage dès octobre 1940 de monter un journal clandestin, suivant l'idée soufflée par un patron de ses amis, Marcel Lebon. Épaulé par un ancien condisciple, Robert Salmon, et par une étudiante rencontrée à la Sorbonne, Hélène Mordkovitch, qu'il épousera en 1942, il lance un journal clandestin, Défense de la France, dont le premier numéro sort le 14 juillet 1941.

Peut-on s'émanciper de ses origines ? L'itinéraire de Viannay invite à répondre de façon nuancée. Issu d'une famille conservatrice et catholique, l'homme épouse à bien des égards les réflexes de son milieu. De fait, DF adopte, jusqu'en 1942, une ligne maréchaliste, créditant bien à tort Pétain de sentiments résistants. De même, l'apprenti philosophe construit son combat sur un plan éthique. Il ne cherche pas à lutter militairement contre l'occupant mais appelle avant tout à un sursaut moral.

Dans le même temps, Philippe Viannay s'éloigne de son milieu. Loin de suivre aveuglément le Maréchal, il considère la lutte contre l'Allemand comme une ardente priorité. Et DF devient, grâce à Hélène Viannay, un lieu de brassage où une bourgeoisie plutôt droitière se mêle à des émigrés russes notamment, plutôt de gauche.

Par son charisme, son sens de l'organisation et son ouverture d'esprit, Viannay infléchit par la suite les destinées de son mouvement. Se rendant à l'évidence, le journal abandonne progressivement sa ligne maréchaliste pour soutenir de Gaulle, non sans un détour giraudiste. Surtout, DF se convertit progressivement à la lutte armée, montant des corps-francs puis des maquis, en Bourgogne-Franche-Comté et en Seine-et-Oise notamment. Mais, il ne parvient pas à s'imposer auprès de la France combattante. Tout en obtenant des fonds qui lui permettent, entre autres, de soutenir un atelier de faux-papiers, le mouvement ne siège pas au Conseil national de la Résistance. Viannay était sans doute meilleur organisateur que fin politique ! De fait, il préfère, en 1944, combattre en Seine-et-Oise – où il est gravement blessé – plutôt que de préparer à Paris la sortie au grand jour de Défense de la France /France Soir.

 

Albert Bernier, Philippe Viannay (au centre) et Françoise de Rivière, maquis de Seine-et-Oise, août 1944.
© Fondation de la Résistance, AERI, coll. Défense de la France DR

 

Bien que député à l'Assemblée consultative, Viannay abandonne à la Libération et la carrière politique, et France-Soir. En revanche, soucieux de former les journalistes dont il avait constaté avant-guerre le manque de professionnalisme, il monte le CFJ, s'investit au journal France-Observateur, tout en créant le centre nautique des Glénans. Il reste, à cette aune, fidèle à ses postulats. Tout en s'intéressant, via l'Union de la Gauche socialiste puis le club Jean-Moulin, à la chose publique, il préfère s'investir dans la société civile – fil rouge qui relie son engagement clandestin à ses investissements durant les temps plus calmes de la République retrouvée. Il décède en 1986, à l'âge de 69 ans.


Olivier Wieviorka, historien, auteur de Une certaine idée de la Résistance, Seuil, 1995, rééd. 2010, In Les Chemins de la Mémoire, 240/novembre 2013

Colonel Rémy

1904-1984

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Colonel Rémy.©Chancellerie de l’Ordre de la Libération

Dès 1940, Gilbert Renault, alias Rémy, met sur pied le plus important réseau de renseignement de la France libre : la Confrérie Notre-Dame qui va mener de très nombreuses actions en France. Son biographe, l'historien Guy Perrier, revient sur son action, en particulier durant l'année 1943.


Abasourdi par l'effondrement de 1940, Gilbert Renault, catholique fervent proche des idées de l'Action française, mouvement auquel il n'adhéra toutefois jamais, refuse d'admettre la défaite de la France. Se séparant de sa femme et de ses quatre enfants, il quitte la ville de Vannes et s'embarque pour l'Angleterre où il se rallie au général de Gaulle, avec qui vont se créer des liens d'admiration et d'affection qui ne se démentiront jamais, malgré les divergences futures. Celui-ci l'affecte au 2e bureau, qui allait devenir le Bureau central de renseignement et (l'action (BCRA) dirigé par le colonel Passy, de son vrai nom André Dewavrin, qui le charge de mettre sur pied un réseau le long de la façade Atlantique, d'où la Kriegstnarine harcèle les navires britanniques.

Une vie nouvelle commence alors pour cet aventurier à la fois impulsif, fantasque et chevaleresque qu'est Rémy, qui a longtemps travaillé dans le milieu du cinéma comme producteur après avoir exercé moult métiers. Multipliant les allées et venues entre l'Angleterre, la France occupée et l'Espagne, Rémy dispose bientôt d'informateurs dans tous les ports. Le 6 janvier 1942, après s'être recueilli à l'église Notre-Dame des Victoires à Paris, il baptise son mouvement la Confrérie Notre-Dame (CND) dont le succès va lui valoir, selon Sébastien Albertelli, auteur des Services secrets de la France libre, "un prestige incomparable auprès de l'Intelligence Service".

Devenu le réseau le plus important de la France libre, celui-ci accueille et transmet le courrier de plusieurs réseaux : l'Organisation civile et militaire (OCM), Libération-Nord, Fana (communiste). Après un séjour en France à la fin de l'année 1942, Rémy regagne Londres, le 11 janvier 1943, qu'il ne quittera pratiquement plus jusqu'à la Libération. C'est à cette occasion, qu'il amène le dirigeant communiste Fernand Grenier à la rencontre du général de Gaulle, un évènement aux conséquences considérables. Pour Rémy, dont les convictions monarchistes sont à l'opposé du Parti communiste, le sort de son pays doit transcender les clivages idéologiques !

Alors que la Confrérie Notre-Dame poursuit son œuvre de renseignement, survient un grave évènement qui bouleverse l'activité du réseau. Le 6 octobre 1943, un agent de la CND, Parsifal, tombe entre les mains du Service de sureté allemand, l'Abwehr. Il est interrogé par un collaborateur belge, Christian Masuy, qui le soumet au supplice de la baignoire. L'agent n'y résiste pas et livre les noms de membres importants du réseau. La Confrérie Notre-Dame en sort très affaiblie.

Rémy échafaude un plan d'urgence pour remettre son organisation sur pied et veut repartir en France. Mais Londres estime que le colonel Rémy est plus utile sur place pour préparer le débarquement des Alliés, dans le cadre du plan Sussex qui prévoit d'employer des soldats français pour des missions interalliées. Resté en Angleterre, Rémy aura le bonheur, durant le Noël 1943 qu'il passe avec sa femme dans sa petite maison d'Elwood, d'entendre le message de soutien qu'il a diffusé la veille sur la BBC, destiné aux résistants emprisonnés en France.

Nommé, le 13 mars 1942, Compagnon de la Libération, Rémy deviendra après la Libération le combattant d'une nouvelle cause, qui apparaît improbable aujourd'hui : réconcilier gaullistes, résistants de toutes obédiences et pétainistes anti allemands ! Devenu militant du RPF gaulliste (Rassemblement du peuple français) au lendemain de la guerre, il défendra la thèse, réfutée par la plupart des historiens, selon laquelle le général de Gaulle et le maréchal Pétain étaient complémentaires, le premier représentant "l'épée de la France" et le second "le bouclier". Une assertion défendue dans plusieurs de ses livres consacrés à son action dans la résistance, mais que démentira de Gaulle lui-même, qui lui conservera toutefois son amitié et son estime.

Le 28 juillet 1984, Rémy l'agent secret n°1 de la France libre s'éteint, à quelques jours de son 80e anniversaire. François Mitterrand, président de la République, salue en lui "l'un des plus glorieux héros de la Résistance, qui restera à jamais l'honneur de la France". Deux ans après sa mort, paraît son dernier livre, tout simplement intitulé: La Résistance.

 

Guy Perrier, historien, In Les Chemins de la Mémoire, 235/avril 2013