Erwin Rommel

1891-1944

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Portrait du maréchal Erwin Rommel. Source : Deutsches Bundesarchiv (German Federal Archive

 

Erwin Johannes Eugen Rommel (15 novembre 1891 : Heidenheim - 14 octobre 1944 : Herrlingen)

 

Erwin Rommel est né à Heidenheim, le 15 novembre 1891. D'origine bourgeoise, il est fils et petit-fils de professeurs de mathématiques. Il rejoint l'armée en 1910. En 1914, au début de la Première Guerre mondiale, il n'a que 23 ans mais se révèle très vite un excellent soldat et un meneur d'hommes. Titulaire de la croix "Pour le Mérite", il devient après la guerre professeur à l'école de guerre de Potsdam, puis est nommé directeur de l'Ecole de Guerre de Wiener-Neustadt. Ses maîtres mots sont l'audace et la surprise.

Sympathisant du national-socialisme, il est nommé par Hitler, en 1938, chef d'état-major à son Quartier Général et mis, un an plus tard, à la tête de sa garde personnelle. Il est promu au rang de général de division le 1er août 1939.

Après la campagne de Pologne, il commande la 7e division blindée lors de l'invasion de la France, entre mai et juin 1940, bien qu'il n'ait aucune expérience pratique dans la guerre des blindés. Sa division progresse très rapidement vers Lille et prend ensuite à revers la Ligne Maginot qu'elle capture en partie. Elle fut nommée la "Division fantôme", car on ne savait jamais où elle était exactement, mais elle apparaissait toujours là où on l'attendait le moins, notamment au franchissement de la Meuse à Dinant, le 13 mai, qui fut un exploit tactique. Une prise massive d'amphétamines permettait à Rommel et à ses hommes de compenser le manque de sommeil et d'imprimer à leur marche en avant un rythme si soutenu qu'il fut rappelé à l'ordre par son commandant de corps d'armée, le général Hoth, soucieux de garantir à ses troupes un soutien logistique et des appuis qu'il n'était plus en mesure de leur garantir du fait de la rapidité de leur progression. Ses succès lors de la campagne de France sont largement relayés par la propagande nazie qui en fait un général "modèle" en dépit de son peu d'égards pour la vie de ses propres soldats.

Erwin Rommel est ensuite nommé commandant des forces militaires allemandes de l'Afrika Korps, pour venir en aide aux Italiens en difficulté en Libye face aux Britanniques.

Il réussit à retourner la situation en reprenant la Cyrénaïque, où il est surnommé le "Renard du désert" par ses amis et ennemis, car il improvise constamment et ruse pour faire balancer le sort des combats. Il se révèle cependant un officier difficilement contrôlable et entretient des relations pour le moins difficiles avec ses chefs italiens Gariboldi et Bastico.

Général d'armée le 30 janvier 1942, il conquiert Tobrouk le 21 juin suivant. Deux jours plus tard, il est élevé à la dignité de maréchal. Il a cinquante ans, c'est l'apogée de sa carrière.

Le 3 septembre 1942, Rommel tombe malade et retourne en Allemagne. Lorsqu'il revient en Afrique, la progression des Anglais est déjà considérable. Le général britannique Montgomery parvient à conquérir la ville d'El-Alamein et accule l'Afrika Korps et les Italiens à la retraite pour les prendre en tenaille avec les troupes anglo-américaines qui, depuis le 8 novembre, ont débarqué en Algérie et au Maroc. Rommel réussit à regrouper les forces allemandes sur une ligne de front dénommée Mareth, en Tunisie, mais l'opération est délicate car il manque d'hommes et de matériel.

Le 5 mars 1943, il est rappelé par Hitler et quitte l'Afrique. Ainsi, il n'assiste pas à la défaite définitive de l'Afrika Korps en Tunisie, le 13 mai 1943.

Il reçoit alors un commandement en Italie, puis il est chargé de l'inspection du Mur de l'Atlantique ainsi que du commandement du groupe d'armées B, situé en Normandie, sous les ordres du Feldmarschall von Runstedt avec qui les frictions sont permanentes. Sa tâche consiste à défendre les plages d'une invasion alliée. Lors d'une discussion avec le général Bayerlein, Rommel lui fit remarquer ceci : " Il ne s'agit plus de briser l'assaut de hordes fanatiques (les Russes) lancées en vague compactes sans égard à leurs pertes... nous devons faire face à un adversaire qui applique toute son intelligence à employer ses ressources techniques... ne recule devant aucune dépense de matériel. La fougue et la ténacité ne suffisent plus pour faire un soldat, il faut qu'il ait assez d'intelligence pour en tirer le meilleur parti, et c'est précisément ce que nos adversaires savent faire.... "(La guerre sans haine, carnets personnels de Rommel publiés en 1953 par l'historien anglais Liddell Hart, p 417).

 

Rommel est conscient que les premières heures de l'assaut allié seront très importantes. Cependant, le 6 juin 1944, il se trouve en Allemagne où il fête l'anniversaire de sa femme, les renseignements en sa possession indiquant clairement qu'il n'y aura pas de débarquement avant le 15. Dans la journée, il rentre à son poste de commandement à la Roche-Guyon et tente de repousser les forces débarquées à la mer, mais il sait qu'il est déjà trop tard. Le 17 juillet 1944, il est sérieusement blessé dans une attaque aérienne au dessus du village de Vimoutier.

Le 20 juillet 1944 a lieu l'attentat contre Hitler. Rommel, qui n'a pu y participer personnellement mais qui y était fortement impliqué, est limogé de son poste et Hitler ne lui laisse que le choix du suicide, en lui garantissant sous cette condition la sécurité pour sa famille.

Quatre jours après sa mort, le 14 octobre, l'Allemagne célèbre de grandioses funérailles en l'honneur d'un chef militaire très apprécié par le peuple, meneur d'hommes et tacticien hors pair, dont l'exécution aurait terni l'image de l'État et du parti.

Il est enterré à Herrlingen.

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

Albert 1er

1875 - 1934

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Le roi Albert 1er. Source : l'album de la guerre 1914-1919. © L'illustration

Fils du prince Philippe, comte de Flandre (le frère du roi Léopold II) et de la princesse Marie de Hohenzollern-Sigmaringen, Albert 1er est prince de Belgique, duc de Saxe et prince de Saxe-Cobourg-Gotha.

Le 2 octobre 1900, il épouse Elisabeth, duchesse de Bavière, dont il aura trois enfants : Léopold, futur Léopold III . Charles-Théodore, régent du royaume de 1944 à 1951 et Marie-José qui deviendra reine d'Italie durant seulement un mois, du 9 mai au 13 juin 1946.

Albert Ier prête le serment constitutionnel le 23 décembre 1909, pour devenir le troisième roi des Belges après Léopold Ier et Léopold II, souverains non d'un royaume mais d'un peuple (comme Louis-Phillipe Ier était " roi des Français ", en 1830).

Succédant à son oncle, le roi Léopold II, il trouve un pays opulent avec deux communautés, Flamands et Wallons, où prédominaient ces derniers, et doté d'une riche colonie, le Congo.

En 1914, Albert Ier rejette l'ultimatum lancé par l'empereur Guillaume II pour obtenir le libre passage de ses troupes sur le sol belge. Le 4 août, les Allemands envahissent la Belgique dont l'armée, après une lutte acharnée à Liège et à Anvers, se retranche derrière l'Yser, le 15 octobre.

Calme, modeste, presque effacé, le roi Albert va alors révéler son énergie en exigeant d'assumer personnellement sa prérogative constitutionnelle de commander l'armée. Il refuse de suivre le gouvernement belge en exil à Sainte-Adresse, dans la banlieue du Havre, et fixe son quartier général à La Panne, en Flandre-Occidentale, partageant durant toute la guerre la vie de ses soldats.

Il est admirablement soutenu par son épouse, la reine Elisabeth (1876-1965). Bavaroise de naissance (née Von Wittelsbach) et nièce de l'impératrice d'Autriche Elisabeth, épouse de l'empereur François-Joseph, elle se dévoue auprès des blessés, des réfugiés, fondant un hôpital à La Panne où elle sert comme infirmière. Leur fils, le prince Léopold, duc de Brabant, est mobilisé en 1915 comme simple soldat au 12e de Ligne, à l'âge de 13 ans.

En septembre 1918, Albert Ier participe activement à l'offensive décisive déclenchée par Foch pour la conquête de la crête des Flandres (29 septembre) et la bataille de Torhout-Tielt (14 - 18 octobre) qui aboutit à la reconquête de Bruges. Enfin, le 22 novembre 1918, accompagné de la reine Elizabeth et de ses enfants, Albert Ier rentre triomphalement à Bruxelles.

La noblesse de son attitude à la tête de son armée lui vaut le surnom de "roi-chevalier".

Au lendemain de la guerre, il représente la Belgique aux négociations de paix à Versailles, défendant les intérêts de son pays mais tentant aussi, en vain, de s'opposer à la politique d'humiliation excessive de l'Allemagne.

Fervent alpiniste, il trouve la mort en escaladant un des rochers de Marche-les-Dames, dans la vallée de la Meuse, près de Namur, le 17 février 1934.

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

Paul von Hindenburg

1847-1934

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Le feld-maréchal von Hindenburg.
Source : l'album de la guerre 1914-1919. © L'illustration

Issu d'une lignée de militaires prussiens, Hindenburg est né à Posen (aujourd'hui Poznan) le 2 octobre 1847, de Robert von Beneckendorff und von Hindenburg, alors lieutenant au 18e régiment d'infanterie, et de Louise Schwickart.

Cadet à l'école militaire de Wahlstatt puis de Berlin à partir de 1859, il est sous-lieutenant au 3e régiment d'infanterie de la Garde prussienne lorsqu'il prend part à la guerre austro-prussienne de 1866, combattant notamment à Rosberitz et Königgrätz. Il participe ensuite à la campagne de 1870-1871 contre la France, à Saint-Privat en août, puis au siège de Paris. Le 16 janvier 1871, il est présent à la proclamation de l'Empire allemand, dans le château de Versailles.

Admis à l'académie de guerre en 1873 puis stagiaire au grand état-major, il est capitaine à l'état-major du IIe corps d'armée à Stettin en 1878 puis à celui de la 1re division à Königsberg en 1881. À la tête d'une compagnie du 58e régiment d'infanterie en 1884, il devient ensuite major à la section des opérations du grand état-major, dirigée par von Schlieffen. En 1890, il devient chef d'une direction du ministère de la guerre.

Promu colonel en 1893, il est à la tête du 91e régiment d'infanterie, à Oldenburg. Général de brigade en 1896, il est chef d'état-major du VIIIe corps d'armée à Coblence puis, nommé général de division, commande la 28e division à Karlsruhe en 1900 avant de prendre la tête du IVe corps d'armée à Magdebourg en 1903. Il prend sa retraite en 1911.

Appelé le 23 août 1914 au commandement de la VIIIe armée, il arrête l'offensive russe en Prusse-Orientale par les victoires de Tannenberg contre Samsonov, en août 1914, et des lacs Mazures contre Rennenkampf en septembre. Commandant en chef du front oriental en novembre 1914, les succès remportés de 1914 à 1916 en Pologne et en Lituanie font du feld-maréchal un héros national et le successeur de Falkenhayn comme chef de l'état-major général en août 1916. Il prend, secondé par Ludendorff, la direction générale des opérations militaires sur tous les fronts. Adoptant une attitude défensive à l'Ouest, marquée par la construction d'un vaste ensemble de positions fortifiées (ligne Hindenburg), il fait porter tous les efforts sur le front Est, contre la Roumanie et la Russie, apporte son soutien aux Autrichiens sur le front italien et décide de pratiquer la guerre sous-marine à outrance. Outre l'autorité militaire, Hindenburg et Ludendorff jouissent également d'une influence politique importante et provoquent la démission de Bethmann-Hollweg, en désaccord sur certains aspects de la conduite de la guerre, en juillet 1917. En 1918, la reprise des offensives allemandes sur le front ouest se solde par un échec. Les forces alliées, renforcées par des unités américaines, font reculer inexorablement les troupes allemandes. Hindenburg incite le gouvernement à demander l'armistice.

Démobilisé en juillet 1919, il publie ses Mémoires, Aus meinem Leben, l'année suivante.

Il est élu, en 1925, président de la République allemande et réélu en 1932 face à Adolf Hitler qu'il nomme chancelier du Reich l'année suivante.

Il décède le 2 août 1934 à Neudeck, en Prusse orientale.

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

Erich Ludendorff

1865-1937

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Portrait du général Ludendorf.
Source : l'album de la guerre 1914-1919. © L'illustration

 

Issu d'une famille de commerçants, Erich Ludendorff est né à Kruszewnia, dans la province de Posen (aujourd'hui Poznan, en Pologne), le 9 avril 1865.

Cadet à l'école de Ploen puis de Lichterfeld de 1877 à 1882, il est sous-lieutenant au 57e régiment d'infanterie à Wessel, lieutenant au 2e bataillon de marine à Kiel-Wilhemshaven puis au 8e grenadiers à Francfort-sur-l'Oder avant d'entrer à l'académie de guerre de Berlin. Sorti avec le grade de capitaine en 1895, il est affecté à l'état-major, où il est à la tête de la section des opérations de 1908 à 1912, et participe à l'élaboration du plan d'invasion de la France, sous les ordres de Schlieffen et de Moltke. Cette période est entrecoupée de passages plus ou moins brefs à la tête d'une compagnie d'infanterie à Thorn, à l'état-major de la 9e division d'infanterie à Glogau et à celui du 5e corps d'armée à Posen. Il est promu chef de bataillon en 1900, lieutenant-colonel en 1907 et colonel en 1911.

Affecté au 39e régiment d'infanterie à Düsseldorf, fin 1912, il prend le commandement de la 85e brigade d'infanterie à Strasbourg, en avril 1914, tout en continuant à participer à de nombreuses activités d'état-major.

En août 1914, il est quartier-maître de la IIe armée, commandée par von Bülow, et prend une part active à la prise de Liège lors de l'invasion de la Belgique. Cette action lui vaut d'être nommé chef d'état-major général de la VIIIe armée sur le front oriental, le 21 août 1914, puis, par la victoire de Tannenberg, chef d'état-major général d'Hindenburg, commandant en chef. Lorsque celui-ci succède à Falkenhayn comme chef d'état-major général des armées allemandes, à l'été 1916, Ludendorff devient premier quartier-maître général, traitant des questions d'intendance, préparant les plans militaires et dirigeant les opérations. Partisan de la guerre totale, il est l'ardent défenseur de la guerre sous-marine à outrance. Il s'oppose en cela au chancelier Bethmann-Hollweg, provoquant sa démission en juillet 1917. Il est également l'un des principaux négociateurs du traité de Brest-Litovsk (3 mars 1918) qui enlève à la Russie de nombreux territoires dont notamment la Pologne, les Pays baltes, la Finlande et l'Ukraine. Ses grandes offensives sur le front Ouest, au printemps 1918, en dépit des violents combats qui en résultent, ne peuvent cependant empêcher la défaite allemande. Il se tourne fin septembre vers le gouvernement pour qu'une demande d'armistice soit déposée. Se rétractant finalement, il démissionne en octobre 1918 et se réfugie en Suède, rejetant la responsabilité de la défaite sur les autorités civiles.

De retour en Bavière au printemps 1919, il s'investit dans la politique, se rapprochant des nationaux-socialistes et soutenant Adolf Hitler lors de sa tentative de putsch en 1923. Élu député au Reichstag en mai 1924, il se présente aux élections présidentielles de mars 1925, remportées par Hindenburg, comme candidat des nationalistes, mais n'obtient que peu de voix. Il fonde en 1926 son propre parti, le Tannenberg Bund. En 1935, il refuse l'offre d'Adolf Hitler de l'élever à la dignité de maréchal.

Outre ses Mémoires, Souvenirs de guerre (1919), il est l'auteur de nombreux ouvrages militaires et écrits politiques.

Il décède à Tutzing, en Bavière, le 20 décembre 1937.

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

Guillaume II

1859-1941

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Portrait de Guillaume II.
Source : l'album de la guerre 1914-1919. © L'illustration

Guillaume II, fils de l'empereur Frédéric III et de l'impératrice Victoria, petit-fils de Guillaume 1er de Hohenzollern par son père et de la reine Victoria d'Angleterre par sa mère, est né à Potsdam le 27 janvier 1859.

Après des études au lycée de Kassel, il suit pendant deux ans les cours de l'université de Bonn et entame sa formation militaire dans les troupes de la Garde. Lieutenant au 1er régiment de la Garde à pied en 1877, capitaine en 1880, commandant aux hussards de la garde en 1881 puis du 1er bataillon du 1er régiment de la Garde à pied en 1883, il est promu colonel, commandant les hussards, en 1885 et nommé général en 1888.

Entre-temps, il épouse en 1881 la princesse Augusta-Victoria, fille de Frédéric-Auguste de Schleswig-Holstein. En mai 1844, il effectue un voyage en Russie pour conforter l'alliance des trois empereurs (Allemagne, Autriche-Hongrie, Russie), selon les directives du chancelier Bismarck.

Couronné roi de Prusse et empereur d'Allemagne le 15 juin 1888, après le règne de trois mois de Frédéric III, il entend dès lors exercer un réel pouvoir politique. Son implication est cependant très fluctuante en fonction de son état de santé nerveuse.

Ses divergences de vues avec Bismarck, concernant notamment les questions sociales, les relations avec la Russie ou la politique coloniale se multiplient et, en 1890, ce dernier démissionne. Guillaume II nomme, pour le remplacer, Leo von Caprivi auquel succèdent, en 1894, le prince Chlodwig zu Hohenlohe-Schillingsfürst, en 1900 le prince Bernhard von Bülow et en 1909 Theobald von Bethmann-Hollweg. Attaché au développement de la puissance militaire et de la richesse de l'Empire allemand, il s'engage alors dans une politique d'expansion commerciale, coloniale et maritime.

L'Allemagne connaît un essor économique important, devenant progressivement la première puissance industrielle en Europe. Les retombées sur le plan social ne manquent pas mais les tensions n'en sont pas moins nombreuses. Les sociaux-démocrates ne cessent de gagner du terrain, obtenant la plus large représentation au Reichstag en 1912. Sur le plan intérieur, le pays est par ailleurs également confronté à ses minorités : Polonais de Posnanie, Danois du Schleswig et Alsaciens-Lorrains qui refusent la politique de germanisation.

En Europe, la croissance de l'Allemagne comme sa politique extérieure inquiètent. La concurrence dans la recherche de débouchés commerciaux, les interventions au Proche-Orient ou dans les pays balkaniques sont autant de sujets de discorde, d'autant que l'empereur adopte une attitude oscillante, se rapprochant tantôt de l'une tantôt de l'autre des quatre autres grandes puissances européennes (Grande-Bretagne, France, Autriche-Hongrie, Russie). Ne reconduisant pas le traité d'assistance mutuelle avec la Russie en 1890, il consacre ses efforts à renforcer la Triple Alliance (Triplice) entre l'Allemagne, l'Autriche et l'Italie, renouvelée en 1892, 1902 et 1912, non sans quelques tentatives de rapprochement avec la Grande-Bretagne et la France (qui signent entre elles le traité de l'Entente cordiale en 1904) et la Russie elle-même. Les relations germano-anglaises ne cessent cependant de se détériorer. Le traité d'alliance défensive avec la Russie (traité de Björkö, 1905) est un échec. De même, la tentative de rapprochement avec la France après l'affaire d'Agadir (1911) n'aboutit pas. L'Allemagne se trouve de plus en plus isolée diplomatiquement. Guillaume II fait accélérer le renforcement de sa marine et de son armée.

Au cours du conflit qui éclate en 1914, commandant en chef des armées, il conserve son pouvoir de nomination aux plus hautes fonctions ainsi que son rôle de coordination et d'arbitrage entre politiques et militaires. Il doit cependant céder la direction des opérations à Hindenburg et Ludendorff, devenus très populaires à la suite des succès de Tannenberg et des lacs Mazures d'août et septembre 1914 et nommés à la tête du haut-commandement durant l'été 1916. Confronté à la défaite allemande et aux troubles révolutionnaires de novembre 1918, l'empereur abdique le 9. Il se réfugie aux Pays-Bas qui refusent la demande d'extradition déposée par les Alliés afin d'appliquer à son encontre les sanctions prévues par le traité de Versailles.

Il se consacre alors à l'écriture et publie, en 1922 et 1927, ses Mémoires : Ereignisse und Gestalten, 1878-1918 et Aus meinem Leben, 1859-1888. Il décède à Doorn, en 1941.

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

John Pershing

1860-1948

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Portrait de John Joseph Pershing.
Source : l'album de la guerre 1914-1919. © L'illustration

 

John Joseph Pershing est né le 13 septembre 1860 à Linn Country, un village du Missouri. Sa famille était d'origine alsacienne - un de ses ancêtres avait émigré en Amérique au milieu du XVIIIe siècle. A 22 ans, après avoir été instituteur, il entre à l'Académie militaire de West Point. Il en sort en 1886 et suit alors une carrière militaire classique : sous-lieutenant en Arizona, professeur de science militaire et de tactique à l'Université du Nebraska (1891) où il étudie également le droit, 10e Régiment de cavalerie du Montana. Lieutenant à Washington (1897), il participe à la guerre de Cuba, puis à la répression de l'insurrection des Moros aux Philippines.

En 1901, le capitaine Pershing est attaché militaire à Tokyo et suit de près la guerre russo-japonaise. En 1906, il est nommé général de brigade et remplit une nouvelle mission aux Philippines avant de faire un séjour en Europe où il étudie le français et, en 1914, il reçoit le commandement de la Division de l'Ouest, à San Francisco. Il participe à la répression de la révolte de Pancho Villa au Mexique. En août 1915, sa femme et trois de ses enfants périssent dans un incendie à San Francisco.

Le 10 mai 1917, le président Wilson le charge de commander le Corps expéditionnaire américain en Europe. Le 13 juin 1917, le général Pershing arrive à Paris.

Treize jours plus tard, les premières troupes américaines débarquent à Saint-Nazaire. Jusqu'au 11 novembre 1918, le général Pershing n'aura de cesse de créer sur le front français une grande armée américaine autonome.

Le général Pershing quitte la France le 1er septembre 1919 . le 29 septembre, le Congrès américain déclare qu'il a bien mérité de la patrie.

Au lendemain de la guerre, Pershing est nommé Commandant en chef de l'état-major des armées américaines (1921). Il accède au cadre de réserve en 1924. Dès lors il se retire de la vie publique, n'intervenant de façon officielle que dans les cérémonies commémoratives auxquelles il participe chaque année en qualité de président fondateur de 1"American Battle Monuments Commission", l'organisme qui gère les nécropoles et les mémoriaux américains en Europe. Il participe ainsi en 1937 à l'inauguration de sa propre statue à Versailles. Il se rend en France pour la dernière fois en mai 1939. Il publie "Mes souvenirs de la guerre" en 1931, ouvrage qui sera couronné par le Prix Pulitzer l'année suivante (publié en France à la librairie Pion).

Le 4 août 1940, il adresse pour la dernière fois au peuple américain un message radiophonique dans lequel il prend position contre l'hitlérisme.

En 1944, il entre à l'hôpital Walter Reed à Washington . c'est là qu'il recevra le général de Gaulle en juillet de la même année.

John J. Pershing décède le 15 juillet 1948, et est inhumé au cimetière national d'Arlington en présence du président Harry S. Truman.

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

Woodrow Wilson

1856-1924

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Portrait de Woodrow Wilson. Source : domaine public

 

Woodrow Wilson est le vingt-huitième président des États-Unis. Il engage son pays dans la Première Guerre mondiale, en avril 1917, après trois ans de neutralité et, au sortir de la guerre, oeuvre à la réconciliation des pays européens, ce qui lui vaut le prix Nobel de la paix en 1919.

Woodrow Wilson est le fils d'un pasteur presbytérien qui l'élève dans la rigueur et l'attachement à ses valeurs. Après des études de droits à l'Université de Princeton, il devient avocat (Atlanta 1882-1883) et professeur de sciences politiques dans diverses institutions (1890-1910). Elu gouverneur démocrate de l'Etat du New Jersey en 1910, il est choisi par le Parti démocrate comme candidat à l'élection présidentielle du 5 novembre 1912 qu'il remporte grâce à la division de ses adversaires républicains, Théodore Roosevelt et William Taft.

Wilson est favorable à un pouvoir exécutif fort et met en place un ambitieux programme démocratique et économique. Il abaisse les droits de douane, réforme le système bancaire en créant une réserve fédérale facilitant le crédit et renforce la loi antitrust autorisant les grèves et le boycott par les ouvriers. Sur le terrain politique, il fait voter une loi interdisant le travail des enfants, instaure le droit de vote féminin, met en place l'impôt sur le revenu et un système de retraite pour les salariés fédéraux, et réduit la journée de travail à 8 heures.

En politique extérieure, Wilson n'est pas partisan de l'interventionnisme mais il développe néanmoins une diplomatie active et renforce la prédominance américaine sur le continent en tentant d'y imposer une démocratie à l'américaine. Mais il ne souhaite pas que les États-Unis s'engagent dans les conflits européens, au nom de la doctrine Monroe qui refuse que les États-Unis interviennent en Europe et se mêlent des problèmes internationaux.

Dès le 4 août 1914, il déclare la neutralité américaine dans le conflit en affirmant "cette guerre n'est pas la notre". Il sera d'ailleurs réélu pour un second mandat, en novembre 1916, notamment sur le thème "Il nous a préservé de la guerre" (He kept us out of war), indiquant néanmoins, dans son discours d'investiture, que cette position sera probablement très difficile à tenir. Ainsi, victime de la reprise de la guerre sous-marine à outrance menée par les Allemands - elle avait été suspendue après la mort d'une centaine de citoyens américains dans le torpillage du paquebot Lusitania, le 7 mai 1915 - et indigné par les manœuvres allemandes pour entraîner le Mexique dans une guerre contre les États-Unis - télégramme du secrétaire d'État allemand des affaires étrangères Zimmermann - le président Wilson demande au Congrès le droit d'entrer en guerre contre l'Allemagne, demande approuvée le 6 avril 1917. Un mois plus tard, le 18 mai, il rétablit le service militaire obligatoire qui était aboli depuis la fin de la guerre de Sécession (1865).
 

Wilson organise l'effort de guerre et fournit aux Alliés une aide matérielle, morale et militaire (En octobre 1918, près de deux millions de soldats américains sous le commandement du général Pershing auront débarqué pour combattre en France). Il cherche également à prendre la direction politique de la coalition et définit les buts de guerre des Alliés. Le 8 janvier 1918, dans un discours au Congrès, il formule un programme en quatorze points définissant les objectifs de paix. Ces Quatorze points prônent la fin du colonialisme, l'abandon des obstacles économiques entre les nations, la garantie de la liberté des mers, l'autodétermination des peuples et la création d'une Société des Nations en vue de fournir "des garanties mutuelles d'indépendance politique et d'intégrité territoriale aux grandes nations comme aux petites".

Certains points de son programme serviront de base au Traité de Versailles de 1919.

De retour aux États-Unis, Wilson présente lui-même le Traité de Versailles pour ratification par le Congrès mais il se heurte à un puissant courant isolationniste qui refuse de signer un traité les contraignant à intervenir dans un nouveau conflit.

Par deux fois, en novembre 1919 et en mars 1920, le Congrès rejette le Traité de Versailles et se prononce contre l'adhésion à la SDN. Désavoué par le Congrès et une majorité du peuple américain, Wilson connaît donc l'ultime ironie de voir son propre pays refuser de se joindre à la Société des Nations mais ses efforts de réconciliation des pays européens lui valent néanmoins le prix Nobel de la paix en 1919 (reçu en 1920).

Épuisé physiquement par l'effort qu'il a déployé pour l'établissement de la paix, il subit une attaque d'apoplexie qui le laisse pratiquement paralysé. Il restera cloîtré à la Maison Blanche jusqu'en 1921, après la victoire écrasante du candidat républicain conservateur, Warren Harding.

Il se retire alors dans sa demeure de Washington où il décède, le 3 février 1924.

Il est inhumé dans la cathédrale de Washington.

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

Henri Fertet

1926-1943

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Portrait d'Henri Fertet. Source : Musée de l'Ordre de la Libération

 

Lycéen en classe de Seconde au Lycée Victor-Hugo à Besançon, Henri Fertet est arrêté par les Allemands le 3 juillet 1943, condamné à mort par le tribunal militaire de la Feldkommandantur 560 pour faits de résistance, est exécuté le 26 septembre 1943.

Henri Fertet naît le 27 octobre 1926 à Seloncourt dans le Doubs dans une famille d'instituteurs.

Ses études primaires terminées, il quitte sa ville natale pour entrer en 1937 au Lycée Victor Hugo à Besançon. Elève doué et travailleur, il s'intéresse à l'archéologie et à l'histoire. Vivant sous le joug nazi depuis l'armistice de juin 1940, Henri Fertet, inspiré par l'exemple des ses augustes sujets d'étude, rejoint à l'été 1942 le groupe de Marcel Simon, secrétaire de la Jeunesse agricole chrétienne à Larnod.

En février 1943, le groupe Simon rejoint l'organisation des Franc-tireurs et Partisans et prend le nom de Groupe-franc "Guy Mocquet". Il mène alors des actions de lutte clandestine.

Henri Fertet (enregistré sous le matricule Émile - 702) participe comme chef d'équipe à trois opérations :

  • l'attaque du poste de garde du Fort de Montfaucon le 16 avril 1943 pour s'emparer d'un dépôt d'explosifs qui entraîne la mort d'une sentinelle allemande.
  • la destruction, le 7 mai, d'un pylône à haute-tension à Châteaufarine près de Besançon.
  • l'attaque, le 12 juin 1943 sur la route Besançon-Quingey, du commissaire des douanes allemand Rothe dans le but de lui prendre son arme, son uniforme et les papiers qu'il transporte.

Henri Fertet tire sur le commissaire, le blessant mortellement mais l'arrivée d'une moto les empêche de se saisir des documents. Dès lors activement recherchés, les membre du groupe sont successivement arrêtés à partir de juin 1943.

Henri Fertet est appréhendé par les forces allemandes le 3 juillet 1943 : il est trois heures du matin, le jeune homme se repose chez ses parents à l'Ecole de Besançon-Velotte. Le plus jeune des prévenus, il est alors à peine âgé de seize ans, Henri Fertet est incarcéré à la prison de la Butte (Besançon). Il comparait devant le tribunal militaire de la Feldkommandantur 560 et est condamné à mort le 18 septembre 1943. Après 87 jours de détention et de torture, ce "compagnon d'âme" de Guy Mocquet est exécuté le 26 septembre 1943 à la citadelle de Besançon.

À l'instar de ce dernier il adressera à ses parents sa dernière lettre :

"Chers Parents,

Ma lettre va vous causer une grande peine, mais je vous ai vus si pleins de courage que, je n'en doute pas, vous voudrez encore le garder, ne serait-ce que par amour pour moi.

Vous ne pouvez savoir ce que moralement j'ai souffert dans ma cellule, ce que j'ai souffert de ne plus vous voir, de ne plus sentir peser sur moi votre tendre sollicitude que de loin. Pendant ces 87 jours de cellule, votre amour m'a manqué plus que vos colis, et souvent je vous ai demandé de me pardonner le mal que je vous ai fait, tout le mal que je vous ai fait. Vous ne pouvez vous douter de ce que je vous aime aujourd'hui car, avant, je vous aimais plutôt par routine, mais maintenant je comprends tout ce que vous avez fait pour moi et je crois être arrivé à l'amour filial véritable, au vrai amour filial. Peut-être après la guerre, un camarade vous parlera-t-il de moi, de cet amour que je lui ai communiqué. J'espère qu'il ne faillira pas à cette mission sacrée.

Remerciez toutes les personnes qui se sont intéressées à moi, et particulièrement nos plus proches parents et amis. dites-leur ma confiance en la France éternelle. Embrassez très fort mes grands parents, mes oncles, tantes et cousins, Henriette. Donnez une bonne poignée de main chez M. Duvernet. dites un petit mot à chacun. Dites à M. le Curé que je pense aussi particulièrement à lui et aux siens. Je remercie Monseigneur du grand honneur qu'il m'a fait, honneur dont, je crois, je me suis montré digne. Je salue aussi en tombant, mes camarades de lycée. A ce propos, Hennemann me doit un paquet de cigarettes, Jacquin mon livre sur les hommes préhistoriques. Rendez " Le Comte de Monte-Cristo " à Emourgeon, 3 chemin Français, derrière la gare. Donnez à Maurice André, de la Maltournée, 40 grammes de tabac que je lui dois.

Je lègue ma petite bibliothèque à Pierre, mes livres de classe à mon petit papa, mes collections à ma chère petite maman, mais qu'elle se méfie de la hache préhistorique et du fourreau d'épée gaulois.

Je meurs pour ma Patrie. Je veux une France libre et des Français heureux. Non pas une France orgueilleuse, première nation du monde, mais une France travailleuse, laborieuse et honnête.

Que les français soient heureux, voila l'essentiel. Dans la vie, il faut savoir cueillir le bonheur.

Pour moi, ne vous faites pas de soucis. Je garde mon courage et ma belle humeur jusqu'au bout, et je chanterai " Sambre et Meuse " parce que c'est toi, ma chère petite maman, qui me l'as apprise.

Avec Pierre, soyez sévères et tendres. Vérifiez son travail et forcez-le à travailler. N'admettez pas de négligence. Il doit se montrer digne de moi. Sur trois enfants, il en reste un. Il doit réussir.

Les soldats viennent me chercher. Je hâte le pas. Mon écriture est peut-être tremblée. mais c'est parce que j'ai un petit crayon. Je n'ai pas peur de la mort. j'ai la conscience tellement tranquille.

Papa, je t'en supplie, prie. Songe que, si je meurs, c'est pour mon bien. Quelle mort sera plus honorable pour moi que celle-là ? Je meurs volontairement pour ma Patrie. Nous nous retrouverons tous les quatre, bientôt au Ciel.  Qu'est-ce que cent ans ?

Maman, rappelle-toi :

" Et ces vengeurs auront de nouveaux défenseurs qui, après leur mort, auront des successeurs."

Adieu, la mort m'appelle. Je ne veux ni bandeau, ni être attaché. Je vous embrasse tous. C'est dur quand même de mourir.

Mille baisers. Vive la France.

Un condamné à mort de 16 ans

H. Fertet

Excusez les fautes d'orthographe, pas le temps de relire.

Expéditeur : Henri Fertet Au Ciel, près de Dieu."

 

Sources : Ordre de la Libération - MINDEF/SGA/DMPA

Guy Môquet

1924-1941

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Portrait de Guy Môquet. Source : SHD

Guy Môquet naît à Paris le 26 avril 1924. Étudiant au lycée Carnot, il se passionne très tôt pour la politique et choisi, dès l'arrestation de son père, le syndicaliste cheminot et député communiste Prosper Môquet, de suivre ses traces.

 

 

Prosper Môquet

 
Prosper Môquet, le père de Guy, était cheminot et député communiste, élu en 1936 dans le XVIIe arrondissement de Paris.
Source : Collection Musée de la résistance nationale à Champigny-sur-Marne - Fonds de la famille Môquet-Saffray

Ancien combattant de la Grande Guerre, Prosper Môquet (1897-1986) entre à la SNCF où il milite activement à la fédération unitaire des cheminots. Membre du PCF depuis 1926, il est élu député en 1936. Malgré la dissolution du PCF en 1939, il continue à suivre la ligne du Parti et ne dénonce pas le Pacte germano-soviétique, signé le 23 août 1939. Il participe à la constitution du Groupe ouvrier et paysan français. Arrêté avec 43 autres députés de ce groupe, en octobre 1939, il est déchu de son mandat, en janvier 1940, puis, comme ses camarades, condamné, en avril, à cinq ans de prison. Il est ensuite déporté, en mars 1941, avec d'autres députés communistes, au bagne de Maison-Carrée en Algérie. Libéré en février 1943 après l'arrivée du général De Gaulle à Alger, Prosper Môquet occupera d'autres postes de député après la guerre.

 

Après l'arrestation de Prosper, Guy, sa mère Juliette et son petit frère Serge s'étaient réfugiés à Bréhal, dans la Manche. Il revient à Paris, seul, et milite avec ferveur au sein des jeunesses communistes réorganisées clandestinement. Il distribue des tracts et colle des papillons proclamant la politique du Parti, y compris après l'entrée des Allemands dans Paris, le 14 juin 1940, et la proclamation de l'État Français, le 10 juillet suivant.

 

Guy Môquet et son frère Serge

 

Guy Môquet et son frère Serge à vélo, rue Baron dans le XVIIe arrondissement de Paris, en juillet 1939.
Source : Collection Musée de la résistance nationale à Champigny-sur-Marne - Fonds de la famille Môquet-Saffray

 

Dans le même temps, il entretient une correspondance avec son père dont il s'efforce d'obtenir la libération. En novembre, il adresse ainsi à Édouard Herriot, président de l'assemblée nationale, un long poème en alexandrins dont voici un extrait :

"Je suis jeune Français, et j'aime ma patrie

J'ai un coeur de Français, qui demande et supplie

Qu'on lui rende son père, lui qui a combattu

Pour notre belle France avec tant de vertu".

Le 13 octobre 1940, Guy Môquet, alors âgé de 16 ans, est arrêté Gare de l'Est par des policiers français qui recherchent les militants communistes. On l'interroge. On veut lui faire livrer les amis de son père.

Incarcéré à la prison de Fresnes, le jeune militant est inculpé, sous le même chef d'accusation que son père, "d'infraction au décret du 26 septembre 1939, portant dissolution des organisations communistes". Le 23 janvier 1941, il est acquitté par la 15e chambre correctionnelle de Paris, et doit être mis en liberté surveillée.

L'intérieur de camp de Choisel en juillet 1941. Source : Amicale de Châteaubriand - Vosves-Rouillé

 

Guy Môquet n'est pourtant pas relâché. Au contraire, il est transféré à la prison de la Santé, à Paris, le 10 février suivant. L'adolescent s'impatiente, écrit au procureur mais rien n'y fait. Il est transféré à la prison de Clairvaux, dans l'Aube, puis au camp de Choisel à Châteaubriant, en Loire-Inférieure (Loire-Atlantique actuelle), où sont détenus d'autres militants communistes généralement arrêtés entre l'automne 1939 et 1940.

Arrivé le 16 mai 1941, il est à la baraque 10, la baraque des jeunes où il lie de nombreuses amitiés. Le 20 octobre 1941, trois résistants communistes, Marcel Bourdarias, Gilbert Brustlein et Spartaco Guisco, abattent, à Nantes, le Feldkommandant Karl Hotz, commandant des troupes d'occupation de la Loire-inférieure. En guise de représailles, l'Occupant décide de fusiller 50 otages.

Lettre du sous-préfet de Châteaubriant dénonçant aux autorités allemandes les détenus communistes. Source : SHD

 

Le ministre de l'Intérieur du gouvernement de Vichy, Pierre Pucheu, propose une liste comprenant essentiellement des communistes dont 27 prisonniers du camp de Choisel, parmi lesquels, Charles Michels, secrétaire général des industries cuirs et peaux CGT, Jean-Pierre Timbaud, dirigeant de la métallurgie CGT et Guy Môquet, fils de député communiste. Parallèlement, vingt et une autres personnes sont fusillées à Nantes et à Paris.

La dernière photo de Charles Michels. À ses côtés, René Sentuc. Source : SHD

 

Jean-Pierre Timbaud. Source : SHD

 

Guy Môquet va mourir. Quelques minutes avant d'être conduit sur le lieu d'exécution, alors rassemblés avec ses camarades dans la baraque 6, il écrit une dernière lettre à sa famille, cette fameuse lettre qui commence par, "Je vais mourir !", et se termine par, "Je vous embrasse de tout mon coeur d'enfant".

Enfin, il griffonne un dernier petit mot pour une jeune communiste, Odette Leclan (aujourd'hui Odette Nilès), militante de l'Union des jeunes filles de France. Il a fait sa connaissance un mois plus tôt alors qu'elle vient d'être internée au camp de Choisel et multiplie les contacts à travers une palissade de bois surmontée d'un grillage, qui sépare le secteur des garçons et celui des filles. Tombés rapidement amoureux, le jeune Guy regrette, dans ses dernières lignes, le baiser qu'elle lui avait promis.

Dernière lettre de Guy Môquet adressée à sa famille et écrite au camp de Châteaubriant, le jour de son exécution. 22 octobre 1941.
Source : Collection Musée de la résistance nationale à Champigny-sur-Marne - Fonds de la famille Môquet-Saffray

 

Billet de Guy Môquet adressé à Odette Leclan, internée au camp de Choisel. 22 octobre 1941.
Source : Collection Musée de la résistance nationale à Champigny-sur-Marne - Donation Odette Niles

Ce 22 octobre 1941, les vingt-sept otages sont fusillés, en trois groupes, dans la carrière de la Sablière, à la sortie de Châteaubriant. Ils avaient refusé qu'on leur bande les yeux et, dans leur dernier souffle, crièrent "Vive la France".

Le lendemain, les Allemands dispersent dans plusieurs cimetières des environs les corps de ceux que le général de Gaulle qualifie, dès le 25 octobre suivant, dans un discours à la radio, de "martyrs" : "En fusillant nos martyrs, l'ennemi a cru qu'il fallait faire peur à la France. La France va lui montrer qu'elle n'a pas peur de lui."

Le 22 octobre 1944, premier anniversaire de la fusillade après la Libération.
Le parti communiste français organise la première cérémonie du souvenir à laquelle assiste l'ensemble des forces de la Résistance. Source : SHD

 

Le corps de Guy Môquet est par la suite transporté au cimetière parisien du Père Lachaise (carré 97) pour être inhumé aux côtés de son frère et de sa mère. A titre posthume, Guy Môquet est chevalier de la Légion d'honneur et est titulaire de la Croix de Guerre et de la Médaille de la Résistance.

Le 22 octobre 1963, commémoration en honneur des victimes de Châteaubriant. Source : SHD

 

Le 22 octobre 1963, commémoration en honneur des victimes de Châteaubriant. Source : SHD
 

Albert Speer

1905-1981

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Albert Speer lors du procès de Nuremberg.
Source : www.trumanlibrary.org

 

Albert Speer, (19 mars 1905 Mannheim - 1er septembre 1981 - Londres)

 

Albert Speer, issu d'une famille d'architectes, étudie aux écoles techniques de Karlsruhe, de Munich puis de Berlin, où il suit les cours d'Heinrich Tessenow, dont il sort diplômé en 1931. A la suite d'un discours d'Hitler en 1930, il s'enthousiasme pour le national socialisme et adhère au parti en janvier de l'année suivante - il est le 474 481e membre.

Grand travailleur, efficace, talentueux et distingué lors de nombreux concours, il est remarqué par Hitler qui, lorsqu'il devient chancelier, en fait son architecte personnel chargé de bâtir la ville de Berlin. En 1933, il reçoit sa première commande officielle : Joseph Goebbels lui demande de participer à la restauration de la Chancellerie de Berlin. L'année suivante, il organise la mise en scène des manifestations de Nuremberg, s'inspirant du site antique de Pergame (Turquie). En 1937, Speer dessine le pavillon allemand pour l'exposition universelle à Paris.

Ses talents d'organisateurs lui ouvrent en 1942 le ministère des armements, succédant alors à Fritz Todt. En 1943 il seconde Hermann Goering dans la planification économique du Reich, reprenant à ces fins les principes de l'organisation Todt : travail forcé pour la construction des routes et sites stratégiques.

Mis en cause en juillet 1944 suite à l'attentat raté contre Hitler, il ne devra son salut qu'à l'annotation "si possible" inscrite par Claus von Stauffenberg sur la liste de conjurés pressentis pour former un gouvernement post-hitlérien.

Albert Speer, réussira à maintenir le niveau élevé de l'activité allemande en 1944 au plus fort des bombardements alliés, allant même jusqu'à limiter dans les derniers mois de la guerre la politique de terre brûlée voulue par Hitler.

Il est condamné en 1946 à l'emprisonnement pendant 20 ans au procès de Nuremberg où il se tient à l'écart du banc des accusés et reconnaît sa culpabilité tout en niant sa responsabilité dans la solution finale. Ceci lui vaudra le qualificatif de "bon nazi", mais fera l'objet d'une remise en question dans le journal Der Spiegel du 2 mai 2005.

Détenu dans la forteresse de Spandau aux côtés de Karl Dönitz, Walter Funk, Rudolf Hess, Konstantin von Neurath, Erich Raeder et Baldur von Schirach, il est libéré en 1966.

Son image de "bon nazi" lui permet de s'inscrire au SPD qui voit en lui l'exemple du repentir et du renouveau allemands.

Il publiera notamment Erinnerungen et Spandauer Tagebücher. Albert Speer décède d'une hémorragie cérébrale à Londres en 1981 alors qu'il participe à une série d'émission de la BBC.

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA