Georges Bernanos

1888-1948

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Georges Bernanos vers 1940. Domaine public

 

L'auteur du Journal d'un curé de campagne s'engage dans la cavalerie en août 1914 à l'âge de 26 ans. Comme celle de bien d'autres écrivains, œuvre de Georges Bernanos est marquée par la Grande Guerre. À travers son travail d'écriture, il ne cessera de sonder le mystère du mal tout en s'engageant dans un combat pour la foi et la liberté.

Né à Paris en 1888, Georges Bernanos fait des études de droit et de lettres. Catholique et royaliste, il milite auprès des "Camelots du Roi". Ses premiers essais romanesques paraissent dans la presse en 1913 et 1914 avant d'être réunis dans un livre intitulé Dialogues d'ombres. Bien que réformé en 1911, il parvient cependant à s'engager fin août 1914. Sa passion des chevaux et de l'équitation le conduit à choisir la cavalerie. Il rejoint fin décembre le 6e régiment de dragons dans lequel il servira jusqu'à l'armistice.

La guerre va changer Bernanos. Elle est le creuset de son œuvre. Il écrit dans une lettre: "Ceux qui n'entendent pas ce que ce temps a de tragique, non pas à cause des quelques milliers de morts, mais parce qu'il marque une limite dans l'histoire du monde, sont des ânes."

"L'épreuve des tranchées lui a révélé la redoutable grimace de l'humanité moderne", a observé Albert Béguin, professeur de littérature, critique d'art et éditeur, que Bernanos a chargé de s'occuper de ses écrits après sa mort. C'est là sans doute que prend naissance la dimension tragique de son œuvre, l'auteur passant, comme le souligne Jean Bastier "d'un univers un peu conventionnel à des ciels bas et troubles, des aubes sales et livides, des terres boueuses et sataniques", qui peupleront ses grands romans. De son livre Sous le soleil de Satan, commencé peu après l'armistice et paru en 1926, Bernanos lui-même dira qu'il est né de la guerre.

En février 1915, Bernanos est dans la Marne . en avril, près de Verdun. En mai, sa division se trouve en Picardie où une partie des hommes sont terrés dans les tranchées. En septembre, avant les deux grandes offensives en Artois et en Champagne, il espère une percée de l'infanterie qui permettra enfin à la cavalerie de chevaucher victorieusement. Mais la grande attaque est annulée. Durant l'hiver qui suit, le 6e dragons fournit encore des détachements aux tranchées. Lors d'un bombardement, le 1er mai 1916, Bernanos est sérieusement commotionné : "Leurs gros obus nous encadraient bien régulièrement, en rétrécissant le cercle de minute en minute, jusqu'au moment où l'un d'eux éclatait dans la tranchée même, à la hauteur d'une tête et à un mètre de moi. Quel éclair (...) et tout de suite après, quel noir! La chose étincelante m'avait jeté je ne sais où, avec un camarade, sous une avalanche de terre fumante. Le sol autour de nous et au-dessous de nous était criblé d'éclats énormes (...)".

En février et mars 1917, il suit des cours de pilotage à l'école d'aviation de Dijon-Longvic, puis à celle de Chartres. Mais, sa vue n'étant pas jugée suffisamment bonne, il est renvoyé début avril au 6e dragons. Il profite cependant de son éloignement momentané du front pour se marier le 14 mai 1917.

Arrivent les grandes offensives allemandes du printemps 1918. L'unité de Bernanos se bat, à pied, dans l'Aisne, l'Oise. Le 30 mai, il est blessé à la jambe et reçoit une citation. "J'ai fait deux jours de service de liaison entre ma section et ma compagnie. (...). J'ai circulé toute la journée de jeudi dans une plaine et un bois littéralement criblé de balles (....). J'ai combattu comme je l'avais toujours rêvé."

Hospitalisé en juillet-août, Bernanos rejoint en septembre son régiment : "Poussière, boue (...), je reprends la couleur de nos chemins". Quand arrive le 11 novembre, l'écrivain partage le regret des cavaliers : il n'y a pas eu de victoire complète, pas de poursuite avec désorganisation de l'armée ennemie. Il sera également déçu par l'application du traité de Versailles : "La Victoire ne nous aimait pas", écrira-t-il dans Les Enfants humiliés.

Dans les années trente, il rompt avec son milieu politique. Installé avec sa famille à Palma de Majorque, il assiste de là à la guerre d'Espagne qui lui inspirera Les grands cimetières sous la lune (1938), où il stigmatise Franco et ses partisans. En 1938, il part pour le Paraguay, puis le Brésil. Qualifiant le régime de Vichy de "ridicule dictature agricole", il prend le parti du général de Gaulle.

Il rentre en France en 1945, repart pour la Tunisie d'où il ne reviendra que pour mourir, à Neuilly, en 1948.

 

Source : Jean Bastier, "Georges Bernanos, le dragon de 1914-1918" In Les écrivains combattants de la Grande Guerre, Giovanangeli éd., 2004. In Les Chemins de la Mémoire, 186/septembre 2008

Colonel Rémy

1904-1984

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Colonel Rémy.©Chancellerie de l’Ordre de la Libération

Dès 1940, Gilbert Renault, alias Rémy, met sur pied le plus important réseau de renseignement de la France libre : la Confrérie Notre-Dame qui va mener de très nombreuses actions en France. Son biographe, l'historien Guy Perrier, revient sur son action, en particulier durant l'année 1943.


Abasourdi par l'effondrement de 1940, Gilbert Renault, catholique fervent proche des idées de l'Action française, mouvement auquel il n'adhéra toutefois jamais, refuse d'admettre la défaite de la France. Se séparant de sa femme et de ses quatre enfants, il quitte la ville de Vannes et s'embarque pour l'Angleterre où il se rallie au général de Gaulle, avec qui vont se créer des liens d'admiration et d'affection qui ne se démentiront jamais, malgré les divergences futures. Celui-ci l'affecte au 2e bureau, qui allait devenir le Bureau central de renseignement et (l'action (BCRA) dirigé par le colonel Passy, de son vrai nom André Dewavrin, qui le charge de mettre sur pied un réseau le long de la façade Atlantique, d'où la Kriegstnarine harcèle les navires britanniques.

Une vie nouvelle commence alors pour cet aventurier à la fois impulsif, fantasque et chevaleresque qu'est Rémy, qui a longtemps travaillé dans le milieu du cinéma comme producteur après avoir exercé moult métiers. Multipliant les allées et venues entre l'Angleterre, la France occupée et l'Espagne, Rémy dispose bientôt d'informateurs dans tous les ports. Le 6 janvier 1942, après s'être recueilli à l'église Notre-Dame des Victoires à Paris, il baptise son mouvement la Confrérie Notre-Dame (CND) dont le succès va lui valoir, selon Sébastien Albertelli, auteur des Services secrets de la France libre, "un prestige incomparable auprès de l'Intelligence Service".

Devenu le réseau le plus important de la France libre, celui-ci accueille et transmet le courrier de plusieurs réseaux : l'Organisation civile et militaire (OCM), Libération-Nord, Fana (communiste). Après un séjour en France à la fin de l'année 1942, Rémy regagne Londres, le 11 janvier 1943, qu'il ne quittera pratiquement plus jusqu'à la Libération. C'est à cette occasion, qu'il amène le dirigeant communiste Fernand Grenier à la rencontre du général de Gaulle, un évènement aux conséquences considérables. Pour Rémy, dont les convictions monarchistes sont à l'opposé du Parti communiste, le sort de son pays doit transcender les clivages idéologiques !

Alors que la Confrérie Notre-Dame poursuit son œuvre de renseignement, survient un grave évènement qui bouleverse l'activité du réseau. Le 6 octobre 1943, un agent de la CND, Parsifal, tombe entre les mains du Service de sureté allemand, l'Abwehr. Il est interrogé par un collaborateur belge, Christian Masuy, qui le soumet au supplice de la baignoire. L'agent n'y résiste pas et livre les noms de membres importants du réseau. La Confrérie Notre-Dame en sort très affaiblie.

Rémy échafaude un plan d'urgence pour remettre son organisation sur pied et veut repartir en France. Mais Londres estime que le colonel Rémy est plus utile sur place pour préparer le débarquement des Alliés, dans le cadre du plan Sussex qui prévoit d'employer des soldats français pour des missions interalliées. Resté en Angleterre, Rémy aura le bonheur, durant le Noël 1943 qu'il passe avec sa femme dans sa petite maison d'Elwood, d'entendre le message de soutien qu'il a diffusé la veille sur la BBC, destiné aux résistants emprisonnés en France.

Nommé, le 13 mars 1942, Compagnon de la Libération, Rémy deviendra après la Libération le combattant d'une nouvelle cause, qui apparaît improbable aujourd'hui : réconcilier gaullistes, résistants de toutes obédiences et pétainistes anti allemands ! Devenu militant du RPF gaulliste (Rassemblement du peuple français) au lendemain de la guerre, il défendra la thèse, réfutée par la plupart des historiens, selon laquelle le général de Gaulle et le maréchal Pétain étaient complémentaires, le premier représentant "l'épée de la France" et le second "le bouclier". Une assertion défendue dans plusieurs de ses livres consacrés à son action dans la résistance, mais que démentira de Gaulle lui-même, qui lui conservera toutefois son amitié et son estime.

Le 28 juillet 1984, Rémy l'agent secret n°1 de la France libre s'éteint, à quelques jours de son 80e anniversaire. François Mitterrand, président de la République, salue en lui "l'un des plus glorieux héros de la Résistance, qui restera à jamais l'honneur de la France". Deux ans après sa mort, paraît son dernier livre, tout simplement intitulé: La Résistance.

 

Guy Perrier, historien, In Les Chemins de la Mémoire, 235/avril 2013

Philippe Viannay

1917-1986

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Philippe Viannay (au centre). ©Fondation de la Résistance, AERI, coll. Défense de la France DR

 

Rien ne le préparait à affronter la guerre et à entrer dans la Résistance. Et pourtant, Philippe Viannay devient, à 25 ans, le chef incontesté d'un des principaux mouvements de résistance de la zone nord. Retour sur l'itinéraire d'un homme, épris de liberté, qui fut un précurseur dans de nombreux domaines.

Dans la galaxie des grands chefs de la résistance française, Philippe Viannay occupe une place singulière. Bien qu'il ait dirigé Défense de la France (DF), un important mouvement de zone nord, l'homme est resté moins connu que nombre de ses homologues – Frenay, Bourdet ou le couple Aubrac pour ne citer qu'eux. Sa jeunesse – il a tout juste 23 ans en 1940, son refus d'embrasser après-guerre une carrière politique, la publication posthume de ses mémoires..., autant d'éléments qui expliquent ce silence relatif. Dans le même temps, tous les hommes qui l'ont croisé – dans la nuit clandestine comme au Centre de formation des journalistes (CFJ), au club Jean Moulin comme au centre des Glénans – conservent le souvenir ému d'une personnalité dont le charisme était grand. Quels qu'aient été ses mérites, il ne s'agit pas, ici, de proposer une lecture hagiographique d'un résistant mais d'explorer la singularité d'un éminent dirigeant de l'Armée des ombres.

Philippe Viannay naît en 1917, dans un milieu conservateur : son père est proche du PSF du colonel de la Roque et sa mère appartient plutôt à une petite noblesse de robe. Il estimait d'ailleurs que sa famille appartenait à "une bourgeoisie d'honneur", méprisant l'argent tout en en ayant quelque peu. Après une année d'hypokhâgne au lycée Louis-le-Grand, il entame des études de philosophie tout en envisageant la prêtrise – vocation qu'il abandonne en 1938 pour reprendre son cursus à la Sorbonne.

Combattant vaillamment en 1940, il revient à Paris, bien décidé, pour reprendre la formule consacrée, "à faire quelque chose". En effet, il envisage dès octobre 1940 de monter un journal clandestin, suivant l'idée soufflée par un patron de ses amis, Marcel Lebon. Épaulé par un ancien condisciple, Robert Salmon, et par une étudiante rencontrée à la Sorbonne, Hélène Mordkovitch, qu'il épousera en 1942, il lance un journal clandestin, Défense de la France, dont le premier numéro sort le 14 juillet 1941.

Peut-on s'émanciper de ses origines ? L'itinéraire de Viannay invite à répondre de façon nuancée. Issu d'une famille conservatrice et catholique, l'homme épouse à bien des égards les réflexes de son milieu. De fait, DF adopte, jusqu'en 1942, une ligne maréchaliste, créditant bien à tort Pétain de sentiments résistants. De même, l'apprenti philosophe construit son combat sur un plan éthique. Il ne cherche pas à lutter militairement contre l'occupant mais appelle avant tout à un sursaut moral.

Dans le même temps, Philippe Viannay s'éloigne de son milieu. Loin de suivre aveuglément le Maréchal, il considère la lutte contre l'Allemand comme une ardente priorité. Et DF devient, grâce à Hélène Viannay, un lieu de brassage où une bourgeoisie plutôt droitière se mêle à des émigrés russes notamment, plutôt de gauche.

Par son charisme, son sens de l'organisation et son ouverture d'esprit, Viannay infléchit par la suite les destinées de son mouvement. Se rendant à l'évidence, le journal abandonne progressivement sa ligne maréchaliste pour soutenir de Gaulle, non sans un détour giraudiste. Surtout, DF se convertit progressivement à la lutte armée, montant des corps-francs puis des maquis, en Bourgogne-Franche-Comté et en Seine-et-Oise notamment. Mais, il ne parvient pas à s'imposer auprès de la France combattante. Tout en obtenant des fonds qui lui permettent, entre autres, de soutenir un atelier de faux-papiers, le mouvement ne siège pas au Conseil national de la Résistance. Viannay était sans doute meilleur organisateur que fin politique ! De fait, il préfère, en 1944, combattre en Seine-et-Oise – où il est gravement blessé – plutôt que de préparer à Paris la sortie au grand jour de Défense de la France /France Soir.

 

Albert Bernier, Philippe Viannay (au centre) et Françoise de Rivière, maquis de Seine-et-Oise, août 1944.
© Fondation de la Résistance, AERI, coll. Défense de la France DR

 

Bien que député à l'Assemblée consultative, Viannay abandonne à la Libération et la carrière politique, et France-Soir. En revanche, soucieux de former les journalistes dont il avait constaté avant-guerre le manque de professionnalisme, il monte le CFJ, s'investit au journal France-Observateur, tout en créant le centre nautique des Glénans. Il reste, à cette aune, fidèle à ses postulats. Tout en s'intéressant, via l'Union de la Gauche socialiste puis le club Jean-Moulin, à la chose publique, il préfère s'investir dans la société civile – fil rouge qui relie son engagement clandestin à ses investissements durant les temps plus calmes de la République retrouvée. Il décède en 1986, à l'âge de 69 ans.


Olivier Wieviorka, historien, auteur de Une certaine idée de la Résistance, Seuil, 1995, rééd. 2010, In Les Chemins de la Mémoire, 240/novembre 2013

Germaine Tillion

1907-2008

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Photo : Germaine Tillion, carte d'étudiante, 1934. Association Germaine Tillion

 

Grande figure de la Résistance française, ethnologue et écrivain, Germaine Tillion a tiré de son expérience pendant la Seconde Guerre mondiale des leçons qui lui ont servi tout au long de sa vie. Elle a su conjuguer, en toutes circonstances, témoignage, réflexion et action.

 

Germaine Tillion est née le 30 mai 1907 à Allègre, en Haute-Loire. En 1919, la famille déménage dans la Région parisienne. Au cours des années vingt, elle entreprend des études d'ethnologie et obtient, en 1933, une bourse pour aller étudier la population berbère dans les Aurès algériens. Entre 1934 et 1940, elle accomplit quatre longs séjours chez les Chaouias et poursuit la rédaction de sa thèse.

De retour en France, le 9 juin 1940, elle décide, après l'Armistice, qu'"il faut faire quelque chose". En compagnie de Paul Hauet, colonel à la retraite, elle commence son activité de résistance sous couvert d'une association d'aide aux prisonniers de guerre, l'Union nationale des combattants coloniaux. Cette cellule entre en contact avec des groupes analogues, comme celui du musée de l'Homme, réunissant quelques ethnologues, avec à sa tête Boris Vildé. C'est en 1946, quand Germaine Tillion s'occupera de l'homologation administrative du réseau, qu'elle lui donnera le nom de "réseau du musée de l'Homme", en hommage à une bonne partie de ses fondateurs. Le groupe se livre à des actions multiples : collecter des informations pour les transmettre à Londres, accueillir les soldats évadés ou organiser des évasions, héberger des parachutistes anglais, fabriquer des faux papiers, diffuser des appels au combat, liquider des traîtres et des agents de la Gestapo.

Bien que patriote dévouée, Germaine Tillion n'oublie pas un principe directeur dont elle se réclame : le dévouement à la vérité et à la justice. Dans un tract destiné à la presse clandestine, elle constate que de nombreuses informations concernant la situation du moment circulent dans la société française mais sont contradictoires car elles proviennent de différentes sources. Elle enjoint à ses camarades résistants de ne pas biaiser avec la vérité, de ne rien cacher, de s'efforcer de comprendre et de juger impartialement. "Sur le plan des idées, nous ne connaissons d'emblée qu'une cause qui nous est chère, celle de notre patrie, c'est par amour pour elle que nous nous sommes groupés, c'est pour essayer de maintenir sa foi et son espérance. Mais nous ne voulons pas, nous ne voulons absolument pas lui sacrifier la vérité, car notre patrie ne nous est chère qu'à la condition de ne pas devoir lui sacrifier la vérité".

Une première dénonciation entraîne l'arrestation de plusieurs membres de la cellule du musée de l'Homme . en avril 1941, une seconde trahison provoque celle de ses autres membres. Leur procès se tiendra un an plus tard, en février 1942. Dix personnes, dont plusieurs proches amis, sont condamnées à mort. Germaine Tillion, qui a échappé à ces arrestations, se démène pour obtenir leur grâce mais en vain : les sept hommes du groupe sont fusillés, les trois femmes partent en déportation. Elle-même est arrêtée dans la rue, en août 1942, par la police allemande : elle a été trahie, à son tour, par un prêtre français qui se faisait passer pour résistant. Détenue pendant plus d'un an dans les prisons françaises, à la Santé et à Fresnes, elle est déportée au camp de Ravensbrück, en octobre 1943. Elle en sortira en avril 1945.

Après son retour en France, elle se consacre essentiellement à l'histoire de la Résistance et de la Déportation, sur lesquelles elle publie plusieurs études. Cependant, elle n'abandonne pas son engagement civique et participe à la campagne contre les camps, toujours en activité, dans les pays communistes en Europe et en Asie.

En 1954, elle est envoyée par le gouvernement français en mission d'observation en Algérie, où l'on assiste aux premiers pas de l'insurrection. Au début, elle propose de renforcer l'enseignement délivré à la population indigène (garçons et filles, enfants et adultes) pour lui permettre de sortir de la misère que le développement économique n'a pas réussi à endiguer. Le conflit s'intensifiant, à partir de 1957, Germaine Tillion se consacre exclusivement à atténuer les effets de la violence : elle milite contre la torture, les exécutions et rencontre les dirigeants du FLN pour les convaincre d'interrompre les attentats aveugles.

Élue directeur d'études à l'École pratique des hautes études en 1958, elle consacre les décennies suivantes à l'étude des sociétés d'Afrique du Nord. Elle publie également une édition refondue de Ravensbrück, son livre sur la Déportation. Elle décède le 19 avril 2008 à l'âge de 100 ans. Son ouvrage autobiographique, Fragments de vie, paraît l'année suivante.

 

Tzvetan Todorov, Président de l'association Germaine Tillion, In Les Chemins de la Mémoire, 241/décembre 2013

Marc Bloch

1886-1944

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Marc Bloch. ©Roger-Viollet/Albert Harlingue

Aussi illustre soit-il en tant qu'historien, la résistance de Marc Bloch, qui fut arrêté en mars 1944 par la Gestapo et fusillé, avec 29 autres résistants, le 16 juin à Saint-Didier de Formans, reste peu connue. L'historien Laurent Douzou relate l'action clandestine de cet intellectuel engagé, depuis l'année 1943 jusqu'à sa mort.

 

"On devrait se préoccuper davantage qu'on ne le fait de la façon dont meurent les universitaires, quand il leur arrive de ne pas mourir de maladie ou de vieillesse" écrivait le philosophe Georges Canguilhem à propos de Marc Bloch, dont l'extraordinaire notoriété d'historien a parfois occulté le rôle actif durant l'Occupation.

Professeur à la Sorbonne, le co-fondateur des Annales d'histoire économique et sociale était, quand la guerre éclata, une sommité scientifique. Alors qu'il entrait dans sa pleine maturité, il avait déjà une œuvre à son actif. Il avait, de surcroît, été exposé au feu au cours de la Grande Guerre qu'il avait terminée avec la Légion d'honneur à titre militaire et la Croix de guerre.

Âgé de 53 ans en 1939, ce père de six enfants demanda à combattre. Chargé du ravitaillement en essence de la 1re Armée, il remplit sa mission non sans constater avec stupéfaction que l'édifice qu'il avait cru solide était vermoulu. Disséquant dans une analyse rédigée à l'été 1940 et publiée en 1946 sous le titre de L'Étrange Défaite, les niveaux de responsabilité du désastre, il ne s'exonéra pas pour autant des siennes : "J'appartiens à une génération qui a mauvaise conscience. De la dernière guerre, c'est vrai, nous étions revenus bien fatigués. Nous avions aussi, après ces quatre ans d'oisiveté combattante, grande hâte de reprendre sur l'établi, où nous les avions laissé envahir par la rouille, les outils de nos divers métiers : nous voulions, par des bouchées doubles, rattraper le travail perdu. Telles sont nos excuses. Je ne crois plus, depuis longtemps, qu'elles suffisent à nous blanchir".

Touché par le statut des Juifs d'octobre 1940, Marc Bloch fut exclu de son poste de professeur détaché auprès de l'université de Strasbourg repliée à Clermont-Ferrand. Au titre de l'article 8, qui prévoyait des exemptions pour les individualités ayant rendu des services exceptionnels à la France, il fut relevé de cette mesure, en janvier 1941, et affecté à Montpellier en juillet. Il renonça à user du visa qu'il avait obtenu pour les États-Unis parce qu'il ne voulait pas laisser les siens. Il exerça ses fonctions à Montpellier jusqu'à sa révocation le 15 mars 1943.

À cette date, la paisible vie de labeur du médiéviste avait bifurqué radicalement. Entré de plain pied en résistance, Marc Bloch était devenu "Narbonne" en nouant contact avec Franc-Tireur. Georges Altman, dirigeant de ce mouvement, a relaté cette rencontre : "Je revois encore cette minute charmante où Maurice [Pessis], l'un de nos jeunes amis de la lutte clandestine, son visage de vingt ans rouge de joie, me présenta sa "nouvelle recrue", un monsieur de cinquante ans, décoré, le visage fin sous les cheveux gris argent, le regard aigu derrière ses lunettes, sa serviette d'une main, une canne de l'autre ; un peu cérémonieux d'abord, mon visiteur bientôt sourit en me tendant la main et dit avec gentillesse : Oui, c'est moi le "poulain" de Maurice..."

Précieux témoignage qui suggère bien ce que put représenter pour l'universitaire Marc Bloch le saut dans une clandestinité où, les cartes rebattues, il lui fallut faire ses preuves comme un débutant. Tout ce qu'il eut dès lors à faire s'inscrivit en rupture avec sa vie antérieure comme le relevait Georges Altman : "Et l'on vit bientôt le professeur en Sorbonne partager avec un flegme étonnant cette épuisante vie de "chiens de rues" que fut la Résistance clandestine dans nos villes". Au "poulain de Maurice" on confia vite des tâches à la mesure de ses talents. Il collabora aux Cahiers politiques du Comité général d'Études et à La Revue libre, éditée par Franc-Tireur. Ces publications portent sa marque, notamment cette table méthodique des articles de la première année des Cahiers politiques dans le numéro 5 de janvier 1944 !

En juillet 1943, Marc Bloch devint un des trois membres du directoire régional des Mouvements unis de résistance, poste à la fois exposé et harassant. Conscient du danger, efficace et déterminé, "Narbonne" s'affirma comme un dirigeant légitime et respecté dans le petit monde si exigeant de la clandestinité. Son arrestation, par une Gestapo bien renseignée, au matin du mercredi 8 mars 1944 sur le pont de la Boucle à Lyon, bouleversa ses camarades. Torturé dans les locaux de l'École de santé militaire, interné à la prison de Montluc, Marc Bloch fut fusillé le 16 juin 1944 avec 29 autres résistants à Saint-Didier-de-Formans.

 

Laurent Douzou, historien, In Les Chemins de la Mémoire, 234/mars 2013

Louis Pergaud

1882-1915

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« Mort pour la France »

 

Louis Pergaud naît le 22 janvier 1882 à Belmont dans le Doubs. Fils d’un instituteur laïc, il vit son enfance dans des petits villages, explorant la campagne et traquant la truite avec ses copains. Brillant élève, il entre, en 1898, à l’École normale et est nommé instituteur à Durnes en octobre 1901. La mort de ses deux parents, en février et mars 1900, a causé au jeune homme un traumatisme profond qu’il surmonte en lisant les poèmes de Léon Deubel, lesquels suscitent en lui une passion littéraire.

En 1902, il effectue son service militaire dont il garde un mauvais souvenir . son mariage, en 1903, avec Marthe Caffot, se révèle un échec et sa fille décède en 1904. En même temps, son républicanisme de combat lui vaut des querelles avec la population, entraînant sa mutation à Landresse, à un moment où les tensions entre l’Église et l’école républicaine sont extrêmement vives. Mal dans sa peau, Louis Pergaud se réfugie dans la chasse, les promenades où se réveillent les parfums de l’enfance, les discussions avec les amis dont le volubile cafetier Duboz. Il tombe bientôt amoureux de l’une de ses filles, Delphine. Léon Deubel, qui l’a aidé, en 1904, à faire paraître son premier recueil de poèmes, lui propose de le rejoindre à Paris.

Pergaud décide de changer de vie. En 1907, il gagne la capitale, fait venir Delphine qu’il épouse après son divorce. Léon Deubel le conforte dans son désir d’écrire. Pour subsister, il reprend son métier d’instituteur et pendant ses vacances recueille le matériau de ses ouvrages. D’emblée, la figure de Louis Pergaud s’impose dans le monde littéraire : le Prix Goncourt couronne en 1910 son premier ouvrage, De Goupil à Margot, qui rencontre un véritable succès.

 
 
 
En 1912, il publie La Guerre des boutons, roman de ma douzième année. Sur fond de rivalités entre deux villages, l’auteur développe, avec un humour parfois féroce, des thèmes qui lui sont chers : la vie campagnarde, l’esprit de clocher, les querelles laïco-cléricales…1913 est pour Pergaud une période faste qui voit le succès de son Roman de Miraut, chien de chasse, mais aussi douloureuse à cause du suicide de Léon Deubel.

Écrivain naturaliste, Pergaud déploie une écriture riche et dense pour un hymne à la vie encore sauvage, se montrant novateur en cherchant l’empathie avec les animaux. Il revisite son univers rural, préparant plusieurs textes, qu’il remet au printemps 1914 au Mercure de France sous le titre Les rustiques. Le livre n’est pas encore imprimé que Louis Pergaud reçoit son ordre de mobilisation. La guerre éclate le 2 septembre. Matricule 2216 au recrutement de Belfort, il est affecté comme sergent au 166e régiment d’infanterie, à Verdun. « Pacifiste et antimilitariste, je ne voulais pas plus de la botte du Kaiser que de n’importe quelle botte éperonnée pour mon pays. » (1)

En octobre, il gagne le front, dans le secteur meusien de la Woëvre, région humide dont les collines font l’objet d’âpres combats. Sa correspondance stigmatise « les patriotes en chambre », décrit le courage des poilus, la boue des tranchées, la mort permanente. Les bagarres juvéniles entre la bande de Lebrac et celle de l’Aztec des Gués, héros de La Guerre des boutons, ont pris la dimension mortelle d’un conflit d’adultes.

 

Le sous-lieutenant Louis Pergaud (au centre de l'image).

 

Au printemps 1915, les Français lancent une offensive dans les Hauts de Meuse. Le 7 avril, dans la nuit, la compagnie du sous-lieutenant Pergaud attaque, depuis Fresnes-en-Woëvre, la cote 233 vers Marchéville. Près des tranchées ennemies, sous une pluie battante, les soldats subissent une intense fusillade. La section de Louis Pergaud est décimée, les survivants se terrent puis se replient au petit jour. Nul ne reverra l’écrivain. Des hommes l’ont dit blessé. Des brancardiers allemands auraient pu le récupérer et le transporter dans une tranchée, en attendant de pouvoir l’évacuer. Mais pour assurer la conquête de la crête des Éparges, la cote 233 doit être reprise : le lendemain, l’artillerie française la pilonne, détruisant tout le paysage, ensevelissant à jamais, sans distinction, les hommes dans cette terre.

Le 4 août 1921, par jugement du tribunal de la Seine, Louis Pergaud, disparu, fut déclaré « mort pour la France » le 8 avril 1915 à Fresnes-en-Woëvre. Il compte au nombre des 1 160 morts et disparus du 166e RI pour l’année 1915. En l’absence de tombe, ce sont désormais ses livres qui portent le souvenir de l’écrivain au destin brisé.

 

Plaque commémorative, 3 rue Marguerin, Paris 14e. Source :  © Public Domain / Wikimedia Commons

 

Ministère de la défense - DMPA - Daniel Fleury - Revue : Les Chemins de la Mémoire n° 221 – Déc. 2011

 

(1) Lettre à Lucien Descaves, mars 1915.

Marie-Madeleine Fourcade

1909-1989

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Source photo : © Ministère de la Défense-DMPA

Résistante dès 1940, Marie-Madeleine Fourcade fut la seule femme reconnue comme chef d’un grand réseau de résistance français, le réseau Alliance. Michèle Cointet, sa biographe, nous relate son parcours hors du commun.


Marie-Madeleine Bridou échappe aux conformismes du milieu bourgeois où elle naît en 1909. Éloignée de son mari Édouard Méric, officier des Affaires indigènes au Maroc, elle vit avec ses deux enfants à Paris. Elle se partage entre « Radio-Cité » et le secrétariat général des publications anticommunistes et antiallemandes du commandant Loustaunau-Lacau, fondateur du réseau Corvignolles et de La Spirale, son initiateur ès activités secrètes. L’amour d’une patrie mythifiée dans une enfance à Shanghai où son père était l’agent général des Messageries maritimes et… « honorable correspondant », une absence d’illusions sur le maréchal Pétain, inspirent en juin 1940 un réflexe : puisque les hommes ont déposé les armes c’est aux femmes de les relever.

Elle se laisse cependant convaincre de suivre à Vichy Loustaunau-Lacau, attiré par une délégation générale à la puissante Légion française des combattants. S’y met en place un réseau centré sur Marseille et Vichy qui se révèle un terrain fertile où recruter fonctionnaires de ministères et officiers patriotes. La rupture avec Vichy ne tarde d’ailleurs pas, l’amiral Darlan renvoyant en février 1941 Loustaunau-Lacau de la Légion. L’évolution de la guerre leur offre une opportunité de s’engager activement contre Hitler. En effet, la guerre sous-marine met en péril la survie des Britanniques. Obtenir des renseignements sur les départs de Lorient des sous-marins est vital. Seul des Français peuvent les fournir. En avril 1941, un contact est établi à Lisbonne d’où Loustaunau-Lacau rapporte de l’argent et un premier poste-émetteur, l’arme la plus efficace car remédiant aux délais de plusieurs semaines des anciens courriers et permettant enfin une riposte immédiate. Alliance en possédera jusqu’à 17. Marie-Madeleine n’étant pas « grillée » comme Loustaunau-Lacau à Paris organise en zone nord et dans l’ouest le réseau Alliance, un nom qui proclame la fidélité à l’Angleterre et l’égalité des partenaires. Les Allemands l’appelleront « Arche de Noé » en raison des pseudonymes d’animaux adoptés par ses membres.

Arrêté à Alger en mai 1941, Loustaunau-Lacau est condamné puis livré aux Allemands. Marie-Madeleine tirera de cet épisode un refus des engagements politiques, ce qui éloignera d’elle des membres comme le général Alamichel qui voulait se rattacher au général de Gaulle. Poussée par ses compagnons, elle succède à Loustaunau-Lacau en usant d’une signature neutre : POZ 55. Les résultats étant exceptionnels, les Britanniques finissent par reconnaître la femme enfin dévoilée comme chef du réseau de renseignements militaires, la seule à en bénéficier en Europe. Grande organisatrice, autoritaire, rigoureuse, entraîneuse d’hommes, hardie, elle a assez de souplesse d’esprit pour suivre les conseils des Britanniques de décentralisation du réseau en sous réseaux comme Sea Star ou les remarquables Druides de Georges Lamarque.

Alliance recrute beaucoup dans la fonction publique et présente une originalité : 24% des membres sont des femmes, ce qui en fait l’organisation résistante la plus féminisée. Alliance a joué son plus grand rôle dans la bataille de l’Atlantique, en fournissant des renseignements sur les TCO (transports allemands vers l’Est), une première information grâce à Amniarix (Jeannie Rousseau) sur les essais de V1 et V2 à Peenemünde, des relevés des rampes de lancement dans le nord-ouest de la France, une carte renseignée des défenses de l’Atlantique. Marie-Madeleine organise le départ le 4 novembre 1942, en sous-marin depuis le Lavandou, du général Giraud qui doit accueillir le débarquement allié à Alger.

Retenue en Angleterre à cause de l’arrestation, en septembre 1943, de son adjoint Faye, elle obtient de revenir en France en juillet 1944 et réalise, après son évasion d’une caserne allemande, des missions de renseignements en avant de l’armée de Patton.

Sensible aux détresses matérielles et morales, elle veille pendant plus de vingt ans sur les survivants et les familles d’un réseau très éprouvé – 431 disparus, soit un tiers de ses membres. Elle publie des souvenirs en forme de mémorial sous le titre L’Arche de Noé et défend la mémoire de la Résistance en tant que présidente du Comité d’action de la Résistance. Elle contribue, avec son mari, le Français libre Hubert Fourcade, au retour au pouvoir du général de Gaulle en 1958. Ni icône d’un parti politique, ni militante antifasciste, elle est restée fidèle à sa conception de la Résistance : un combat patriotique efficace contre l’Allemagne hitlérienne.


Michèle Cointet, professeur émérite des Universités, In Les Chemins de la Mémoire, 239/octobre 2013
Pour en savoir plus :
Marie-Madeleine Fourcade-Un chef de la Résistance, éd. Perrin, 2006.

Alain Savary

Alger 25 avril 1918 - Paris 17 février 1988

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Le lieutenant de vaisseau Savary. Source : Collection du musée de l'Ordre de la Libération

 

Après des études secondaires menées à Paris, Alain Savary obtient une licence de droit et un diplôme de Sciences politiques puis intègre l'École du commissariat de la marine.

Il effectue la campagne de France dans le corps des commissaires avant de rejoindre l'Angleterre où, le 8 août 1940, il s'engage dans les Forces navales françaises libres (FNFL). Avec le grade d'enseigne de vaisseau, il devient l'aide de camp de l'amiral Muselier, commandant des FNFL. Après le ralliement de Saint-Pierre-et-Miquelon, celui-ci le nomme gouverneur de ce territoire, avec le grade de lieutenant de vaisseau.

En juin 1943, il rejoint en Tripolitaine, d'abord à l'état-major puis comme commandant du 2ème escadron, le 1er régiment de Fusiliers marins, qui devient un régiment blindé de reconnaissance intégré à la 1ère division française libre. Il participe, au sein de son unité, à la campagne d'Italie, au débarquement de Provence et à la libération du territoire national avant d'être nommé, en octobre 1944, à l'Assemblée consultative provisoire pour y représenter les Compagnons de la Libération.

En 1945, il est mis à la disposition du ministère de l'intérieur et entame alors une carrière de haut fonctionnaire et d'homme politique.

Secrétaire général du commissariat aux Affaires allemandes et autrichiennes, en 1946, puis conseiller de l'Union française, député de Saint-Pierre-et-Miquelon, secrétaire d'État chargé des affaires marocaines et tunisiennes, il est premier secrétaire du parti socialiste de 1969 à 1971. Député de Haute-Garonne (1973-1981) et président du Conseil régional Midi-Pyrénées (1974-1981), il est ministre de l'éducation nationale de 1981 à 1984.

Alain Savary était officier de la Légion d'honneur, Compagnon de la Libération, titulaire de la Croix de guerre 1939-1945 (avec trois citations), médaillé de la Résistance et titulaire de la Silver Star (États-Unis).

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

Georges Thierry d'Argenlieu

Brest 1889 – Carmel du Relecq-Kerhuon 1964

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Georges Thierry d'Argenlieu. Source : Musée de l'Ordre de la Libération

 

Georges Thierry d'Argenlieu sort de l'école navale en 1908 et sert d'abord au Maroc puis, durant la guerre 1914-1918, en Méditerranée, avant d'intégrer l'ordre du Carmel en 1920.

 

Réserviste, il est mobilisé en 1939 et affecté à l'état-major de Cherbourg avant d'être promu capitaine de corvette. Fait prisonnier le 19 juin 1940, il s'évade le 22 pour rejoindre le général de Gaulle qui le nomme chef d'état-major des Forces navales françaises libres. Le capitaine de frégate Thierry d'Argenlieu participe aux opérations de ralliement en Afrique de l'automne 1940. Rappelé à Londres, il est nommé, en juillet 1941, haut-commissaire de France pour le Pacifique où il préside notamment, en 1942, au ralliement de Wallis et Futuna. Après avoir participé à la conférence de Casablanca, il est nommé, le 19 juillet 1943, commandant des Forces navales en Grande-Bretagne. Le 14 juin 1944, à bord de la Combattante, il conduit le général de Gaulle en France et l'accompagne jusqu'à Paris où ils entrent le 25 août 1944.

Nommé vice-amiral en décembre 1944, Thierry d'Argenlieu, de la fin de la Seconde Guerre mondiale à 1947, se voit confier de très hautes fonctions dont celle, entre août 1945 et mars 1947, de haut-commissaire de France et commandant en chef pour l'Indochine, avant de rejoindre l'ordre du Carmel.

Le révérend père Louis de la Trinité, amiral Thierry d'Argenlieu, était Grand-Croix de la Légion d'honneur et Compagnon de la Libération. Il était notamment titulaire de la Médaille militaire, de la Croix de guerre 1939-1945 avec trois palmes, de la Croix de guerre des théâtres d'opérations extérieures avec palme et de la Médaille de la résistance avec rosette.

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

Charles N’Tchoréré

1896 – 1940

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Le capitaine N’Tchoréré, commandant la 7e compagnie du 53e RICMS. Source : Musée des troupes de marine

 

Fils de notable, Charles N’Tchoréré fait ses études à Montfort. Contraint d’entrer dans la vie active, il occupe un poste commercial au Cameroun.

À la déclaration de guerre en 1914, il quitte la colonie allemande pour rentrer au Gabon. En 1916, il se porte volontaire pour le front. À la fin de la guerre, il opte définitivement pour la carrière des armes. Promu adjudant en 1919, il prend part aux combats du Maroc. Entré à l’école d’officiers de Fréjus, il en sort "major" en 1922. Désigné pour le Levant, le lieutenant N’Tchoréré est gravement blessé lors des opérations en Syrie. Il est cité en 1925 à l’ordre de la division et décoré de la Croix de guerre avec étoile d’argent.

Après un bref passage au ministère de la guerre, il demande à partir pour le Soudan. Il prend à Kati le commandement de la compagnie hors-rang du 2e RTS, dirigeant parallèlement l’école d’enfants de troupe.

Promu capitaine en 1933, il est affecté au 1er RTS, à Saint-Louis (Sénégal) où il commande également l’école d’enfants de troupe.

À la déclaration de guerre en septembre 1939, il demande à partir avec un bataillon de volontaires gabonais. Affecté au camp de Sauge, près de Bordeaux, il est envoyé sur le front de la Somme où il prend le commandement de la 7e compagnie du 53e RICMS. Le 7 juin 1940, retranchés dans le village d’Airaines, près d’Amiens, le capitaine N’Tchoréré et sa compagnie, débordés par les assauts allemands, sont faits prisonniers au terme de rudes combats. Pour avoir revendiqué le droit d’être traité en officier français, il est abattu à bout portant d’un coup de pistolet.

Pour son comportement durant la campagne de France, le capitaine N’Tchoréré est cité, à titre posthume, à l’ordre de la division en octobre 1940 puis à l’ordre du corps d’armée en août 1954 et décoré de la Croix de guerre avec étoile de vermeil.

La promotion 1957-1959 de l’École de formation des officiers ressortissants des territoires d’outre-mer prend le nom "Capitaine N’Tchoréré".

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

Alphonse Juin

(1888-1967)

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Le maréchal Juin. Source : ECPAD

 

Fils de gendarme, Alphonse Juin est né le 16 décembre 1888, à Bône, en Algérie. Après des études à Constantine puis à Alger, il est reçu à Saint-Cyr en 1909. Sorti major de sa promotion - promotion "de Fès", la même que Charles de Gaulle - en 1912, il opte pour les tirailleurs algériens. Affecté au Maroc fin 1912, le sous-lieutenant Juin prend part aux opérations de pacification du pays.

Le 3 août 1914, l'Allemagne déclare la guerre à la France. Le lieutenant Juin monte au front avec les troupes marocaines. En septembre 1914, il participe aux combats de la Marne. Grièvement blessé sur le front de Champagne en mars 1915, il perd en partie l'usage du bras droit. Capitaine en 1916, il rejoint le 5e bataillon de tirailleurs marocains au Chemin des Dames. En février 1918, il suit les cours d'état-major à Melun avant d'être détaché en octobre à la mission militaire française auprès de l'armée américaine et affecté au cours de perfectionnement des officiers de liaison du Corps expéditionnaire américain.

Breveté de l'École supérieure de guerre en 1921, il sert en Tunisie avant de rejoindre à la fin de l'année 1923 le Maroc où il participe à la campagne du Rif. À l'automne 1925, il rentre en France avec le maréchal Lyautey et travaille sous ses ordres au Conseil supérieur de la guerre. Promu chef de bataillon en 1926, il part l'année suivante rejoindre le 7e régiment de tirailleurs algériens à Constantine.

En 1929, il est chef du cabinet militaire du résident général au Maroc, Lucien Saint, et prend une part active à la réalisation de la dernière phase du plan de pacification de l'Atlas. Lieutenant-colonel en mars 1932, il devient professeur de tactique générale à l'École supérieure de guerre en 1933 avant d'être affecté comme commandant en second au 3e régiment de zouaves à Constantine. Il prend le commandement de ce régiment le 6 mars 1935. En juin, il est promu colonel. En 1937, il est affecté auprès du résident général au Maroc, le général Noguès, et suit parallèlement les cours du Centre des hautes études militaires.

Nommé général de brigade le 26 décembre 1938, il est affecté à la mobilisation à l'état-major du théâtre d'opérations d'Afrique du Nord. Alors que la situation se durcit en Europe, il prépare à Alger les mesures relatives à la levée de divisions en Algérie et en Tunisie. À la déclaration de guerre, en septembre 1939, il demande à servir en France métropolitaine. Le 4 décembre suivant, il prend le commandement de la 15ème division d'infanterie motorisée. Tandis que les forces allemandes lancent leur offensive à l'Ouest le 10 mai 1940, sa division entre en Belgique où elle s'illustre à Gembloux les 14 et 15 mai. Plus au sud, les troupes allemandes ont percé le front à Sedan. Juin reçoit l'ordre de se replier. Il défend alors successivement Valenciennes puis les faubourgs de Lille, couvrant la retraite de la 1re armée française vers Dunkerque. Il est fait prisonnier à Lille le 30 mai 1940 et incarcéré à la forteresse de Königstein. Nommé général de division durant sa captivité, il est libéré en juin 1941 à la demande du maréchal Pétain au titre de spécialiste de l'Afrique du Nord. Nommé adjoint au général commandant supérieur des troupes du Maroc le 16 juillet 1941, il est promu général de corps d'armée et remplace le général Weygand à la tête des forces d'Afrique du Nord le 20 novembre suivant. Il poursuit alors à l'égard de l'armée d'Afrique la ligne insufflée par son prédécesseur de "défense contre quiconque" (forces de l'Axe comme Alliés).

Le 8 novembre 1942, les Anglo-Américains débarquent en Algérie et au Maroc. Juin, qui n'a pas été informé de l'opération, est arrêté à Alger par des membres de la résistance locale. Les autorités reprennent toutefois rapidement le contrôle de la ville. Libéré, Juin intervient pour obtenir le cessez-le-feu entre les forces de débarquement et les troupes françaises. Rentrée dans la guerre aux côtés des Alliés, l'armée d'Afrique va alors participer à la reconquête du territoire national avec, comme premier théâtre d'opérations, la Tunisie. Durant cette campagne (novembre 1942-mai 1943), le général Juin commande le détachement d'armée française (DAF) et est nommé général d'armée le 25 décembre 1942. Il occupe le poste de résident général de France en Tunisie, par intérim, à partir du 8 mai 1943. Au cours de l'été, il met sur pied le corps expéditionnaire français (CEF) à la tête duquel il participe à la campagne d'Italie. Après plusieurs combats menés avec succès, sur le Pantano en décembre 1943, sur le Rapido et au Belvédère en janvier 1944, il remporte la victoire du Garigliano le 13 mai, ouvrant les portes de Rome aux Alliés, puis remonte sur Sienne et le nord de la Toscane. Juin quitte le corps expéditionnaire français et l'Italie en août.

Nommé chef d'état-major général de la défense nationale auprès du général de Gaulle, chef du gouvernement provisoire, il entre le 25 août à ses côtés dans Paris libéré. Tandis que la libération du territoire national se poursuit, il se consacre à la réorganisation des forces armées françaises pour leur permettre de participer pleinement à la fin des opérations. Dans le même temps, il est amené, en qualité d'expert militaire, à effectuer de nombreuses missions qui le conduisent notamment, en décembre 1944, à Moscou, où il prend part aux négociations relatives au futur pacte franco-soviétique, et, en avril 1945, aux États-Unis, pour la création de l'Organisation des Nations Unies. En avril 1946, le général Juin est envoyé en Extrême-Orient, pour négocier le retrait des troupes chinoises qui occupent le nord de l'Indochine.

En 1947, Juin rejoint l'Afrique du Nord où il occupe le poste de résident général de France à Rabat, au Maroc. En Extrême-Orient, la situation ne cesse cependant de s'aggraver et, en octobre 1950, il effectue à la demande du gouvernement une nouvelle mission en Indochine. Inspecteur général des forces armées françaises en janvier 1951, il prend au mois de septembre suivant le commandement en chef des forces alliées du secteur Centre Europe dans le cadre de l'alliance Atlantique. Ses fonctions le placent au coeur des problèmes nationaux et internationaux : place de la France dans l'alliance Atlantique, débat sur la Communauté européenne de défense (CED), évolution des pays d'Afrique du Nord vers l'indépendance, guerre d'Indochine... Dans le même temps, il est élevé à la dignité de maréchal de France le 7 mai 1952 et reçu à l'Académie française le 26 juin.

En février 1957, il fait paraître son premier livre Le Maghreb en feu puis se consacre à la rédaction de ses Mémoires et de divers ouvrages.

Le maréchal Juin s'éteint le 27 janvier 1967.

Il était Grand-Croix de la Légion d'honneur et titulaire de la Médaille militaire, de la Croix de guerre 1914-1918, de la Croix de guerre 1939-1945, de la Croix de guerre des théâtres d'opérations extérieurs, de la Médaille coloniale Maroc et Tunisie ainsi que de nombreuses décorations étrangères.

 
Source : MINDEF/SGA/DMPA

Mustapha Kemal Atatürk

1881-1938

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Mustapha Kemal Atatürk Source : Licence Creative Commons. Photo libre de droit.

Mustapha Kemal est né à Salonique, en Macédoine, le 19 mai 1881.

Après des études à l'École de guerre et à l'Académie militaire d'Istanbul, capitaine d'état-major en 1905, il est affecté à Damas, en Syrie, où il sert au sein de la 5e armée en lutte contre les Druzes. Dans le même temps, il forme un petit groupe d'opposition, Vatan ve Hürriyet (Patrie et Liberté). À l'automne 1907, il est nommé à l'état-major de la 3e armée, à Salonique, où il côtoie le Comité Union et Progrès et les Jeunes-Turc, opposants au régime qui obtiennent le rétablissement de la Constitution de 1876. En avril 1909, il est chef d'état-major du général Mahmoud Chevket, commandant de l'armée mise en place par des officiers constitutionnalistes pour combattre le soulèvement, à Istanbul, des défenseurs de l'absolutisme.

Il s'illustre en décembre 1911 en Libye, durant la guerre italo-turque, en remportant la bataille de Tobrouk avant de prendre le commandement militaire de Derna, en mars de l'année suivante. Cependant, le Monténégro ayant déclaré la guerre à la Turquie en octobre, il rentre afin de participer à la première guerre balkanique qui oppose la Turquie au Monténégro, à la Serbie, à la Bulgarie et à la Grèce. Chef d'état-major à Gallipoli, il repousse les offensives bulgares. Il devient attaché militaire à Sofia en 1913.

En novembre 1914, la Turquie entre en guerre aux côtés de l'Allemagne. Lieutenant-colonel, Mustapha Kemal est chargé de former la 19e division d'infanterie et se distingue lors de la contre-offensive germano-turque visant à faire échouer le débarquement franco-anglais dans le détroit des Dardanelles. Repoussant les assauts alliés, il remporte une victoire majeure sur le front d'Anafarta, en août 1915. Promu général, il prend, en 1916, le commandement du 16e corps d'armée dans le Caucase puis celui de la 2e armée à Diyarbakir. Affrontant les troupes russes, il reprend Mus et Bitlis. Rappelé en Syrie, où il sert sous les ordres du général allemand Erich von Falkenhayn, il prend le commandement de la 7e armée. De retour à Istanbul à l'automne 1917, il accompagne à la fin de l'année le prince héritier Vahidettin dans un voyage officiel en Allemagne. Il rejoint à nouveau la Syrie en août 1918 où il reprend le commandement de la 7e armée contre les Britanniques jusqu'à la signature de l'armistice de Moudros, le 30 octobre 1918.

Après l'armistice, opposé à l'occupation et au démembrement de la Turquie, il organise la résistance nationale.

Nommé inspecteur général des armées du Nord et du Nord-Est en mai 1919, il est chargé d'assurer la sécurité de la région de Samsun, où populations turques, grecques et arméniennes s'affrontent, et lance ses forces contre les troupes grecques débarquées à Smyrne.

En désaccord avec la politique du sultan, il appelle, de la ville d'Amasya, le 22 juin 1919, à la création d'une représentation nationale indépendante puis convoque les congrès d'Erzurum et de Sivas en juillet et en septembre. Enfin, la réunion de la Grande Assemblée nationale à Ankara, le 23 avril 1920, aboutit à la formation d'un gouvernement national à la tête duquel Mustapha Kemal, président de l'Assemblée, est élu.

Obtenant le retrait de la France en Cilicie et la restitution par l'Arménie des régions occupées, il parvient en outre à repousser les Grecs d'Anatolie, menant et remportant notamment la bataille de Doumlupinar (30 août 1922), et signe avec eux, le 11 octobre 1922, l'armistice de Moudanya.

Entre-temps, le sultan a accepté, le 10 août 1920, le traité de Sèvres qui réduit considérablement l'Empire turc. Mustapha Kemal parvient à obtenir des Alliés sa révision. Le 24 juillet 1923, le traité de Lausanne met un terme aux revendications arméniennes et grecques et reconnaît la souveraineté turque sur tout le territoire national.

Cette étape franchie, il s'emploie, par de profondes réformes politiques, économiques et sociales, à faire de la Turquie un pays moderne. Le sultanat est abolit (1er novembre 1922) et la République proclamée (29 octobre 1923). Élu président, il installe la capitale à Ankara, inscrit la laïcité dans la Constitution et engage son pays dans la voie du développement économique. Conformément à la loi de 1934 imposant aux citoyens turcs de prendre un nom de famille, il prend celui d'Atatürk, "Père de tous les Turcs".

Il décède le 10 novembre 1938 à Istanbul.

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

Charles Nungesser

1892-1927

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Charles Nungesser. ©SHD/Air

 

En mai 1927, L’oiseau blanc, l’avion de Charles Nungesser et de François Coli, disparaît au-dessus de l’Atlantique. Cet accident met un terme à la vie d’un des "as des as" de la Grande Guerre.

Charles Nungesser naît à Paris le 15 mars 1892. Dès son enfance, il fait preuve d’un caractère audacieux qui l’amène à se passionner pour la mécanique et le pilotage de voitures de course et d’avions.

En 1907, après l’école des Arts et Métiers, Charles Nungesser entreprend un voyage en Amérique du Sud. Employé comme mécanicien à Buenos Aires chez un importateur de moteurs, il prend part en 1909 à l’un des
premiers raids automobiles de la Cordillère des Andes. Il s’introduit dans le monde de l’aviation et ses talents de pilote se révèlent à l’occasion d’un meeting aérien et de nombreux vols au-dessus de l’Uruguay et de l’Argentine.

Quand éclate la Grande Guerre, Nungesser regagne la France et est incorporé dans un régiment de cavalerie. Il participe à la bataille des frontières mais se retrouve encerclé. Il parvient à regagner les lignes françaises le 3 septembre 1914 après avoir intercepté une voiture d’état-major allemande, tué les quatre officiers qui l’occupaient et traversé à vive allure, au volant du véhicule, toute la région occupée par les Allemands. Cette action d’éclat lui vaut la Médaille militaire.

Mais Nungesser, qui rêve d’aviation, demande à y être incorporé. Le 22 janvier 1915, il commence une formation et obtient  le 8  avril son brevet de pilote. Affecté à l’escadrille de bombardement 106, basée à Saint-Pol, près de Dunkerque, il effectue le 11 avril sa première mission au-dessus de la Flandre occupée à bord d’un Voisin 3.

Le 26, Nungesser engage son premier duel aérien contre un Albatros allemand. À quatre reprises, le Voisin est touché, mais l’avion est ramené à bon port. Une citation vient couronner ces premiers exploits.

Nommé adjudant le 5 juillet, Nungesser se rend à Nancy avec son escadre. Il abat son premier avion ennemi dans la nuit du 30 au 31 juillet.

Blessé, il regagne le front pour reprendre ses missions

Après un stage de perfectionnement pour des missions de chasse, Charles Nungesser rejoint en novembre l’escadrille de chasse N65 de Nancy. C’est à cette époque qu’il fait peindre sur la carlingue de son Nieuport, un blason qui va devenir légendaire : un cœur noir frappé de la tête de mort et des tibias croisés argent, au-dessus d’un cercueil flanqué de flambeaux allumés.

Au cours de la bataille de la Somme, en septembre 1916, Nungesser réussit l’exploit d’abattre trois appareils ennemis le même jour. En décembre, il remporte sa vingtième victoire, ce qui lui vaut une citation à l’ordre de l’armée et la Military Cross.

Blessé, réformé, il obtient cependant l’autorisation de continuer à voler et abat deux avions ennemis le 1er mai 1917. Le 16 août, il remporte sa trentième victoire. Pourtant, conséquence de ses blessures, sa santé se dégrade d’autant qu’il est grièvement blessé dans un accident de voiture dans lequel Pochon,
son mécanicien, est tué. Malgré tout, le lieutenant Nungesser est de retour sur le front en décembre.

Quand, le 5 juin 1918, il abat son trente-sixième avion, il reçoit, outre une nouvelle citation, la Légion d’honneur et déclare : "Après ça, on peut mourir !".

Après un nouveau séjour à l’hôpital, Nungesser revient sur le front le 14 août.

Le 15, il remporte sa quarante-cinquième et dernière victoire.

La guerre finie, Charles Nungesser accepte de créer une école de pilotage qui s’installe à Orly. Cependant, ce grand sportif, amateur de défis et d’exploits, réfléchit à un projet de traversée de l’Atlantique en avion.

Le 8 mai 1927, L’oiseau blanc, l’avion de Nungesser et de Coli, un camarade de guerre, décolle du Bourget en direction du continent américain. On ne le reverra jamais.

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

Paul Nizan

1905-1940

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Portrait de Paul Nizan. Source : bibliothèque des lettres de l'ENS - Fonds photographique
© ENS - droits réservés

 

J'avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c'est le plus bel âge de la vie. Ces mots sont écrits par un jeune homme de 26 ans nommé Paul Nizan. Ils inaugurent son premier livre publié en 1931 "Aden Arabie", un pamphlet résolument provocateur contre le colonialisme, qui donne le ton de l'œuvre à venir : à vif, polémique et activement désespéré. Sur les cimes de la révolte et le fil rouge du communisme, Paul Nizan n'a de cesse, tout au long de sa trop brève carrière, de pourfendre l'ordre établi, débusquer les travers de la société bourgeoise et guetter les signes précurseurs de l'Histoire.

Né le 7 février 1905 à Tours, ce fils de petite bourgeoisie et "d'ouvrier devenu bourgeois", intègre, à dix-neuf ans, l'Ecole Normale Supérieure. Ses condisciples de promotion en 1924 ont pour nom Raymond Aron et Jean-Paul Sartre. A la lecture d'"Aden Arabie", Sartre, l'ami inséparable avec lequel on le confond toujours (question de strabisme divergent chez l'un, convergent chez l'autre), le revoit à l'époque "absorbé dans la contemplation de ses ongles et lâchant ses violences avec une sournoise et trompeuse sérénité". Mais cette froideur apparente, cette vitrine brillante de dandy charmeur dont les costumes lilas et les formules lapidaires du genre "Morale, c'est trou de balles" font courir un frisson d'excitation dans les rangs des Normaliens, dissimule mal une blessure secrète.

Ma seule originalité est de traverser périodiquement des phases de dépression, confie-t-il en badinant à celle qui deviendra sa femme, Henriette Alphen. "Je ne suis pas joyeux, je ne suis pas désespéré, mais j'affirme au rôti que la vie n'a aucun sens, et au dessert que personne n'aura lieu de s'étonner si j'entre un jour dans les ordres réguliers." Nizan s'enfonce ainsi des jours entiers dans un mutisme total, quand il ne fugue pas subitement pour resurgir hagard quelques nuits plus tard, cherche sa voie entre l'extrême droite et le communisme, se découvre une passion pour le cinéma. Rongé par un mal de vivre qui ne lui laisse aucun répit, obsédé par la mort, dégoûté de "l'exercice officiel de la philosophie", il part pour Aden, au Yémen, comme précepteur dans une famille anglaise. Aden "ce comprimé d'Europe" sera l'occasion de sa prise de conscience politique. Il en revient un an après et opte pour le marxisme, seule solution concrète à sa révolte. Fin 1927, il adhère au parti communiste français. Il a presque 23 ans, une femme, bientôt deux enfants et l'agrégation de philosophie.

Militant fervent, il est candidat du Parti aux élections législatives de 1932 à Bourg-en-Bresse, où il enseigne un an la philosophie. Il choisit ensuite la littérature et le journalisme et devient tour à tour rédacteur en chef de la revue d'avant-garde "BIFUR" qui révèle Michaux, Sartre et Joyce, chroniqueur littéraire à l'Humanité (1935) où il soutient Céline, Breton et Lacan, et chargé de politique étrangère à "Ce Soir" dirigé alors par Aragon. De Moscou, où il séjourne pour préparer le Congrès International des Écrivains, à Brest, cadre de sanglantes émeutes en pleine montée du Front Populaire, en passant par l'Angleterre et l'Espagne quelques mois avant la guerre civile, il est toujours en première ligne. Grand reporter passionné, il n'en mène pas moins en parallèle sa carrière d'écrivain et publie presque coup sur coup des essais (Les Chiens de garde, Les Matérialistes de l'Antiquité) et des romans (Antoine Bloyé, Le Cheval de Troie), tous salués par la critique. En 1938, La Conspiration obtient le prix Interallié. Paradoxalement, seul le P.C.F. reste toujours réservé, sinon très critique de son œuvre littéraire tant il est vrai que ses écrits ne sont guère orthodoxes et ne s'intègrent pas dans l'étroite grille de lecture du PCF d'alors.

En 1939, son dernier ouvrage Chronique de Septembre démonte les mécanismes des négociations entre Hitler, Daladier, Chamberlain et Mussolini, qui aboutissent aux Accords de Munich et au démantèlement de la Tchécoslovaquie. Le pacte germano-soviétique entre Staline et Hitler le surprend en vacances à Ajaccio.

Il rentre aussitôt à Paris, impatient de connaître la position du Parti, qui approuve le pacte. Fidèle à lui-même et à ses convictions anti-fascistes, Nizan démissionne publiquement du PCF en septembre 1939.

Mobilisé, il continue de militer sur le front, discutant fougueusement sa position avec ses camarades.

Affecté à Lille comme interprète de l'armée anglaise, il est tué le 23 mai 1940 lors de l'attaque des Allemands sur Dunkerque. Il est inhumé dans la nécropole nationale La Targette, à Neuville-Saint-Vaast.

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

Pierre Clostermann

1921 - 2006

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Pierre Clostermann.
Source : Wikipedia - libre de droit

Héros de la France Libre

Auteur du livre à succès "Le Grand Cirque", Pierre Clostermann est décédé le mercredi 22 mars 2006 à Montesquieu-des-Albères. Il était âgé de 85 ans.

Né le 28 février 1921 à Curitiba (Brésil), fils de diplomate, Pierre Clostermann rejoint la France Libre en Angleterre le 18 mars 1942, et sert dans le groupe de chasse "Alsace".

Capitaine à la fin de la guerre, il totalise plus de 2000 heures de vol, près de 600 de vol de guerre, 33 victoires aériennes homologuées et 5 probables, ainsi que de nombreuses destructions matérielles : 225 camions, 72 locomotives, 5 tanks, 2 vedettes lance-torpilles.

Compagnon de la Libération le 21 janvier 1946, il commence une carrière politique. Il sera réélu 8 fois, notamment dans le Bas-Rhin : en 1951, il est élu député de la Marne, puis député de la Seine (1956-1958), député de Seine-et-Oise (1962-1967) et des Yvelines (1967-1969).

Promu commandant, Clostermann sert alors en Algérie où il gagne ses galons de lieutenant-colonel de l'Armée de l'Air (1956-1957). Il assure la vice-présidence de la Commission de la Défense nationale et des Forces armées de l'Assemblée nationale entre 1963 et 1969.

En parallèle à sa carrière d'ingénieur, il entame une carrière d'auteur à succès, relatant notamment son expérience pendant la seconde guerre mondiale dans Le Grand Cirque, en 1948, ouvrage qui sera vendu à plus de 3 000 000.

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

Blaise Pagan

1604 - 1665

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Blaise François, comte de Pagan. Auteur : Jacques Lubin. Source : Wikimedia Commons - domaine public

(Saint-Rémy-en-Provence, 1604 - Paris, 1665)

 

Ingénieur militaire français, maître de Vauban, Blaise François Pagan, forme avec Errard de Bar-le-Duc et Antoine Deville la première école française dans l'art de la fortification. Il est l'auteur de l'Art de la fortification où il incorpore le bastion dans le tracé de la fortification.

Blaise François, comte de Pagan, est né à Saint-Rémy-en-Provence, près d'Avignon. Sa famille est d'origine napolitaine, une branche de la maison de Luynes. Il entre très tôt au service de Louis XIII en tant qu'ingénieur militaire. Il se distingue dès 1620 lors du siège de Caen, au combat des Ponts-de-Cé, participe aux sièges de Saint-Jean-d'Angély et de Clérac en 1621, ainsi qu'à la prise de Navarreins, et à celui de Montauban en 1622 où il perd son oeil gauche. En 1623, il officie comme ingénieur pendant le siège de Nancy. Il acquiert sa renommé au cours du siège de Suse en 1629 lorsqu'il franchit à la tête des troupes françaises les barricades qui entourent la ville. La Guerre de Trente ans le conduit à travailler avec Deville lors des sièges de Corbie, Landrecies et Hesdin. Il participe aux sièges de La Rochelle, sert en Italie, en Picardie et en Flandre.

Devenu aveugle en 1642, il est promu Maréchal de camp, abandonne sa carrière militaire et consacre sa retraite à l'étude des mathématiques, de l'histoire et de la géographie, de l'astronomie, et à l'art de la fortification.

Pagan rédige un traité, Le Traité des fortifications (1645), où il expose les principes de la fortification. En particulier : commencer le tracé d'une place par les saillants de bastions les plus exposés pour s'adapter le mieux au terrain, la construction d'ouvrages extérieurs à l'enceinte permettant un bon échelonnement de la défense en profondeur et retardant l'attaque du corps de place. Les flancs de bastions sont perpendiculaires à la ligne de défense pour obtenir un flanquement réciproque parfait. Il se distingue en ce sens de Deville pour qui les bastions ne sont que des ouvrages avancés ajoutés et isolés, reliés ultérieurement à la place. La défense est assurée par une forte artillerie : il prévoit jusqu'à trente canons par bastion, répartis sur trois niveaux. Les dehors comportent un chemin couvert avec une petite place d'armes sur la contrescarpe (principe de défense active). Il prévoit d'utiliser l'espace entre le couvre-faces et l'enceinte principale pour le campement de villageois alentours. Ses principes resteront théoriques, mais seront repris par Vauban dans son premier système de défense.

Il est aussi astronome et conçoit une théorie des planètes. Il présente ses travaux dans : Théorèmes des planètes (1657), les Tables astronomiques (1658) et l'Astrologie naturelle (1659). Le mathématicien compose les Théorèmes géométriques en 1651. Ses autres écrits se rencontrent dans la Relation de la rivière des Amazones (1658) et dans les oeuvres posthumes (1669).

 

Sources : Dictionnaire des architectes, Paris, Encyclopaedia Universalis-Albin Michel, 1999, p. 494 - André Corvisier, dir., Histoire militaire de la France, Paris, Presses universitaires de France, 1992, tome 1

Henri Giraud

1879-1949

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Portrait du général Giraud. 1934-1936. Source : ECPAD

(18 janvier 1879 : Paris - 11 mars 1949 : Dijon)

 

Issu d'une modeste famille alsacienne installée à Paris - son père était marchand de charbon - Henri Giraud, jeune homme au tempérament aventureux, suit de brillantes études classiques aux lycées Stanislas, Bossuet et Louis-le-Grand, et rejoint les rangs de l'armée française en 1900, à sa sortie de l'école militaire de Saint-Cyr.

Il est affecté au 4e Zouave, en Afrique du Nord, unité avec laquelle il est envoyé au front en 1914. Blessé, il est fait prisonnier le 30 août, à la bataille de Guise, lors de la contre-attaque du général Lanrezac contre la IIe armée allemande de von Bulow.

Il parvient à s'échapper avec la complicité du réseau du docteur Frère, à la fin du mois de septembre et rencontre l'attaché militaire français à La Haye qui l'évacue vers le Royaume-Uni d'où il embarque pour rejoindre la France. Il s'illustre à nouveau à l'automne 1917 lorsque le 3e bataillon du 4e Zouave reprend le fort de La Malmaison, au Chemin des Dames puis, lors des offensives programmées par Pétain après la crise du printemps 1917. Après la guerre, il rejoint les troupes du général Franchet d'Esperey à Constantinople, pour retourner au Maroc, à la demande de Lyautey, avec les galons de colonel, combattre les mouvements insurrectionnels berbères. Il contribue ainsi à la reddition d'Abd-el-Krim (27 mai 1926) pendant la guerre du Rif, fait d'arme qui lui vaut de recevoir la légion d'honneur.

Promu commandant militaire de la place de Metz, il rencontre les colonels Charles de Gaulle et Jean de Lattre de Tassigny. Général en 1936, commandant la 7e armée, membre du Conseil supérieur de la guerre, Giraud, qui ne croit pas à l'efficacité de l'arme blindée, désavoue la tactique préconisée par de Gaulle lorsqu'éclate la Seconde Guerre mondiale.

Le 10 mai 1940, ses unités, envoyées aux Pays-Bas, retardent l'avancée allemande, notamment à Breda le 13 mai. Il est fait prisonnier le 19 mai à Wassigny alors qu'il tente de s'opposer aux divisions de panzer dans les Ardennes avec la 9e armée française. Il est emprisonné en Silésie, au château de Koenigstein près de Dresdes. Le 17 avril 1942, Giraud s'en évade avec l'aide de fidèles, les généraux Mesny, Mast, Baurès, et des services secrets britanniques qui lui facilitent la fuite à partir de Schandau. Il gagne ensuite l'Alsace puis Vichy.

Son aventure, rapidement connue de tous et qu'il relate dans Mes évasions, irrite le gouvernement allemand qui souhaite son retour en prison mais il échappe à cette sanction en signant une lettre au maréchal Pétain exprimant sa volonté de ne pas s'opposer à son régime. Vivant en résidence surveillée, Giraud ne tarde pas à être contacté par les Alliés, désireux de tenir le général de Gaulle à l'écart de la préparation de l'opération Torch. Exfiltré en novembre 1942 via Gibraltar, il rencontre Eisenhower de qui il obtient de conserver le commandement des troupes françaises. Sur place, la situation dégénère en une guerre civile, les hommes de l'amiral Darlan refusant de reconnaître son autorité. L'assassinat de Darlan, le 24 décembre, mettra fin à ce conflit.

Giraud se pose alors comme son successeur, maintient les institutions ainsi que le statut d'exception des juifs et fait interner dans les camps sud sahariens quelques résistants qui avaient aidé au débarquement. Présent à la conférence de Casablanca, il est contraint de libérer ces résistants et de conférer à son gouvernement une teneur plus démocratique. Il entre ensuite au directoire du Comité français de Libération nationale (CFLN), le " duel Giraud-de Gaulle " est alors à son comble. Mais, rapidement débordé par les actions de ralliement au général de Gaulle, il doit céder la place. Son soutien indéfectible à Pierre Pucheu finit de le discréditer auprès de ses partisans. Cet ancien ministre de l'Intérieur de Pétain avait en effet gagné le Maroc pour servir les couleurs de la France Libre, mais sa démarche était considérée comme tardive pour quelqu'un accusé de collaboration avec l'ennemi et de participation à l'arrestation d'otages.

Le 13 septembre 1943, il envoie des troupes françaises soutenir les résistants corses par un débarquement sur l'île. C'est un succès militaire mais Giraud subit de nombreuses critiques du général de Gaulle pour avoir armé la résistance communiste corse, donnant une tonalité politique aux opérations de libération de l'Europe et fragilisant le travail d'unification de la résistance. Il perd définitivement son siège au CFLN. En avril 1944, Giraud organise la participation française à la campagne d'Italie mais, considéré comme trop impliqué dans le système répressif de Vichy, il est destitué de son poste de commandant en chef et amené à se retirer des instances militaires de la France Libre.

Il fera part de son expérience de ces années troubles dans son ouvrage : Un seul but : la Victoire, Alger, 1942-1944. Il survit à un attentat à Mostaganem le 28 août 1944. En 1946, Giraud se présente à la députation en Lorraine pour la seconde Assemblée nationale constituante sur la liste du parti républicain de la liberté et des indépendants agraires. Elu le 2 juin, il rallie le groupe des républicains indépendants et contribue à la création de la Quatrième République, en dépit de son refus de voter pour la constitution. Il participe aux débats sur la situation des prisonniers de guerre non rapatriés (25 juillet 1946) et sur la politique générale du gouvernement en Algérie (22 août 1946). Il siège au conseil supérieur de la guerre jusqu'en décembre 1948 et reçoit, le 10 mars 1949, la médaille militaire pour son évasion exceptionnelle.

Il décède le lendemain et est inhumé aux Invalides.

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

Raoul Monclar

1892-1964

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Portrait de Raoul Monclar. Source : Ordre de la Libération

(7 février 1892 : Budapest, Hongrie - 3 juin 1964 : Val-de-Grâce, Paris)

 

Soldat dans l'âme, Raoul Magrin-Vernerey racontait volontiers qu'à l'âge de sept ans il avait voulu quitter sa famille pour s'engager chez les Boers...

Fils d'une institutrice française en poste à Vienne, Anne Magrin, Raoul Charles est pris en affection par un comte hongrois qui veille à son éducation intellectuelle et morale. Evoluant dans le milieu cosmopolite de la société austro-hongroise, le jeune homme conservera une grande facilité d'adaptation tout au long de sa vie. De retour en France, il est élevé par sa grand-mère à Avison dans la Doubs. Après des études au lycée Victor Hugo à Besançon puis au petit séminaire d'Ornans, taraudé par son envie de porter l'uniforme, il s'enfuit de chez lui à quinze ans pour s'engager dans la Légion étrangère. Trop jeune pour une pareille aventure, il retourne à ses études pour enfin embrasser la carrière militaire le 10 octobre 1912 lorsqu'il intègre l'Ecole militaire spéciale de Saint-Cyr.

Diplômé en 1914, promotion Montmirail, il est propulsé dans la tourmente de la guerre au 60e régiment d'infanterie (RI) : la plaine d'Alsace, Morte-Fontaine (Oise), les combats de l'Ourcq, de l'Aisne, volontaire dans l'offensive d'Aumetzwiller (Moselle), la contre-attaque du bois d'Haumont (Bois des Caures), l'offensive de la Somme, Ypres, la butte de Tahure en pays rémois.

D'un héroïsme hors du commun, il est gazé, six fois blessé et onze fois cité, dont sept à l'ordre de l'armée. Réformé à 90%, il est promu capitaine le 24 juin 1916 au 260e RI, et reçoit la Légion d'Honneur.

La paix revenue, il est envoyé sur les théâtres d'opérations extérieures, à Odessa (1919), en Syrie-Palestine (1920) où sa bravoure lui vaut une nouvelle citation et la croix d'officier de la Légion d'Honneur, en Algérie et au Maroc puis au Tonkin au sein du 5e régiment étranger d'infanterie. Ces missions lui permettent de réaliser son rêve : rejoindre la Légion étrangère, et ce dès 1924.

Le 23 février 1940, il quitte le commandement du 4e REI au Maroc pour prendre la direction de deux bataillons de marche de la 13e demi-brigade de la Légion étrangère, contingent de l'expédition de Norvège. Le 5 mai il débarque à Ballangen, enlève Bjervik et Narvik, libère 60 prisonniers alliés et capture 590 Allemands. L'expédition tourne court et Magrin-Vernerey rejoint Brest le 15 juin. A l'annonce de l'armistice, avec le capitaine Koenig et 500 compagnons, il quitte la France pour aller se placer sous l'autorité du général de Gaulle. Promu colonel, il devient Monclar (nom d'une localité du Tarn-et-Garonne, berceau de sa famille) pour la France Libre. En décembre 1940, sa 13e demi-brigade entame son périple africain : Dakar, Freetown, le Cameroun où il rédige un petit traité sur sa conception du combat, Catéchisme du combat. Elle débarque au Soudan anglo-égyptien, prend part à la campagne d'Erythrée aux côtés du bataillon Garbay, enlevant la capitale, Massaouah, et capturant l'amiral et le général commandants en chef des forces italiennes. En Syrie (juin 1941) cependant, de même qu'il a refusé de participer à la campagne de ralliement du Gabon, il ne veut pas s'engager, ne pouvant supporter l'idée d'une lutte fratricide dans l'armée française. Nommé général de brigade en 1941, il exerce divers commandements en Grande Bretagne puis au Levant. Il est fait Compagnon de la libération.

Après diverses missions en Algérie, au Pakistan, en Indochine, il est nommé inspecteur de la Légion étrangère le 25 juin 1948.

Général de corps d'armée le 20 février 1950, bientôt atteint par la limite d'âge, Monclar reprend fictivement ses galons de lieutenant-colonel le 19 octobre et se porte volontaire pour prendre la tête du bataillon français de Corée qu'il dirige jusqu'en 1951 contre les troupes communistes en Corée du Nord.

Retiré à Neuilly, le 21 octobre 1962, légende militaire vivante auréolé de dix-sept décorations nationales et de vingt-et-une internationales, il succède au général Kienst au rang de Gouverneur des Invalides.

Il occupe cette charge jusqu'à sa mort en 1964.

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

Sir Winston Leonard Spencer Churchill

1874-1965

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Winston Churchill faisant le célèbre signe "V" signifiant " Victoire ", le 5 juin 1943. Source : Imperial War Museum Collections. Libre de droit

Blenheim, le 30 novembre 1874 - Londres, le 24 janvier 1965

 

Winston Churchill est un homme politique britannique descendant d'une des plus grandes familles de l'aristocratie anglaise, celle des ducs de Marlborough.

Né le 30 novembre 1874, Winston Churchill suit une scolarité assez médiocre avant d'être admis au concours de l'école militaire de Sandhurst en 1893. Il en sort 20e sur 130 en 1896.

Il combat à Cuba contre les Espagnols, en Inde, au Soudan où il s'engage en 1898 aux cotés du général Kitchener. En 1899, lors de la seconde guerre des Boers en Afrique du Sud, il est fait prisonnier mais parvient à s'échapper, épisode rocambolesque qui est salué par la presse nationale et internationale. Dès lors, mi-officier, mi-journaliste, il rédige des articles très vivants et expressifs qui sont appréciés et lui ouvrent en 1900 les portes de la Chambre des communes.

Élu du parti conservateur au Parlement en 1900, il le quitte pour rejoindre les Libéraux en 1904 avec lesquels il commence une brillante carrière politique : il est nommé sous-secrétaire d'État aux colonies en 1905, ministre du commerce en 1908 et ministre de l'Intérieur en 1910.

En 1908, il rencontre et épouse Clémentine Hozier avec laquelle il aura cinq enfants.

En 1911, à trente-sept ans, il devient Premier lord de l'Amirauté (ministre de la Marine). Il est toujours à ce poste lorsqu'éclate la Première Guerre mondiale.

En 1915, il prépare une expédition navale franco-britannique contre la Turquie, alliée de l'Allemagne, pour occuper le détroit des Dardanelles et rétablir des communications avec la Russie. Mais le débarquement de Gallipoli, au printemps 1915, est un véritable désastre qui lui vaut son départ du gouvernement et manque de briser définitivement sa carrière. Il sert alors brièvement sur le front français, en tant que commandant du 6e Bataillon du Royal Scots Fusiliers, mais Lloyd George le rappelle de nouveau au gouvernement et lui confie le portefeuille de l'Armement (1917), puis ceux de la Guerre et de l'Air (1918-1921).

À la suite de suite de l'échec du parti libéral, en 1922, Churchill perd son siège de député. Il réintègre alors le parti conservateur, qui l'accueille sans rancune en 1924 au poste de chancelier de l'Échiquier (ministre chargé des finances et du trésor).

Dans les années 30, il multiplie en vain les avertissements face à la menace de l'Allemagne hitlérienne.

Ainsi, lorsque Chamberlain signe les Accords de Munich en 1938, il lui déclare : " Vous aviez à choisir entre la guerre et le déshonneur . vous avez choisi le déshonneur et vous aurez la guerre ".

En septembre 1939, Churchill est de nouveau nommé Premier Lord de l'Amirauté. Après la démission de Neville Chamberlain, le 10 mai 1940, il devient Premier ministre du Royaume-Uni. Il se révèle alors un véritable chef de guerre, fermement décidé à conduire son pays à la victoire, et proclame lors de son discours d'investiture devant la Chambre des communes qui annonce les jours sombres de la bataille d'Angleterre : "Je n'ai rien d'autre à offrir que du sang, du labeur, de la sueur et des larmes".

À 66 ans, Churchill parvient donc pour la première fois au sommet du pouvoir, et il y demeurera jusqu'à la fin du conflit. Son rôle est crucial pour soutenir le moral des Anglais. L'homme aux discours incisifs, au cigare et au V de la victoire devint le symbole de la résistance anglaise au nazisme. Il organise l'évacuation de la poche de Dunkerque, autorise de Gaulle à lancer son fameux appel du 18 juin, exalte la ténacité du peuple britannique durant la bataille d'Angleterre et le blitz ("Jamais dans l'histoire des guerres un si grand nombre d'hommes ont dû autant à un si petit nombre", Discours aux Communes, le 20 août 1940), et fait de la victoire une nécessité non négociable.

Adepte depuis toujours d'une coopération avec la France, même si ses relations avec le chef de la France Libre seront souvent tumultueuses malgré un respect mutuel des deux hommes, il n'hésite cependant pas à faire couler la flotte de cette dernière à Mers el-Kébir pour éviter avant tout qu'elle ne tombe aux mains de l'Axe. De même, fervent anti-communiste, il tend la main à Staline lorsque l'URSS est attaquée par l'Allemagne le 22 juin 1941 mais signe parallèlement avec Roosevelt la charte de l'Atlantique en août 1941.

Toute sa politique est orientée vers un seul objectif : résister au nazisme et battre Hitler, ce qui en fait sans conteste un des principaux artisans de la victoire alliée.

À la fin de la guerre, Churchill tente d'amener Roosevelt à une attitude plus ferme envers l'URSS, mais il ne peut empêcher, à la conférence de Yalta (Ukraine), le partage de l'Europe entre Soviétiques et Américains.

 

En 1945, le parti travailliste l'emporte aux élections. Churchill devient alors chef de l'opposition conservatrice, dénonçant dès 1946 le rideau de fer et insistant sur l'importance du Commonwealth et des relations privilégiées avec les États-Unis.

De retour au poste de Premier ministre en 1951, il cède sa place à Anthony Eden en avril 1955 et consacre les dernières années de sa vie à la peinture et à la littérature.

Prix Nobel de littérature en 1953, Sir Winston Churchill est l'auteur de nombreux ouvrages dont Mémoires de guerre (1948-1954), précieux témoignage sur son extraordinaire ténacité dans une des périodes les plus sombres de la Grande-Bretagne et du monde libre.

Il s'éteint le 24 janvier 1965 d'une congestion cérébrale à Londres, à l'âge de quatre-vingt-dix ans.

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

Georges Catroux

1877-1969

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Portrait du général Catroux : Source SHD

(29 janvier 1877 : Limoges - 21 décembre 1969 : Paris)

 

Fils d'un militaire qui s'est illustré pendant les campagnes du Second Empire en Afrique du Nord et en Asie et d'une mère génoise, Georges Catroux hérite du sens du service et du goût pour les contrées lointaines. Après avoir fréquenté les écoles de Limoges, Angers et Rennes au gré des garnisons de son père, il entre au Prytanée national militaire de La Flèche puis à l'Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr en 1896, promotion "randes manoeuvres" et choisit à sa sortie le corps des Chasseurs à pied (Grenoble).

Jeune lieutenant à la Légion étrangère en 1900, il est envoyé en mission de pacification dans le Sahara. Trois ans plus tard, il est en Indochine pour seconder le gouverneur général Paul Beau, avant de repartir en Afrique du Nord, en Algérie d'abord où il rencontre Lyautey (il écrira quelques années plus tard un Lyautey le Marocain), puis au Maroc où, jusqu'en 1911, il accomplit les opérations préparatoires d'occupation du territoire, avant de revenir à Alger auprès du gouverneur général Lutaud.

Au début de la Première Guerre mondiale, il commande le 2e régiment de tirailleurs algériens. Blessé près d'Arras en octobre 1915, il est fait prisonnier et rencontre Charles de Gaulle au Fort IX d'Ingolstadt.

Membre de la mission militaire française en Arabie en 1919-1920, il est ensuite nommé gouverneur de l'Etat de Damas où il pose les bases de l'administration et de la gouvernance de la Syrie, avant d'exercer les fonctions d'attaché militaire à Constantinople - il fera part de son expérience levantine dans Deux missions au Moyen-Orient, 1919-1922. Lyautey le rappelle au Maroc, de juin à octobre 1925, lors de la guerre du Rif. Nommé auprès d'Henri de Jouvenel, Haut commissaire au Levant, Catroux défend la thèse de l'indépendance de la Syrie et du Liban. Ne trouvant pas d'écho favorable, il demande à être relevé de ses fonctions et retourne dans le désert, en 1927, pour diriger le 6e régiment de tirailleurs algériens à Tlemcen. Colonel puis général, il commande à Marrakech, de 1931 à1934, à Mulhouse ensuite, puis le 19e corps d'armée à Alger de 1936 à 1939.

À la déclaration de guerre en septembre 1939, Catroux est gouverneur général d'Indochine depuis trois mois : passé au cadre de réserve, il a été rappelé par Mandel le 21 août pour occuper cette fonction. A l'armistice il doit composer avec un gouvernement qui refuse la présence de troupes étrangères sur ce territoire et encourage les relations avec la Chine et les Japonais, pressés de s'installer sur le continent pour en découdre avec Pékin. Le gouvernement de Vichy le révoque le 26 juillet 1940. Il refuse alors de revenir en France et choisit de rallier la France Libre via Singapour et Le Caire. Arrivé à Londres le 17 septembre 1940, il reçoit du général de Gaulle la mission de préparer le ralliement des Etats du Levant en qualité de représentant de la France Libre dans cette région. Membre du Conseil de Défense de l'Empire, commandant en chef et délégué général de la France Libre au Moyen Orient, en juin 1941, il proclame l'indépendance de la Syrie et du Liban. Il est nommé Haut-commissaire de la France Libre au Levant le 19 juillet par décret du général Wilson, commandant en chef des troupes britanniques dans cette zone. Il participe aux pourparlers succédant au débarquement en Afrique du Nord et, nommé commandant des forces françaises le 25 novembre 1942, il s'attèle à réunir sous son autorité les territoires d'outre-mer, tout en jouant un rôle d'intermédiaire entre de Gaulle et Giraud. Commissaire d'Etat au Comité français de Libération nationale en 1943, il est chargé au mois de mai de la coordination des affaires musulmanes et rédige l'ordonnance du 7 mars 1944 qui accorde la nationalité française à certaines catégories de musulmans et la possibilité de l'obtenir pour d'autres. Gouverneur général de l'Algérie en juin 1944, Compagnon de la Libération, il est nommé ministre d'Etat chargé de l'Afrique du Nord du Gouvernement provisoire de la République française le 9 septembre suivant.

Ambassadeur de France en Union soviétique de 1945 à 1948, expérience dont il fera le sujet de J'ai vu tomber le rideau de fer, il sert comme conseiller diplomatique auprès du gouvernement à son retour, puis est élevé à la dignité de Grand Chancelier de la Légion d'honneur en 1954. Alors qu'une commission est chargée de rechercher les responsabilités dans la défaite de Dien Bien Phu, il s'exprimera sur cette guerre dans Deux actes du drame indochinois. En 1955, désigné pour résoudre les troubles au Maroc, il joue un rôle prépondérant dans les négociations pour le retour du sultan Mohammed V, exilé à Madagascar. L'année suivante il exerce les fonctions de ministre résident en Algérie mais démissionne en raison des manifestations hostiles aux Européens. En 1961, Catroux est membre du tribunal militaire chargé de juger les généraux putschistes (Challe, Zeller) et leurs complices.

Placé hors des cadres d'active en 1969, Compagnon de la Libération, Georges Catroux décède le 21 décembre, à l'hôpital du Val-de-grâce. Il est inhumé au cimetière de Thiais (Val-de-Marne).

 
Source : MINDEF/SGA/DMPA