Sylvain Raynal

1867-1939

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Le Commandant Sylvain Eugène Raynal. Source : D.R.

Sylvain Eugène Raynal naît le 3 mars 1867 dans une famille protestante bordelaise d'artisans, dont il hérite le sens du travail et un profond patriotisme. Il intègre l'école de Saint-Maixent, après une scolarité au lycée d'Angoulême, qu'il quitte avec le même rang d'entrée, treizième. Il connaît ensuite une vie de garnison.

Nommé à l'état-major de Paris, il sert sous les ordre de Guillaumat . découvre ensuite l'Algérie au sein du 7e régiment de tirailleurs de Constantine, où il prend connaissance de l'entrée en guerre de la France à l'été 1914. Blessé à l'épaule par une balle de mitrailleuse en septembre 1914, et en décembre lors du bombardement de son poste de commandement, il est hospitalisé pendant dix mois avant de retourner au combat le 1er octobre 1915.

À la fin 1915, l'offensive allemande se concentre sur le secteur de Verdun sous la direction du Kronprinz, fils aîné du Kaiser. Un face à face de 300 jours qui donnera naissance à une geste militaire contemporaine : Bois des Caures, Froideterre, Mort-Homme, Douaumont, Fleury, etc., Vaux. Le 4 mars 1916, l'état-major germanique ordonne de réduire le verrou de Verdun et de foncer sur Paris.

Place avancée, le Fort de Vaux est défendu par les 300 hommes encore valides du 142e régiment d'infanterie commandés par Raynal du 96e R.I., s'étant porté volontaire pour servir à Verdun, alors qu'il achève une convalescence suite à une blessure de shrapnels qui lui vaut d'être promu officier de la Légion d'honneur. Entre le 2 et le 7 juin 1916, le commandant Sylvain Eugène Raynal résiste avec ses hommes aux attaques allemandes du 39e régiment d'infanterie. "L'héroïsme naît parfois dans les milieux les plus simples" (Fleuriot de Langle, dans Le Ruban Rouge)...

Isolé, il envoie le 4 juin son dernier pigeon voyageur (matricule 787-15) "Vaillant" porteur du message suivant : "Nous tenons toujours, mais nous subissons une attaque par les gaz et les fumées très dangereuses . il y a urgence à nous dégager. Faites-nous donner de suite communication optique par Souville qui ne répond pas à nos appels. C'est mon dernier pigeon. Raynal."

Sans réponse, manquant d'eau potable et dans l'impossibilité de voir sa position être dégagée par des renforts, le commandant et ses hommes finissent par se rendre. Amené devant le Kronprinz, il tend au prince héritier une baïonnette de simple soldat, son épée n'ayant pu être retrouvée dans les décombres du fort, lui disant : "Prince, cette arme vaut une épée d'officier", lequel lui apprend, à la suite de l'interception d'un message émanant de l'état-major français qu'il lui a été décerné la cravate rouge de l'ordre de la Légion d'Honneur. Son messager ayant accompli sa mission recevra le diplôme de la bague d'honneurs - le Musée de la Poste à Paris en conserve le corps de nos jours. Raynal prisonnier est détenu à Mayence du 11 juin 1916 jusqu'en novembre 1917, puis 3 mois à Stressburg sur la frontière Polonaise en Prusse Orientale, et enfin en Suisse, à Interlaken, à partir du 30 mars 1918 jusqu'à sa libération le 4 novembre.

Sylvain Eugène Raynal se retire après guerre au 36 de la rue Denfert-Rochereau à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) où il séjournera jusqu'à sa mort le 13 janvier 1939.

Une plaque y a été apposée en 1966 à l'occasion du cinquantenaire de la Bataille de Verdun.

 

Source : Mindef/SGA/DMPA

Napoléon III

1808-1873

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Portrait de Napoléon III. Source : SHD

NAPOLEON III (Paris, 20 avril 1808 - Chiselhurst, 9 janvier 1873)

Troisième fils de Louis Bonaparte, roi de Hollande, frère de Napoléon Ier, et d'Hortense de Beauharnais, belle-fille de l'Empereur. Il eut pour précepteur le fils du conventionnel Le Bas, qui lui fit aimer le passé révolutionnaire. En 1830, sur les traces de son oncle, il part pour l'Italie, s'affilie au mouvement des carbonari et prend part au soulèvement de Menotti, en Romagne, contre le pape Grégoire XVI. Avec le décès du Duc de Reichstadt en 1832, Louis Napoléon hérite de la légitimité bonapartiste.

Avec l'aide de Persigny, il essaie en vain, le 30 oct. 1836, de soulever la garnison de Strasbourg. Louis-Philippe l'exile au Brésil, d'où il passe aux Etats-Unis, avant de s'installer en 1837 en Angleterre. Il y défend sa conception du "césarisme démocratique" dans son livre Les Idées napoléoniennes (1839) et décide de profiter du regain de ferveur bonapartiste suscité en France par l'annonce du retour des cendres de Napoléon Ier pour tenter à Boulogne un nouveau tour de force, le 6 août 1840. Il comparaît devant la Cour des Pairs, est condamné à la prison perpétuelle et enfermé au fort de Ham (Somme). Il s'en évade en mai 1846, gagne l'Angleterre.

Jugé indésirable sur le territoire métropolitain, Louis Napoléon se fait élire dans cinq département au mois de juin 1848, et siège à l'assemblée trois mois plus tard.

Piètre orateur, l'ambitieux député travaille néanmoins à gagner l'appui des conservateurs, il harangue les foules et se rapproche de l'armée, nostalgique de l'Empire. Candidat aux élections présidentielles de décembre 1848, il est élu avec cinq millions de voix d'avance sur ses concurrents. Le 2 décembre 1851, il réalise un coup d'Etat qu'il fait approuver par plébiscite les 20 et 21 décembre. Ayant au préalable fait modifié la constitution, il devient Président de la République pour dix ans. Il concentre ainsi entre ses mains tous les pouvoirs. Commence alors une série de voyages dans les provinces françaises afin de préparer l'opinion au plébiscite des 21 et 22 novembre 1852 par lequel il se fait proclamer Empereur des Français. Il devient Napoléon III le 2 décembre 1852. Désireux, à l'instar de Napoléon Ier, d'entrer dans le cercle des dynasties européennes, l'année suivante, il épouse, le 30 janv. 1853, une aristocrate espagnole, Eugénie Marie de Montijo.

De 1852 à 1860, Napoléon III exerce le pouvoir sans partage, s'appuyant sur le suffrage universel, qui lui fournit régulièrement des majorités écrasantes mais dont l'orientation est dirigée par le mécanisme de la « candidature officielle ». Le régime reçoit le soutien de l'ancienne bourgeoisie orléaniste, des catholiques et des milieux d'affaires. La vie politique tombe dans le marasme, une oppression feutrée s'appesantit sur tout le pays : l'opposition légitimiste se tait, observant les consignes d'abstention données par le comte de Chambord . l'opposition républicaine est décapitée, les fonctionnaires sont contraints de prêter serment de fidélité à l'empereur, la puissance des préfets est pratiquement illimitée . la presse est bâillonnée par l'autorisation préalable, par le droit de timbre très élevé, par le système des « avertissements », la littérature connaît un sort analogue. L'heure est aussi au faste et à l'apparat : on fait jouer Offenbach, les stations balnéaires sont à la mode. Les grands travaux réalisés à Paris par Haussmann, préfet de 1853 à 1869, restent le symbole du puissant essor de la vie économique à cette époque. La France entre dans la l'ère industrielle : les grands établissements de crédit sont créés (le Crédit foncier et le Crédit mobilier des frères Pereire en 1852, le Crédit industriel et commercial en 1859, etc.) . les transports sont développés (3 100 km de voies ferrées en 1851, 17 000 à la fin de l'Empire, les Grands magasins ouvrent leurs portes (Le Bon Marché, Le Louvre, Le Printemps, La Samaritaine). Les talents de négociateurs de Napoléon III lors du congrès de Paris qui met fin à la guerre de Crimée (1854-1856) lui assurent un grand prestige international. Il intervient dans la création du royaume de Roumanie, prend une part active à l'unification italienne, à l'issue de laquelle il agrégera Nice et la Savoie à la France. Sa politique italienne, lui fait perdre l'appui des catholiques, défenseurs du pouvoir temporel du Pape. L'attentat d'Orsini (14 janvier 1858), sans dommages pour l'Empire, symbolise le mécontentement des conservateurs, et permet à l'empereur de renforcer son pouvoir : par la loi de sûreté générale du 19 février 1858 il peut interner ou de déporter sans jugement les anciens condamnés politiques.

 

Napoléon III se tourne alors vers le courant libéral entre 1860 et 1870. Le décret du 24 novembre 1860 accorde le droit d'adresse au corps législatif, et annonce le retour des républicains dans le débat public. Ces derniers qui réclament l'abolition de la loi de sûreté générale, le rétablissement de la liberté de la presse et du droit de réunion, obtiennent, lors des élections de 1863 trente-deux sièges. Le pouvoir s'incline : l'universitaire anticlérical Victor Duruy est nommé à l'Instruction publique (1863-1869), le droit de grève et de coalition est octroyé en avril 1864, la presse retrouve son autonomie en mai 1868, etc. Napoléon III se réserve le domaine de la politique étrangère : il se lance dans la constitution d'un empire. Ses initiatives finiront par inquiéter les ambitions des autres puissances, et ce, notamment lors de l'expédition du Mexique (1861-1867), où, afin de retrouver les faveurs du Vatican, Napoléon III tente de créer en Amérique centrale un grand empire latin, catholique. L'histoire retiendra le sort tragique de l'empereur du Mexique, Maximilien de Habsbourg, et la bataille de Camerone où, le 30 avril 1863, dans l'hacienda de Camerone, les 3 officiers et les 62 légionnaires de la compagnie du capitaine Danjou ont résisté pendant toute une journée à 2000 Mexicains - cette date est d'ailleurs devenue le jour anniversaire de la Légion. Il achève par ailleurs la conquête de l'Algérie, conforte l'assise coloniale en Nouvelle-Calédonie et au Sénégal, annexe Obock (Mer Rouge) en 1862, se pose en défenseur des chrétiens de Syrie, encourage le creusement du canal de Suez (1859-1869), intervient en Chine aux côté de l'Angleterre (1860), prend possession de la Cochinchine (1863). En Europe, l'Empereur des Français choisit l'ambiguïté, poursuivant en cela sa politique d'affaiblissement de l'Autriche. Après avoir contribué à la formation de l'Italie, il apporte son soutient à la Prusse du chancelier Bismarck pour la constitution d'un Etat allemand, en octobre 1865, lors de l'entrevue de Biarritz, où il tente de négocier l'incorporation des territoires rhénans frontaliers.

À la suite de l'éclatante victoire des troupes prussiennes sur les Autrichiens à Sadowa (3 juillet 1866), Napoléon III prend conscience de la menace de cet État en devenir et donne une nouvelle impulsion à son action politique. Il lance une réorganisation de l'armée par la réforme Niel de 1867-1868, secourt Pie IX à Rome afin de se rallier les catholiques français et les orléanistes. Les élections de 1869 confirment l'assise républicaine de l'Assemblée : Émile Ollivier entre au gouvernement en janvier 1870. L'Empire devient parlementaire. À l'extérieur cependant, la politique française irrite les Italiens et les Prussiens qui ne tardent pas à se rapprocher, alors même que Bismarck achève de discréditer la France en Europe. L'affaire de la succession d'Espagne, dont le trône sans héritier doit échoir aux Hohenzollern, fait planer la menace d'un encerclement de la France. Bismarck utilise l'hostilité née des exigences françaises pour achever l'unification de l'Allemagne. Dans la "dépêche d'Ems", il modifie le compte rendu de l'entrevue entre Benedetti et les Hohenzollern de manière à obliger Napoléon III à déclarer la guerre . chose faite le 19 juillet 1870. Les troupes prussiennes donneront le coup de grâce à l'Empire : Froeschwiller et Forbach, Rezonville-Gravelotte, dans la première quinzaine d'août, Bazaine est encerclé dans Metz. Napoléon III se rend le 2 septembre à Sedan - où il échappe de justesse au peloton d'exécution. L'Empire n'est plus, Gambetta en annonce la déchéance au Palais Bourbon. Le 4 septembre la République est proclamée à l'Hôtel de Ville de Paris.

Charles Louis Napoléon Bonaparte est emmené en captivité à Wilhelmshöhe, en Hesse. Libéré quelques temps plus tard, il rejoint Eugénie de Montijo au château de Chislehurst, dans le Kent.

Comme son oncle, il mourra de maladie (maladie de la pierre), en exil.

 
Sources : Michel MOURRE, Dictionnaire encyclopédique d'histoire, Paris, Bordas, 1996 (1978) - Jean TULARD, Dictionnaire du Second Empire, Paris Fayard, 1995

August von Kageneck

1922-2004

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Portrait de von Kageneck. Source : http://www.arenes.fr

Cavalier et écrivain

 

August von Kageneck, Allemand de Rhénanie a été, successivement, un combattant de l'arme blindée, un journaliste et un écrivain. Il a été l'un des artisans de la réconciliation entre la France et l'Allemagne. Sa vie et ses livres témoignent, à la fois, d'une période dramatique de l'Histoire et de l'existence de "Justes" dans tous les camps.

August von Kageneck naît sur les bords de la Moselle, à mi-chemin entre Trêves et Coblence, dans une famille aristocratique, dont il est le cinquième fils. Son père, ancien général, ayant commandé une brigade de cuirassiers, au cours de la Grande Guerre, avait été, auparavant, attaché militaire à Vienne et aide de camp de l'Empereur Guillaume II.

August passe son enfance dans les environs de Wittlich, siège d'une garnison française, jusqu'en 1930. Les sentiments des Kageneck à l'égard de la France entre les deux guerres sont ambigus.

Elle est jugée responsable du traité de Versailles, unanimement honni, l'occupation de la rive gauche du Rhin est ressentie comme une humiliation. Mais tous parlent français et sont avides de notre littérature.

Catholique et monarchiste, le Général est instinctivement réservé à l'égard d'Hitler et du national socialisme. Cependant il n'empêche pas son fils d'entrer dans la Hitler Jugend, comme on entre aux scouts. August poursuit ses études secondaires au collège des Jésuites de Bad Godesberg, où il est formé par ces inimitables éducateurs. Sa vocation est claire : à moins de 17 ans, en avril 1939, il s'engage au 17ème Régiment de Cavalerie, à Bamberg. Arrivé en France, après la fin de la Campagne de 1940, il y séjourne, quelques mois, dans un Groupe de reconnaissance. Ce sera son destin : il servira toujours dans des formations de reconnaissance.

Le 1er janvier 1941, il rejoint l'Ecole de l'Arme blindée à Krampnitz près de Potsdam, en qualité d'élève officier d'activé. Il en sort sous-lieutenant, le 1er mai 1941, et rejoint le bataillon de reconnaissance de la 9ème Division blindée formée d'Autrichiens.

Le 23 juin 1941, âgé de moins de 19 ans, il entre en Russie, à la tête de son peloton d'automitrailleuses. Ce sont treize mois de combats acharnés, dans la poussière, la boue et le froid extrême. Trois blessures, dont une terrible, à la face, le 25 juillet 1942, dans la région du Don. Pendant de longs mois, il va d'hôpital en hôpital, où il subit de nombreuses opérations, aux résultats remarquables.

Malgré son désir de rejoindre le front, il est affecté comme instructeur à l'Ecole des blindés qu'il suit dans ses déplacements. En décembre 1944, il obtient enfin une affectation sur le front Ouest et finira la guerre, contre les Américains, au coeur du Harz, dans les rangs du bataillon de reconnaissance de la fameuse Panzerlehr-Division.

Il réussira à échapper à la captivité et rejoindra ses parents, en Rhénanie, de nouveau occupée par les Français. Deux de ses frères ont été tués : l'un à la tête d'un bataillon du 18ème Régiment d'Infanterie devant Moscou, l'autre, un as de la Luftwaffe, aux 69 victoires, abattu au-dessus de Tobrouk.

Après la sombre période que traverse l'Allemagne depuis sa défaite, il se lance dans le journalisme. Dès 1948, il collabore à une feuille locale, publiée à Bad Kreuznach. En 1950, il est reporter dans un quotidien de Hambourg. Jusqu'en 1955, date à laquelle il s'installe à Paris, il effectue de nombreux reportages, en Afrique, pour la télévision allemande. Pendant 16 ans, il sera le correspondant, en France, du grand quotidien allemand "Die Welt", en même temps que de la télévision officielle allemande.

Il travaille aussi pour la "Bild Zeitung" : c'est ainsi qu'il couvrira, pour son compte, la "semaine des barricades", à Alger (janvier 1960). A Paris, il est une des personnalités éminentes de la colonie allemande et collabore à son journal, le "Pariser Kurier". Il devient Président de l'Association des journalistes étrangers à Paris. De 1986 à 1994, il regagne Bonn, où il publie sa lettre d'information "Economie et politique allemande" du Bureau de presse fédérale.

En 1994, il rejoint sa famille, à Neuilly et part, enfin, se consacrer à sa seconde vocation : celle d'écrivain.

Il publie, dans l'année même, chez Perrin "Lieutenant de Panzers", écrit en français, qui le fait connaître du public. C'est un récit, dépouillé et vivant, de sa vie de soldat.

En 1996, c'est, chez le même éditeur "Examen de conscience". Le livre soulève une polémique avec ses anciens camarades et même avec ses proches qui l'accusent de contribuer à aggraver la mauvaise conscience des Allemands. Ceux-ci savaient que leur pays s'était rendu coupable de crimes de guerre, notamment en Russie, mais ils voulaient croire que la Wehrmacht n'avait pas été impliquée dans ces crimes, commis par les SS ou les autorités issues du parti national socialiste. Or, August von Kageneck affirmait, preuves à l'appui, que la Wehrmacht avait été complice et, parfois, auteur de ces crimes.

En 1998, toujours chez Perrin, paraît "La guerre à l'Est - Histoire d'un régiment allemand - 1941-1944". C'est l'odyssée du 18ème Régiment d'Infanterie, dans les rangs duquel a été tué son frère, Franz-Joseph. C'est un bon livre de guerre qui fait penser à "Orages d'acier" d'Ernst Junger. Enfin, en 2002, il signe aux Arènes, un livre de dialogues avec Hélie de Saint-Marc, sous le titre "Notre histoire - 1922 - 1945". Les parcours des deux hommes étaient parallèles : même âge, même milieu social, même formation chez les Jésuites, même vocation militaire, même regard porté sur la guerre et la souffrance et pour finir même souci de réfléchir sur le destin et de coucher ces réflexions dans des livres.

August von Kageneck est d'une grande sobriété dans ses récits de guerre, d'une grande sensibilité et d'une conscience inquiète dans ses réflexions. Ses livres sont d'une lecture facile et agréable. August von Kageneck a beaucoup oeuvré pour une réconciliation entre la France et l'Allemagne, fondée sur la confession des crimes et la reconnaissance des fautes. N'avait-il pas, dès 1948, participé à une marche européenne de la jeunesse à Strasbourg ?

Par ses livres, ses conférences, ses relations avec le "Tout Paris" il a contribué à transformer l'image que les Français se faisaient de leurs voisins.

En 2001, il s'est rendu à Oradour-sur-Glane, pour demander pardon des crimes commis en 1944.

Il est décédé, le 13 décembre 2004, à Bad Oldesloe dans la région de Lübeck, après une longue maladie.

 

Sources : Francis Boulnois, dans : Avenir & Traditions. Union Nationale de l'Arme Blindée Cavalerie Chars, 91, mars 2005

François Bazaine

1811-1888

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Portrait de François Achille BAZAINE.
Source : Wikipedia, libre de droit

Maréchal de France (Versailles, le 13 février 1811 - Madrid, le 23 septembre 1888)

 

Fils de Pierre Dominique et de Marie Madeleine Josèphe dite Mélanie Vasseur, François Achille Bazaine entre en 1831 dans l'armée à la suite d'un échec au concours d'entrée à l'école Polytechnique. Il sert dans la Légion étrangère en Algérie, puis combat de 1835 à 1838 en Espagne contre les carlistes, avant de revenir à Alger où il dirige le district de Tlemcen. Il devient colonel de la Légion en 1850.

Bazaine s'illustre lors de la guerre de Crimée. Son courage lui vaut d'être élevé au rang de général de division. Il commande les troupes françaises dans l'expédition de Kinburln en 1859, est blessé à Melgrano, et prend une part non négligeable lors de la bataille de Solférino, ce pour quoi il sera élevé à la dignité de Grand Croix de la Légion d'Honneur.

Membre du contingent de légionnaires au Mexique, de 1862 à 1867, il s'empare de Puebla en 1863, et finit par remplacer le général Foyer à la tête du corps expéditionnaire. Il contraint le président mexicain, Benito Juárez, à la clandestinité. Ses qualités de commandement reconnues, il devient maréchal en 1864.

Devenu veuf par le suicide de sa femme, il se remarie en 1865 avec une Mexicaine issue d'une riche famille proche du président déchu, qui l'incite à intriguer contre l'empereur Maximilien de Habsbourg. Face à l'intervention américaine, le corps expéditionnaire français est contraint de se retirer . Bazaine restera avec ses hommes jusqu'au terme du rembarquement à Vera Cruz en 1867.

Bien que disgracié par Napoléon III à son retour en France, sa grande popularité lui octroie en 1869 le commandement de la garde impériale et en 1870 celui du troisième corps de l'armée du Rhin. L'armée allemande, supérieure numériquement, mieux équipée et entraînée, déborde rapidement l'armée impériale. Suite à la défaite de Spicheren, Bazaine décide de tenir une position stratégique. Son expérience coloniale est cependant inefficace. Indécis et inquiet, le maréchal se laisse enfermer dans Metz (18 août) par Constantin von Alvensleben qui lance, deux jours durant, deux corps de troupe à l'assaut de la place. Les renforts demandés tardent à arriver. Tiraillé entre le devoir d'obéissance à une hiérarchie, différant sans cesse les décisions liées à un pouvoir dans lequel il ne croit plus, et celui de se ranger du côté de la puissance venue "libérer la France d'elle-même", Bazaine décide d'attendre l'armée de Châlons du maréchal Mac-Mahon. Apprenant la reddition de Napoléon III à Sedan (2 septembre), il tente de se poser en médiateur de la France, perdant son temps à négocier dans ce dessein avec l'impératrice Eugénie, avant d'être finalement contraint à la reddition sans conditions le 27 octobre 1870. Les Allemands feront prisonniers 140 000 hommes de l'armée du Rhin.

En 1873, il est jugé, après instruction du dossier par Séré de Rivière, par un conseil de guerre présidé par le duc d'Aumale, condamné à la dégradation militaire et à la peine de mort. Gracié par Mac-Mahon, alors président de la République, il est interné pour vingt ans à l'île Sainte-Marguerite, dont il s'évade dans la nuit du 9 au 10 août 1874. Il gagne ensuite l'Espagne et s'installe à Madrid où il reçoit les égard du gouvernement d'Alfonse XII.

Il profitera de ses dernières années de vie pour écrire Épisodes de la guerre de 1870 et blocus de Metz (1883), ouvrage justifiant son attitude.

 

Sources : Michel Mourre, Dictionnaire encyclopédique d'histoire, Paris, Bordas, 1996 (978) . Jean Tulard, Dictionnaire du Second Empire, Paris Fayard, 1995.

Théodose Morel

1915-1944

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Portrait de Théodose Morel alias "Tom". Source : http://www.ordredelaliberation.fr

Théodose Morel, dit "Tom"

 

Issu, par son père, d'une vieille famille lyonnaise d'industriels de la soierie et, par sa mère, d'une famille d'officiers et de juristes savoyards, Théodose Morel voit le jour le 1er août 1915, à Lyon.

Après des études primaires secondaires chez les Pères Jésuites, il choisit le métier des armes et prépare, de 1933 à 1935, le concours de l'Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr à l'école Sainte Geneviève de Versailles. Admis à l'ESM en 1935 (promotion Lyautey), son rang de sortie, deux ans plus tard, lui permet de choisir son affectation : le 27e Bataillon de Chasseurs Alpins (27e BCA), à Annecy où il arrive le 1er octobre 1937, jour de sa nomination au grade de sous-lieutenant.

Formé comme éclaireur-skieur à Chamonix, Théodose Morel, qui épouse en novembre 1938 Marie-Germaine Lamy, devient officier adjoint au commandant de la section d'éclaireurs-skieurs à Abondance avant d'en prendre lui-même la tête.

En mai 1939, sa section gagne la Savoie et la frontière italienne. Elle est en poste au-dessus de Val d'Isère.

Le 21 septembre il est promu lieutenant et, alors que le 27e BCA part pour le front de l'Est, sa section, à son grand regret, reste sur place pour la garde des frontières.

Ce qui ne l'empêche pas de se distinguer, du 12 au 20 juin face aux troupes alpines italiennes . par une manoeuvre habile mais risquée, avec un de ses chasseurs, il réussit au cours d'une reconnaissance à faire quatre prisonniers.

Blessé par balle au bras droit le 18 juin, il continue néanmoins le combat avec ses chasseurs . il reçoit la croix de guerre.

Les 21 et 22 juin 1940, appelé en renfort avec sa section près du col du Petit Saint-Bernard, il parvient à localiser les forces adverses permettant à l'artillerie d'effectuer un tir d'arrêt qui contraint l'ennemi à se replier. Le lieutenant Morel reçoit une seconde citation et la croix de la Légion d'Honneur.

Il sert ensuite dans l'armée d'armistice à Annecy où le commandant Vallette d'Osia a pris le commandement du 27e BCA tout en préparant son unité à la revanche.

En août 1941, le lieutenant Morel est nommé instructeur à Saint-Cyr, repliée à Aix-en-Provence, et c'est dans l'esprit de la reprise du combat qu'il oriente et instruit ses élèves.

Après l'invasion de la zone sud par les Allemands en novembre 1942 et la démobilisation de l'armée d'armistice, il entre dans la Résistance de Haute-Savoie et dans la clandestinité sous le couvert d'une entreprise de tissage.

Retrouvant Vallette d'Osia, qui commande l'Armée Secrète (AS) du département, et le capitaine Anjot du 27e BCA, il s'attache à mettre sur pied l'AS de Haute-Savoie, que l'instauration du Service du Travail Obligatoire (STO) en février 1943 va contribuer involontairement à alimenter.

Avec l'arrestation de Vallette d'Osia en septembre 1943 par les Allemands, qui ont remplacé les Italiens, puis son évasion pour l'Angleterre, l'AS de Haute-Savoie perd son chef. Il est remplacé par Henri Romans-Petit, chef de l'AS de l'Ain. Morel redouble d'activité, sa famille échappe de peu à l'arrestation.

À la fin du mois de janvier 1944, le lieutenant Théodose Morel, alias Tom, reçoit de Henri Romans-Petit le commandement des maquis de Haute-Savoie et la mission de réceptionner les parachutages sur le plateau des Glières à 1500 mètres d'altitude et à une quinzaine de kilomètres d'Annecy. Les actions de résistance et de sabotage se multiplient, la loi martiale est décrétée dans le département. Tom décide alors le regroupement de 120 maquisards aux Glières. Deux compagnies sont constituées.

À partir de février, et pendant six semaines, les accrochages se multiplient avec les Gardes Mobiles de Réserve (GMR) qui ceinturent le plateau sur lequel se trouvent, à la fin du mois de février, plus de 300 hommes formant trois compagnies.

Tom organise énergiquement, avec les moyens dont il dispose, la défense du site des Glières et instruit son bataillon pour en faire une unité forte et homogène, en vue des combats de la libération. Sous son impulsion, le bataillon - qui a adopté la devise "vivre libre ou mourir" - regroupe des membres de l'AS mais aussi des Franc-Tireurs et Partisans (FTP) et plusieurs dizaines de Républicains espagnols, réussissant l'amalgame entre les différentes branches armées de la résistance savoyarde.

Un premier parachutage de 54 containers permet de les équiper en armes légères.

Le 2 mars, il décide une opération contre l'Hôtel Beau séjour à Saint Jean de Sixt, où sont cantonnés les GMR. Trente d'entre eux sont faits prisonniers, monnaie d'échange en contrepartie de la libération de Michel Fournier, un étudiant en médecine, infirmier du maquis, arrêté au Grand Bornand quelques jours auparavant. Mais, malgré l'accord sur l'honneur de l'intendant de police Lelong d'Annecy, celui-ci reste détenu.

Le 5 mars, les Glières connaissent leur second parachutage de 30 containers. Pour obliger Lelong à respecter sa promesse et sur des renseignements précis, Tom décide alors de mener, dans la nuit du 9 mars 1944, contre le P.C. des GMR à Entremont, une opération importante dans laquelle il engage une centaine d'hommes. Il se réserve l'objectif principal : l'attaque de l'Hôtel de France, siège de l'Etat-major des forces de l'ordre. La section des éclaireurs-skieurs parvient à pénétrer à l'intérieur, au prix d'un combat acharné.

Au moment où les chasseurs désarment leurs prisonniers, le commandant Lefèvre, chef des GMR, sort de sa poche une arme restée cachée et tire lâchement à bout portant sur Tom Morel qui s'effondre, touché au coeur, avant d'être lui-même abattu.

Le lieutenant Théodose Morel est enterré par ses camarades, sur le plateau des Glières, le 13 mars. Le 2 mai 1944, son corps est descendu dans la vallée. Il est aujourd'hui inhumé au cimetière Militaire de Morette, aujourd'hui Nécropole Nationale des Glières, en Haute-Savoie.

  • Chevalier de la Légion d'Honneur
  • Compagnon de la Libération - décret du 20 novembre 1944
  • Croix de Guerre 1939-1945 (2 citations)

 

Source : http://www.ordredelaliberation.fr

Honoré d' Estienne d'Orves

1901-1941

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Portrait d'Honoré d'Estienne d'Orves. Source : www.ordredelaliberation.fr

 

Le 30 août 1941, les Parisiens apprennent, par une affiche jaune bordée de noir placardée sur les murs, que la veille " Henri Louis Honoré, comte d'Estiennes d'Orves, Français, né le 5 juin 1901 à Verrières ", condamné à mort pour espionnage par le tribunal allemand, a été fusillé ainsi que Maurice Barlier et Jan Doornik.

D'Estienne d'Orves est issu d'une longue lignée nobiliaire : les d'Estienne, vieille famille d'origine provençale, côté paternel, et les Vilmorin, côté maternel, familles légitimistes attirées par le christianisme social.

Études et loisirs, répartis équitablement, trament une jeunesse heureuse : il passe son bac en 1917, prépare Polytechnique en 1921, sur fond de voyages en France et en Europe. A sa sortie de Polytechnique, en août 1923, où ses condisciples l'ont décrit comme un homme affable, un esprit curieux, spirituel, il décide de servir dans la Royale. En octobre 1923, il est élève à bord de la Jeanne d'Arc. Ses embarquements successifs vont chaque fois l'emmener vers de nouveaux horizons : Du Brésil à la Chine, du Maroc à Bali, les escales sont pour lui autant d'occasions d'apprendre, de tenter de comprendre les hommes et leurs cultures.

En 1929, il s'est marié avec Eliane de Lorgeril, elle-même issue de la vieille noblesse bretonne. De cette union vont naître 5 enfants. 1939 : La guerre éclate. Le lieutenant de vaisseau d'Estienne d'Orves se trouve affecté sur le Duquesne, à l'état-major de la Force X qui, sous les ordres de l'amiral Godfroy, doit renforcer la flotte britannique de l'amiral Cunningham en Méditerranée orientale.

L'Armistice intervient alors que les Français sont à Alexandrie : un accord tacite entre les amiraux français et anglais évite l'affrontement entre les alliés de la veille, mais les bateaux français sont immobilisés. Cette inaction prévisible et la conscience de jouir encore d'une certaine liberté de manoeuvre vont conduire d'Estienne d'Orves à poursuivre le combat. Cette décision n'est pas sans déchirement : il sait qu'il devra laisser au loin sa famille, sa terre natale . ses origines, son éducation, sa position militaire même, auraient pu l'inciter à rester dans le camp où vont se retrouver la majorité de ses amis. Pourtant, écrira-t-il, "En continuant la lutte, j'ai pensé que j'agissais conformément à nos traditions". Et, sous le pseudonyme de Château vieux (du nom de l'une de ses aïeules), il publie un communiqué de presse annonçant la création du 1er Groupe marin.

Au début de juillet 1940, d'Estienne d'Orves offre ses services au général Legentilhomme, commandant des troupes françaises à Djibouti, qui a annoncé son intention de repousser l'Armistice et d'entraîner avec lui la colonie. Avec quelques autres officiers et marins, il gagne Suez où il rencontre le colonel de Larminat qui vient de passer à la France Libre. Le 23 juillet, il débarque de l'Antenor à Aden pour apprendre que Legentilhomme a échoué dans son projet. D'Estienne d'Orves décide alors de rejoindre la Grande-Bretagne où des bâtiments français attendent des équipages.

Embarqués le 2 août 1940 sur un vieux cargo armé, le Jehangir, d'Estienne d'Orves et ses compagnons arrivent à Londres fin septembre à bord d'un paquebot, l'Arundel Castle, après une équipée le long des côtes africaines.

Il n'aura jamais la satisfaction de reprendre la mer sur une passerelle de commandement : le réarmement des bateaux se fait en effet très lentement et, de plus, il s'avère être l'un des seuls officiers des Forces Navales Françaises Libres à avoir fait l'école de guerre. Le 1er octobre 1940, il est promu capitaine de corvette . il se voit donc affecté au 2ème Bureau de l'état-major. La tâche primordiale du service de renseignements de la France Libre vise bien sûr le pays occupé : connaître le mouvement des troupes ennemies, l'emplacement des aérodromes, les positions des batteries ...

Plusieurs missions ont déjà été envoyées dans ce but sur les côtes françaises. Devenu l'adjoint du colonel Passy, chef du B.C.R.A, d'Estienne d'Orves jette les bases d'un réseau, "Nemrod". Le 6 septembre 1940, Maurice Barlier est le premier agent à gagner la France . Jan Doornick le suit le 1er octobre.

Mais d'Estienne d'Orves veut bientôt aller lui-même sur place pour coordonner l'action de ses hommes, nouer les contacts indispensables, recruter d'autres agents. C'est à ce moment qu'il prend la tête du service, Passy étant appelé temporairement à d'autres fonctions. Etait-il prudent d'envoyer déjà en France occupée le chef des services secrets ? Passy doute même qu'au fond, cet homme foncièrement droit, d'une nature confiante, soit fait pour l'action clandestine. Mais le général de Gaulle donne son accord : Le 21 décembre 1940, le chalutier " la Marie-Louise" part de Newlyn, en Cornouailles, avec à son bord d'Estienne d'Orves - devenu "Jean-Pierre" - et un jeune radio alsacien, Alfred Geissler dit "Marty", qui débarquent le soir même non loin de la Pointe du Raz, avant d'être hébergés à Chantenay, près de Nantes. Des contacts sont pris avec les membres de "Nemrod", à Lorient, à Nantes. Le 25 décembre, la première liaison radio entre la France occupée et Londres est établie. Barlier est chargé de prospecter la région bordelaise, d'Estienne d'Orves s'occupant du Nord et de la région parisienne. Le 27 décembre, ce dernier est à Paris où il rencontre des pionniers de la Résistance.

De Bretagne, "Marty" envoie régulièrement d'importants messages vers Londres. Il se montre toutefois curieusement buveur et bavard. "Jean-Pierre", de retour à Nantes le 19 janvier 1941, décide de le ramener avec lui en Angleterre.

Mais "Marty", fils d'un Alsacien pro-nazi, germanophile lui-même, aurait déjà contacté ce même jour le contre-espionnage allemand, donnant les noms des 34 membres du réseau. De fait, les arrestations se succèdent - d' Estienne d'Orves est arrêté dans la nuit du 21 au 22 janvier - alors que "Marty" émet jusqu'en février de faux messages vers Londres. Les prisonniers sont successivement transférés à Nantes -où ils subissent les premiers interrogatoires - à Angers, à Paris et à Berlin, avant d'être à nouveau incarcérés à Paris, le 26 février, dans la prison du Cherche-Midi.

Le 13 mai 1941 commence son procès et celui de 26 de ses compagnons. Il durera 12 jours. D'Estienne d'Orves couvre ses co-détenus. Les juges militaires vont prononcer 9 sentences de mort et des peines de prison, après avoir, fait notable, rendu hommage à l'adversaire. Des recours en grâce sont déposés.

Le sursis dont va bénéficier notamment d'Estienne d'Orves est diversement expliqué : certains y voient le désir de Von Stülpnagel, le commandant militaire en France, d'attendre une occasion spectaculaire pour frapper les esprits . d'autres rappellent que la condamnation provoqua une forte émotion dans la marine, à Londres mais aussi à Vichy, au point que l'amiral Darlan intervint auprès des autorités allemandes.

Dans la prison du Cherche-Midi, puis |f dans celle de Fresnes, d'Estienne d'Orves lit, médite, prie, commente les grands classiques littéraires, entretient le moral de ses co-détenus. Surtout, il écrit. Son journal est un témoignage, presque au v-i sens religieux du terme : il raconte aux siens son enfance, leur laissant l'exemple d'un chrétien et d'un soldat. Périodes d'espoirs et de déceptions se succèdent au fil des jours. Son avocat, l'Oberleutnant Mörner, paraît confiant. Le 21 août 1941, l'aspirant Moser, de la Kriegsmarine, est abattu à Paris, dans la station de métro Barbès-Rochechouart. Le 22, le général Schaumburg, commandant du "Gross Paris", signe une ordonnance transformant désormais les Français arrêtés en otages. Parallèlement, le commandant militaire en France, Von Stülpnagel, a sans doute trouvé l'occasion de faire un exemple en exécutant des prisonniers déjà condamnés à mort.

Le 28 août 1941, d'Estienne d'Orves écrit à sa soeur, parlant de la France, " je meurs (...) pour sa liberté entière, j'espère que mon sacrifice lui servira".

"Que personne ne songe à me venger. Je ne désire que la paix dans la grandeur retrouvée de la France. Dites bien à tous que je meurs pour elle, pour sa liberté entière, et que j'espère que mon sacrifice lui servira. Je vous embrasse tous avec mon infinie tendresse.

Honoré"

Le lendemain, d'Estienne d'Orves, Barlier et Doornik - leurs 6 compagnons ont été graciés - sont emmenés au fort du Mont-Valérien.

C'est un matin ensoleillé. Devant poteau d'exécution, l'officier de marine se montre égal à lui-même, pardonnant publiquement à ses juges. Il avait écrit : " N'ayez à cause de moi de haine pour personne, chacun a fait son devoir pour sa propre patrie. Apprenez au contraire à connaitre et à comprendre mieux le caractère des peuples voisins de la France". A 6h30, les trois hommes sont fusillés.

D'Estienne d'Orves plaçait très haut le devoir d'obéir : II choisit pourtant de désobéir à ses supérieurs hiérarchiques au nom d'un idéal alors qu'il aurait pu trouver aisément sa place dans la France du maréchal Pétain. Jamais il ne l'envisagea, persuadé qu'un combat n'est jamais vraiment perdu tant qu'il subsiste la possibilité d'une action libre. Le 11 mars 1943, Aragon faisait paraitre son poème "La Rose et le Réséda" qui évoque le combat commun de "celui qui croyait au ciel et celui qui n'y croyait pas". D'Estienne d'Orves était le premier.

 

Source : Mindef/SGA/DMPA

Maurice Anjot

1904-1944

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Portrait du Capitaine Anjot. Source : Jourdan-Joubert L., Helgot J., Golliet P., Glières, Haute-Savoie : première bataille de la Résistance 31 janvier-26 mars 1944

dit "Bayart"

 

Né à Rennes, le 21 juillet 1904, Maurice Anjot grandit dans une famille qui conservait très vives les traditions religieuses et nationales. Il lui dut le sens du devoir et les qualités morales qui lui donnèrent, avant l'âge, une maturité de caractère et d'intelligence que ses chefs ont toujours admirée. C'était un homme vif et robuste. Au premier abord, on le trouvait réservé et froid . mais on sentait bien vite que, s'il se communiquait peu et ne cherchait pas à briller, c'est qu'il vivait intensément en lui-même, avec ses responsabilités, avec son idéal et avec sa foi.

Sa carrière militaire fut brillante. Sorti de Saint-Cyr en 1925, il y revint en 1929 comme instructeur pour six ans. Ses chefs notèrent toujours en lui " un rare ensemble de qualités morales, intellectuelles et physiques " qui en faisait un homme complet. Il apparaissait comme un " chef à la fois énergique et pondéré", faisant preuve d'un " jugement très sûr, de sens pratique, de coup-d'oeil et de tact ". Capitaine depuis 1935, il mérita, lors des combats sur l'Aisne et sur la Marne, une belle citation. C'est après l'Armistice qu'il fut affecté au 27e BCA d'Annecy.

Tel est l'officier d'élite qui se mit, dès le printemps 1941, au service de la Résistance. Des rapports de police pour « menées antigouvernementales », nous permettent de deviner le genre d'activité qu'il déploya pendant un an. On le voit multiplier les contacts avec les officiers de réserve pour constituer dans la région des bataillons secrets. « Au printemps 1941, dit un des témoins interrogés lors de l'enquête qui fut menée en automne 1942, j'ai reçu la visite du capitaine Danjot ou Anjot, adjudant-major du 27e chasseurs. Il était en civil et était venu en voiture. Il se présenta à moi, puis fit un tour d'horizon sur la situation de la France. Après leur défaite, en 1918, les Allemands avaient monté une organisation occulte pour refaire une armée. Il était normal que la France fît de même, me dit-il... Voici quelle était l'organisation du mouvement : il s'agissait de constituer dans chaque arrondissement, avec des éléments de réserve, un bataillon semblable aux bataillons de chasseurs, comprenant environ un millier d'hommes à mobiliser par convocation individuelle. »

C'était là un plan de résistance qui aurait été particulièrement efficace : il aurait, au moment voulu, fait surgir sur les arrières de l'ennemi une véritable armée de réserve élargissant brusquement l'armée d'armistice. Le projet était d'autant plus audacieux qu'il datait du début de 1941, à une époque où la masse des Français ne songeait guère à faire de la résistance à l'intérieur. L'invasion de la « zone libre », en novembre 1942, fit tout échouer. Il fallut trouver d'autres méthodes . mais le but restait le même : reconstituer des bataillons « pour le jour où, comme disait Anjot d'après un autre rapport de police, il faudrait nettoyer le pays ». Alors naquit l'armée secrète. Le capitaine Anjot en fut l'un des principaux artisans en Haute-Savoie, sous les ordres du colonel Vallette d'Osia.

Après l'arrestation de son chef, il connaît lui aussi la vie de proscrit. Il se laisse pousser la moustache et les favoris . il devient un autre homme, avec une autre identité. Il trouve un gîte chez des amis, puis chez un prêtre, puis dans une ferme. HIl est, dans la Résistance, ce qu'il était dans l'armée : un homme méthodique, travaillant avec obstination, poursuivant son idée sans relâche. Il assure lui-même les liaisons importantes . il centralise les renseignements . il s'assure des complicités et des concours -activité souterraine, dont lui seul a connu l'ampleur et la fécondité. Au moment de Glières, il n'hésite pas à se présenter à l'intendant de police, le colonel Lelong, pour parlementer. " Ma vie importe peu, dit-il à ceux qui veulent lui épargner les risques d'une pareille démarche, si je peux sauver celle des autres. " Quelques jours après, Tom fut tué dans l'engagement d'Entremont. Il fallait un officier qui se dévouât pour continuer l'entreprise envers et contre tout, afin que Glières restât Glières. Anjot se proposa et il se trouva que sa venue était ardemment souhaitée par les officiers du Plateau.

Il écrivit alors à sa femme une lettre où l'on sent bien quel homme il était : " Tu sais combien les événements ont marché depuis ton départ. La disparition brutale de notre camarade Morel a nécessité son remplacement. Si j'ai pris cette charge, c'est parce que j'ai jugé que mon devoir était là. Ne crois pas qu'il ne m'en a pas coûté de le faire, toi absente . mais peut-être que cette absence même m'a permis de surmonter plus librement le côté familial de la question. Nombreux sont ceux qui, par des sentiments plus ou moins lâches et faux, se laissent détourner actuellement du devoir national. En tant qu'officier, je ne puis le faire. Que cette décision soit acceptée par vous deux, Claude et toi, très crânement."

A ce testament spirituel, il ajoutait un petit mot pour son fils : " Je te recommande surtout d'être toujours très gentil avec ta maman. Sois très obéissant et toujours le bon petit élève que j'avais plaisir à faire travailler. Je rentrerai à la maison dès que je le pourrai et nous reprendrons notre vie d'avant. N'oublie pas ton papa dans tes prières. "

En fait, tandis qu'il essayait ainsi de rassurer les siens, il connaissait trop bien la situation pour être optimiste. Au lieu de vivre dans l'enthousiasme du Plateau, il avait dû suivre personnellement de près, jour par jour, la marche des événements . il savait toutes les menaces qui s'amoncelaient. Il n'espérait pas redescendre . il le fit comprendre à un ami, chez qui il passa sa dernière soirée avant d'aller prendre son commandement. Mais, toujours méthodique, il établit avec lui les plans d'une action concertée pour le cas où la situation n'évoluerait pas trop rapidement.

Il monta à Glières le 18 mars. C'était toute une expédition pour rejoindre le Plateau à travers les barrages. Il apportait le drapeau de la compagnie qu'il avait commandée au Pont de Kehl, afin de le faire flotter symboliquement à Glières. Il emmenait aussi avec lui sa vareuse de chasseur alpin : " Si je dois mourir, disait-il, je veux mourir Anjot " . c'est pourquoi, dès son arrivée moustache et favoris disparurent.

Les événements allèrent trop vite pour lui permettre de donner sa mesure. Pendant les huit jours où le Plateau put résister encore, il n'eut que le temps de s'installer dans son nouveau commandement et de renforcer hâtivement la défense. L'initiative appartenait désormais à l'adversaire . la grande idée d'Anjot fut de sauvegarder l'honneur en épargnant le plus possible la vie des hommes : c'est cette préoccupation du sort de plus de quatre cents jeunes gens qui lui avait inspiré de venir prendre cette charge désespérée. Après avoir refusé fièrement de traiter avec les miliciens, il mit en oeuvre tous les moyens disponibles pour soutenir l'attaque imminente. Le soir du 26 mars, quand les défenses furent irrémédiablement percées, il lança l'ordre d'évacuation, en donnant à chaque chef des instructions détaillées pour son repli. Il partit avec la nombreuse colonne qui s'engagea dans la gorge d'Ablon. Il était déjà parvenu au village de Nâves, en compagnie du lieutenant Lambert Dancet et de Vitipon, lorsqu'un barrage allemand ouvrit le feu sur leur petit groupe et sur les Espagnols qui suivaient. Ils ripostèrent, mais ils ne tardèrent pas à tomber. Anjot avait été atteint par une rafale de mitraillette. P. G.

 

Source : Jourdan-Joubert L., Helgot J., Golliet P., Glières, Haute-Savoie : première bataille de la Résistance 31 janvier-26 mars 1944, Annecy, Association des rescapés des Glières, 1994

Jean Rosenthal

1906-1993

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Portait de Jean Rosenthal. Source : www.ordredelaliberation.fr

 

Jean Rosenthal est né le 5 septembre 1906 à Paris dans le 1er arrondissement. Son père était marchand de pierres précieuses. Il fait ses études secondaires à l'Ecole Alsacienne, passe le baccalauréat et obtient une licence en droit.

En octobre 1925, il s'engage par devancement d'appel au titre du 1er Groupe d'Ouvriers d'Aéronautique. Nommé caporal en juin 1926, puis sergent en novembre, il est libéré en mai 1927.

Il travaille ensuite avec son père dans la joaillerie avant de se mettre à son compte, en 1935.

Mobilisé en septembre 1939 comme lieutenant de réserve, Jean Rosenthal est affecté à la 8ème Escadre aérienne. Démobilisé en juillet 1940, il réside dès lors dans sa maison familiale de Megève.

En décembre 1942, il décide de s'évader de France par l'Espagne . arrêté, il est incarcéré une quinzaine de jours à la prison de Pampelune puis, par Madrid et Lisbonne, il réussit à gagner la Grande-Bretagne le 23 janvier 1943.

Affecté en février 1943 comme lieutenant à la Force "L", il est dirigé sur Le Caire via Freetown et Lagos. Il rejoint Tripoli et les forces du général Leclerc le 25 mars 1943 . lieutenant de chars, il est envoyé en mission à Londres par le général Leclerc en juillet 1943.

Le 1er septembre 1943, il est incorporé au Bureau Central de Renseignements et d'Action (BCRA) et, après un bref stage d'instruction, se porte volontaire pour une mission en France occupée.

Dans la nuit du 21 au 22 septembre 1943, dans le cadre de la mission "Musc", il est déposé par opération aérienne sur le terrain "Junot" au carrefour des départements du Rhône, de l'Ain et de la Saône-et-Loire avec le colonel britannique Richard Heslop (alias "Xavier") du Special Opération Executive (SOE). Leur mission consiste à évaluer la situation des maquis de Haute-Savoie, leur besoin en armement et en ravitaillement, l'importance de leurs effectifs et leur niveau d'instruction. Il font la tournée des maquis pendant laquelle le capitaine Jean Rosenthal sous le nom de "Cantinier" installe un poste radio dans la gendarmerie de Megève.

Revenu à Londres par opération aérienne dans la nuit du 16 au 17 octobre afin de rendre compte directement au général de Gaulle, "Cantinier" se voit immédiatement confier une seconde mission. Il est désormais délégué de la France Libre et est déposé dans le Jura, sur le terrain "Orion", près de Bletterans, dans la nuit du 18 au 19 octobre, avec Xavier, le capitaine radio américain Denis O. Johnson dit Paul et Elisabeth Reynolds, agent de liaison. Il s'installe en Haute-Savoie dans la clandestinité. Dans son équipe figure notamment sa cousine Micheline Rosenthal dite Michette, âgée de seize ans, qui devient agent de liaison.

En compagnie de Bourgès-Maunoury, il rencontre Chaban-Delmas, mais surtout, précédant la mise en place des FFI, il négocie un accord avec les FTP. A Paris, il rencontre leur chef, Charles Tillon, et un gentleman agreement est conclu. Cantinier va pouvoir se consacrer aux grandes manoeuvres des Glières.

Il mène début 1944, en liaison avec les chefs des différents maquis, des missions périlleuses et notamment la délicate opération de sabotage des usines de roulements à bille Schmidt-Ross à Annecy qui interrompt la production de l'usine pendant plusieurs mois. Il organise également en février plusieurs parachutages sur le maquis des Glières.

Présent le 9 mars 1944 lors de l'expédition contre la garnison des GMR à Entremont au cours de laquelle Tom Morel est abattu, il participe à la défense du plateau des Glières et, après l'ordre de repli donné au maquis le 26 mars 1944, s'attache à préparer la libération de la Haute-Savoie.

Le 3 mai 1944, Jean Rosenthal retourne à Londres pour prendre des instructions et repart une nouvelle fois pour la France. Il est parachuté dans la nuit du 7 au 8 juin 1944, à Cluny en Saône-et-Loire, en compagnie de Maurice Bourgès-Maunoury et Paul Rivière, pour assurer la liaison entre les maquis et l'État-major interallié.

En août 1944, sous sa direction, les maquisards de Haute-Savoie libèrent le département, capturent 3 000 prisonniers et un important matériel de guerre . le 19 août 1944, il reçoit, à la préfecture de Haute-Savoie, en compagnie du Chef Régional FFI Nizier, la capitulation des forces allemandes commandées par le général Oberg.

En octobre 1944, Jean Rosenthal est muté à la Direction Générale des Etudes et Recheches (DGER) à Paris puis il se porte volontaire pour servir en Extrême-Orient contre les Japonais . il part de Londres en avril 1945 pour Calcutta où il est l'adjoint du chef de base . promu au grade de chef de bataillon, il prépare les parachutages et obtient des équipes de parachutistes de brillants résultats. Après plusieurs aller et retours à Paris, il rentre définitivement en mars 1946 et est démobilisé deux mois plus tard.

Dès lors, Jean Rosenthal reprend ses activités d'avant guerre et son métier de négociant en pierres précieuses. Il est Président de la Confédération Internationale des Bijoutiers, Joailliers, Orfèvres et Horlogers.

Colonel Honoraire, il assume également des responsabilités importantes au sein de la communauté juive comme président du CRIF et de l'Association Unifiée des Juifs de France.

Jean Rosenthal est décédé le 2 août 1993 à Garches (Hauts-de-Seine). Il a été inhumé au cimetière du Montparnasse à Paris.

 

  • Grand Officier de la Légion d'Honneur [list]Compagnon de la Libération - décret du 20 novembre 1944
  • Croix de Guerre 39/45 (6 citations)
  • Médaille Coloniale
  • Military Cross (GB)

 

Source : http://www.ordredelaliberation.fr

 

Émile Gilioli

1911-1977

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Portrait d'Emile Gilioli

Gilioli est l'un des chefs de file de l'abstraction lyrique dans la sculpture française des années 50 aux côtés de Brancusi et de Arp. Il a conçu le mémorial de la résistance du plateau des Glières (Haute-Savoie).

Émile Gilioli naît le 10 juin 1911, à Paris, dans une famille de cordonniers italiens installée au bord du canal Saint-Martin. Il apprend l'art de la forge dès l'enfance pendant les vacances dans sa famille paternelle dans les environs de Mantoue.

À la fin de la Première Guerre mondiale, les Gilioli se rapprochent de l'Italie en s'installant à Nice. Le jeune Emile travaille dans l'affaire familiale et suit en parallèle des cours à l'école des arts décoratifs de la ville. En 1928, il entre au service d'un artisan sculpteur pour qui il travaille pendant deux ans avant d'intégrer en tant que boursier l'Ecole des Beaux Arts de Paris. Il fréquente alors l'atelier de Jean Boucher où, comme de nombreux artistes de sa génération, il est influencé par le travail de Charles Malfray.

Mobilisé en 1939, il est envoyé à Grenoble et y reste jusqu'à la Libération. Sur place il se lie d'amitié avec Andry-Fracy, conservateur du musée de 1919 à 1949, qui lui transmet son intérêt pour le cubisme et le présente au peintre Closon, pionnier de l'abstraction française. C'est dans la cité grenobloise qu'il réalise sa première exposition personnelle à la galerie Laforge en 1945.

De retour à Paris, il anime la jeune école abstraite de Paris avec Poliakoff et Deyrolle, et expose ses oeuvres à la galerie Breteau en 1946. Il participe alors à la plupart des manifestations artistiques françaises et étrangères : le Salon des Réalités nouvelles en 1947, expose fréquemment au Salon de Mai, et au Salon de la Jeune Sculpture. Le musée Galliera lui consacre une exposition en 1968. Il expose la même année sa conception de l'art dans La Sculpture (édition Robert Morel).

La simplicité de son art où la forme et la matière se conditionnent réciproquement, inspiré à la fois de la Grèce archaïque, de la statuaire de l'ancienne Egypte, et du Cubisme, lui vaut d'honorer nombres de commandes publiques, notamment dans le département de l'Isère où il réalise le Mémorial de Voreppe en 1946, le monument aux morts des Déportés de Grenoble en 1950, le monument de la Chapelle-en-Vercors en 1951, le Gisant de Vassieux-en-Vercors en 1952, le Mémorial de la Résistance au plateau des Glières en 1973.

 

Insatiable travailleur, Gilioli signe Prière et Force, sculpture de béton à laquelle il se consacre de 1959 à 1963, La Mendiante (1962), Apparition de la Vierge à Bernadette (1964), une Fontaine pour l'Hôtel de Ville de Grenoble (1968). Parmi ses oeuvres de bronzier figurent ses Composition et Formes, un Cadran Solaire, des Soleil sur la montagne, ses Histoire crétoise, une Divinité, une Tête siennoise. Travaillant le marbre, il sculpte des Abstraction, L'Homme oiseau, Chloe, Tabernacle, et Forme Abstraite.

Ses gouaches et aquarelles révèlent une Composition pour le monument des Glières, des Compositions. A noter encore : une Composition bleu, rouge et noir (collage), une Vitesse (acier), une Composition transparente (résille), un Portrait de femme (fusain).

Les oeuvres d'Émile Gilioli sont exposées dans le monde entier, notamment : Musée National d'Art Moderne de Paris, Tate Gallery de Londres, Musée de Sculpture de Plaen Air de Middelheim d'Anvers, Museo de Arte Moderna de Sao-Paulo, Museum of Modern Art de New York, Musée Bezabel de Jerusalem, Musée de Peinture et de Sculpture de Grenoble, Musée des Beaux-Arts d'Ostende, Musée National d'Histoire et d'Art de Luxembourg, Centre Georges-Pompidou à Paris, Musée de Sculpture de la Ville de Paris, Museo de Bellas Artes de Caracas, Musée des Beaux-Arts de Dunkerque, Musée des Beaux-Arts de Rouen, Museo dei Bozzetti Pietrasanta, Kunsthaus de Zurich, Musée Fabre Montpellier.

Un de ses ateliers, "son grenier", aménagé dans une bâtisse acquise par la municipalité de Saint Martin de la Cluze en 1997, resté intact depuis sa disparition, est aujourd'hui ouvert au public.

 

Sources : Benezit E., Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs, t. 6, 1999 - Ragon M., dans : Nouveau dictionnaire de la sculpture moderne, Paris, Hazan, 1970.
 

 

 

Henri Romans Petit

1897 - 1980

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Portrait de Henri Romans-Petit. Source : site ordredelaliberation.fr

 

Fils d'un agent des chemins de fer, Henri Petit est né le 13 février 1897 à Firminy dans la Loire.

Il fait ses études au lycée de Saint-Etienne et s'engage en 1915 pour la durée de la guerre au 13e Bataillon de Chasseurs. Promu caporal puis sergent, il est cité à l'ordre de l'Armée et décoré de la Légion d'Honneur. Admis à Saint-Cyr en 1918 au titre des réserves, il en sort aspirant. Muté dans l'Aviation, il rejoint alors l'escadrille B.R.127 affectée au bombardement de jour. Il est nommé sous-lieutenant avant d'être démobilisé.

Reprenant ses études à Lyon, il obtient sa licence en droit et s'occupe alors des relations publiques et de la publicité pour des maisons d'édition. Il crée en 1928 à Saint-Etienne l'agence de publicité Stefa.

Capitaine de réserve dans l'aviation, il est rappelé en août 1939 et commande les bases aériennes de Cannes et de Nice. Refusant l'armistice de juin 1940, il tente en vain de rallier le général de Gaulle à Londres. En 1942 Henri Romans-Petit arrive dans l'Ain où il établit immédiatement des contacts avec la Résistance. Au bout de quelques mois, en décembre 1942, il commence à organiser l'hébergement de réfractaires du STO.

Il crée en juin 1943, près de Mongriffon, une école de cadres pour former les maquisards dont le nombre augmente sans cesse dans la région.

En juillet 1943, les camps, qui ne doivent pas, pour des raisons de sécurité et de mobilité, compter plus de 60 hommes, sont réellement structurés. Au même moment, les contacts se multiplient entre le maquis de l'Ain et l'Armée secrète (AS).

En septembre, sous la direction de Romans-Petit, les maquisards réalisent deux coups d'éclat : ils prennent un dépôt d'Intendance des Chantiers de Jeunesse à Artemare et l'Intendance de l'Armée à Bourg-en-Bresse.

En octobre 1943, Romans-Petit devient chef militaire, responsable de l'Armée secrète (AS) pour le département de l'Ain.

Le 11 novembre 1943, il organise le célèbre défilé d'une partie de ses troupes (250 hommes) à Oyonnax.

Devant une foule médusée puis ravie, il dépose une gerbe en forme de Croix de Lorraine au monument aux morts avant de quitter la ville en bon ordre. Le défilé d'Oyonnax, filmé par le fils de Henri Jaboulay, abondamment raconté par la presse clandestine et la radio de Londres, a un impact très important sur la population française et sur les Alliés pour lesquels la résistance armée française a désormais une existence concrète. A la fin de l'année, alors que les effectifs paramilitaires de l'Ain (AS et maquis) atteignent 2 000 hommes, il prend en main les forces clandestines et l'AS de Haute-Savoie en remplacement du commandant Vallette d'Osia . il y applique les mêmes principes que dans l'Ain : école de formation des cadres, action brève et repli rapide. Il est en liaison avec Londres par le biais de la mission "Musc" composée de Jean Rosenthal (Cantinier), chargé de l'inspection des maquis, et de Richard Heslop (Xavier) du SOE britannique.

Pour répondre au besoin de parachutages d'armes, il choisit le plateau des Glières près d'Annecy où, en janvier 1944, sont rassemblés tous les maquisards du département.

Il regagne l'Ain après avoir confié le commandement des Glières à "Tom" Morel.

Lorsque, 5 000 Allemands appuyés par de l'aviation attaquent en masse les camps du maquis de l'Ain, y massacrant les maquisards, Romans-Petit se rend immédiatement sur place . à ski, il part à la recherche des rescapés, passant au travers du dispositif allemand. Il réorganise ensuite le maquis et rencontre les responsables des forces du Haut-Jura.

Le 6 avril 1944, plusieurs milliers de soldats de la Wehrmacht sont rassemblés dans la région d'Ambérieu et donnent l'assaut le lendemain. Le colonel Romans-Petit décide alors de disperser les maquis . ceux-ci organisent néanmoins des opérations de sabotage de nuit. Les Allemands se vengent sur les villages d'Oyonnax et de Saint-Claude, entre autres. Le 6 juin 1944, prévenus du débarquement, les maquisards détruisent le dépôt d'Ambérieu, plaque tournante du réseau ferroviaire du sud-est. Cinquante-deux locomotives et dix machines outil sont rendues inutilisables.

Le même mois Henri Romans-Petit est fait Compagnon de la Libération par décret du général de Gaulle.

Le 11 juillet 1944, les Allemands tentent une contre-offensive d'envergure avec quelque 27 000 hommes. Les 5 000 maquisards du colonel Romans-Petit parviennent à résister malgré de violents combats. En septembre l'Ain est libéré.

Après la guerre, Henri Romans-Petit reprend son métier de publicitaire. Il est également administrateur de sociétés, notamment dans l'électronique. Président d'honneur des Anciens des maquis de l'Ain et de Haute-Savoie et président de l'Association nationale des Résistants de l'Air, il est également membre du comité directeur de la LICRA.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages sur la guerre et notamment Les Obstinés et, en 1974, Les Maquis de l'Ain.

Henri Romans-Petit est décédé le 1er novembre 1980 à Ceignes dans l'Ain. Ses obsèques se sont déroulées devant le mémorial du Val d'Enfer à Cerdon (Ain).

Il a été inhumé au cimetière d'Oyonnax.

 

  • Grand Officier de la Légion d'Honneur
  • Compagnon de la Libération - décret du 16 juin 1944
  • Croix de Guerre 14/18
  • Croix de Guerre 39/45
  • Médaille de la Résistance
  • Officier de la Legion of Merit (USA)
  • Distinguished Service Order (GB)
  • Officier de l'Ordre de Léopold (Belgique)
  • Croix de Guerre (Belgique)
  • Grand Officier du Nicham Iftikhar
  • Commandeur de l'Ordre du Mérite (Congo)
  • Officier de l'Ordre du Mérite (Cameroun)

 

Henri Romans-Petit est l'auteur de :

  • Les Obstinés, Editions Janicot, Lille 1945
  • L'Appel de l'aventure, Editions Dorian, Saint-Etienne 1947
  • Les Maquis de l'Ain, Hachette, Paris 1974

 

Source : http://www.ordredelaliberation.fr

Charles Lanrezac

1852 - 1925

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Portrait de Charles Lanrezac. Source : www.firstworldwar.com

 

Né à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) en 1852, Charles Louis Marie Lanrezac est une personnalité militaire atypique de la Grande Guerre : il est un des généraux dont le rôle stratégique est le plus controversé. Bien que relevé par le généralissime Joffre à la veille de la première bataille de la Marne, il évite, pendant ses trente-deux jours de commandement effectifs, l'anéantissement de l'armée française en août 1914.

Créole guadeloupéen, fils d'un officier arrivé par le rang, Victor Lanrezac, dont le père, Auguste, s'était fait établir des faux papiers au nom de Lanrezac, anagramme de Cazernal à des fins d'anonymat, Charles Louis Marie Lanrezac est issu d'une famille de petite noblesse toulousaine dont l'aïeul Augustin Théreze de Quinquiry d'Olive, d'une famille toulousaine de petite noblesse, avait été obligé de vendre ses biens au lieu dit de "Cazernal" - transcription erronée de "du Cabanial - avant d'émigrer à Hambourg afin d'échapper à la Terreur. Au gré des garnisons, la modeste famille Lanrezac réside à Cherbourg lorsque, titulaire d'une bourse accordée par le préfet de la Manche, Charles entre à l'école impériale spéciale militaire de Saint-Cyr 75e sur 250, après avoir été renvoyé du Prytanée militaire de La Flèche en septembre 1869. A peine un an plus tard, le 14 août 1870, le sous-lieutenant Charles Lanrezac rejoint sa première affectation au 13e régiment d'infanterie.

Le 20 septembre, le Second Empire déchu, le Gouvernement de défense nationale décide de poursuivre la lutte en levant de nouvelles armées. Le jeune militaire est affecté au 15e corps d'armée, la future armée de la Loire, commandé par le général de la Motte Rouge puis le général d'Aurelle de Paladines. Les positions françaises autours d'Orléans enfoncées, l'armée doit évacuer la ville à partir du 11 octobre. Lanrezac, lors de la bataille de Coulmiers (9 novembre), des combats au nord d'Orléans (24 novembre) montre beaucoup de courage et se retrouve provisoirement promu lieutenant et décoré sur le champ de bataille de la Légion d'Honneur. En janvier 1871, son corps rejoint l'armée de l'Est du général Bourbaki afin de tenter de dégager Belfort et de prendre à revers les Prussiens en Alsace. L'entreprise est vaine. Le lieutenant Lanrezac participe aux combats d'Héricourt (15-17 janvier), reste avec son unité à Besançon afin de couvrir la retraite de l'armée, et échappe de peu à l'internement en Suisse après la bataille de Larnod, le 20 janvier.

La guerre terminée, Lanrezac termine sa formation d'officier à Saint-Cyr et rejoint sa nouvelle unité, le 30e régiment d'infanterie, à Annecy. Il entame alors une carrière militaire des plus classiques. Il se marie à Paris en 1873 avec Félicie Marie-Louise Dutau, une réunionnaise, cousine de sa mère. Passé capitaine le 21 février 1876 au 24e régiment d'infanterie, il obtint son brevet d'état-major en 1879, est nommé professeur d'art militaire adjoint à Saint-Cyr, avant d'intégrer l'état-major de la brigade d'occupation de la Tunisie au 113e pendant cinq ans. Ses brillants états de service et son aptitude au commandement lui valent d'être nommé professeur à l'école supérieure de guerre, et finalement d'être promu chef de bataillon à l'ancienneté en juillet 1892.

De 1896 à 1899 il est nommé au 104e RI, à Paris. Parallèlement, il enseigne l'histoire militaire, la stratégie et la tactique générale à l'école militaire. Travailleur doté d'une personnalité haute en couleurs (qui lui vaut déjà quelques remarques), pédagogue averti, son enseignement est rapidement apprécié des cadres et suscite l'enthousiasme des élèves. Lieutenant-colonel, il devient en 1898 sous-directeur des études à l'école supérieure de guerre. Trois ans plus tard, il gagne ses galons de colonel et reçoit le commandement du 119e RI de Paris où il "s'est révélé aussi bon chef de corps qu'éminent professeur", notera sa hiérarchie.

En mars 1906, il commande par intérim la 43e brigade de Vannes et reçoit au mois de mai ses étoiles de général de brigade. Reconnu par sa hiérarchie, il officie en tant que chef d'état-major d'une armée lors des exercices de mobilisations dans les Vosges en 1908. Son ascension se poursuit en 1909 : il devient, en mai, commandant en chef de la défense des places du groupe de Reims dont il est le gouverneur, et devient membre du Comité technique d'état-major au mois d'août, organe consultatif auprès du ministre de la Guerre. En 1911, il commande la 20e division d'infanterie de Saint-Malo, devenant général de division en mars. Et, bientôt au faîte de sa gloire, Lanrezac se fait remarquer par le général Lyautey - "quand une armée possède un chef de cette valeur, c'est au premier rang qu'il doit être" écrit-il le 13 novembre 1911 - qui ajoute, en 1912, à son commandement les départements du Finistère, de la Loire-inférieure (Loire-Atlantique), du Morbihan et de la Vendée. C'est à nouveau sur ses conseils qu'il quitte son commandement le 10 avril 1914 pour entrer au Conseil supérieur de la guerre. Il succède au général Galliéni à la tête de la Ve armée le 24 avril 1914, et est élevé, à la veille de la guerre à la dignité de commandeur de la Légion d'Honneur, à l'âge de soixante ans.

La guerre déclarée, Lanrezac prend le commandement de la Ve armée après une brève réunion de chefs d'état-major qu'il juge décevante en raison de l'apparente absence de stratégie du général Joffre. Familier de la langue et de la pensée germanique, il fait remettre, le 31 juillet 1914, un rapport au généralissime dans lequel il met en évidence l'importance du secteur de la Meuse . le document sera sans suite. Il a sous ses ordres 300 000 hommes, 800 canons, 110 000 chevaux et 21 000 véhicules. Dans la première quinzaine d'août, il établit son quartier général à Rethel et concentre ses troupes entre Vouziers et Aubenton avant de faire mouvement vers la frontière nord-est. Le 6 août, il reçoit l'ordre de prêter main forte au troupes belges sur la Meuse, alors que les Allemands, passés en Belgique depuis le 3 août, assiègent la ville de Liège. Lanrezac obtient l'autorisation de porter une de ses unités vers le Nord, en avant du fleuve et parvient à repousser un corps de cavalerie allemand dans le secteur de Dinant, le 15 août. Cet épisode amène le généralissime à déployer l'armée de Lanrezac sur la frontière nord (vers Jeumont et Charleroi) où, avec les Britanniques du maréchal French, les armées alliées couvrent les fronts nord et est jusqu'à Maubeuge. A partir du 21 août, Joffre décide de concentrer l'offensive sur le front belge et les Ardennes, contre les Ve, VIe armées du Reich, la IIe armée de von Bülow et la Ie armée de von Kluck. Du 21 au 23 août, les affrontements autour de Charleroi, à Tamines, Roselies, Mons tournent à la défaveur des troupes franco-britanniques qui, suivant les ordres de l'état-major, attaquent désespérément un ennemi retranché et masqué. L'armée française est menacée d'encerclement, d'anéantissement donc. Le 23 août, Lanrezac décide de passer outre les consignes de combat à outrance du généralissime et ordonne la retraite, échappe aux armées allemandes, entérinant l'abandon du plan d'attaque XVII deux jours après. Cette bravade lui vaut l'inimitié d'officiers de l'entourage de Joffre, lequel envisage dès lors de se passer de ses services. La même attitude prélude aux combats de Guise, entre le 26 et le 29 août 1914. Ayant reçu l'ordre de porter l'attaque vers le Nord afin de venir en aide au 2e corps anglais qui s'est fait surprendre au Cateau, Lanrezac obtient une journée afin de permettre à son armée de se reposer et de préparer son attaque. Le 29 août, il place ses troupes en équerre : le 10e corps au nord-nord-ouest sur la rive sud de l'Oise, vers Guise, les 3e et 18e corps complétés de troupes de réserve glissent le long du fleuve et se présentent par l'Ouest face aux Allemands.

L'attaque conjointe appuyée par les batteries de 75 surprend l'état-major allemand, qui abandonne le plan Schlieffen. Paris est sauvée. Von Bülow renonce à poursuivre le maréchal French et n'aura de cesse de talonner la Ve armée. Cette dernière, en effet, a remporté une victoire défensive, mais l'initiative reste aux mains des Ie et IIe armées allemandes qui tentent d'encercler Lanrezac et ses hommes, découverts sur leurs flancs et battant toujours en retraite. Les Français atteignent la Marne, la franchissent et installent le quartier général à Sézanne. Le 3 septembre, à 17 heures, Lanrezac est relevé de son commandement et remplacé par le général Franchet d'Espérey... Deux jours plus tard la première bataille de la Marne commence.

Les raisons de cette destitution sont multiples : l'entêtement d'un chef que seul ses troupes intéresse, ses penchants à contester les ordres, ses mauvais rapports avec le maréchal French alors que l'état-major français déploie des trésors d'ingéniosité pour ménager son allié, la reconnaissance implicite de la supériorité stratégique allemande dont le plan d'action (plan Schlieffen) est offensif et mobile alors que le plan XVII n'est qu'un plan de concentration de troupes, la nécessité de trouver des coupables pour expliquer cette "débâcle" des premiers engagements. Lanrezac écrira plus tard : "A la place du général Joffre, j'aurais agi comme lui . nous n'avions pas la même manière de voir les choses, ni au point de vue tactique ni au point de vue stratégique . nous ne pouvions pas nous entendre... J'étais bien décidé à ne pas attaquer le généralissime, car je n'avais pas le droit de juger ses actes sur les autres parties du champ de bataille."

Lanrezac est mis à la disposition du général Galliéni, gouverneur militaire de Paris, qui l'envoie à Bordeaux où le Gouvernement s'est réfugié. A partir du mois d'octobre, Lanrezac se voit confier des missions ponctuelles : inspecteur des centres d'instruction des élèves de l'école militaire de Saint-Cyr en octobre 1914, inspecteur de l'école normale supérieure et de l'école forestière en 1915, inspecteur général des camps et dépôts d'infanterie des XIXe et XXe régions en février 1916, etc. Fin 1916, le généralissime est limogé. L'état-major et le Gouvernement cherchent à réparer l'injustice en proposant des postes à la hauteur de ses compétences. Lanrezac les repousse et obtient du général Lyautey le poste d'inspecteur de l'instruction de l'infanterie. Pétain, promu généralissime, le fait élever à la dignité de Grand Officier de la Légion d'Honneur le 3 juillet : "par sa science militaire et son habileté à exécuter une manoeuvre des plus difficiles au cours de laquelle il a remporté des succès marqués et a rendu au pays les plus éminents services". Le 1er août 1917, Charles Lanrezac quitte le service actif pour raisons de santé.

L'entreprise de réhabilitation du général commence alors. Plusieurs articles d'Engerand, député du Calvados, parus dans Le Correspondant en 1917 et 1918 reviennent sur le bien fondé de son limogeage. Le général de Maud'huy dans un article publié dans le Gaulois, en 1920, écrit que Lanrezac a sauvé la France à Charleroi. Le général Palat dans son Histoire de la Grande Guerre porte à la connaissance du public français le respect de ses anciens adversaires, von Bülow et von Hausen. En 1922, le général déchu Lanrezac est décoré de la grand-croix de la Couronne de Belgique avec Croix de guerre avec palme en raison de Charleroi. Le 29 août 1924, date anniversaire de la bataille de Guise, la grand-croix de la Légion d'Honneur lui est accordée. Elle réhabilite la mémoire du général. Les insignes lui sont remis le 6 septembre, à Neuilly-sur-Seine, par le maréchal Pétain et le ministre de la Guerre, le général Nollet.

Charles Lanrezac décède le 18 janvier 1925. Sur sa tombe au cimetière de Montmartre est inscrit : "A celui qui, en août 1914, sauva la France".

Forme ultime de réhabilitation et de reconnaissance nationale : le général Lanrezac repose aux Invalides depuis 1933.

 
Source : "Lanrezac, Charles." Encyclopædia Britannica, 2006. Beau G., En Août 1914, Lanrezac a-t-il sauvé la France ?, Paris, Presses de la Cité, 1964. Engerand F., Lanrezac, Paris, Bossard, 1926

Edouard de Castelnau

1851-1944

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Portrait de Castelnau. Source : SHD

 

Castelnau, Noël Marie Joseph Edouard de Curières, de (24 décembre 1851 : Saint-Affrique, Aveyron - 19 mars 1944 : Montastruc-la-Conseillère, Haute-Garonne)

 

Édouard de Castelnau est issu d’une vieille famille aristocratique et catholique du Rouergue ruinée par la Révolution. Son père, avocat, exerce dans la petite ville de Saint-Affrique. Le futur général mène la vie des fils de paysans et de petits notables. Comme eux, il parle l'occitan et forge au grand air une robuste constitution. Bien que de petite taille, il devient un véritable athlète, condition qu’il gardera jusqu’à un âge avancé. Il fait ses études au collège jésuite de Saint-Gabriel (Saint-Affrique) d’où il sort bachelier ès Sciences avant de préparer Saint-Cyr.

Saint-cyrien, il fait ses premières armes au cours de la guerre de 1870. Issu de la promotion 1869 de l’École Spéciale Militaire, dont il sort sous-lieutenant le 14 août 1870, il est nommé au 31e régiment d’infanterie (RI). Ne pouvant rejoindre son corps à temps par suite de la désorganisation des services de l’arrière, il est affecté dans l’armée de la Loire du général d’Aurelles de Paladine, lieutenant au 36e Régiment de marche, le 2 octobre . il est promu capitaine quinze jours plus tard.

Après le désastre de Sedan et la reddition de Bazaine à Metz, cette armée de la Loire est la principale force combattante française. Les conditions climatiques sont effroyables. Elle doit d’abord subir des pluies diluviennes puis, à partir de la fin du mois de décembre jusqu’à l’armistice du 30 janvier 1871, un froid sibérien s’abat sur la moitié nord du pays. Les températures restent constamment inférieures à -10°C. La neige recouvre les champs de bataille. Route et chemins sont verglacés. C’est une armée mal approvisionnée, mal équipée. La fatigue et bientôt les maladies éreintent les soldats français. Castelnau combat notamment à Tusey, Sainte-Maxime, Chambord, Gué-du-Loir, Le Mans. Après l’armistice, avec son régiment, sous les ordres du colonel Davout d’Auerstedt, il participe aux combats de l’armée versaillaise qui au cours de la « semaine sanglante », du 21 au 28 mai 1871, écrase les combattants de la Commune. Reclassé lieutenant par la commission de révision des grades, il est à nouveau promu capitaine qu’en 1876.

Sa longue carrière militaire est ensuite des plus traditionnelles : garnisons de Bourg, de Givet, de Ham, de Laon. Il entre à l’École de Guerre en 1878 dont il sort breveté en 1880 avant d’être muté au 59e RI de Toulouse. Stagiaire à l’état major du 17e corps, nommé ensuite à celui de la 34e division, il revient au 126e RI et au 17e corps en 1888.

Chef de bataillon le 6 mai 1889, il reçoit la croix de la Légion d’honneur en 1891 puis rejoint le général de Miribel en 1893 au premier bureau de l’état-major général à Paris. Lieutenant-colonel le 10 septembre 1896, il est promu sous-chef puis chef du premier bureau, et officier de la Légion d’honneur en 1899. Il connaît un premier incident de carrière lors de la parution d’un article du pamphlétaire Urbain Gohier qui le dénonce comme un descendant d’officier de l’armée du prince de Condé. Cela lui vaut de perdre deux ans pour son avancement au grade colonel. Avançant les mêmes raisons, le général André, lors de son arrivée au ministère de la Guerre, l’évince de la direction du premier bureau. Pour compenser ce qu’il considérait comme une injustice, le chef d’état-major de l’époque, le général Delanne, le nomme au commandement du 37e régiment de Nancy avant de remettre sa démission au ministre.

Cet incident place Castelnau en délicatesse avec les ministres de la Guerre successifs qui le maintiennent dans ce commandement pendant une durée anormalement longue. Sans illusion à propos de ses chances de devenir un jour général, Castelnau s’autorise certaines provocations : au cours d’une parade consacrée à l’histoire de l’armée française, il fait mettre en scène ses hommes de l’Ancien Régime à la République sans aucune distinction. Ces rétrospectives lui valent les foudres de la presse républicaine d’autant qu’il les fait précéder de cérémonies religieuses auxquelles il assiste au premier rang en grande tenue. Au cours d’une visite aux unités de couverture en poste sur la frontière, le président de la Chambre des députés, Paul Doumer, mis en sa présence, est impressionné par sa personnalité et ses qualités militaires. Il intervient alors pour qu’il soit nommé général le 25 mars 1906. Il commande la 24e brigade à Sedan puis la 7e à Soissons. C’est à cette époque qu’il fait la connaissance du général Joffre qui commande le 2e corps d’armée dont dépend sa brigade. Le futur généralissime favorise sa nomination au grade de général de division le 21 décembre 1909 en dépit de l’opposition du général Sarrail, directeur de l’Infanterie au ministère de la Guerre. Ne pouvant atteindre Castelnau, Sarrail se vengera en refusant toutes les promotions demandées pour les officiers de la 7e brigade. De cet incident date un profond antagonisme entre les deux hommes qui aura des répercussions pendant la Grande Guerre elle-même. 

Castelnau prend alors la 13e division à Chaumont. Rappelé à l’état-major sur demande express de Joffre, il est nommé, le 2 août 1911, premier sous-chef d’état-major général sous ses ordres. Il se consacre à la conception du plan XVII qui doit servir de cadre à la mobilisation et aux déploiements des armées françaises lors de l’ouverture des hostilités le 3 août 1914. À cette occasion, Castelnau préconise l’extension du service militaire sur une durée de trois ans. Cette mesure déclenche une crise politique d’une rare intensité qui voit s’affronter tous les grands leaders politiques de l’époque. Les opposants à « la loi des trois ans », dont notamment Jean Jaurès, stigmatisent Castelnau qu’ils accusent de tenir le ministre de la Guerre et le chef d’état-major sous son influence. Une violente campagne de presse se déclare contre lui. Clemenceau, bien que favorable à la loi, se joint aux critiques et affuble Castelnau de sobriquets qui lui resteront : Capucin botté, général de la jésuitière, etc.

Cela n’empêche pas le gouvernement de lui marquer sa confiance, car,la même année, il est promu commandeur de la Légion d’honneur et il entre au Conseil Supérieur de la Guerre le 29 novembre 1913.

À l’ouverture du conflit, il commande la 2e armée. Il est chargé de lancer une offensive en Lorraine en direction de Morhange. Progressant méthodiquement, conjointement avec la 1re armée de Dubail, il atteint le signal de Barouville, au-delà de Dieuze et de la région des étangs. Le 20 août, se préparant à attaquer, il reçoit de plein fouet la contre-offensive de la VIe armée allemande commandée par le Prince Rupprecht de Bavière. Le piège Nied-Sarre préparé de longue date par les Allemands vient de fonctionner. Castelnau sauve son armée en ordonnant la retraite vers Nancy. Retardé par l’indécision du généralissime von Moltke, Rupprecht perd deux jours avant d’entamer la poursuite et d’engager son armée dans la Trouée de Charmes. Ce délai est mis à profit par Castelnau pour regrouper ses forces et lancer une attaque de flanc qui arrête la marche des Allemands. Cette victoire rarement mentionnée dans l’historiographie française alors qu’elle a toute sa place outre-Rhin, empêche les armées françaises d’être tournées par la droite et rend possible leur redressement ultérieur. De plus, elle pousse le général von Moltke à maintenir le tiers de ses forces en Lorraine. Elles lui feront défaut pendant la bataille de la Marne où il ne disposera plus de la supériorité numérique. À Nancy, à partir du 4 septembre, s’en suit une violente bataille qui se déroule en parallèle de celle de la Marne. Fortement retranchée, l’armée de Castelnau résiste à tous les assauts allemands en dépit de leur très large supériorité en matière d’artillerie lourde. À l’occasion de cette nouvelle victoire, Castelnau fera poser un un ex-voto dans l’église Notre-Dame du Bon Secours : Nisi Dominus custoderit civitatem frustra vigilat qui custodit eam [si Dieu ne protégeait la cité c’est en vain que veillerait celui qui la garde. (Psaume 118)] ». Il est alors promu Grand-Officier de la Légion d’honneur (18 septembre).

Au cours de cette période, il perd deux de ses fils. Le premier Xavier est tué à Morhange et le second, Gérald, lors de la bataille de la Marne. Un troisième, Michel, sera blessé et fait prisonnier. Un an plus tard, un troisième fils, Hughes, sera tué pendant la bataille d'Artois.

La 2e armée est alors envoyée en Picardie où commence la « course à la mer ». À Roye, et devant d’Arras, il poursuit avec acharnement la lutte face notamment à l’armée du général von Kluck qui, après la guerre dira de lui : « L’adversaire français vers lequel sont allées instinctivement nos sympathies, à cause de son grand talent militaire et de sa chevalerie, c’est le général de Castelnau. Et j’aimerais qu’il le sût ».

 

En juin 1915, Castelnau nommé au commandement du groupe d’armées du Centre, dirige l’offensive de Champagne du 25 septembre 1915 : en quelques jours il fait 25 000 prisonniers, prend 125 canons et contrôle une zone de territoire de plusieurs kilomètres de profondeur en territoire allemand. À la suite de cette victoire il est fait Grand-Croix de la Légion d’honneur (8 octobre 1915) et devient l’adjoint du généralissime Joffre. La popularité de Castelnau dans l’opinion publique est telle que L’Express de Lyon — des propos similaires sont tenus dans la presse étrangère, dont le Manchester Guardian — commente ainsi sa nomination : « C’est une promotion qu’il ne doit qu’à son mérite incontestable, car sa fidélité à la foi catholique l’a fait tenir à l’écart pendant longtemps. Il est notoire que sous le régime de la délation maçonnique de Combes et du général André, le général de Castelnau était un général à qui tout avancement était refusé » (23 décembre 1915). Cependant, il faut noter que le climat anticlérical s’est beaucoup atténué. La plupart des grands leaders politiques, dont des personnalités telles que Georges Clemenceau, n’hésitent pas à afficher leur soutien à cette nomination.

Avec le titre de chef d’état-major général des armées, Castelnau rejoint le Grand Quartier Général (GQG). À ce poste, lui sont soumises toutes les décisions préparées par l’état-major avant approbation par le généralissime. Dès sa prise de fonction, il se rend à Salonique le 19 décembre 1915 pour décider du maintien d’un corps expéditionnaire franco-anglais et de l’organisation éventuelle d’un camp retranché. Il fait approuver l’idée de recueillir les débris de l’armée serbe et de constituer une tête de pont destinée à de futures offensives comme celle qui permettra au général Franchet d’Espèrey de pénétrer jusqu’en Hongrie en septembre 1918.

À son retour, il porte une attention particulière au secteur de Verdun où il pressent, contre l’avis d’une partie des officiers du GQG, une grande offensive allemande. Il fait renforcer les défenses et préparer des renforts. Trois jours après le début de l’attaque allemande du 21 février 1916, il se rend à Verdun pour prendre les principales mesures qui permettent de ne pas abandonner la rive droite aux Allemands. Il nomme Pétain, modifie profondément l’organisation du commandement. Par la suite, il continuera à exercer cette supervision intervenant dans les principales décisions et lors des épisodes les plus critiques. Il imposera notamment la dernière offensive, celle conduite victorieusement par le général Mangin en décembre 1916 qui reprend les dernières positions stratégiques perdues depuis le début de la bataille. Par contre, Castelnau ne sera pas directement impliqué dans la bataille de la Somme. Lors du remaniement du haut commandement en décembre 1916, son poste de chef d’état-major général est supprimé. Il reçoit alors le commandement du groupe des armées de l’Est. Ce secteur étant peu actif, le gouvernement lui confie une mission de liaison interalliée en Russie où il part le 18 janvier 1917. Revenu au mois de mars, il retrouve son commandement à Mirecourt dans les Vosges où il restera jusqu’à l’Armistice. Il est décoré de la Médaille militaire en septembre 1917. Son groupe d’armée est peu affecté par les grandes offensives allemandes du printemps 1918. Toutefois, il est pressenti pour préparer et conduire une offensive en Lorraine visant à couper les lignes de repli allemandes vers le Rhin. Cette opération qui aurait dû commencer le 14 novembre est contremandée par l’Armistice.

Comme tous les grands chefs militaires français, il participe à de nombreuses célébrations. Il fait une entrée triomphale à Colmar puis à Strasbourg. Il défile également le 14 juillet 1919 sur les Champs Élysées.

De nombreuses controverses naitront après-guerre à propos du fait qu’il n’accède pas au maréchalat. On peut écarter l’idée qu’une injustice ait été commise à son égard au moment de l’Armistice. En effet, le gouvernement entendait réserver cette distinction aux seuls généraux ayant été généralissimes. Mais, par la suite, lors de l’extension de cette liste par Aristide Briand en 1921, le fait que Castelnau soit à cette époque un parlementaire très en vue, fait hésiter le gouvernement. Son exclusion de la nouvelle liste déclenche un scandale politique dont les échos sont encore perceptibles de nos jours tant le parcours militaire du général de Castelnau semblait lui donner de plein droit accès à cette dignité.

Cependant, comme les maréchaux, il est maintenu en activité sans limite d’âge ce qui fera de lui le général d’active le plus âgé au début de la Seconde Guerre mondiale.

Élu député de l’Aveyron, à soixante-huit ans, sur une liste du Bloc national en 1919, il est très actif au sein de la Commission de l’Armée de la Chambre. Battu aux élections de 1924, il fonde l’année suivante la Fédération nationale catholique (FNC), mouvement encouragé par le Vatican et l’épiscopat français, afin de mettre en échec le projet anti-clérical du Cartel des Gauches. Bien implantée dans les paroisses (il met en place en moins d’un an une vaste organisation pyramidale de 1,5 à 2 millions de membres), organisant des manifestations de masse, notamment en Alsace-Lorraine, dans l’Ouest et le Massif central, la Fédération contraint le gouvernement Herriot à reculer. La FNC, véritable pépinière d’officiers en retraite tels Tournès, Margot, Navel, de Reynies, de la Bussières, Picard, de Maitre d’Allerey, Étienne, Amiot, Mazurier et Keller, est aussi un important groupe de pression qui, en plus de son rôle d’arbitrage lors des élections, surveille la vie parlementaire, n’hésitant pas à publier dans la presse la liste des parlementaires qui ont voté pour ou contre tel ou tel projet de loi, notamment dans les domaines relatifs à ses valeurs comme l’éducation, la famille, les libertés religieuses, en proposant d’autres par l’intermédiaire de ses représentants à la Chambre.

L’influence politique de Castelnau diminue au cours des années 1930. L’anticléricalisme n’occupe plus les esprits, le catholicisme se trouve d’autres terrains d’action. Castelnau s’implique notamment en soutenant le gouvernement de Gaston Doumergue menacé par les ligues d’extrême-droite lors de la manifestation du 12 février 1934. Il prend également position contre l’Action Française en approuvant la position prise par le Vatican à l’encontre de ce mouvement et met en garde contre des organisations telles que les Croix de feu qui recrutent dans l’univers catholique. Enfin, il intervient dans le débat à propos des lois sociales du Front populaire dont il soutient les principales mesures à l’exception de celle concernant la réduction du temps de travail.

Il consacre une part de son temps à une activité éditoriale au sein d’un grand quotidien national de droite, l’Écho de Paris, où il côtoie le futur général de Gaulle ainsi que d’autres personnalités qui, comme lui, prendront position contre le régime de Vichy. En effet, dès l’annonce de l’Armistice de juin 1940, il prend ses distances avec la FNC ainsi qu’avec l’épiscopat français à qui il reproche leur attitude passive vis-à-vis du maréchal Pétain. Dès le mois de janvier 1941, il affiche ouvertement sa réprobation à l'encontre du régime de Vichy. Les chefs des deux principaux réseaux de Résistance de la région Toulouse où Castelnau s’est retiré mentionnent que, malgré son grand âge, ils le considèrent comme un résistant actif. Il décède au château de Lasserre à Montastruc-la-Conseillère le 19 mars 1944. Cette disparition aux heures plus sombres de l’Occupation, contribue un peu plus à effacer sa trace dans l'histoire. Pourtant, le général Édouard de Castelnau a figuré au rang des personnalités de son époque. Homme du monde et fin lettré, il a été le Mainteneur des jeux Floraux de Toulouse, membre de l’Institut, membre fondateur de l’association d’entraide de la noblesse française, membre de la société des Sciences, Arts et Lettres de l’Aveyron. Son courage et sa maîtrise de l’art militaire l’ont élevé aux dignités internationales de Croix de guerre, Grand-Croix de l’Ordre du Bain, de Saint-Grégoire-le-Grand, de l’Aigle blanc, de Saint-Stanislas et de Sainte-Anne de Russie, de Saint-Alexandre Nevski, de l’Ordre de Victoria d’Angleterre, de chevalier de la Virtuti militari de Pologne, de Grand-Croix de Saint-Lazare de Jérusalem.

 
Sources : Berstein G. et S., Dictionnaire historique de la France contemporaine
Bonafoux-Verrax C., "Le général de Castelnau au service de la patrie et de la foi", dans Forcade Olivier, Duhamel Éric, Vial Philippe (dir.), Militaires en République (1870-1962). Les officiers, le pouvoir et la vie publique en France
Chenu B., Castelnau, "Le quatrième maréchal", 1914-1918 - Huet J.-P., Édouard de Castelnau (1851-1944), L'artisan de la Victoire

 

 

Émile Driant

1855-1916

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Portrait d'Émile Driant. ©Conseil Général de la Meuse

Alias Capitaine Danrit 

 

Le lieutenant-colonel Driant est connu pour être tombé à Verdun, le 22 février 1916, au bois des Caures. Mais il mena auparavant une carrière littéraire, sous le nom de Capitaine Danrit, et une carrière politique élu député de la 3e circonscription de Nancy à partir de 1910.

Émile Cyprien Driant est né le 11 septembre 1855 à Neuchâtel (Aisne) où son père était notaire et juge de paix. Elève au lycée de Reims, il obtient le premier prix d'histoire au Concours général. Contrairement au souhait de son père de le voir lui succéder, Émile désire être soldat, marqué par la défaite de 1871 et le passage des troupes prussiennes. Après avoir obtenu une licence ès-lettres et en droit, il intègre Saint-Cyr à vingt ans, en 1875. Sorti quatrième deux ans plus tard, il entame une carrière militaire des plus méritante : "petit, mais solide, santé à toute épreuve, très actif et toujours prêt . monte fort bien à cheval et a un goût très prononcé pour l'équitation, très intelligent a devant lui le plus bel avenir" écrira un de ses supérieurs. Il sert au 54e régiment d'infanterie de Compiègne puis à Saint-Mihiel.

Promu lieutenant en 1883 au 43e régiment d'infanterie, il est affecté à Tunis où le général Boulanger, alors gouverneur général de la Tunisie, le prend comme officier d'ordonnance - il lui accordera la main de sa fille, Marcelle. Capitaine en 1886, il suit Boulanger à Paris alors nommé ministre de la guerre. Préférant l'action aux intrigues politiques, il retourne en Tunisie au sein du 4e zouaves - l'épisode boulangiste lui vaudra la méfiance de son entourage et son affectation loin de Tunis, à Aïn-Dratam, à la frontière algérienne. Le couple Driant revient à Tunis et s'installe à Carthage où il fréquente le cercle catholique du cardinal Lavigerie, alors primat d'Afrique.

Driant utilise ce moment d'accalmie dans sa carrière pour faire oeuvre d'écrivain sous le pseudonyme de Danrit. Le succès est au rendez-vous, les romans se suivent : La guerre de demain, La guerre de forteresse, La guerre en rase campagne, La guerre souterraine, L'invasion noire, Robinsons sous-marins, L'aviateur du Pacifique, etc. Le Capitaine Danrit est, avec Louis Boussenard et Paul d'Ivoi l'un des principaux auteurs du Journal des voyages. Ses récits de sont inspirés du modèle vernien du roman d'aventures, mais relu à travers la défaite de Sedan et l'expansionnisme colonial français. La découverte du monde et de ses merveilles devient l'évocation de richesses à puiser ou de menaces à circonscrire . les machines extraordinaires, qui permettaient, chez Verne, de voyager à travers les airs et les mers, sont désormais avant tout des engins de guerre, pour détruire l'adversaire. Son oeuvre est caractéristique du roman d'aventures coloniales de la fin du XIXe siècle à la logique plus spécifique des années précédant la première guerre mondiale. Dans ses écrits, une vaste place est accordée à l'armée. Il affirme son goût des grands hommes et sa méfiance à l'égard des parlementaires. Ils sont le reflet d'une opinion publique obsédée par la menace d'une guerre. Ils accompagnent les discours quotidiens de la presse, toujours attentive aux incidents internationaux (Fachoda en 1898, la crise du Maroc constitue la trame narrative de L'Alerte en 1911), aux risques d'embrasement qu'ils portent en eux et à l'obsession du déclin de la France et de l'Europe. Ainsi, dans L'invasion jaune, ce sont les Américains, capitalistes âpres au gain, qui permettent aux asiatiques de s'armer, en leur vendant fusils et cartouches. Il imagine aussi comment utiliser massivement les armes actuelles dans une situation de guerre mondiale : gaz mortels, aéroplanes, sous-marins, le rôle de chaque invention est considéré dans la perspective d'une vaste offensive. L'officier rejoint le romancier lorsqu il fait oeuvre de pédagogie dans sa trilogie historique destinée à la jeunesse : Histoire d'une famille de soldats (Jean Taupin en 1898, Filleuls de Napoléon en 1900, Petit Marsouin en 1901).

Le Capitaine Danrit écrira ainsi près de trente romans en vingt-cinq ans.

Rappelé en métropole, l'"idole du soldat" est nommé instructeur à Saint-Cyr en 1892, auréolé de son prestige d'écrivain militaire et de visionnaire : ses écrits annoncent la guerre des tranchées. En décembre 1898, il est nommé chef de bataillon au 69e d'infanterie de Nancy après un retour de quatre ans au 4e zouaves. Après un court séjour dans la cité nancéenne, il réalise son voeu de commander un bataillon de chasseurs. Il reçoit le commandement du 1er bataillon de chasseurs à pied stationné dans la caserne Beurnonville à Troyes. Sa détermination et son courage le conduisent à risquer sa vie le 13 janvier 1901 lorsqu'il intervient pour raisonner le forcené Coquard dans le faubourg de Sainte-Savine. Malgré ses brillants états de services, Driant n'est pas inscrit au tableau d'avancement. Politiquement engagé dans un catholicisme de droite, il subit les contre-coups de l'anticléricalisme ambiant des années de la loi de séparation des églises et de l'Etat, et se voit inculpé dans l'affaire des fiches où les officiers auraient été notés en fonction de leur opinions religieuses. Une campagne de presse lui reproche d'avoir organisé un office en la cathédrale de Troyes à l'occasion de la fête de Sidi-Brahim et d'avoir attenté à la liberté de conscience de ses hommes en les contraignant à assister à l'office. Frappé de quinze jours d'arrêt, il demande sa mise à la retraite et décide d'entrer en politique afin de défendre l'Armée au Parlement . il a alors cinquante ans.

Battu à Pontoise en 1906 face au libéral Ballu, il met à profit sa collaboration à L'Eclair, dans lequel il publie nombre de diatribes anti-parlementaires, pour effectuer un voyage en Allemagne. A l'issu de ses observations sur les grandes manoeuvres en Silésie, il publie un livre au titre prémonitoire, Vers un nouveau Sedan, dont la conclusion est éloquente : "une guerre qui nous mettrait demain aux prises avec l'Allemagne serait une guerre désastreuse. Nous serions battus comme en 1870, plus complètement qu'en 1870". Ces propos parus dans un premier temps dans sept articles peu avant les élections de 1910 lui valent son élection à Nancy face au radical Grillon.

Assidus aux séances de la Chambre des députés, mêlant le catholicisme social de Mun aux idées de Vogüé et de Lavisse, il intervient pour faire voter les crédits militaires et soutient Barthou lors du vote de la "loi de Salut" qui porte à trois ans le service national, et s'insurge contre le déclassement des places fortes frontalières - il parvient à sauver celle de Lille en 1912 -, et s'intéresse avant guerre à la toute récente aéronautique militaire. Driant s'oppose aux thèses de Briand et de Jaurès, s'appuyant sur des exemples tirés des événements de Russie. L'armée doit jouer un rôle essentiel, avant tout comme instrument d'éducation des classes populaires, et le cas échéant comme instrument contre-révolutionnaire. C'est le concept de l'armée-école et de l'apostolat social, qui s'inscrit alors dans la mouvance des Dragomirov, Art Roë et Lyautey. Il s'intéresse ainsi aux luttes sociales, dans la mesure où elles peuvent compromettre la Défense nationale. Il soutient le syndicalisme indépendant, dit "jaune", fondé par Pierre Biétry avec l'appui de l'industriel Gaston Japy. Ceux-ci prônent l'association entre le capital-travail et le capital-argent. Les textes de Driant défendent le principe de la liberté par la propriété individuelle, au moyen de la participation progressive des ouvriers au capital des entreprises. Parmi les principaux votes du député Driant, durant la législature 1910-1914, figurent des résolutions telles que la journée de dix heures, les retraites, les libertés syndicales, et diverses mesures d'aide sociale.

A la déclaration de guerre, il demande à reprendre du service et est affecté à l'état-major du gouverneur de Verdun au service du général Coutenceau. Il sollicite et obtient le commandement des 56e et 59e bataillons de chasseurs à pied de la 72e division d'infanterie, formés de réservistes du Nord et de l'Est, soit 2200 hommes. Il commande dans l'Argonne et dans la Woëvre. Eprouvés par les combats de Gercourt, village de la Meuse repris par Driant aux Allemands, ses troupes ne prennent pas part à la première bataille de la Marne et sont chargées de la défense du secteur de Louvemont. Ils reprennent le secteur du bois des Caures et le fortifient. "Père Driant", il sait écouter ses chasseurs, gratifie les meilleurs de cigarettes et de cigares, assiste en personne aux obsèques de ses héros au cimetière de Vacherauville. Membre de la Commission de l'Armée, il est le rapporteur de la loi portant création de la Croix de Guerre au printemps 1915. Il est surtout celui qui annonce l'imminence de l'offensive allemande sur Verdun et le manque de moyens humains et matériels dès le 22 août 1915 dans une lettre adressée au président de la Chambre, Paul Deschanel : "nous pensons ici que le coup de bélier sera donné sur la ligne Verdun-Nancy... Si les Allemands y mettent le prix, et ils ont prouvé qu'ils savaient sacrifier 50000 hommes pour emporter une place, ils peuvent passer". Malgré une visite de parlementaires, une inspection de Castelnau, en décembre 1915, et une question de Galliéni, ministre de la guerre, à Joffre, rien n'est fait.

Pourtant, le 21 février 1916, alors que l'armée du Reich concentre son action sur le secteur de Verdun, seuls les 1200 hommes de Driant et 14 batteries font face à l'attaque de 10 000 soldats allemands et 40 batteries. Les Chasseurs résistent héroïquement pendant plus de 24 heures et subissent de lourdes pertes, permettant aux renforts d'arriver et de maintenir la ligne de front. La position du bois des Caures, tenue par Driant et ses hommes, est pilonnée pendant deux jours par des canons de 150, 210 et 300 mm. Le 22 février, à midi, les Allemands se lancent à l'assaut des positions des chasseurs. Les grenades et les lance-flammes viennent à bout de la résistance française. Driant donne l'ordre de repli sur Beaumont. Touché à la tempe, Driant meurt à soixante et un ans.

Au soir du 22 février 1916, on ne compte que 110 rescapés parmi les chasseurs de 56e et 59e régiments. L'annonce du désastre suscite une grande émotion. Alphonse XIII d'Espagne, un admirateur d'Émile Driant charge son ambassadeur à Berlin d'enquêter sur sa disparition. On se plaît à le croire blessé, prisonnier ou évadé à l'étranger. Une lettre de la baronne Schrotter, mère d'un officier allemand ayant pris part aux combats des Caures, à son épouse mettra fin aux rumeurs : "M. Driant a été enterré avec tout respect, tous soins, et ses camarades ennemis lui ont creusé et orné un beau tombeau . de sorte que vous le trouverez aux jours de paix" (16 mars 1916). Son sacrifice est récupéré par la presse et les publications de la guerre, pour galvaniser les troupes. La Chambre des députés annonce officiellement sa mort, son éloge funèbre est prononcé le 7 avril par Paul Deschanel, le 28 juin, la Ligue des patriotes de Maurice Barrès fait célébrer un service solennel à Notre-Dame (Paris) présidé par le cardinal Amette. Le militaire rejoint alors le romancier ...

Il est inhumé par les Allemands à proximité des lieux de son trépas, alors que ses effets sont retournés à sa veuve via la Suisse.

En octobre 1922, le corps de Driant est exhumé. Un mausolée, décidé par d'anciens combattants dont Castelnau y est érigé.

 

Source : Mindef/SGA/DMPA et Conseil Général de la Meuse

 

Joséphine Baker

1906 - 1975

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Photo (C) Ministère de la Culture - Médiathèque du Patrimoine, Dist. RMN-Grand Palais / Studio Harcourt
< Joséphine Baker en 1948.

Sur décision du Président de la République, Joséphine Baker est entrée au Panthéon le 30 novembre 2021. Née américaine, artiste de music-hall, engagée dans la Résistance, militante antiraciste, elle fut de tous les combats. Incarnant l'engagement des femmes dans la lutte menée par la France Libre, elle a reçu les honneurs de la patrie.

Retrouvez une exposition consacrée à la personnalité de Joséphine Baker sur le site du musée de la Résistance en ligne

 

Née le 3 juin 1906 de Carrie McDonald et de Eddie Carson, elle grandit dans les quartiers pauvres de Saint-Louis (Missouri). A l'âge de 13 ans, elle quitte le foyer familial et devient serveuse. Elle débute comme danseuse dans de petites troupes, puis elle rejoint la troupe The Jones Family Bound qui se produit de Washington à Saint Louis. A 18 ans, elle s'établit à New-York, où elle participe à plusieurs productions dont les folies bergères et à la Revue Nègre.

En 1925, sa troupe se produit à Paris au Théâtre des Champs-Elysées. La jeune artiste conquiert rapidement le public parisien où la mode du jazz fait rage. Danseuse de cabaret, elle interprète un tableau baptisé "la danse sauvage". Un an plus tard, elle mène les revues aux Folies-Bergère. Elle y danse, vêtue de sa fameuse ceinture de bananes, et commence à chanter. C'est en 1930, au Casino de Paris, où sa revue succède à celle de Mistinguett, qu'elle interprète "J'ai deux amours". En Europe elle accumule les succès : elle est nommée reine de l'Exposition coloniale en 1931, joue dans "Zouzou" avec Jean Gabin et dans "Princesse Tamtam", se produit au Casino de Paris dans "Si j'étais blanche" et monte en 1934, "La Créole", une opérette d'Offenbach.

L'année suivante, Joséphine Baker, de retour aux États-Unis présente son spectacle devant un public très mitigé. Elle regagne la France où, en 1937, elle épouse un français et devient citoyenne française.

À la déclaration de guerre, elle peut se produire encore aux Folies-Bergère et au Casino de Paris aux côtés de Maurice Chevalier. Fidèle à son pays d'adoption, Joséphine Baker s'engage dans la Résistance, travaillant pour les services de renseignements de la France Libre avec le grade de sous-lieutenant de l'armée de l'Air, corps auxiliaire féminin. C'est Daniel Marouani qui propose à Jacques Abtey, chef du contre-espionnage militaire à Paris, de l'engager. Ainsi, durant la drôle de guerre (septembre 1939 et mai 1940) Josephine Baker recueille des informations sur l'emplacement des troupes allemandes auprès des officiels qu'elle rencontre dans des soirées. A la même époque, elle se produit sur la Ligne Maginot pour remonter le moral des troupes. Mais, à partir de l'été 1940, la Ligne Maginot franchie et suite aux lois racistes du gouvernement de Vichy, elle est interdite de scène. Sensée partir en tournée au Portugal et en Amérique du Sud, en compagnie d'Abtey, elle apporte au Portugal des renseignements écrits à l'encre sympathique sur ses partitions. Elle remonte "La Créole" afin de pouvoir reprendre contact avec Paillole à Marseille avant de rejoindre Abtey au Portugal alors pays neutre, puis de partir pour l'Afrique du Nord. En partant pour le Maroc, elle aide Solmsen, producteur de cinéma d'origine allemande, et son ami Fritz à quitter la France.

Installée à Marrakech, elle cultive les relations politiques : Moulay Larbi el-Alaoui, le cousin du sultan, et Si Mohammed Menebhi, son beau-frère, fils de l'ex-grand-vizir, et Si Thami el-Glaoui, le pacha de Marrakech. A partir de 1943, Joséphine Baker devient une véritable ambassadrice de la France Libre. Au printemps, elle entreprend une vaste tournée au Maghreb, en Egypte et au Machrek. A cette occasion, elle devient officiellement sous-lieutenant des troupes féminines auxiliaires de l'armée de l'air française. Cette activité de résistante de Josephine est rendue publique dès 1949 par un ouvrage de Jacques Abtey, La Guerre secrète de Joséphine Baker, accompagné d'une lettre du général de Gaulle.

La reconnaissance officielle est acquise le 18 août 1961 : le général Valin lui remet les insignes de la Légion d'honneur, ainsi que la Croix de Guerre avec palme.

Remariée à Jo Bouillon, elle s'investit dans la défense des droits civils et vient en aide aux victimes de guerre, enchaînant les galas de bienfaisance. Son activité caritative prend le pas sur sa carrière dont elle se retire en 1949. Elle achète un château, à Milandes, dans le Périgord est se met à adopter des enfants orphelins.

Prise dans des difficultés financières, elle recommence les tournées mondiales sur une scène où le cabaret ne fait plus autant recette. Son acharnement la mène à nouveau en 1975 sur la scène de Bobino pour un spectacle retraçant sa carrière. Un succès de courte durée cependant, elle décède suite à un malaise, quatre jours après la première.

 

Sources : Abtey J., 2e Bureau contre Abwehr, Paris, La Table Ronde, 1966 - Abtey J., La Guerre secrète de Josephine Baker, Paris, Siboney, 1949
Bilé S., Noirs dans les camps nazis, Editions du Serpent à Plumes, 2005

 

Pour en savoir plus :

Dominique Larrey

1766 - 1842

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Le baron Jean-Dominique Larrey. Portrait. 1804. Par Anne-Louis Girodet de Roussy-Trioson. Source : Insecula.com

Jean-Dominique Larrey (8 juillet 1766 : Baudéan - 25 juillet 1842 : Lyon)

Dominique Larrey est une figure incontournable de l'histoire de la médecine militaire. "Providence des soldats", il est le chirurgien aux 800 opérations lors de la bataille d'Eylau , le créateur des ambulances mobiles.

Né à Baudéan, près de Bagnère-sur-Bigorre, en 1766, dans une famille pyrénéenne protestante, Dominique Larrey est la figure de proue des champs de bataille napoléoniens. Il étudie la médecine à l'Hôpital Lagrave de Toulouse, auprès de son oncle, Alexis Larrey, correspondant de l'Académie Royale de Chirurgie. Il soutient à vingt-ans une thèse sur la carie de l'os puis part pour Paris où son oncle l'a recommandé à Desault, chirurgien de l'Hôtel-Dieu. Il intègre l'École de chirurgie navale de Brest, y apprenant les rudiments de la chirurgie précoce qu'il appliquera sur la frégate La Vigilante."

En 1791, préparant le concours de chirurgien gagnant-maîtrise, il travaille à l'Hôtel national des Invalides sous la protection de Sabatier.

En 1792, il est engagé dans l'armée du Rhin et la suit dans sa campagne d'Allemagne. La bataille de Spire, en septembre 1792, lui permet d'appliquer les principes de la chirurgie navale. Il brave l'interdiction interdisant aux officiers de santé, sur terre, de se tenir à moins d'une lieue des combats et à attendre leur fin pour secourir les blessés.

Il décide alors de remédier à la mauvaise organisation du service de la Santé en créant à Mayence, en 1793, un cours de perfectionnement destiné à ses collègues. À l'Armée du Rhin, le baron chirurgien François Percy crée des ambulances légères, petits caissons sur roues permettant de transporter non seulement des infirmiers mais aussi des civières démontables et pliables.

De retour à Paris, Larrey, son second, imagine d'autres "ambulances volantes", caisses suspendues destinées au transport des blessés, qui permettraient d'enlever les soldats invalides du champ de bataille afin "d'opérer dans les vingt-quatre heures". Jusque-là, les blessés sont abandonnés plusieurs jours sur le champ de bataille, parmi les cadavres, et finalement ramassés par les paysans.

En 1796, Larrey est nommé professeur de chirurgie à l'Hôpital d'Instruction du Val-de-Grâce récemment créé. Homme de terrain, il prend part aux campagnes de la Révolution, du Consulat et de l'Empire. Il fonde l'Ecole de Chirurgie du Caire.

Chirurgien en chef de la Garde consulaire (1800), docteur général du Service de la santé, chirurgien en chef de la Grande Armée, Larrey parcourt l'Europe : en Allemagne, en Espagne, en Autriche. Lors de la bataille d'Eylau (8 février 1807) il pratique huit cent opérations en trois jours. Napoléon Ier lui offre alors son épée, et ne tarde pas à le nommer Commandeur de la Légion d'Honneur. Il est fait baron après Wagram (1809).

Sa pratique de l'amputation a permis de sauver près de trois-quarts des blessés et a évité la propagation du tétanos. Sa présence continue sur les routes et les champs de batailles lui valurent le surnom de "Providence des soldats" lors de la retraite de Russie (1812). L'Empereur, qui écrira à son sujet que c'est "l'homme le plus vertueux que j'aie connu", lui lèguera 100.000 francs.

En 1813, à Lutzen-Bautzen, Dominique Larrey pratique la première expertise médico-légale.

Blessé et fait prisonnier à Waterloo, sur le point d'être fusillé, il est sauvé par un officier prussien, Blücher, dont il avait jadis soigné le fils.

Libéré à la paix, il est inquiété sous la Restauration, mais reçoit finalement confirmation de son titre de baron en 1815. Il est membre de la première promotion de l'Académie de Médecine en 1820, membre de l'Institut en 1829.

Dominique Larrey est mort à Lyon, au retour d'une inspection en Algérie, en 1842, âgé de 76 ans.

 

Sources : Médecine et Armées, 27/8, 1999 et perso.wanadoo.fr/claude.larronde/billet-Chirurgien.html

Jean-Marie de Lattre de Tassigny

1889-1952

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Portrait du maréchal de Lattre de Tassigny. Source : www.lesfeuillants.com/Vivre/site_150eme/p7.htm

 

Né le 2 février 1889 à Mouilleron-en-Pareds en Vendée d'une vieille famille aristocratique des Flandres françaises, Jean-Marie de Lattre de Tassigny reçoit une éducation de qualité au collège Saint Joseph de Poitiers.

 

Carrière militaire

De 1898 à 1904 il prépare l'École navale et Saint-Cyr où il est reçu en 1908. Il effectue ses classes au 29e Dragons à Provins. Il est élève de Saint-Cyr de 1909 à 1911, dans la promotion « Maurétanie » où il en sort 4e de promotion. Il entre en 1911 à l'école de cavalerie à Saumur. En 1912 il est affecté dans le 12e Dragons à Pont-à-Mousson puis sur le front.

Pendant la Première Guerre mondiale il est capitaine du 93e régiment d'infanterie et termine la guerre avec 4 blessures et 8 citations. Il est ensuite affecté au 49e régiment d'infanterie de 1919 à 1921 à Bayonne.

En 1921 il est envoyé au Maroc dans le 3e bureau et dans l'état-major de la région de Taza jusqu'en 1926. De 1927 à 1929 il suit les cours de l'école de guerre avec la 49e promotion.

Il se marie avec Simone de Lamazière en 1927 et obtient d'elle un fils en 1928.

En 1929 il devient chef de bataillon au 5e régiment d'infanterie à Coulommiers.

En 1932 il est promu à l'état-major de l'armée puis à celui du général Maxime Weygand, vice-président du Conseil Supérieur de la Guerre au titre de lieutenant-colonel. En 1935 il devient colonel, commandant le 151e régiment d'infanterie à Metz. Entre 1937 et 1938 il suit des cours au centre des hautes études militaires et devient en 1938 chef d'état-major du gouverneur de Strasbourg.

 

Seconde guerre mondiale

Promu général de brigade le 23 mars 1939 il est chef d'état-major de la 5e armée le 2 septembre 1939.

Le 1er janvier 1940 il prend le commandement de la 14e division d'infanterie qu'il commande pendant les affrontements avec la Wehrmacht à Rethel, où sa division résiste héroïquement, jusqu'à la Champagne et l'Yonne, et conserve miraculeusement sa cohésion militaire au milieu du chaos de la débâcle.

De juillet 1940 à septembre 1941, il est adjoint au général commandant la 13e région militaire à Clermont-Ferrand puis devient général de division commandant des troupes de Tunisie jusqu'à la fin 1941. Par la suite il commande la 16e division à Montpellier et est promu général de corps d'armée.

Lorsque la zone libre est envahie par les troupes allemandes il refuse l'ordre de ne pas combattre et est arrêté. Il est condamné à 10 ans de prison par le tribunal d'État de la section de Lyon. Parvenant à s'évader de la prison de Riom le 3 septembre 1943 il rejoint Londres puis Alger où il arrive le 20 décembre 1943 après avoir été promu au rang de général d'armée le 11 novembre 1943 par le général de Gaulle.

En décembre 1943 il commande l'armée B, qui devient la première armée française. Il débarque en Provence le 16 août 1944, prend Toulon et Marseille, remonte la vallée du Rhône, puis le Rhin, libère l'Alsace, et entre en Allemagne jusqu'au Danube. Il représenta la France à la signature de l'armistice du 8 mai 1945 à Berlin au quartier général du Maréchal Joukov.

 

Après la guerre

Entre décembre 1945 et mars 1947, il est inspecteur général et chef d'état-major général de l'armée. En mars 1947 il est inspecteur général de l'armée, puis inspecteur général des forces armées.

D'octobre 1948 à décembre 1950, il est commandant en chef des armées de l'Europe occidentale à Fontainebleau.

Il devint haut-commissaire et commandant en chef en Indochine et commandant en chef en Extrême-Orient (1950-1952) et met sur pied une armée nationale vietnamienne.

Épuisé par le surmenage auquel il s'est astreint tout au long de sa carrière et que n'a pas arrangé sa blessure reçue en 1914, très affecté par la mort de son fils Bernard, tué au cours de la campagne d'Indochine, et atteint d'un cancer, il meurt à Paris le 11 janvier 1952 des suites d'une opération.

Il est élevé à la dignité de maréchal de France, à titre posthume, lors de ses funérailles le 15 janvier 1952. Il est inhumé dans son village natal de Mouilleron-en-Pareds.

 

Sources : un article de l'encyclopédie Wikipédia - Vidéo : ©ECPAD 2015 - Tous droits réservés

 

Aristide Maillol

1861 - 1944

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Portrait d'Aristide Maillol. Source : user.chollian.net

 

Maillol est né à Banyuls-sur-Mer, (Pyrénées-Orientales), dans le Roussillon, en 1861. Il étudie au lycée Saint-Louis de Gonzague de Perpignan avant de venir étudier à Paris en 1882 où il fréquente le cours de Jean-Léon Gérôme, et, à partir de 1885, l' École nationale supérieure des Beaux-Arts. Il y suit l'enseignement d'Antoine Bourdelle, qui l'accueille en 1889 alors qu'il est en proie à des difficultés financières.

Il rencontre Paul Gauguin en 1892 qui l'encourage à poursuivre ses études. La même année, visitant le musée de Cluny, il découvre les arts décoratifs, techniques et styles qui ne cesseront de l'influencer toute sa vie. En 1890, il se tourne vers la tapisserie et crée un atelier de tissage à Banyuls. En 1894, après un an passé en Italie, il s'oriente vers la sculpture.

Il se fait connaître en exposant ses premières oeuvres en 1897 à la société nationale des Beaux-Arts, ce qui lui permet de trouver un mécène deux ans plus tard en la personne de la princesse Bibesco.

Du 15 au 30 juin 1902, il organise sa première grande exposition à la galerie Vollard (Paris). La carrière de l'artiste débute alors : en 1905, La Méditerranée connaît un franc succès au salon d'automne de Paris - il en fera don à la ville de Perpignan. En 1908, il exécute le très contesté (en raison de la nudité du personnage) Monument d'Auguste Blanqui, pour le compte de la commune de Puget-Théniers - mais ce ne sera qu'en 1923 que Maillol honorera sa première commande d'Etat : une Méditerranée en marbre (Musée d'Orsay). L'année suivante, le Comte Harry Kessler, son plus important protecteur, lui commande Le Désir et Le Cycliste, pendant que le collectionneur russe Ivan Morozov lui demande Les Quatre saisons. La première exposition Maillol à l'étranger se déroule à Rotterdamer Kunstring (Pays-Bas) dès 1913, précédant de douze ans une exposition outre-Atlantique à Buffalo.

Éprouvé par la Première Guerre mondiale, il réalise gratuitement dans l'Entre-Deux-Guerres quatre monuments commémoratifs : à Elne en 1921, à Céret en 1922, à Port-Vendres en 1923 et à Banyuls-sur-Mer en 1933.

Bon représentant de l'école des Nabis, Maillol accorde toute la primauté au traitement esthétique au détriment du rapport à l'histoire. Sur le monument de Banyuls, il traite le sujet au moyen d'un triptyque : Guerrier mourant ou Immolation, L'épouse et la mère ou la Consolation, Les trois jeunes filles ou le Deuil. Ses figures, en relief, sont massives. Celle du soldat, disproportionnée par rapport au reste de la composition, est représentée grandeur nature afin de résister à l'épreuve du temps. Les deux autres tableaux sont organisées sur le modèle de la frise des Panathénées : les personnages tels des kouroi attiques, thorax de face et jambes de profil, se succèdent en se superposant les uns aux autres.

Le sculpteur rencontre Dina Vierny, fille d'un révolutionnaire ukrainien, en 1934, qui sera son modèle pendant dix ans. En hommage à Henri Barbusse, Maillol façonne La Rivière en 1939 , avant de se retirer à Banyuls-sur-Mer, au moment de la déclaration de guerre.

Victime d'un accident de voiture alors qu'il revient de rendre visite à Raoul Dufy à Vernet-les-Bains, il décède le 27 septembre 1944, laissant inachevée sa dernière oeuvre, Harmonie.

 

Source : Cahn I., L'ABCdaire de Maillol, Paris, Flammarion, 1999 - Les monuments aux morts de la Grande Guerre, Paris, M.P.C.I.H., 1991 - Lorquin B., Aristide Maillol, Paris, Editions du Seuil, 2005

Gabrielle Petit

1893-1916

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Portrait de Gabrielle Petit. Source : www.ww1-propaganda-cards.com

Condamnée à mort par les Allemands en 1916 pour espionnage, diffusion de presse clandestine et participation à des exfiltrations de soldats, Gabrielle Petit, "Gaby", est une figure emblématique du combat des femmes belges lors de la Première Guerre mondiale.

Gabrielle Aline Eugénie Marie Petit est née dans une modeste famille de Tournai. Elle est mise en demi-pension à l'âge de cinq ans dans un couvent d'Ath en raison de la maladie de sa mère, qui décède rapidement. Gabrielle et sa soeur Hélène sont placées chez les Dames du Sacré Coeur, à Mons, où leur père les abandonne. Les fillettes sont recueillies par un cousin qui les confie aux soeurs de l'Enfant Jésus, à Brugelette, où les deux fillettes trouvent l'épanouissement intellectuel et affectif nécessaire. Gabrielle, alors âgée de dix-sept ans, doit retourner vivre sous le toit paternel, à la demande de ce dernier. La difficile cohabitation prend fin au bout de quelques mois. Les jeunes femmes décident de mener leur vie à Bruxelles où Hélène trouve une place de gouvernante à sa soeur chez Mme Butin.

Lors de la déclaration de guerre, Gabrielle Petit a vingt et un ans. Elle est fiancée à un soldat de métier, Maurice Gobert, rencontré deux ans plus tôt. Celui-ci est blessé à Hofstade (près de Liège). Détenu par les Allemands, il s'échappe et rejoint Gaby qui, de son côté, côtoie le front au sein de la Croix-Rouge de Molenbeeck-Saint-Jean. Le couple, coupé des armées belges, doit alors se cacher pour tenter de passer la frontière hollandaise.

De retour en Belgique, elle s'engage dans les services secrets. Elle suit un entraînement au Royaume-Uni, en juillet 1915, et devient rapidement une espionne reconnue. Devenue Mlle Legrand, elle travaille dans le secteur d'Ypres à Maubeuge, séjourne parmi les troupes ennemies, multipliant les fausses identités, collecte des informations sur les mouvements des troupes allemandes, les points stratégiques, l'état de l'armement et du réseau ferroviaire pour le compte des alliés. Elle s'occupe aussi de distribuer la presse clandestine (La Libre Belgique), de diriger un réseau parallèle de distribution de courrier aux soldats captifs, et de faire passer la frontière hollandaise aux soldats bloqués derrière les lignes allemandes.

Cependant, les services de contre-espionnage allemands, à l'automne 1915, intensifient leurs actions. Gabrielle Petit, déjà soupçonnée quelques mois plus tôt, est mise sous surveillance. Elle échappe une première fois à ses poursuivants dans les ruelles de Molenbeek. Arrêtée à Hasselt, elle s'enfuit à nouveau de l'auberge où elle est détenue. L'étau se resserre en décembre. Les services allemands arrêtent et remplacent le courrier de son réseau par un traître hollandais qui, pendant plus d'un mois, porte les messages à la Kommandantur. Méfiante, Gaby ne laisse aucun indice permettant de découvrir les membres de son équipe.

Elle est arrêtée le 20 janvier 1916 par le policier Goldschmidt et mise au secret pendant cinq jours à la Kommandantur. Ni son interrogatoire, ni la fouille destructrice de son appartement n'apportent de preuves. La détenue est alors transférée le 2 février à la prison Saint-Gilles (Bruxelles). Là, résistant à la rudesse des interrogatoires et des conditions d'internement, elle fait innocenter la famille de sa logeuse, Mme Collet, et met en place un système d'approvisionnement et de communication pour les détenues. Elle refuse de trahir ses compagnons en échange de la clémence des juges.

Le 3 mars 1916, Gabrielle Petit est condamnée à mort. Sa soeur, dès le 8 mars, tente un recours en grâce, rédigé par M. Marin, directeur de la prison Saint-Gilles, et appuyé par la nonciature apostolique et la légation d'Espagne, auprès de la Kommandantur qui demeure inflexible. Le premier avril, la sentence est exécutée au Tir national (commune de Schaarbeek). Son corps est inhumé sur les lieux de l'exécution. Ne bénéficiant pas de la notoriété d'une Louise de Brettignies ou d'une Edith Cavell, son exécution reste ignorée de l'opinion publique jusqu'en 1919 où, elle reçoit les honneurs de son rang lors d'une cérémonie nationale présidée par la reine Elisabeth, le Cadinal Mercier et le Premier ministre, M. Delacroix. Le 27 mai, son corps est exhumé et exposé deux jours durant dans la salle des Pas-Perdus de l'Hôtel communal, avant d'être enterré dans le cimetière de la ville de Schaarbeek.

Une statue lui est dédiée à Bruxelles ainsi qu'une place à Tournai.

 
Sources : Louise de Bettignies et les femmes qui firent la guerre. Commémoration de l'année 1916, CDIHP du Nord. Ministère des anciens combattants et victimes de guerre
Thébaud Françoise, La femme au temps de la guerre de 14, Paris, Stock, 1986

Henry Frenay

1905-1988

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Henry Frenay. Source : Photo Ordre national de la Libération

Henri Frenay est né le 19 novembre 1905 à Lyon. Son père est officier, ses deux fils le seront. Henri Frenay appartient à cette génération qui célèbre la France victorieuse de 1918 et voue une haine terrible à l'Allemagne.

Il entre à Saint-Cyr de 1924 à 1926. De 1926 à 1929, il sert en métropole. A partir de 1929, il est affecté en Syrie et retourne en métropole en 1933.

C'est vers 1935 qu'Henri Frenay va faire une rencontre déterminante dans sa vie : Berty Albrecht, femme exceptionnelle, grande figure du féminisme qui oeuvre à la défense des droits de l'Homme. Elle participe à l'accueil des premiers bannis de Hitler. Par elle, Henri Frenay découvre un autre milieu et surtout la réalité de la menace nazie et comprend que cette idéologie est plus qu'un avatar du pangermanisme. C'est probablement pourquoi il décide, après l'Ecole de guerre, de partir, de 1937 à 1938, pour Strasbourg, au centre des Hautes études germaniques pour observer de près la doctrine national-socialiste et son application en Allemagne. Il comprend que la guerre est inéluctable, que c'est une guerre de civilisation qui ne ressemblera pas à la Première.

Le résistant

À la déclaration de guerre, le capitaine Frenay est affecté à Ingwiller. Fait prisonnier, il parvient à s'évader.

Dès juillet 1940, refusant la défaite, il écrit un manifeste, premier appel à la lutte armée. En décembre 1940, il est affecté à Vichy où il fait un bref séjour au service des renseignements, puis démissionne de l'armée en février 1941.

Il entre dans la clandestinité pour se consacrer exclusivement au développement de l'organisation de la Résistance qu'il a imaginée dès l'été 1940. Berty Albrecht retrouve Frenay à Vichy puis à Lyon. Ils deviennent inséparables jusqu'à la mort de Berty en 1943.

Frenay organise les premiers recrutements parmi ceux qui, comme lui, refusent l'armistice. Il publie des bulletins puis des journaux clandestins (les Petites Ailes ou Vérités) qui montrent une certaine confiance en Pétain et une croyance dans le possible double jeu de Vichy. Au même moment il rencontre pour la première fois Jean Moulin qui recueille auprès de lui ses informations sur la résistance et qu'il rapportera à de Gaulle à Londres.

Henri Frenay fonde ensuite le Mouvement de libération nationale (MLN) et édite le journal Vérités à partir de septembre 1941 avec l'aide de Berty Albrecht. En novembre, il rencontre l'universitaire François de Menthon qui dirige le mouvement Liberté, éditant un journal du même nom. De la fusion du MLN et de Liberté naît le mouvement Combat et son journal du même nom. Il devient vite le mouvement le plus grand et le plus structuré de la zone occupée.

Dès juin 1942, Frenay est recherché par la police de Vichy. A l'été 1942, Combat tire à 100 000 exemplaires. Ce développement rapide s'est effectué sans aucune aide de la France de Londres que Frenay regarde avec une grande circonspection. Il faut attendre mars 1942 pour que le journal Combat proclame son allégeance au symbole que représente de Gaulle et condamne la politique de Pétain.

Le 1er octobre, Frenay est à Londres pour signer son ralliement à de Gaulle.

Grâce aux fonds fournis par Jean Moulin, Combat peut financer ses cadres et se développer. Persuadé de l'importance de former la résistance à la lutte armée, Frenay met en place les premières cellules de l'armée secrète et les premiers groupes francs durant l'année 1942. En 1943, sous l'impulsion de Jean Moulin sont créés les Mouvements Unis de Résistance (MUR) qui unifient les principaux mouvements de la zone sud : Combat, Libération et Franc-Tireur. Frenay est alors membre du Comité directeur des MUR.

Pourtant les deux hommes vont se heurter. L'indépendance de Frenay, forte d'une légitimité qui ne doit rien à personne, tolère mal la tutelle financière et politique de Londres et l'espèce de fonctionnarisation progressive imposée à la Résistance intérieure. Frenay a créé le plus grand mouvement structuré, l'Armée secrète et le NAP (noyautage des administrations publiques); il a favorisé la création des MUR. Mais Frenay est opposé à la reconstitution des partis politiques que Moulin veut intégrer dans le Conseil national de la Résistance. De plus il critique l'idée d'une séparation du politique et du militaire, au nom de l'indépendance et aussi de l'idée de l'insurrection nationale.

Le général de Gaulle lui demande d'entrer au Comité français de Libération nationale d'Alger. Frenay devient commissaire aux prisonniers, déportés, et réfugiés, c'est-à-dire ministre. Il le restera lorsque ce gouvernement s'installera à Paris, après la Libération. Cette mission périlleuse le conduira à gérer dans l'urgence le gigantesque problème du retour des Français dispersés dans l'Europe nazifiée.

En mars 1945, 20 000 personnes sont accueillis, puis en avril 313 000, en mai 900 000 et en juin 276 000. En juillet, le ministère considère le rapatriement comme terminé.

En novembre 1945, il est l'initiateur de ce qui deviendra le Mémorial de la France combattante au Mont Valérien avant de démissionner de son poste.

L'Européen

Profondément déçu de voir les anciens partis politiques s'enfermer dans un débat interne, Frenay épouse la cause du fédéralisme européen.

Dans ses articles de Combat, Frenay rêve d'une Europe réconciliée avec elle-même et avec l'Allemagne.

Président de l'Union européenne des Fédéralistes, créée en 1946, il va tout faire pour convaincre les gouvernements de l'époque d'abandonner le cadre de l'Etat-Nation, d'établir une monnaie unique et de construire une armée européenne.Au retour du général de Gaulle au pouvoir en 1958, Frenay comprend que son rêve prend fin. Il abandonne tout engagement "citoyen" pour se consacrer à la rédaction de ses souvenirs de résistant. 

Ce sera le très beau livre "La Nuit" qui finira publié en 1973. A l'occasion de cette parution, il croit découvrir les causes profondes de la rivalité qu'il a eue avec Jean Moulin. Jusqu'à sa mort,en 1988, plus guidé par son ressentiment que par la recherche de la vérité, il ne va cesser d'accuser Jean Moulin d'être un "crypto-communiste" qui aurait trahi de Gaulle et la Résistance. Ce sera un combat douteux, le combat de trop. La mémoire collective ne lui pardonnera pas.

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

Émile Bourdelle

1861 - 1929

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Bourdelle modelant.
Source : Musée Bourdelle

Émile Antoine Bourdelle naît à Montauban, le 30 octobre 1861, d'Antoine Bourdelle, menuisier-huchier, qui l'initiera au travail des matériaux dès l'âge de treize ans, et d'une mère qui lui enseignera les valeurs essentielles d'une vie simple et rustique.

Sa statuette de faune ornant un bahut est remarquée par deux personnalités locales, Hyppolite Lacaze et Émile Pouvillon qui l'encouragent à suivre les cours de l'école municipale de dessin alors dirigée par Achille Bouis.

En 1876, Bourdelle obtient une bourse pour les Beaux-Arts de Toulouse. Il met à profit la solitude de ses années d'étude pour réaliser ses premiers chefs-d'oeuvre : les trois Têtes d'enfants, le portrait d'Achille Bouis ou celui d'Émile Pouvillon. En 1884, il gagne Paris où il entre dans l'atelier de Falguière, à l'Ecole des Beaux-Arts. Il s'installe en 1884 dans un modeste atelier de l'impasse du Maine.

En 1885 le jeune sculpteur envoie au Salon des Artistes Français la Première Victoire d'Hannibal, pour laquelle il obtient une mention honorable. Épuisé, le sculpteur est hospitalisé. Après une convalescence à Montauban, Bourdelle, convaincu de la vanité de l'enseignement et des prix qui le couronnent, s'éloigne de l'École pour la quitter en 1886, année où il crée l'Amour agonise.

1888 est l'année où apparaît un motif récurrent dans l'oeuvre de Bourdelle : le portrait de Beethoven.

En 1891 le sculpteur expose pour la première fois au Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts. Bourdelle trouve de nouveaux maîtres, qui seront plutôt pour lui des compagnons : il fréquente l'atelier de Dalou, impasse du Maine, entame en 1893 une collaboration avec Rodin rencontré à l'atelier de Falguière. En 1897, la ville de Montauban lui commande le Monument aux Combattants de 1870.

Il fonde avec Rodin en 1900, l'institut Rodin, école libre pour l'enseignement de la sculpture. A la même époque, parmi un nombre grandissant de commandes, il réalise Les Nuées, relief destiné au dessus de scène du Musée Grévin.

Les oeuvres telles que Le Ménage Bourdelle, l'Ouragan, ou M. et Mme Bourdelle par temps d'orage, témoignent de sa vie de couple particulièrement tumultueuse. Félicien Champsaur, Marie Bermond, Jean Moréas, Elie Faure, ou encore Jules Dalou forment son cercle d'amis intimes.

L'année 1902 révèle l'artiste au public : il inaugure le Monument aux morts de Montauban . en 1905 a lieu la première exposition personnelle de Bourdelle à la galerie du fondeur Hébrard. La même année, il expose un Pallas en marbre à la Société Nationale des Beaux-Arts. Il fait de nombreux séjours à l'étranger qui témoignent de l'intérêt qu'il suscite en dehors de son pays : en 1907 il est à Berlin et Genève, en 1908 il est en Pologne comme membre d'un jury pour l'érection d'un monument à Chopin.

Commence alors la période de maturité du sculpteur, son chemin se sépare définitivement de celui de Rodin. Il commence à enseigner en 1909 : donne des cours à l'Académie de la Grande Chaumière - il comptera parmi ses élèves Giacometti et Germaine Richier. Ces années sont aussi celles de la production la plus intense du maître : il réalise en une nuit les projets pour la façade du Théâtre des Champs-Elysées, travaille en même temps au Centaure mourant, à la statue de Carpeaux, au Monument à Auguste Quercy.

 

Bourdelle réalise en 1910 son chef-d'oeuvre : l'Héraklès archer, qui est exposé à la Société Nationale des Beaux Arts, avec le Buste de Rodin. Un an plus tard, Bourdelle présente le plâtre de Pénélope, et termine la maquette du Monument à Mickiewicz. En 1913 s'achève le chantier du Théâtre des Champs-Élysées. Avec ces bas-reliefs et ces frises peintes aux sujets d'inspiration mythologique, Bourdelle réalise son idéal d'un art structural, dans lequel le décor est soumis aux lois de l'architecture. Ses recherches sur le monumental se poursuivent avec la commande du Monument à Alvear, la plus importante qu'il ait jamais reçue, puis en 1919 avec celles du Monument de Montceau-les-Mines et de la Vierge à l'offrande pour la colline de Niederbrück. Jusqu'à la fin de sa vie, Bourdelle élaborera encore de nombreux projets de monuments, mais qu'il n'aura pas le temps de réaliser (monument à Daumier, au Maréchal Foch...).

L'année 1914 est marquée par le succès à la Biennale de Venise et par la présentation du Centaure mourant à la Société Nationale des Beaux-Arts. Son succès est bientôt couronné : en 1919, le sculpteur est promu au rang d'officier de la Légion d'Honneur. Autour de Bourdelle, de nouveaux personnages prennent place : André Suarès, Anatole France, Krishnamurti, Henri Bergson.

Tout en continuant d'exposer à la Société Nationale des Beaux-Arts, Bourdelle fonde en 1920 le salon des Tuileries avec Besnard et Perret. Il expose la Naissance d'Aphrodite au salon des Tuileries, puis en 1925 à l'exposition internationale des Arts Décoratifs (Sapho, Masque de Bourdelle), au Japon, et aux États-Unis. Le bronze du Centaure mourant est présenté au Salon des Tuileries.

Les dernières années de la vie de Bourdelle sont marquées par ses expérimentations autour de la polychromie. Il réalise en 1926 ses premiers essais de sculptures polychromes, la Reine de Saba et Jeune fille de la Roche-Posay.

Alors que La France est présentée au Salon des Tuileries, le Monument à Alvear est inauguré à Buenos-Aires.

Un an avant sa mort, Bourdelle triomphe : la première rétrospective Bourdelle est proposée à l'occasion de l'inauguration du Palais des Beaux-Arts de Bruxelles (141 sculptures et 78 peintures et dessins), le 28 avril 1929, est inauguré, place de l'Alma, le Monument à Mickiewicz.

Le 1er octobre, Bourdelle meurt au Vésinet, chez son ami le fondeur Rudier.

Le talent d'Émile Bourdelle a contribué à pérenniser de nombreux lieux de mémoire :

  • à Montauban, l'artiste façonne le Monument aux Combattants et Défenseurs du Tarn-et-Garonne 1870-1871, puis le Monument à la mémoire des combattants de 1914-1918 .
  • la Victoire du Droit, à l'Assemblée nationale .
  • Héraklès archer dans le Temple du Sport à Toulouse .
  • le Monument de la Pointe de Grave, destiné à commémorer l'entrée en guerre des Etats-Unis en 1917 .
  • le Monument aux Morts de l'école de Saint-Cyr (Coëtquidan), bronze érigé initialement en 1935 à Alger .
  • le moule ayant servi à la réalisation du bronze du Monument des Forces françaises libres .
  • les Figures hurlantes du monument de Capoulet-Junac (Ariège) .
  • la stèle de Trôo (Loir-et-Cher) .
  • le monument de Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire) dont une des faces s'intitule "Le retour du soldat".

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA