Le Mont-Valérien et le groupe Manouchian

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Chapeau

Le Mont-Valérien a été le principal lieu d’exécution de l’armée allemande sur le territoire français pendant la Seconde Guerre mondiale. Un peu plus de mille hommes y ont été assassinés entre 1941 et 1944 parce qu’ils étaient résistants condamnés à mort, ou otages juifs et communistes.

Clairière du Mont-Valérien. © ONaCVG_CharlotteBourdon
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Parmi eux, le 21 février 1944, en milieu d’après-midi, Missak Manouchian et 21 de ses camarades sont fusillés dans la clairière du Mont-Valérien.

Véritable écrin de verdure au coeur d’une forteresse militaire, masquée par une dense végétation, cette étroite clairière à la quiétude aujourd’hui saisissante fut le lieu où résonnaient, il y a 80 ans, les balles d’un peloton d’exécution.

Immortalisés par Clemens Ruther, un sous-officier de la Feldgendarmerie, qui prend clandestinement des photographies au moment de leur exécution, les membres dits de « l’Affiche rouge » étaient considérés par les nazis comme leurs ennemis naturels : étrangers, juifs, communistes, résistants.

Après la guerre, le site est choisi par le général de Gaulle pour honorer la mémoire des Morts pour la France de 1939 à 1945 ; il y inaugure le mémorial de la France combattante le 18 juin 1960. Depuis cette date, les cérémonies du 18 juin se déroulent devant le mémorial : cérémonie nationale et traditionnelle, commémorant l’Appel du Général à refuser la défaite et à poursuivre le combat, elle concrétise l’hommage de la Nation à l’ensemble des forces ayant combattu face au nazisme. Pourtant, aucun fusillé du Mont-Valérien, ni aucun Franc-tireur Partisan, ne repose dans la crypte du mémorial, parmi les 17 « Morts pour la France » choisis pour représenter les différentes formes de combat. Le lieu cristallise ainsi, d’emblée, l’opposition entre la mémoire des fusillés et la mémoire officielle gaullienne.

C’est pourquoi la cérémonie du 18 juin 2023 a revêtu un caractère tout à fait particulier.

« Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement ».

En écrivant dans sa dernière lettre ces mots prémonitoires quelques heures avant d’être fusillé, Missak Manouchian avait vu juste. Certes, il aura fallu attendre 80 ans, mais lors de la cérémonie du 18 juin 2023, deux décisions présidentielles symboliques ont permis de répondre aux derniers mots du célèbre résistant, à savoir l’annonce de sa panthéonisation en février 2024 mais également la reconnaissance de la Nation aux étrangers fusillés au Mont Valérien « Morts pour la France ». Cette cérémonie a également été marquée, pour la première fois depuis que le général de Gaulle avait déposé une gerbe dans la clairière des fusillés le 1er novembre 1944, par le retour d’un président de la République dans cet espace symbolique, principal lieu d’exécution sous l’occupation.

Aujourd’hui lieu d’histoire et de mémoire, le mémorial du Mont-Valérien propose tous les jours des visites guidées : à l’intérieur du site, le « Parcours du Souvenir » permet de suivre le chemin de ceux qui allaient être fusillés, de la chapelle, lieu d’attente pour nombre de condamnés et dont les murs gardent encore la trace des graffitis gravés par certains d’entre eux, à la clairière, lieu des exécutions.

Dans le cadre de l’entrée au Panthéon de Missak Manouchian, le mémorial du Mont-Valérien a inauguré en septembre 2023, lors des Journées européennes du patrimoine, un cycle dédié au groupe Manouchian.

Tout au long de l’année 2024, le mémorial propose une programmation culturelle, scientifique et pédagogique (visites théâtralisées, conférences, saison littéraire, concerts, ciné-débats) permettant de comprendre ce que fut la répression allemande, la collaboration française, et quel était le parcours de ceux « qui aimaient la vie à en mourir » (Louis Aragon).


Auteur
Jenna Massieux - Hauts lieux de la mémoire nationale du ministère des Armées en Île-de-France (ONaCVG)

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