Missak Manouchian, un résistant étranger au Panthéon

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Sur la montagne Sainte-Geneviève à Paris se dresse le Panthéon,temple dédié aux grands hommes et grandes femmes de la Nation. Son administratrice, Barbara Wolffer, revient sur cet événement majeur qu’a constitué l’hommage rendu au résistant étranger Missak Manouchian,amoureux de la France et mort pour elle.

Vue de l’exposition Vivre à en mourir. Missak Manouchian et ses camarades de Résistance au Panthéon.
Texte

Le 21 février 2024, 80 ans après son exécution au Mont Valérien, Missak Manouchian faisait son entrée au Panthéon, accompagné de son épouse Mélinée. Ses vingt-trois camarades de résistance étaient quant à eux honorés par une inscription. La saisissante cérémonie de panthéonisation, puis l’exposition proposée au grand public, ont été l’occasion de rappeler que le Panthéon est le lieu d’une mémoire nationale vivante.

En 2023, lors des commémorations de l’Appel du 18 juin au Mont-Valérien, le Président de la République annonçait sa décision de faire entrer Missak Manouchian au Panthéon. Rescapé du génocide des Arméniens, arrivé en France en 1924, ce poète et résistant dirigeait le groupe parisien des Francs-tireurs et partisans - Main-d’oeuvre immigrée (FTP-MOI). Une nouvelle composante de la Résistance était ainsi reconnue par la Nation, celle des étrangers et des communistes, après celles incarnées notamment par Jean Moulin, les Justes de France, Pierre Brossolette, Germaine Tillion ou encore Joséphine Baker. Il s’agissait, selon la formule d’Emmanuel Macron, de « permettre de fédérer tous les combattants engagés dans la lutte contre le nazisme ».

La cérémonie de panthéonisation du 21 février 2024, précédée d’une veillée au Mont-Valérien, s’est inscrite dans le rituel républicain des entrées au Panthéon, tout en en renouvelant la forme. L’événement a ainsi, selon la tradition, été scandé par plusieurs temps forts : remontée de la rue Soufflot par les deux cercueils portés par la Légion étrangère, franchissement du seuil du monument après l’ouverture des imposantes portes en bronze, discours présidentiel et, enfin, veillée nocturne des corps par la
Garde républicaine, avant la descente dans la crypte. La forme prise par la cérémonie a été dictée par la personnalité de Missak Manouchian et l’honneur rendu à l’ensemble du groupe des FTP-MOI. Introduite par des lectures donnant à entendre les noms des résistants et les mots du poète engagé qu’était Manouchian, ponctuée par les sonorités arméniennes d’un duduk et d’un violoncelle, marquée par les visages des « vingt-et-trois » projetés sur la façade du Panthéon ou encore par la voix d’Arthur Teboul chantant L’Affiche rouge, la cérémonie a revêtu un caractère à la fois solennel et très émouvant, rendant le souvenir de ces résistants étrangers d’autant plus vif. La retransmission de l’événement, suivie par plus de 3,3 millions de téléspectateurs, mais aussi son retentissement, ont démontré l’intérêt du public pour ces grandes figures de la Résistance et témoigné de l’unité nationale autour des hommages républicains au Panthéon.

La façade du Panthéon et Missak Manouchian, Paris, 28 février 2024.
© Pascal Sonnet / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Dans le prolongement de la cérémonie, une exposition a été présentée au public du Panthéon pour mieux faire comprendre l’itinéraire de Missak Manouchian et l’engagement des FTP-MOI. Proposée du 23 février au 8 septembre 2024, l’exposition, dont l’historien Denis Peschanski était le commissaire, a pris place dans la crypte du Panthéon, à proximité du caveau où reposent Missak et Mélinée Manouchian. Elle rendait compte du parcours hors norme de ces résistants, à travers des documents originaux, des reproductions d’archives et de photographies ou encore des documents audiovisuels. Trois des carnets manuscrits de Missak Manouchian étaient notamment donnés à voir pour la première fois en France, dans le cadre d’un prêt exceptionnel du musée d’art et de littérature d’Erevan en Arménie. Le public a aussi pu découvrir des archives inédites de la préfecture de Police (schémas de filature ayant mené à l’arrestation des résistants notamment) et a pu lire ou entendre certaines des dernières lettres des condamnés, dont celle de Missak à Mélinée.

Servie par une scénographie en dialogue avec l’architecture du lieu, l’exposition a permis de partager la mémoire de ces étrangers dans la Résistance avec plus de 500 000 visiteurs. Elle s’est inscrite dans la programmation déployée par le Centre des monuments nationaux au Panthéon depuis plusieurs années. Visites, actions pédagogiques, expositions, lectures, rencontres scientifiques, invitations d’artistes et bien sûr commémorations, sont autant d’occasions de mettre en lumière l’infinie richesse du lieu et des engagements des grands hommes et femmes qui y reposent. Au Panthéon, lieu de mémoire de la grandeur républicaine, résonne désormais aussi l’écho des combats des étrangers dans la Résistance.


Auteur
Barbara Wolffer, administratrice du Panthéon

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