Dominique Larrey

1766 - 1842

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Le baron Jean-Dominique Larrey. Portrait. 1804. Par Anne-Louis Girodet de Roussy-Trioson. Source : Insecula.com

Jean-Dominique Larrey (8 juillet 1766 : Baudéan - 25 juillet 1842 : Lyon)

Dominique Larrey est une figure incontournable de l'histoire de la médecine militaire. "Providence des soldats", il est le chirurgien aux 800 opérations lors de la bataille d'Eylau , le créateur des ambulances mobiles.

Né à Baudéan, près de Bagnère-sur-Bigorre, en 1766, dans une famille pyrénéenne protestante, Dominique Larrey est la figure de proue des champs de bataille napoléoniens. Il étudie la médecine à l'Hôpital Lagrave de Toulouse, auprès de son oncle, Alexis Larrey, correspondant de l'Académie Royale de Chirurgie. Il soutient à vingt-ans une thèse sur la carie de l'os puis part pour Paris où son oncle l'a recommandé à Desault, chirurgien de l'Hôtel-Dieu. Il intègre l'École de chirurgie navale de Brest, y apprenant les rudiments de la chirurgie précoce qu'il appliquera sur la frégate La Vigilante."

En 1791, préparant le concours de chirurgien gagnant-maîtrise, il travaille à l'Hôtel national des Invalides sous la protection de Sabatier.

En 1792, il est engagé dans l'armée du Rhin et la suit dans sa campagne d'Allemagne. La bataille de Spire, en septembre 1792, lui permet d'appliquer les principes de la chirurgie navale. Il brave l'interdiction interdisant aux officiers de santé, sur terre, de se tenir à moins d'une lieue des combats et à attendre leur fin pour secourir les blessés.

Il décide alors de remédier à la mauvaise organisation du service de la Santé en créant à Mayence, en 1793, un cours de perfectionnement destiné à ses collègues. À l'Armée du Rhin, le baron chirurgien François Percy crée des ambulances légères, petits caissons sur roues permettant de transporter non seulement des infirmiers mais aussi des civières démontables et pliables.

De retour à Paris, Larrey, son second, imagine d'autres "ambulances volantes", caisses suspendues destinées au transport des blessés, qui permettraient d'enlever les soldats invalides du champ de bataille afin "d'opérer dans les vingt-quatre heures". Jusque-là, les blessés sont abandonnés plusieurs jours sur le champ de bataille, parmi les cadavres, et finalement ramassés par les paysans.

En 1796, Larrey est nommé professeur de chirurgie à l'Hôpital d'Instruction du Val-de-Grâce récemment créé. Homme de terrain, il prend part aux campagnes de la Révolution, du Consulat et de l'Empire. Il fonde l'Ecole de Chirurgie du Caire.

Chirurgien en chef de la Garde consulaire (1800), docteur général du Service de la santé, chirurgien en chef de la Grande Armée, Larrey parcourt l'Europe : en Allemagne, en Espagne, en Autriche. Lors de la bataille d'Eylau (8 février 1807) il pratique huit cent opérations en trois jours. Napoléon Ier lui offre alors son épée, et ne tarde pas à le nommer Commandeur de la Légion d'Honneur. Il est fait baron après Wagram (1809).

Sa pratique de l'amputation a permis de sauver près de trois-quarts des blessés et a évité la propagation du tétanos. Sa présence continue sur les routes et les champs de batailles lui valurent le surnom de "Providence des soldats" lors de la retraite de Russie (1812). L'Empereur, qui écrira à son sujet que c'est "l'homme le plus vertueux que j'aie connu", lui lèguera 100.000 francs.

En 1813, à Lutzen-Bautzen, Dominique Larrey pratique la première expertise médico-légale.

Blessé et fait prisonnier à Waterloo, sur le point d'être fusillé, il est sauvé par un officier prussien, Blücher, dont il avait jadis soigné le fils.

Libéré à la paix, il est inquiété sous la Restauration, mais reçoit finalement confirmation de son titre de baron en 1815. Il est membre de la première promotion de l'Académie de Médecine en 1820, membre de l'Institut en 1829.

Dominique Larrey est mort à Lyon, au retour d'une inspection en Algérie, en 1842, âgé de 76 ans.

 

Sources : Médecine et Armées, 27/8, 1999 et perso.wanadoo.fr/claude.larronde/billet-Chirurgien.html

Jean-Marie de Lattre de Tassigny

1889-1952

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Portrait du maréchal de Lattre de Tassigny. Source : www.lesfeuillants.com/Vivre/site_150eme/p7.htm

 

Né le 2 février 1889 à Mouilleron-en-Pareds en Vendée d'une vieille famille aristocratique des Flandres françaises, Jean-Marie de Lattre de Tassigny reçoit une éducation de qualité au collège Saint Joseph de Poitiers.

 

Carrière militaire

De 1898 à 1904 il prépare l'École navale et Saint-Cyr où il est reçu en 1908. Il effectue ses classes au 29e Dragons à Provins. Il est élève de Saint-Cyr de 1909 à 1911, dans la promotion « Maurétanie » où il en sort 4e de promotion. Il entre en 1911 à l'école de cavalerie à Saumur. En 1912 il est affecté dans le 12e Dragons à Pont-à-Mousson puis sur le front.

Pendant la Première Guerre mondiale il est capitaine du 93e régiment d'infanterie et termine la guerre avec 4 blessures et 8 citations. Il est ensuite affecté au 49e régiment d'infanterie de 1919 à 1921 à Bayonne.

En 1921 il est envoyé au Maroc dans le 3e bureau et dans l'état-major de la région de Taza jusqu'en 1926. De 1927 à 1929 il suit les cours de l'école de guerre avec la 49e promotion.

Il se marie avec Simone de Lamazière en 1927 et obtient d'elle un fils en 1928.

En 1929 il devient chef de bataillon au 5e régiment d'infanterie à Coulommiers.

En 1932 il est promu à l'état-major de l'armée puis à celui du général Maxime Weygand, vice-président du Conseil Supérieur de la Guerre au titre de lieutenant-colonel. En 1935 il devient colonel, commandant le 151e régiment d'infanterie à Metz. Entre 1937 et 1938 il suit des cours au centre des hautes études militaires et devient en 1938 chef d'état-major du gouverneur de Strasbourg.

 

Seconde guerre mondiale

Promu général de brigade le 23 mars 1939 il est chef d'état-major de la 5e armée le 2 septembre 1939.

Le 1er janvier 1940 il prend le commandement de la 14e division d'infanterie qu'il commande pendant les affrontements avec la Wehrmacht à Rethel, où sa division résiste héroïquement, jusqu'à la Champagne et l'Yonne, et conserve miraculeusement sa cohésion militaire au milieu du chaos de la débâcle.

De juillet 1940 à septembre 1941, il est adjoint au général commandant la 13e région militaire à Clermont-Ferrand puis devient général de division commandant des troupes de Tunisie jusqu'à la fin 1941. Par la suite il commande la 16e division à Montpellier et est promu général de corps d'armée.

Lorsque la zone libre est envahie par les troupes allemandes il refuse l'ordre de ne pas combattre et est arrêté. Il est condamné à 10 ans de prison par le tribunal d'État de la section de Lyon. Parvenant à s'évader de la prison de Riom le 3 septembre 1943 il rejoint Londres puis Alger où il arrive le 20 décembre 1943 après avoir été promu au rang de général d'armée le 11 novembre 1943 par le général de Gaulle.

En décembre 1943 il commande l'armée B, qui devient la première armée française. Il débarque en Provence le 16 août 1944, prend Toulon et Marseille, remonte la vallée du Rhône, puis le Rhin, libère l'Alsace, et entre en Allemagne jusqu'au Danube. Il représenta la France à la signature de l'armistice du 8 mai 1945 à Berlin au quartier général du Maréchal Joukov.

 

Après la guerre

Entre décembre 1945 et mars 1947, il est inspecteur général et chef d'état-major général de l'armée. En mars 1947 il est inspecteur général de l'armée, puis inspecteur général des forces armées.

D'octobre 1948 à décembre 1950, il est commandant en chef des armées de l'Europe occidentale à Fontainebleau.

Il devint haut-commissaire et commandant en chef en Indochine et commandant en chef en Extrême-Orient (1950-1952) et met sur pied une armée nationale vietnamienne.

Épuisé par le surmenage auquel il s'est astreint tout au long de sa carrière et que n'a pas arrangé sa blessure reçue en 1914, très affecté par la mort de son fils Bernard, tué au cours de la campagne d'Indochine, et atteint d'un cancer, il meurt à Paris le 11 janvier 1952 des suites d'une opération.

Il est élevé à la dignité de maréchal de France, à titre posthume, lors de ses funérailles le 15 janvier 1952. Il est inhumé dans son village natal de Mouilleron-en-Pareds.

 

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Aristide Maillol

1861 - 1944

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Portrait d'Aristide Maillol. Source : user.chollian.net

 

Maillol est né à Banyuls-sur-Mer, (Pyrénées-Orientales), dans le Roussillon, en 1861. Il étudie au lycée Saint-Louis de Gonzague de Perpignan avant de venir étudier à Paris en 1882 où il fréquente le cours de Jean-Léon Gérôme, et, à partir de 1885, l' École nationale supérieure des Beaux-Arts. Il y suit l'enseignement d'Antoine Bourdelle, qui l'accueille en 1889 alors qu'il est en proie à des difficultés financières.

Il rencontre Paul Gauguin en 1892 qui l'encourage à poursuivre ses études. La même année, visitant le musée de Cluny, il découvre les arts décoratifs, techniques et styles qui ne cesseront de l'influencer toute sa vie. En 1890, il se tourne vers la tapisserie et crée un atelier de tissage à Banyuls. En 1894, après un an passé en Italie, il s'oriente vers la sculpture.

Il se fait connaître en exposant ses premières oeuvres en 1897 à la société nationale des Beaux-Arts, ce qui lui permet de trouver un mécène deux ans plus tard en la personne de la princesse Bibesco.

Du 15 au 30 juin 1902, il organise sa première grande exposition à la galerie Vollard (Paris). La carrière de l'artiste débute alors : en 1905, La Méditerranée connaît un franc succès au salon d'automne de Paris - il en fera don à la ville de Perpignan. En 1908, il exécute le très contesté (en raison de la nudité du personnage) Monument d'Auguste Blanqui, pour le compte de la commune de Puget-Théniers - mais ce ne sera qu'en 1923 que Maillol honorera sa première commande d'Etat : une Méditerranée en marbre (Musée d'Orsay). L'année suivante, le Comte Harry Kessler, son plus important protecteur, lui commande Le Désir et Le Cycliste, pendant que le collectionneur russe Ivan Morozov lui demande Les Quatre saisons. La première exposition Maillol à l'étranger se déroule à Rotterdamer Kunstring (Pays-Bas) dès 1913, précédant de douze ans une exposition outre-Atlantique à Buffalo.

Éprouvé par la Première Guerre mondiale, il réalise gratuitement dans l'Entre-Deux-Guerres quatre monuments commémoratifs : à Elne en 1921, à Céret en 1922, à Port-Vendres en 1923 et à Banyuls-sur-Mer en 1933.

Bon représentant de l'école des Nabis, Maillol accorde toute la primauté au traitement esthétique au détriment du rapport à l'histoire. Sur le monument de Banyuls, il traite le sujet au moyen d'un triptyque : Guerrier mourant ou Immolation, L'épouse et la mère ou la Consolation, Les trois jeunes filles ou le Deuil. Ses figures, en relief, sont massives. Celle du soldat, disproportionnée par rapport au reste de la composition, est représentée grandeur nature afin de résister à l'épreuve du temps. Les deux autres tableaux sont organisées sur le modèle de la frise des Panathénées : les personnages tels des kouroi attiques, thorax de face et jambes de profil, se succèdent en se superposant les uns aux autres.

Le sculpteur rencontre Dina Vierny, fille d'un révolutionnaire ukrainien, en 1934, qui sera son modèle pendant dix ans. En hommage à Henri Barbusse, Maillol façonne La Rivière en 1939 , avant de se retirer à Banyuls-sur-Mer, au moment de la déclaration de guerre.

Victime d'un accident de voiture alors qu'il revient de rendre visite à Raoul Dufy à Vernet-les-Bains, il décède le 27 septembre 1944, laissant inachevée sa dernière oeuvre, Harmonie.

 

Source : Cahn I., L'ABCdaire de Maillol, Paris, Flammarion, 1999 - Les monuments aux morts de la Grande Guerre, Paris, M.P.C.I.H., 1991 - Lorquin B., Aristide Maillol, Paris, Editions du Seuil, 2005

Gabrielle Petit

1893-1916

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Portrait de Gabrielle Petit. Source : www.ww1-propaganda-cards.com

Condamnée à mort par les Allemands en 1916 pour espionnage, diffusion de presse clandestine et participation à des exfiltrations de soldats, Gabrielle Petit, "Gaby", est une figure emblématique du combat des femmes belges lors de la Première Guerre mondiale.

Gabrielle Aline Eugénie Marie Petit est née dans une modeste famille de Tournai. Elle est mise en demi-pension à l'âge de cinq ans dans un couvent d'Ath en raison de la maladie de sa mère, qui décède rapidement. Gabrielle et sa soeur Hélène sont placées chez les Dames du Sacré Coeur, à Mons, où leur père les abandonne. Les fillettes sont recueillies par un cousin qui les confie aux soeurs de l'Enfant Jésus, à Brugelette, où les deux fillettes trouvent l'épanouissement intellectuel et affectif nécessaire. Gabrielle, alors âgée de dix-sept ans, doit retourner vivre sous le toit paternel, à la demande de ce dernier. La difficile cohabitation prend fin au bout de quelques mois. Les jeunes femmes décident de mener leur vie à Bruxelles où Hélène trouve une place de gouvernante à sa soeur chez Mme Butin.

Lors de la déclaration de guerre, Gabrielle Petit a vingt et un ans. Elle est fiancée à un soldat de métier, Maurice Gobert, rencontré deux ans plus tôt. Celui-ci est blessé à Hofstade (près de Liège). Détenu par les Allemands, il s'échappe et rejoint Gaby qui, de son côté, côtoie le front au sein de la Croix-Rouge de Molenbeeck-Saint-Jean. Le couple, coupé des armées belges, doit alors se cacher pour tenter de passer la frontière hollandaise.

De retour en Belgique, elle s'engage dans les services secrets. Elle suit un entraînement au Royaume-Uni, en juillet 1915, et devient rapidement une espionne reconnue. Devenue Mlle Legrand, elle travaille dans le secteur d'Ypres à Maubeuge, séjourne parmi les troupes ennemies, multipliant les fausses identités, collecte des informations sur les mouvements des troupes allemandes, les points stratégiques, l'état de l'armement et du réseau ferroviaire pour le compte des alliés. Elle s'occupe aussi de distribuer la presse clandestine (La Libre Belgique), de diriger un réseau parallèle de distribution de courrier aux soldats captifs, et de faire passer la frontière hollandaise aux soldats bloqués derrière les lignes allemandes.

Cependant, les services de contre-espionnage allemands, à l'automne 1915, intensifient leurs actions. Gabrielle Petit, déjà soupçonnée quelques mois plus tôt, est mise sous surveillance. Elle échappe une première fois à ses poursuivants dans les ruelles de Molenbeek. Arrêtée à Hasselt, elle s'enfuit à nouveau de l'auberge où elle est détenue. L'étau se resserre en décembre. Les services allemands arrêtent et remplacent le courrier de son réseau par un traître hollandais qui, pendant plus d'un mois, porte les messages à la Kommandantur. Méfiante, Gaby ne laisse aucun indice permettant de découvrir les membres de son équipe.

Elle est arrêtée le 20 janvier 1916 par le policier Goldschmidt et mise au secret pendant cinq jours à la Kommandantur. Ni son interrogatoire, ni la fouille destructrice de son appartement n'apportent de preuves. La détenue est alors transférée le 2 février à la prison Saint-Gilles (Bruxelles). Là, résistant à la rudesse des interrogatoires et des conditions d'internement, elle fait innocenter la famille de sa logeuse, Mme Collet, et met en place un système d'approvisionnement et de communication pour les détenues. Elle refuse de trahir ses compagnons en échange de la clémence des juges.

Le 3 mars 1916, Gabrielle Petit est condamnée à mort. Sa soeur, dès le 8 mars, tente un recours en grâce, rédigé par M. Marin, directeur de la prison Saint-Gilles, et appuyé par la nonciature apostolique et la légation d'Espagne, auprès de la Kommandantur qui demeure inflexible. Le premier avril, la sentence est exécutée au Tir national (commune de Schaarbeek). Son corps est inhumé sur les lieux de l'exécution. Ne bénéficiant pas de la notoriété d'une Louise de Brettignies ou d'une Edith Cavell, son exécution reste ignorée de l'opinion publique jusqu'en 1919 où, elle reçoit les honneurs de son rang lors d'une cérémonie nationale présidée par la reine Elisabeth, le Cadinal Mercier et le Premier ministre, M. Delacroix. Le 27 mai, son corps est exhumé et exposé deux jours durant dans la salle des Pas-Perdus de l'Hôtel communal, avant d'être enterré dans le cimetière de la ville de Schaarbeek.

Une statue lui est dédiée à Bruxelles ainsi qu'une place à Tournai.

 
Sources : Louise de Bettignies et les femmes qui firent la guerre. Commémoration de l'année 1916, CDIHP du Nord. Ministère des anciens combattants et victimes de guerre
Thébaud Françoise, La femme au temps de la guerre de 14, Paris, Stock, 1986

Henry Frenay

1905-1988

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Henry Frenay. Source : Photo Ordre national de la Libération

Henri Frenay est né le 19 novembre 1905 à Lyon. Son père est officier, ses deux fils le seront. Henri Frenay appartient à cette génération qui célèbre la France victorieuse de 1918 et voue une haine terrible à l'Allemagne.

Il entre à Saint-Cyr de 1924 à 1926. De 1926 à 1929, il sert en métropole. A partir de 1929, il est affecté en Syrie et retourne en métropole en 1933.

C'est vers 1935 qu'Henri Frenay va faire une rencontre déterminante dans sa vie : Berty Albrecht, femme exceptionnelle, grande figure du féminisme qui oeuvre à la défense des droits de l'Homme. Elle participe à l'accueil des premiers bannis de Hitler. Par elle, Henri Frenay découvre un autre milieu et surtout la réalité de la menace nazie et comprend que cette idéologie est plus qu'un avatar du pangermanisme. C'est probablement pourquoi il décide, après l'Ecole de guerre, de partir, de 1937 à 1938, pour Strasbourg, au centre des Hautes études germaniques pour observer de près la doctrine national-socialiste et son application en Allemagne. Il comprend que la guerre est inéluctable, que c'est une guerre de civilisation qui ne ressemblera pas à la Première.

Le résistant

À la déclaration de guerre, le capitaine Frenay est affecté à Ingwiller. Fait prisonnier, il parvient à s'évader.

Dès juillet 1940, refusant la défaite, il écrit un manifeste, premier appel à la lutte armée. En décembre 1940, il est affecté à Vichy où il fait un bref séjour au service des renseignements, puis démissionne de l'armée en février 1941.

Il entre dans la clandestinité pour se consacrer exclusivement au développement de l'organisation de la Résistance qu'il a imaginée dès l'été 1940. Berty Albrecht retrouve Frenay à Vichy puis à Lyon. Ils deviennent inséparables jusqu'à la mort de Berty en 1943.

Frenay organise les premiers recrutements parmi ceux qui, comme lui, refusent l'armistice. Il publie des bulletins puis des journaux clandestins (les Petites Ailes ou Vérités) qui montrent une certaine confiance en Pétain et une croyance dans le possible double jeu de Vichy. Au même moment il rencontre pour la première fois Jean Moulin qui recueille auprès de lui ses informations sur la résistance et qu'il rapportera à de Gaulle à Londres.

Henri Frenay fonde ensuite le Mouvement de libération nationale (MLN) et édite le journal Vérités à partir de septembre 1941 avec l'aide de Berty Albrecht. En novembre, il rencontre l'universitaire François de Menthon qui dirige le mouvement Liberté, éditant un journal du même nom. De la fusion du MLN et de Liberté naît le mouvement Combat et son journal du même nom. Il devient vite le mouvement le plus grand et le plus structuré de la zone occupée.

Dès juin 1942, Frenay est recherché par la police de Vichy. A l'été 1942, Combat tire à 100 000 exemplaires. Ce développement rapide s'est effectué sans aucune aide de la France de Londres que Frenay regarde avec une grande circonspection. Il faut attendre mars 1942 pour que le journal Combat proclame son allégeance au symbole que représente de Gaulle et condamne la politique de Pétain.

Le 1er octobre, Frenay est à Londres pour signer son ralliement à de Gaulle.

Grâce aux fonds fournis par Jean Moulin, Combat peut financer ses cadres et se développer. Persuadé de l'importance de former la résistance à la lutte armée, Frenay met en place les premières cellules de l'armée secrète et les premiers groupes francs durant l'année 1942. En 1943, sous l'impulsion de Jean Moulin sont créés les Mouvements Unis de Résistance (MUR) qui unifient les principaux mouvements de la zone sud : Combat, Libération et Franc-Tireur. Frenay est alors membre du Comité directeur des MUR.

Pourtant les deux hommes vont se heurter. L'indépendance de Frenay, forte d'une légitimité qui ne doit rien à personne, tolère mal la tutelle financière et politique de Londres et l'espèce de fonctionnarisation progressive imposée à la Résistance intérieure. Frenay a créé le plus grand mouvement structuré, l'Armée secrète et le NAP (noyautage des administrations publiques); il a favorisé la création des MUR. Mais Frenay est opposé à la reconstitution des partis politiques que Moulin veut intégrer dans le Conseil national de la Résistance. De plus il critique l'idée d'une séparation du politique et du militaire, au nom de l'indépendance et aussi de l'idée de l'insurrection nationale.

Le général de Gaulle lui demande d'entrer au Comité français de Libération nationale d'Alger. Frenay devient commissaire aux prisonniers, déportés, et réfugiés, c'est-à-dire ministre. Il le restera lorsque ce gouvernement s'installera à Paris, après la Libération. Cette mission périlleuse le conduira à gérer dans l'urgence le gigantesque problème du retour des Français dispersés dans l'Europe nazifiée.

En mars 1945, 20 000 personnes sont accueillis, puis en avril 313 000, en mai 900 000 et en juin 276 000. En juillet, le ministère considère le rapatriement comme terminé.

En novembre 1945, il est l'initiateur de ce qui deviendra le Mémorial de la France combattante au Mont Valérien avant de démissionner de son poste.

L'Européen

Profondément déçu de voir les anciens partis politiques s'enfermer dans un débat interne, Frenay épouse la cause du fédéralisme européen.

Dans ses articles de Combat, Frenay rêve d'une Europe réconciliée avec elle-même et avec l'Allemagne.

Président de l'Union européenne des Fédéralistes, créée en 1946, il va tout faire pour convaincre les gouvernements de l'époque d'abandonner le cadre de l'Etat-Nation, d'établir une monnaie unique et de construire une armée européenne.Au retour du général de Gaulle au pouvoir en 1958, Frenay comprend que son rêve prend fin. Il abandonne tout engagement "citoyen" pour se consacrer à la rédaction de ses souvenirs de résistant. 

Ce sera le très beau livre "La Nuit" qui finira publié en 1973. A l'occasion de cette parution, il croit découvrir les causes profondes de la rivalité qu'il a eue avec Jean Moulin. Jusqu'à sa mort,en 1988, plus guidé par son ressentiment que par la recherche de la vérité, il ne va cesser d'accuser Jean Moulin d'être un "crypto-communiste" qui aurait trahi de Gaulle et la Résistance. Ce sera un combat douteux, le combat de trop. La mémoire collective ne lui pardonnera pas.

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

Émile Bourdelle

1861 - 1929

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Bourdelle modelant.
Source : Musée Bourdelle

Émile Antoine Bourdelle naît à Montauban, le 30 octobre 1861, d'Antoine Bourdelle, menuisier-huchier, qui l'initiera au travail des matériaux dès l'âge de treize ans, et d'une mère qui lui enseignera les valeurs essentielles d'une vie simple et rustique.

Sa statuette de faune ornant un bahut est remarquée par deux personnalités locales, Hyppolite Lacaze et Émile Pouvillon qui l'encouragent à suivre les cours de l'école municipale de dessin alors dirigée par Achille Bouis.

En 1876, Bourdelle obtient une bourse pour les Beaux-Arts de Toulouse. Il met à profit la solitude de ses années d'étude pour réaliser ses premiers chefs-d'oeuvre : les trois Têtes d'enfants, le portrait d'Achille Bouis ou celui d'Émile Pouvillon. En 1884, il gagne Paris où il entre dans l'atelier de Falguière, à l'Ecole des Beaux-Arts. Il s'installe en 1884 dans un modeste atelier de l'impasse du Maine.

En 1885 le jeune sculpteur envoie au Salon des Artistes Français la Première Victoire d'Hannibal, pour laquelle il obtient une mention honorable. Épuisé, le sculpteur est hospitalisé. Après une convalescence à Montauban, Bourdelle, convaincu de la vanité de l'enseignement et des prix qui le couronnent, s'éloigne de l'École pour la quitter en 1886, année où il crée l'Amour agonise.

1888 est l'année où apparaît un motif récurrent dans l'oeuvre de Bourdelle : le portrait de Beethoven.

En 1891 le sculpteur expose pour la première fois au Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts. Bourdelle trouve de nouveaux maîtres, qui seront plutôt pour lui des compagnons : il fréquente l'atelier de Dalou, impasse du Maine, entame en 1893 une collaboration avec Rodin rencontré à l'atelier de Falguière. En 1897, la ville de Montauban lui commande le Monument aux Combattants de 1870.

Il fonde avec Rodin en 1900, l'institut Rodin, école libre pour l'enseignement de la sculpture. A la même époque, parmi un nombre grandissant de commandes, il réalise Les Nuées, relief destiné au dessus de scène du Musée Grévin.

Les oeuvres telles que Le Ménage Bourdelle, l'Ouragan, ou M. et Mme Bourdelle par temps d'orage, témoignent de sa vie de couple particulièrement tumultueuse. Félicien Champsaur, Marie Bermond, Jean Moréas, Elie Faure, ou encore Jules Dalou forment son cercle d'amis intimes.

L'année 1902 révèle l'artiste au public : il inaugure le Monument aux morts de Montauban . en 1905 a lieu la première exposition personnelle de Bourdelle à la galerie du fondeur Hébrard. La même année, il expose un Pallas en marbre à la Société Nationale des Beaux-Arts. Il fait de nombreux séjours à l'étranger qui témoignent de l'intérêt qu'il suscite en dehors de son pays : en 1907 il est à Berlin et Genève, en 1908 il est en Pologne comme membre d'un jury pour l'érection d'un monument à Chopin.

Commence alors la période de maturité du sculpteur, son chemin se sépare définitivement de celui de Rodin. Il commence à enseigner en 1909 : donne des cours à l'Académie de la Grande Chaumière - il comptera parmi ses élèves Giacometti et Germaine Richier. Ces années sont aussi celles de la production la plus intense du maître : il réalise en une nuit les projets pour la façade du Théâtre des Champs-Elysées, travaille en même temps au Centaure mourant, à la statue de Carpeaux, au Monument à Auguste Quercy.

 

Bourdelle réalise en 1910 son chef-d'oeuvre : l'Héraklès archer, qui est exposé à la Société Nationale des Beaux Arts, avec le Buste de Rodin. Un an plus tard, Bourdelle présente le plâtre de Pénélope, et termine la maquette du Monument à Mickiewicz. En 1913 s'achève le chantier du Théâtre des Champs-Élysées. Avec ces bas-reliefs et ces frises peintes aux sujets d'inspiration mythologique, Bourdelle réalise son idéal d'un art structural, dans lequel le décor est soumis aux lois de l'architecture. Ses recherches sur le monumental se poursuivent avec la commande du Monument à Alvear, la plus importante qu'il ait jamais reçue, puis en 1919 avec celles du Monument de Montceau-les-Mines et de la Vierge à l'offrande pour la colline de Niederbrück. Jusqu'à la fin de sa vie, Bourdelle élaborera encore de nombreux projets de monuments, mais qu'il n'aura pas le temps de réaliser (monument à Daumier, au Maréchal Foch...).

L'année 1914 est marquée par le succès à la Biennale de Venise et par la présentation du Centaure mourant à la Société Nationale des Beaux-Arts. Son succès est bientôt couronné : en 1919, le sculpteur est promu au rang d'officier de la Légion d'Honneur. Autour de Bourdelle, de nouveaux personnages prennent place : André Suarès, Anatole France, Krishnamurti, Henri Bergson.

Tout en continuant d'exposer à la Société Nationale des Beaux-Arts, Bourdelle fonde en 1920 le salon des Tuileries avec Besnard et Perret. Il expose la Naissance d'Aphrodite au salon des Tuileries, puis en 1925 à l'exposition internationale des Arts Décoratifs (Sapho, Masque de Bourdelle), au Japon, et aux États-Unis. Le bronze du Centaure mourant est présenté au Salon des Tuileries.

Les dernières années de la vie de Bourdelle sont marquées par ses expérimentations autour de la polychromie. Il réalise en 1926 ses premiers essais de sculptures polychromes, la Reine de Saba et Jeune fille de la Roche-Posay.

Alors que La France est présentée au Salon des Tuileries, le Monument à Alvear est inauguré à Buenos-Aires.

Un an avant sa mort, Bourdelle triomphe : la première rétrospective Bourdelle est proposée à l'occasion de l'inauguration du Palais des Beaux-Arts de Bruxelles (141 sculptures et 78 peintures et dessins), le 28 avril 1929, est inauguré, place de l'Alma, le Monument à Mickiewicz.

Le 1er octobre, Bourdelle meurt au Vésinet, chez son ami le fondeur Rudier.

Le talent d'Émile Bourdelle a contribué à pérenniser de nombreux lieux de mémoire :

  • à Montauban, l'artiste façonne le Monument aux Combattants et Défenseurs du Tarn-et-Garonne 1870-1871, puis le Monument à la mémoire des combattants de 1914-1918 .
  • la Victoire du Droit, à l'Assemblée nationale .
  • Héraklès archer dans le Temple du Sport à Toulouse .
  • le Monument de la Pointe de Grave, destiné à commémorer l'entrée en guerre des Etats-Unis en 1917 .
  • le Monument aux Morts de l'école de Saint-Cyr (Coëtquidan), bronze érigé initialement en 1935 à Alger .
  • le moule ayant servi à la réalisation du bronze du Monument des Forces françaises libres .
  • les Figures hurlantes du monument de Capoulet-Junac (Ariège) .
  • la stèle de Trôo (Loir-et-Cher) .
  • le monument de Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire) dont une des faces s'intitule "Le retour du soldat".

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

Edgar Faure

1908-1988

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Portrait d'Edgar Faure. Source : www.edgarfaure.fr

Fils d'un médecin militaire, Edgar Faure naît le 18 août 1908 à Béziers et parcourt la France au gré des affectations de son père. Il étudie ainsi aux collèges de Verdun et Narbonne, aux lycées Janson de Sailly et Voltaire, à Paris. Bachelier à quinze ans, sa curiosité le conduit à s'intéresser à divers domaines. Il est agrégé des facultés de droit et diplômé de russe de l'Ecole des langues orientales. Il devient avocat à la Cour de Paris dès 1929 . il est alors le plus jeune avocat de France. Sa passion pour la politique le fait côtoyer un temps l'Action française avant de rejoindre la mouvance radical-socialiste. Il écrit et publie à la même époque plusieurs romans policiers sous le pseudonyme d'Edgar Sanday. En 1931 Edgar Faure épouse Lucie Meyer, fondatrice avec Raymond Aron de la revue La Nef.

En 1942, craignant les mesures d'exclusion du régime de Vichy, il rejoint Louis Joxe et Pierre Mendès-France à Alger où il dirige les services législatifs de la présidence du Comité français de libération nationale puis le secrétariat général adjoint du Gouvernement provisoire à Alger en juin-juillet 1944. De retour à Paris il travaille auprès de Pierre Mendès-France au ministère de l'économie. Après la démission de ce dernier, Edgar Faure accepte de remplacer Paul Coste-Floret comme délégué adjoint du ministère public au Tribunal militaire international de Nuremberg en 1945.

En octobre 1945, Edgar Faure se lance dans une carrière politique : il est député radical-socialiste du Jura de 1946 à 1958, député du Doubs de 1967 à 1980 et sénateur du Doubs de 1981 jusqu'à sa mort en 1988, président de l'Assemblée nationale de 1973 à 1978, président du conseil de la région Franche-Comté de 1974 à 1981 et de 1982 à 1988, président du conseil général du Jura de 1949 à 1967, maire de Port-Lesney (Jura) de 1947 à 1970 et de 1983 à 1988, maire de Pontarlier de 1971 à 1977 et sénateur du Jura, de 1959 à 1966, président du Comité d'expansion économique de Franche-Comté et du territoire de Belfort (1951), puis de la Commission de développement économique régionale de Franche-Comté entre 1964 et 1973.

En parallèle à son activité parlementaire, littéraire et professorale, à la Faculté de droit de Dijon, Edgar Faure occupe de nombreux postes ministériels : il est à plusieurs reprises président du Conseil (1952, 1955-1956), ministre des Finances (1949-1951, 1953, 1958), de la Justice (1951), des Affaires étrangères (1955), de l'Agriculture (1966-1968), de l'Education nationale (1968-1969) et des Affaires sociales (1972-1973). Il est aussi représentant à l'Assemblée des communautés européennes de 1979 à 1984.

Son action au gouvernement se résume en trois points : la réforme de l'économie et le redressement des comptes publics, la construction européenne et le renforcement diplomatique de la France, la politique coloniale française en Afrique du Nord.

En matière budgétaire, Edgar Faure est à l'origine d'une proposition de résolution invitant le gouvernement à prévoir la possibilité d'octroi par la Banque de France d'avances sur délégation des titres de l'emprunt (15 janvier 1948), ainsi que de l'assainissement des finances publiques en adossant le budget de l'Etat de 1950 au plan de redressement Mayer. Aussi, lors de sa première législature, en 1952, il forme un gouvernement, qualifié par la presse d'"Ali Baba et de ses quarante voleurs", qui réforme les entreprises nationalisées, fait voter, le 28 février 1952, l'échelle mobile des salaires, avant de démissionner le lendemain en raison du refus de l'Assemblée d'augmenter les impôts. Ministre des Finances et des affaires économiques sous le gouvernement Laniel, il propose, le 4 février 1954, un plan d'expansion de dix-huit mois. Lors de sa seconde législature, il obtient, en mars 1955, les pouvoirs spéciaux en matière économique, ce qui lui permet de faire face à la contestation sociale des poujadistes.

Sur le plan international, Edgar Faure mène campagne en 1952 pour la communauté européenne de défense (C.E.D.) et parvient à se maintenir au gouvernement en dépit de l'hostilité de l'Assemblée quant à ses conceptions de la France et de l'Europe. Il règle en 1954 le dossier indochinois, et, alors que le projet d'une C.E.D. est abandonné, promeut, à Messine, l'idée d'une communauté européenne de l'atome et d'une communauté économique européenne. Témoin d'un monde bipolaire et d'une politique étrangère française indépendante, il est l'artisan de l'établissement de relations diplomatiques avec l'U.R.S.S. et la Chine.

La question de l'Afrique du Nord imprègne ses passages à la tête du gouvernement et fait ressortir l'ambiguïté et les contradictions du personnage. En 1952, afin de calmer la situation en Tunisie, il renforce la présence militaire dans le pays tout en parlant d'"autonomie interne", puis mandate François Mitterrand, alors ministre d'Etat, pour proposer un plan de réformes auxquelles les colons sont hostiles. En 1955, Edgar Faure résout partiellement le conflit en Afrique du Nord en établissant, en mai, les conventions franco-tunisiennes qui accordent l'autonomie interne à la Tunisie et en libérant Habib Bourguiba. Dans le même esprit, il forme au Maroc, suite à la conférence d'Aix-les-Bains, un Conseil du Trône présidé par Mohammed V, de retour d'exil en novembre 1955. A contrario, c'est aussi sous sa législature que le conflit algérien dégénère en guerre civile. Les massacres du Constantinois du 21 août 1955 accentuent l'antinomie entre les communautés. Edgar Faure y répond en envoyant des troupes supplémentaires et en déclarant l'état d'urgence.

Le serviteur de l'État est élu à l'Académie française , le 8 juin 1978, au fauteuil d'André François-Poncet et est reçu sous la coupole le 25 janvier 1979 par le duc de Castries. C'est l'homme de culture et de tradition républicaine qui est admis à siéger dans le cénacle des Immortels. Il est auteur notamment de Pascal, le procès des Provinciales (1931), Le Serpent et la Tortue (1957), La politique française du pétrole (1961), La disgrâce de Turgot (1961), Pour un nouveau contrat social (1973), La banqueroute de Law (1977), Mémoires (1983-1984). Porteur d'une vision de l'histoire, il présente, à la suite de la loi n°46-936 du 7 mai 1946 votée par l'Assemblée du Gouvernement provisoire, une proposition de loi (20 avril 1948) visant à commémorer à date fixe le 8 mai 1945 afin de répondre au souhait des associations de déportés et d'anciens combattants de voir la victoire célébrée à son jour anniversaire. Ministre de l'Éducation nationale après les événements de mai 1968, il répond aux revendications estudiantines par une loi d'orientation sur l'enseignement supérieur, dite "Loi Faure". Le texte qui parait au Journal Officiel le 13 novembre 1968, institue la participation de l'État dans l'Université.

 

Sources : Dictionnaire des parlementaires français 1940-1958, tome 4, Paris - La Documentation française, 2001, pp. 41-44 - Mourre, Michel, Dictionnaire encyclopédique d'histoire, Paris, Bordas, 1996 (1978), pp. 2106-2107

Jean Errard

1554 - 1610

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Jean Errard. Photo : Musée Barrois / Bar-le-Duc

Jean Errard est un protestant natif de Bar-le-Duc. Après des études de mathématique et de géométrie, il est formé par des ingénieurs italiens au service du duc de Lorraine, Charles III, chez qui il entre en 1580. En 1583, il reçoit de ce dernier une somme d'argent pour publier des livres (notamment le premier livre des instruments mathématiques mécaniques) . Son protecteur se ralliant à la Ligue, Errard doit quitter la Lorraine en 1584, pour se réfugier dans la principauté calviniste de Sedan, au service des la Marck, ducs de Bouillon, où il reçoit le titre d'ingénieur du prince de Sedan. Il y poursuit les travaux de l'enceinte urbaine bastionnée, puis part en 1587 à Jametz, les Sedanais ayant décidé de mettre la place en état de défense. Assiégés par les troupes lorraines de Charles III à la fin de 1587, Sedan capitule le 24 juillet 1589. Jean Errard s'y réfugie alors.

Rendu célèbre par sa longue défense de Jametz (six mois), la réputation d'Errard parvient à Henri IV, nouvellement couronné, qui l'appelle à son service. Il accompagne alors le souverain dans les différentes campagnes menées pour reconquérir son royaume, s'occupe des opérations de siège, construit des bastions et édifie de nouvelles fortifications.

Il devient ingénieur des fortifications picardes et d'Île-de-France. Henri IV le charge de remettre en état la défense de la plupart des places fortes. Le roi lui donne le titre de Premier Ingénieur, l'admet au conseil royal et l'anoblit en 1599. Il construit les citadelles d'Amiens et de Verdun, modifie les places de Doullens dans la Somme, de Montreuil (Pas-de-Calais), Sedan, ainsi que Sisteron où la face et le flanc du bastion forment un angle droit.

Jean Errard est ainsi le premier à appliquer en France le principe de la fortification bastionnée et à en exposer les principes. Ses travaux lui valent le qualificatif de "père de la fortification française". La géométrie conditionne sa pensée stratégique : Errard y explique tous les procédés qui permettent de tracer sur le terrain les différents polygones, réguliers ou irréguliers, indispensables pour bien fortifier une place.

La règle majeure de son oeuvre théorique réside dans le fait que la défense d'une place doit reposer davantage sur l'infanterie que sur l'artillerie, dont le feu à son époque n'est pas efficace de face.

Son système se compose de bastions, pouvant accueillir deux cents fantassins, tirant de face, et larges d'environ 70 mètres. Ils sont flanqués de batteries d'artillerie, de 30 mètres de large - le principe des ouvrages avancés inspirera Vauban.

Ses plans prévoient des chemins couverts pour défendre les glacis (notion de "défilement"), ainsi que des demi-lunes entre les bastions pour protéger les portes courtines (notion de "flanquement"). Le principal inconvénient de ce système défensif est de présenter des bastions dont le plan à angles trop aigus ne présentent pas toutes les garanties de sécurité pour les assiégés.

Les principes théoriques d'Errard inspirent les travaux de l'ingénieur Jean Sarrazin, du Chevalier Deville (1595-1656), qui affine la notion de flanquement et divise le chemin couvert, et Blaise Pagan (1607-1667), inspirateur de Vauban, promoteur de la demi-lune (évolution de la barbacane), pour qui le bastion résulte du tracé sinueux brisé de l'enceinte.

Ingénieur, Jean Errard travaille aux questions d'hydraulique. En 1594, il conçoit un système de transformation de l'énergie produite par une roue à eau au moyen d'une tige, évitant les problèmes liés au reflux du courant. Il élabore en 1600 les plans d'un système de commande par chaînes pour les pompes à eau, repris par Arnold Deville.

Errard est l'auteur du Premier Livre des instruments mathématiques et mécaniques, paru à Nancy en 1583, et de La Géométrie et pratique générale d'icelle, (Paris, 1594). Il est aussi un des premier traducteur d'Euclide et publie à Paris en 1604 et 1605 Les neufs premiers livres des Eléments d'Euclide traduits et commentez.

Son oeuvre majeure reste La fortification démonstrée et réduicte en art, dont la première édition sort à Paris avec subvention royale en 1600. Le succès du traité occasionne une réédition en 1604 et les éditeurs allemands en réalisent des copies : à Francfort en 1604, 1617 et 1622, et à Oppenheim en 1616 et 1617. Son neveu, Alexis Errard, se charge ensuite de remanier l'édition originale en fonction des notes de son oncle et en publie à Paris en 1620 une troisième édition.

 

Sources : André Corvisier, dir., Histoire militaire de la France, Paris, Presses universitaires de France, 1992, tome 1 - Dictionnaire des architectes, Paris, Encyclopaedia Universalis-Albin Michel, 1999, p. 233 etc.

Jean Jaurès

1859 - 1914

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Portrait de Jean Jaurès. Source : site www.amis-musees-castres.asso.fr

Fils de la bourgeoisie de province, il est reçu premier à l'Ecole Normale Supérieure de la rue d'Ulm en 1878 puis troisième à l'agrégation de philosophie en 1881. Il enseigne tout d'abord à Albi, puis à Toulouse en 1882, pour exercer sa chaire de maître de conférences à la faculté des Lettres.

Il est élu député républicain à Castres, en 1885. C'est sa défaite aux mêmes élections quatre ans plus tard qui l'a conduit à se présenter à Toulouse, cette fois-ci sous la bannière socialiste, et sur la liste municipale.

L'opportunisme

Jaurès n'a pas toujours été socialiste, et encore moins marxiste.

Quand la République s'installe pour de bon, après une décennie de tergiversations au sujet du régime (en 1870 le Second Empire s'effondre, la République est proclamée mais les monarchistes, divisés, dominent à la Chambre des députés), Jaurès n'a que vingt ans. Il s'engage en politique en 1885, devenant député du Tarn à 25 ans. Il est le fils spirituel de Jules Ferry et siège parmi les « opportunistes », républicains socialement modérés. Il trouve alors les radicaux de Clemenceau trop agités et les socialistes violents et dangereux pour l'ordre républicain en construction.

Il ne s'en intéresse pas moins au sort de la classe ouvrière et met son éloquence devenue mythique au service des premières lois sociales du régime (liberté syndicale, protection des délégués, création des caisses de retraite ouvrière...). Fils de 1789, il croit au réformisme institutionnel et républicain, à l'alliance des ouvriers et de la bourgeoisie laborieuse pour le triomphe de la liberté, de l'égalité et de la fraternité.

En 1889, les Républicains gagnent les législatives mais lui, dans sa circonscription de Carmaux (Tarn), est battu. Le baron Reille et le marquis de Solages (tous les deux élus députés respectivement de Castres-Mazamet et de Carmaux), propriétaires des mines de Carmaux, ont employé tous les moyens et toutes les pressions pour battre ce Républicain qui prône le contrôle de l'État sur les entreprises. Il est professeur à Toulouse et soutient ses deux thèses, puis se présente aux municipales (1890).


La grande grève de Carmaux

Jaurès est à l'écart de la vie politique nationale quand, en 1892, éclate la grande grève des mines de Carmaux. Le maire élu, Calvignac, syndicaliste et socialiste, ouvrier mineur, est licencié par le marquis de Solages pour s'être absenté à plusieurs reprises afin de remplir ses obligations d'élu municipal. Les ouvriers se mettent en grève pour défendre ce maire dont ils sont fiers. La République envoie l'armée, 1500 soldats, au nom de la « liberté du travail ». La République semble prendre le parti du patronat monarchiste contre la légitime défense du suffrage universel du peuple carmausin.

En France, on est en plein scandale de Panama. Jaurès ne supporte plus cette République qui semble montrer son vrai visage, de députés et ministres capitalistes pour qui la finance et l'industrie priment sur le respect du droit républicain.

Il s'engage auprès des mineurs de Carmaux. Là, il fait l'apprentissage de la lutte des classes et du socialisme. Arrivé intellectuel bourgeois, républicain social, il sort de la grève de Carmaux apôtre du socialisme.

Sous la pression de Jaurès, le gouvernement arbitre le différent Solages-Calvignac au profit de Calvignac. Solages démissionne de son poste de député. Jaurès est tout naturellement désigné par les ouvriers du bassin pour les représenter à la Chambre. Il est élu malgré les votes ruraux de la circonscription qui ne veulent pas des « partageux ». Désormais Jaurès va se lancer dans l'incessante et résolue défense des ouvriers en lutte. À Albi il est à l'origine de la fameuse Verrerie ouvrière. Dans le Languedoc viticole il ira visiter les « vignerons libres de Maraussan » qui créent la première cave coopérative.

 

L'affaire Dreyfus

Il lutta aussi pour l'innocence d'Alfred Dreyfus. Il s'oppose alors aux marxistes orthodoxes, dont leur meneur, Jules Guesde pour qui Dreyfus est un officier bourgeois et donc, partant, coupable. Pour Jaurès, l'accablement de malheurs et d'injustice dont Dreyfus est la victime gomme les différences de classe. Dreyfus n'est plus un privilégié ou un exploiteur. Il est un homme qui souffre injustement.

Il fonda le journal L'Humanité en 1904 et fut, en 1905, l'un des acteurs majeurs de la fondation de la SFIO, unifiant les différents partis socialistes de France.

 

Le pacifisme

Ses prises de position pacifistes peu avant le déclenchement de la Première Guerre mondiale le rendirent très impopulaire parmi les nationalistes et il fut assassiné au Café du Croissant, rue Montmartre à Paris, trois jours avant le déclenchement des hostilités. Cet assassinat atteint d'ailleurs son but car il facilita le ralliement de la gauche, y compris beaucoup de socialistes qui hésitaient, à l'« Union sacrée ».

À l'issue de la « Grande Guerre » et en réaction au massacre qu'elle occasionna, un grand nombre de communes françaises nommèrent des rues et des places en son honneur, en rappelant qu'il fut le plus fervent opposant à un tel conflit. Une station du métro parisien porte aussi son nom.

La chanson de Jacques Brel intitulée Jaurès (1977) rappelle à quel point l'homme politique était devenu une figure mythique des classes populaires. Le parti socialiste français a choisi de lui rendre hommage à travers sa fondation politique, la fondation Jean-Jaurès.

Son meurtrier, Raoul Villain, après cinquante six mois de détention préventive est acquitté le 29 mars 1919.


Quelques citations

  • « Le courage, c'est de chercher la vérité et de la dire, c'est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe et de ne pas faire écho aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques. » (1903)
  • « Je n'ai jamais séparé la République des idées de justice sociale, sans laquelle elle n'est qu'un mot ».(1887)
  • « Un peu d'internationalisme éloigne de la patrie. beaucoup y ramène ».
  • « Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l'orage »

 

Source : http://histoireetgeographie.free.fr

 

Edith Cavell

1865-1915

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Portrait d'Edith Cavell. Source : http://en.wikipedia.org

Edith Cavell naît en 1865 en Angleterre. Elle est la fille d'un pasteur anglican. Elle étudie d'abord à Bruxelles puis en Suisse, enfin à Dresdes et Aix-la-Chapelle où elle apprend les techniques allemandes en matière de médecine et d'hygiène. De retour en Angleterre en 1895, elle travaille d'abord comme gouvernante, puis elle obtient son diplôme d'infirmière au 'London Hospital' avant de retourner en 1906 exercer à l'Institut de Chirurgie et de diriger l'institut médical Berkendael à Bruxelles.

En 1914, la Croix Rouge installe un hôpital dans son établissement, rapidement transformé en un centre d'accueil pour les soldats français, belges et anglais désireux de rejoindre l'armée en passant par les Pays-Bas. Miss Cavell devient ainsi un maillon important de ce "réseau d'évasion" du nord de la France vers la Hollande via Bruxelles.

L'activité de son groupe s'intensifie avec le retrait vers la Marne des divisions françaises et anglaises. Des soldats blessés restent dans les hôpitaux de campagne dans le Nord de la France et les Ardennes, d'autres n'ont plus de contact avec leur unité. Ces combattants, qui n'éveillent pas l'attention des forces allemandes, sont pris en charge par la princesse Marie de Croÿ au château de Bellignies, puis conduits auprès d'Edith Cavell où ils reçoivent des vêtements, des faux papiers avant de rejoindre leurs armées. Ce travail commun, de novembre 1914 à juillet 1915, permet à deux cents personnes de s'évader de la zone d'occupation allemande.

Dénoncés, les soixante-six membres du réseau sont arrêtés à partir de l'été 1915. On a accusé l'espion français Gaston Quien d'avoir dénoncé le réseau, mais il a été acquitté faute de preuves. Edith Cavell est arrêtée le 15 juillet, alors qu'elle tente de faire passer la frontière hollandaise à des soldats alliés, et incarcérée à la prison Saint-Gilles. Au cours de son interrogatoire, elle ne nie pas les faits : "j'ai pensé que c'était mon devoir de faire cela pour mon pays ", dit-elle. Une attitude qui lui vaut d'être considérée comme traître et d'être désignée comme la cause de l'effondrement du service de renseignement belge.

Edith Cavell est enfermée sous le régime d'isolement cellulaire. Les autorités allemandes feignent de céder aux pressions diplomatiques et acceptent que Maître Sadie Kirsten en assure la défense, sans que, toutefois, celui-ci ne puisse lui parler ou consulter son dossier.

Le procès du réseau, du 7 septembre au 8 octobre 1915,est conduit sous l'autorité du général Ströbel. Le procès, très médiatique, doit avoir un effet dissuasif. La peine de mort pour intelligence avec l'ennemi, est donc demandée. Le 11 octobre 1915, Edith Cavell, la comtesse Jeanne de Belleville et Louise Thuliez, une institutrice, sont condamnées à mort. Le secrétaire de la légation américaine essaie d'introduire une demande de grâce pour Edith Cavell, mais sans résultat.

Le 12 octobre 1915, à sept heures du matin, la sentence est exécutée.

Les peines de ses camarades sont commuées en travaux forcés à vie.

En Angleterre et aux États-Unis, dans le contexte du torpillage du Lusitania, cette exécution déchaîne une tempête de protestations. La propagande anti-germanique se met en marche, les volontaires affluent.

Après guerre, le 7 mai 1919, la dépouille d'Edith Cavell est transférée en Angleterre. Une cérémonie est organisée dans l'abbaye de Westminster.

Une colonne a été érigée à Trafalgar Square (Londres), près de la National Gallery en souvenir de cette héroïne trans-nationale.

Un bas relief, détruit en 1940, lui a été aussi dédié au Musée du Jeu de Paume (Paris).

 

Sources : Louise de Bettignies et les femmes qui firent la guerre. Commémoration de l'année 1916, CDIHP du Nord
Ministère des anciens combattants et victimes de guerre. Poirier Léon, Soeurs d'armes, Tours, Maison MAME, 1938

Louise de Bettignies

1880 - 1918

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Portrait de Louise de Bettignies.
Source : Archives départementales du Nord

Louise, la "Jeanne d'Arc du Nord", est la fille de Julienne Mabille de Ponchevillle et d'Henri de Bettignies - une famille de vieille noblesse wallonne du Hainaut fondatrice au XVIIIe siècle de la manufacture de faïence impériale et royale de Tournai.

Son bisaïeul, Louis-Maximilien implante une faïencerie au lieu-dit "Moulin des Loups" à Saint-Amand-les-Eaux. Henri de Bettignies vend l'affaire, peu avant la naissance de sa fille, en raison de difficultés financières. La jeune fille, désargentée, reçoit cependant les valeurs et l'éducation de son groupe. Elle fait ses études secondaires à Valenciennes, trouvant dans l'étude un exutoire à son indigence et à la mort de son père en 1903.

Elle se destine d'abord au Carmel, à l'instar de son frère prêtre et de sa soeur religieuse, avant de choisir de mettre à profit ses facultés intellectuelles en se plaçant comme gouvernante dans des familles anglaises et allemandes afin d'apprendre leurs langues et de découvrir l'Europe.

En 1914, les troupes allemandes envahissent le nord de la France. Louise prend part, en octobre, en compagnie de sa soeur, à la défense de Béthune, en ravitaillant les assiégés.

En février 1915, lors d'un séjour à Saint-Omer, la jeune femme est contactée par un officier français du 2e Bureau qui lui propose de servir son pays en tant qu'agent de renseignement, proposition renouvelée peu de temps après par le Major Kirke pour l'Intelligence Service britannique.

Après avoir obtenu l'assentiment de son directeur spirituel, le père Boulengé, l'auteur de son surnom de "Jeanne d'Arc du Nord", elle met en place, dans le secteur de Lille, conseillée par Monseigneur Charost, évêque de Lille, l'embryon du futur "Service Alice" ou "Service Ramble". Passant par la Belgique et les Pays-Bas, la désormais Alice Dubois transmet des informations en Grande-Bretagne. Elle est aidée dans sa tâche, à partir du printemps 1915, par la roubaisienne, Marie-Léonie Vanhoutte alias Charlotte Lameron. Cette dernière, ayant travaillé dès août 1914 à l'installation des ambulances, utilise son statut pour faire du renseignement. Elle met à profit ses voyages Bouchaute-Gand-Roubaix, destinés à transmettre des nouvelles aux familles des soldats et à distribuer le courrier, pour informer les services anglais sur les mouvements des troupes et les lieux stratégiques.

Le réseau Alice compte quatre-vingts personnes. Son efficacité est telle que les informations sont collectées et transmises en vingt-quatre heures. Deux pôles le composent. Le premier est destiné à surveiller la frontière belge et les mouvements allemands. Il est donc constitué par des observateurs et des passeurs placés à des endroits stratégiques : garde-barrières, chefs de gare, résistants locaux tels M. Sion, ou M. Lenfant, commissaire de police à Tourcoing. Le second est composé de personnes habitant la région de Lille, Frelingues, Hellemmes, Santes et Mouscron, pouvant justifier de fréquents déplacements auprès de l'autorité d'occupation. Ces personnes, parmi lesquelles Comboin dit José Biernan, Madeleine Basteins, Mme Semichon, Mme Paul Bernard, Mme de Vaugirard, Victor Viaene et Alphonse Verstapen, rapportent des renseignements sur les zones sensibles (emplacements de batteries d'artillerie, d'entrepôts, de postes de TSF...) et font office à l'occasion de courriers.

L'ensemble est complété par un laboratoire de chimie utilisé pour la reproduction de cartes, plans et photographies, mis à sa disposition par le couple Geyter. Les informations glanées sont retranscrites sur de minces feuilles de papier japon et acheminées, en grande partie à pieds, en Hollande, principalement par Louise de Bettignies et Marie-Léonie Vanhoutte, entre Gand et Bruxelles, puis Beerse.

À partir de mai 1915, Alice Dubois travaille épisodiquement avec le 2e Bureau du commandant Walner sous le pseudonyme de Pauline. Par son action, elle permet d'anéantir deux mille pièces d'artillerie lors des batailles de Carency et Loos-en-Gohelle. A l'été 1915, un nouveau réseau d'information est mis en place dans le secteur de Cambrai-Valenciennes, Saint-Quentin et Mézières. Il informe, à l'automne 1915, de la préparation d'une attaque sur Verdun. Après les phases de création et d'administration, Louise de Bettignies doit faire face à la contre-offensive des services allemands. Alice et Charlotte d'ailleurs se sentent suivies.

Le 24 septembre 1915, Marie-Léonie Vanhoutte, après un rendez-vous au Lion Belge (Bruxelles), est arrêtée à la pension de famille des Adriatiques, puis incarcérée à la prison Saint-Gilles. Les conditions de cette arrestation sont floues. Charlotte, d'abord, est priée avec insistance par MM. Lenfant et Sion de se rendre à Bruxelles pour transmettre un pli. Elle rate ensuite le rendez-vous initialement prévu, mais prend connaissance de deux cartes postales qui lui sont adressées à l'auberge. L'une est d'Alice, l'autre, d'un certain Alexandre, contient le message suivant : "Venez au plus tôt, ce soir ou demain, vers 8 h au Lion Belge. Journal à la main . il s'agit d'Alice". La police allemande enfin, la "promène", sans résultat, dans les rues de Bruxelles et lui demande d'identifier Louise de Bettignies sur une photographie. Louise, alors en Angleterre revient en France pour diriger les opérations.

Elle est à son tour mise aux arrêts le 20 octobre, à Tournai, alors qu'elle tente de traverser la frontière franco-belge munie de ses faux papiers. Son loueur de voiture, Georges de Saever, connaît le même sort. Dans la foulée les autorités allemandes organisent une confrontation et perquisitionnent chez les Geyter. Sur le terrain, les services de renseignement britanniques, tributaires des informations collectées par le réseau Alice, poursuivent son activité dans l'organisation de "la Dame Blanche", animée par les demoiselles Tendel. Louise retrouve son amie à la prison de Saint-Gilles dès le 26 octobre. Elles communiquent en tapant sur les tuyaux.

L'instruction est conduite par le juge Goldschmidt. Pendant les six mois d'enquête, Louise de Bettignies ne dévie jamais : "comme un renard dans son trou, elle ne montrait que ce qu'il fallait, parlant peu, niant toujours". Incapables d'établir avec certitude la relation Louise de Bettignies - Alice Dubois, les Allemands usent de stratagèmes pour recueillir quelques bribes de pièces à conviction pour étayer le dossier. C'est ainsi que Louise Letellier, une "compatriote", apparemment soumise aussi à la question, finit par obtenir de Louise de Bettignies la confession et cinq missives. La première phase de son plan achevé, le juge Goldschmidt utilise les informations contenues dans les lettres pour convaincre Marie-Léonie Vanhoutte de la trahison de sa compagne, mais en vain.

Le 16 mars 1916, le conseil de guerre allemand siégeant à Bruxelles auquel participent le général Von Bissing, et le conseiller de guerre Stoëber, condamne à mort Louise de Bettignies pour activités d'espionnage, sans pour autant avoir pu démontrer qu'elle est la tête du réseau. Sa peine est commuée en détention à perpétuité, probablement en raison de la notoriété de la famille de Bettignies. Marie-Léonie Vanhoutte et Georges, initialement condamnés à mort, reçoivent quinze ans de travaux forcés pour trahison commise pendant l'état de guerre en prêtant aide à l'espionnage.

Cette révision du jugement serait le résultat de la déclaration de Louise de Bettignies à ses juges - ses uniques propos en langue allemande de tout le procès ! -, reconnaissant ses responsabilités et demandant la grâce pour ses compagnons. Les condamnés purgent leur peine, à partir d'avril 1916, dans la prison de Siebourg près de Cologne, alors que, le 20 avril le général Joffre octroie à Louise de Bettignies une citation à l'ordre de l'armée. A la fin de janvier 1917, Louise de Bettignies est mise au cachot pour avoir refusé de fabriquer des pièces d'armement destinées à l'armée allemande et avoir entraîné le soulèvement de ses co-détenues.

Louise de Bettignies succombe le 27 septembre 1918 des suites d'un abcès pleural mal opéré. Elle est alors enterrée dans le cimetière de Bocklemünd à Westfriedhof. Son corps est rapatrié le 21 février 1920 sur un affût de canon.

Le 16 mars 1920, les Alliés organisent à Lille une cérémonie-hommage pendant laquelle la "Jeanne d'Arc du Nord" reçoit à titre posthume la croix de la légion d'honneur, la croix de guerre 14-18 avec palme, la médaille militaire anglaise et est faite officier de l'ordre de l'empire britannique. Louise de Bettignies, alias Alice Dubois, repose au cimetière de Saint-Amand-les-Eaux.

Le 11 novembre 1927, à l'initiative de la maréchale Foch et de la générale Weygand, une statue est inaugurée à Lille, sur le boulevard Carnot. A Notre-Dame de Lorette, une vitrine conserve la croix tombale qui a marqué la sépulture de Louise de Bettignies au cimetière de Cologne ainsi que sa citation à l'ordre de l'armée.

 

Sources : Louise de Bettignies et les femmes qui firent la guerre. Commémoration de l'année 1916, CDIHP du Nord
Ministère des anciens combattants et victimes de guerre - Poirier Léon, Soeurs d'armes, Tours, Maison MAME, 1938

Camillo Benso Comte de Cavour

1810-1861

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Portrait de Cavour. Source : www.fuhsd.net

(Turin, 10 août 1810 - Turin, 6 juin 1861)

 

Homme politique piémontais aux idées libérales, un des pères fondateurs de l'unité italienne, artisan du rapprochement franco-italien, négociateur lors du rattachement de Nice et de la Savoie à la France au traité de Turin, le 24 mars 1860.

Camillo Benso, comte de Cavour, est issu d'une famille de vieille noblesse piémontaise catholique et d'une mère Suisse et calviniste. Il choisit en début de carrière de rejoindre les rangs du Génie. Il démissionne de l'armée en 1835 en raison de ses opinions libérales. Il vit alors pendant vingt ans sur ses terres à Levi. Il s'intéresse alors aux nouveautés de son siècle : les techniques agricoles, le machinisme, les chemins de fer, les organismes de crédit. Il crée l'association agraire en 1842 et publie Etude des chemins de fer en Italie en 1846. Ses voyages affinent sa culture politique et sa maîtrise du français. En 1847 il fonde le journal Il Resogimento où il mène campagne pour l'établissement d'une monarchie constitutionnelle.

À partir de 1848, il est élu député conservateur, mais anticlérical, au parlement piémontais, et exerce diverses fonctions au gouvernement : ministre de l'agriculture en octobre 1850, puis des finances en 1851. Il s'impose dès lors comme une figure emblématique de la politique piémontaise. Partisan d'un agrandissement du Piémont au détriment de l'Autriche, il conclut de la défaite italienne de 1849 contre l'Autriche (traité de Milan, août 1849), à la nécessité de se trouver des appuis pour réaliser l'unité italienne sous l'autorité du Piémont. La France de Napoléon III lui paraît l'allié le plus adéquat. Lors du congrès de Paris, en avril 1856, suite à la guerre de Crimée, Cavour profite du siège qui lui est offert au titre des puissances belligérantes (une présence militaire plutôt politique et stratégique) pour poser le problème italien et tester les ambitions de la politique étrangère française. Cavour travaille alors à un rapprochement économique et culturel. Ainsi en 1857, commence-t-on les travaux du tunnel du Mont-Cenis. Par ailleurs il prépare la guerre contre l'Autriche en transformant notamment Alexandrie en forteresse et en créant l'arsenal maritime de La Spezia.

Ambassadeur italien lors de l'entrevue de Plombières avec Napoléon III en juillet 1858, il négocie pendant sept heures les modalités de l'alliance franco-piémontaise, à savoir : la conclusion d'une alliance militaire contre l'Autriche (confirmée en janvier 1859), la constitution d'un Etat italien confédéré, la cession par l'Italie de Nice et de la Savoie, le mariage du prince Jérôme Bonaparte avec la fille de Victor-Emmanuel II, roi du Piémont. Personnellement impliqué dans la marche à la libération italienne du joug autrichien, Cavour démissionne du parlement piémontais en juillet 1859 suite à l'armistice franco-autrichien de Villafranca.

Vainqueur sur le terrain, Victor-Emmanuel II poursuit sa politique d'unification de la péninsule en annexant les pays insurgés d'Italie centrale. Cavour, rappelé au gouvernement en janvier 1860 est alors chargé de négocier la ratification française moyennant la cession de Nice et de la Savoie par voie référendaire (traité de Turin le 24 mars 1860).

Soucieux des réactions françaises et autrichiennes, Cavour et Victor-Emmanuel II soutiennent en secret la marche sur Rome de Garibaldi. Après l'écrasement des troupes sardes et romaines, le comte établit dans toute l'Italie les lois et systèmes administratifs du Piémont. Il assiste le 14 mars 1861 au couronnement de son travail : Victor-Emmanuel II de Piémont est élu roi d'Italie par le premier parlement italien.

 
Sources : Jacques Destrais, Dictionnaire international des traités des origines à nos jours - Pierre Grimal, Dictionnaire de biographies, Paris Presses universitaires de France
Michel Mourre, Dictionnaire encyclopédique d'histoire

Georges Clemenceau

1841-1929

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Portrait de Georges Clemenceau. Source : Gallica.bnf.fr

 

Né le 28 septembre 1841, à Mouilleron-en-Pareds (Vendée), Georges Clemenceau, après une enfance vendéenne, devient médecin comme son père et suit des études à Nantes puis à Paris en 1865. Il commence déjà à faire de la politique au Quartier Latin. A 24 ans, il est docteur en médecine et part pour les Etats-Unis afin d'y étudier la Constitution. Il y reste cinq ans et s'y marie. De retour en France, il participe à l'insurrection parisienne contre le régime impérial. Elu, à trente ans, maire de Montmartre puis député de la Seine, il est aussi conseiller municipal de Paris, président du conseil municipal en 1875 et député du Var en 1880.

Le Tigre

Clemenceau, chef de l'extrême gauche radicale depuis 1876, s'oppose violemment à la politique coloniale de Jules Ferry et est à l'origine de la chute de plusieurs gouvernements. Ce sont ses coups de griffe qui seront à l'origine de son surnom de "Tigre". Battu aux élections de 1893, il retourne à ses premières amours, l'écriture et surtout le journalisme. Il collabore à différents journaux dont l'Aurore où il fait publier l'article d'Emile Zola "J'accuse" en faveur de Dreyfus.

Sénateur du Var en 1902, il est ministre de l'Intérieur puis Président du Conseil en 1906 jusqu'à 1909. Il institue le Ministère du Travail et fait voter des lois sur le repos hebdomadaire, la journée de 10 heures, les retraites ouvrières mais réprime aussi durement des grèves. Renversé, il retourne alors dans l'opposition et fonde un nouveau journal: L'Homme Libre qui devient L'Homme Enchaîné en 1914 à cause de la censure.

Le Père La Victoire

Le 20 novembre 1917, Poincaré fait appel à lui pour être à nouveau Président du Conseil. Il sait prendre des mesures impopulaires, mais se rendre lui-même populaire en parcourant les tranchées la canne à la main (à 76 ans !). Il sait surtout faire confiance à Foch, contre l'avis des députés. Au lendemain de l'Armistice, Président de la Conférence de la Paix, il se montre intraitable avec l'Allemagne. Il n'est pourtant pas pleinement satisfait du traité, y ayant discerné les faiblesses.

Candidat à la présidence de la République en 1920, Clemenceau se voit préférer Deschanel. Il se retire de la vie publique et partage son temps entre Paris et sa petite maison de pêcheur à Saint-Vincent-sur-Jard, en Vendée, où il continue à écrire, s'alarmant du réarmement de l'Allemagne.

Il s'éteint le 24 novembre 1929, à son domicile de la rue Franklin à Paris.

 

Source : www.echodeschamps.com

Vincent Auriol

1884-1966

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Portrait de Vincent Auriol. Source : Musée Clément Ader

Vincent Auriol (27 août 1884, Revel - 1er janvier 1966, Paris)

 

Vincent Auriol est une personnalité incontournable de l'histoire contemporaine française. Chef de file du mouvement socialiste, négociateur des réparations de l'Allemagne en 1918, farouche opposant au régime de Vichy, il reste comme l'un des "Pères fondateurs" de la IVe République.

Vincent Jules Auriol naît à Revel (Haute-Garonne) dans une famille paysanne. Bachelier en latin-grec en 1902, il obtient sa licence en droit en 1905, année où il adhère à la fédération socialiste de Haute-Garonne, puis le grade de docteur en sciences politiques, avant de s'inscrire au barreau de Toulouse. Il collabore à La Dépêche du Midi, fonde avec Albert Bedouce, député-maire de Toulouse, le Midi socialiste, et entretient une correspondance régulière avec Jean Jaurès et Jules Guesde. Il épouse Michelle Accouturier en juin 1912 avec qui il a deux enfants : Paul (1918-1992), organisateur du maquis du Tarn, et Jacqueline (1912-2000), détentrice en 1952 du record du monde de vitesse sur avion à réaction.

À partir de mai 1914 jusqu'à mai 1936, il est le représentant socialiste de la ville de Muret à l'Assemblée où il se spécialise dans les questions économiques et financières, faisant partie, dès 1914, de la commission des comptes définitifs. Il soutient, lors de la conférence de paix, une politique de limitation de la créance sur l'Allemagne, de réparations des régions dévastées et d'annulation de toutes les dettes interalliées. En décembre 1920, il fait partie des douze députés socialistes qui suivent Léon Blum et qui refusent d'adhérer à la deuxième Internationale communiste.

Il est élu maire de Muret en mai 1925, il entre à la commission des finances qu'il préside de juin 1924 à juillet 1926, puis devient conseiller général de la Haute-Garonne pour le canton de Carbonne trois ans plus tard. Son activité parlementaire se marque par de nombreuses propositions de lois et son opposition continue à la politique financière des gouvernements Poincaré, Herriot, Daladier, Doumergue, Tardieu et Laval.

Auriol entre en juin 1936 dans le gouvernement de Léon Blum en qualité de ministre des finances. Il mène à terme la politique monétaire en procédant à la dévaluation du franc Poincaré et en créant le franc flottant. Garde des sceaux du cabinet Chautemps en 1937, il participe l'année suivante au second cabinet Blum où, ministre sans portefeuille, il assure la coordination des services de la présidence du Conseil.

Malgré la défaite de juin 1940, il refuse de voter, le 10 juillet, la délégation des pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Son opposition lui vaut d'être emprisonné à Pellevoisin puis à Vals-les-bains, aux côtés de Paul Raynaud, Georges Mandel et Marcel Dassault. Assigné en résidence surveillée à Muret entre 1941 et 1942, il entre dans la résistance et rejoint la France Combattante en octobre 1943, où il devient membre de l'assemblée consultative provisoire lors de sa première réunion à Alger. Son épouse, réfugiée à Lyon, participe au décodage des messages chiffrés de l'état-major allié.

À la Libération, ses compétences et sa fonction de président de la commission des affaires étrangères de la Constituante lui valent de représenter la France à la conférence de Bretton Woods.

Le 21 octobre 1945, il retrouve son siège de député de la Haute-Garonne, puis ceux de maire de Muret et de conseiller général. Il préside le groupe parlementaire socialiste et est appelé, en novembre, par le général de Gaulle au poste de ministre d'état chargé des rapports avec l'Assemblée.

Président de l'Assemblée Constituante en janvier 1946, il préside au retour de l'Assemblée nationale et à la fondation de la IVe République, qui l'élit à sa tête ainsi qu'à la destinée de l'Union française, le 16 janvier 1947.

En décembre 1953, son mandat achevé, Vincent Auriol retourne à la vie locale et familiale. Il voyage, écrit ses mémoires. Il publie Hier, demain, le Journal du septennat et Dix années d'administration socialiste. Au cours d'un congrès en Autriche en, décembre 1954, il est élu président d'honneur de la Fédération mondiale des anciens combattants et médaillés de la Résistance. Il intervient pour le retour au pouvoir du général de Gaulle en mai 1958, et devient membre de droit au Conseil constitutionnel en mars 1959. En totale opposition avec le secrétaire général du parti socialiste, il en démissionne en février 1959.

Éminence grise de la République, il continue de participer à la vie publique hors des querelles de partis.

Pour son engagement politique et militaire, Vincent Auriol est élevé aux dignités de Grand-Croix de la Légion d'honneur et Grand-Croix des ordres nationaux des trente-deux États étrangers, il reçoit la Rosette de la Résistance et la Croix du combattant volontaire de la Résistance, et est fait docteur honoris causa des universités de Columbia (New York), de Laval (Québec), Oxford et Rio de Janeiro.

Vincent Auriol décède à Paris, le 1er janvier 1966, des suites d'une fracture renouvelée du col du fémur dans sa propriété de Labourdette.

 

Source : Mindef/SGA/DMPA

Clément Ader

1841-1925

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Autoportrait. © Musée Clément Ader

Clément Ader est le fils unique de François Ader, menuisier. Doté d'un esprit curieux et inventif, il s'intéresse dès son plus jeune âge au vol des oiseaux. Après son baccalauréat, il entreprend des études à l'Institut Assiot de Toulouse, et en sort diplômé en 1860.

Il entre au service de la Compagnie des Chemins de Fer du Midi de la France en 1862, et y travaille jusqu'en 1866, date à partir de laquelle il commence à déposer ses premiers brevets, notamment sur le "véloce caoutchouc" en 1868.

À partir de 1873, il se consacre davantage à ses travaux sur l'aviation. Construisant des maquettes, multipliant les plans et esquisses, il tente de résoudre les contraintes du vol : la charge alaire, l'efficacité de l'hélice, etc. En parallèle, Clément Ader dépose des brevets d'invention d'amélioration du téléphone et invente le théâtrophone en 1881. Il se constitue ainsi une fortune confortable.

De 1885 à 1890, Clément Ader travaille à son prototype, Eole, un "appareil ailé pour la navigation aérienne dit Avion", qu'il brevète le 19 avril 1890, et qu'il expérimente le 9 octobre de la même année dans le parc du château de Gretz-Armainvilliers au cours d'un vol de 50 mètres.

Ader continue ses recherches en secret, améliorant les performances du moteur, en vue de réaliser un deuxième appareil, l'Avion 2, pour lequel il signe un contrat avec l'armée. Le projet est abandonné en raison des coûts élevés de réalisation et de la réduction des crédits militaires en 1894.

Il finance de ce fait son troisième prototype, l'Avion 3, qu'il achève en juillet 1897 et essaie à Satoty les 12 et 14 octobre 1897 . vols au cours desquels il parcourt une distance de 300 mètres. En 1902 cependant, ne pouvant plus faire face aux coûts de fabrication et laissé par l'armée, Clément Ader renonce à ses travaux sur l'aviation.

Il se retire dans sa propriété de Muret en 1905. En 1906, à l'occasion de son vol à Bagatelle, la presse qualifie Santos Dumont de "premier Français qui ait volé". Clément Ader sort alors de sa retraite et décide de faire connaître ses travaux au public. Il publie La première étape de l'aviation militaire en 1907, puis L'aviation militaire en 1909, ouvrage dans lequel il expose ses vues sur le développement de l'arme aérienne dans les conflits à venir.

Sa valeur et l'importance de ses travaux lui sont reconnus, tardivement, lorsqu'il est élevé à la dignité de Commandeur de la Légion d'Honneur en 1922.

 

Source : Musée Clément Ader

Mata Hari

1876-1917

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Portrait de Mata Hari. Source : www.arcobaleno.net

 

Margaretha Geertruida ZELLE est l'unique fille de Adam Zelle et de Antje van der Meulen. Son père, riche fabricant de chapeaux et de capes, lui porte une attention toute particulière. La petite fille, souvent prise pour une eurasienne en raison de son teint mat, montre un penchant précoce pour l'affabulation et la mise en scène. Le "cocon" familial se trouve brisé en janvier 1889 lorsque l'entreprise Zelle fait faillite. La famille déménage, Adam Zelle délaisse ses enfants, le couple se sépare le 4 septembre 1890. Le décès de Mme Zelle huit mois plus tard disperse la fratrie.

En novembre 1892, Margaretha entre à l'école normale de Leiden, dont elle est renvoyée en raison d'une liaison avec le directeur. Elle va alors vivre chez un oncle à La Hague. En mars 1895 elle répond à une annonce matrimoniale d'un capitaine de vaisseau de l'armée royale des Indes : "Officier de retour des Indes cherche jeune femme affectueuse pour mariage". Ce dernier, de dix-neuf ans son aîné, se nomme Rodolphe Mac Leod, alias John. Il représente l'autorité paternelle qui lui a fait défaut. Le 11 juillet, leur union est officialisée. Le 30 janvier 1897, résidant alors à Amsterdam chez une soeur de Rodolphe, le couple a son premier enfant, Norman John.

Au début du mois de mai 1897, la famille s'embarque pour Toempong (à l'ouest de Java), aux Indes néerlandaises, où l'officier Mac Leod doit rejoindre son poste. Les époux y ont une fille, Jeanne Louise dite "Non". La jeune femme s'intéresse aux danses balinaises et prend le pseudonyme de Mata Hari "oeil du jour" (nom du Soleil en Indonésie). Cependant, la vie conjugale sur place devient difficile. Margareth, grisée par les colonies, délaisse sa famille. Le couple se dispute sur fond d'adultère. Leur fils meurt à la suite d'une intoxication. En 1900, après vingt-huit ans de service, Rodolphe Mac Leod quitte l'armée.

En mars 1902, les Mac Leod retournent aux Pays-Bas et divorcent cinq mois plus tard. En dépit du jugement rendu, Rodolphe refuse son droit de visite mensuel, et soustrait l'enfant à la garde de sa mère.

En 1903, âgée de 26 ans, la Hollandaise vient à Paris. Sans emploi, elle regagne les Pays-Bas pour quelques mois avant d'entamer dans la ville éternelle une carrière de danseuse de charme sous les apparences d'une princesse javanaise dénommée "Lady Mac Leod". Elle débute au salon de Madame Kiréesky, puis, de salons privés en salons privés, sous son pseudonyme javanais de "Mata Hari", finit par se faire inviter par Monsieur Guimet, possesseur d'une salle de spectacle privée. Sa représentation le soir du 13 mai 1905 en princesse indienne totalement nue marque le début de sa vie mondaine. Elle y interprète avec d'autres artistes une variation d'une "danse hindoue" en l'honneur de la déesse Shiva. Le spectacle est un succès et comédiens sont invités à se produire devant les grands de l'époque : le 18 août 1905 à l'Olympia de Paris, en janvier 1906 à Madrid . à Monte Carlo elle joue dans Le Roi de Lahore de Jules Massenet (1842-1912) . à Berlin, à La Haye, à Vienne et au Caire. Ses talents artistiques sont toutefois à nuancer. Mata Hari a probablement inventé un type de chorégraphie appréciée dans les cabarets et les cercles pour qui l'exotisme est synonyme de lascivité, plus qu'elle n'a présenté de danses indiennes. Aux journalistes, l'interprète cède le pas à la comédienne : elle aime à présenter sa mère comme une princesse indienne, élève son père à la dignité de baron et ajoute : "je suis née à Java, au milieu de la végétation tropicale, et, depuis ma plus petite enfance, des prêtres m'ont initiée à la signification profonde de ces danses qui constituent un véritable culte." Ceci ne l'empêche pas, dès 1907, d'être éclipsée par les autres danseuses de charme, comme Colette, remplacées par les ballets russes quelques temps après. Mata Hari, voyant sa notoriété diminuer, finit par mener une vie mondaine, collectionnant les bienfaiteurs, toujours en quête de nouveaux amants.

Lors de la déclaration de guerre, Margaretha Zelle vit à Berlin auprès d'un ancien galant, Alfred Kiepert, hussard, en attendant de se produire au Metropol. Ses compétences linguistiques lui permettent de regagner les Pays-Bas puis de s'établir à Paris où, installée au Grand Hôtel, elle continue à vivre de ses charmes. Au début de l'année 1916, lors d'un voyage en Allemagne (Cologne, Francfort), Mata Hari, endettée par son train de vie, est contactée par Cramer, consul allemand à La Haye. Celui-ci lui propose de régler ses dettes, de donner 20 000 couronnes en échange de renseignements sur la France. Elle devient ainsi l'agent H 21.

De retour à Paris en juillet, elle noue des contacts avec les officiers alliés, et s'éprend d'un jeune capitaine de l'armée russe. Ce dernier, blessé, est soigné à Vittel. Mata Hari intrigue alors pour obtenir l'autorisation de se rendre à ses côtés. Elle entre alors en relation avec le capitaine Ladoux, officier du contre-espionnage français. En contre partie de cette faveur et d'un million de francs (jamais versés), il lui propose d'espionner le Kronprinz, un de ses anciens amants. Le Français se méfie d'elle : il la fait surveiller pendant toute la mission. Son travail achevé, Mata Hari est envoyée, au mois d'août, en Belgique puis au mois de novembre en Espagne, centre de la guerre secrète, sans argent ni directive précise. Les services secrets britanniques, croyant avoir affaire à l'espionne Klara Benedix, la mettent aux arrêts à l'escale de Falmouth et la soumettent à un interrogatoire serré alors qu'elle se rend aux Pays-Bas afin de gagner l'Allemagne. Le capitaine Ladoux télégraphie à son homologue, Sir Basil Thomson, afin de lever le doute.

Libérée, Mata Hari retourne à Madrid, le 11 décembre 1916, pour trois semaines. Elle noue des contacts avec l'attaché militaire de l'ambassade d'Allemagne, Arnold von Kalle, et communique aux services français une liste d'agents, un procédé d'encre sympathique et un lieu de débarquement au Maroc - cette "moisson" d'informations profite en réalité à Denvignes, en charge des communications, qui s'en attribue le travail. Entre-temps les services britanniques interceptent et déchiffrent les câbles de l'attaché allemand à Berlin. Ils confondent les identités de l'agent H 21 et de Mata Hari (en raison du manque de vigilance du lieutenant von Kroon), et obtiennent ainsi la preuve qu'elle est un agent double. Un des messages, consacré à la mise en place sur le trône de Grèce du prince héritier Georges mentionne que "l'agent H-21 s'était rendu utile". Une autre lecture des faits veut que von Kalle, se méfiant de Mata Hari, ait provoqué lui-même l'enquête en envoyant ces messages radio à Berlin dans un code facilement déchiffrable par les alliés.

Elle revient à Paris en janvier 1917 afin de retrouver son amant, avec l'espoir de d'une récompense et d'une nouvelle mission... Elle est arrêtée le 13 février à l'hôtel Élysée Palace par le capitaine Bouchardon, le magistrat instructeur, "prévenue d'espionnage et de complicité d'intelligence avec l'ennemi, dans le but de favoriser ses entreprises".

Elle est enfermée à la prison pour femmes de Saint-Lazarre. Pendant quatre mois, au gré de quatorze interrogatoires (du 23 février au 21 juin), Bouchardon finit par la confonde comme étant l'agent H 21 - cette dernière nie cependant avoir entretenu des relations avec le chef du renseignement allemand à Madrid, même si elle admet avoir reçu de l'argent du consul allemand Cramer dans le cadre de sa vie mondaine. Entraîné par le chauvinisme ambiant, Bouchardon ne prend pas en compte les services rendus par l'accusée - il n'y croit pas d'ailleurs : "féline, souple, artificieuse, sans scrupules, sans pitié, elle était une espionne-née", écrit-il dans ses mémoires.

Le procès, à huis clos, commence le 24 juillet 1917, devant le 3e conseil militaire au Palais de justice de Paris. La Cour est présidée par le lieutenant-colonel Somprou et le commissaire du gouvernement, le lieutenant Mornet - lequel déclare plusieurs années après le procès : "il n'y avait pas de quoi fouetter un chat." Son avocat, Maître Clunet, un ancien amant, est un expert réputé du droit international.

Hormis Jules Cambon, Vadim Maslov, et le diplomate Henri de Marguérie qui déclare n'avoir jamais abordé de sujet militaire en sa présence et pouvoir se porter garant de sa parfaite probité, aucun de ses anciens amants n'accepte de témoigner en sa faveur. Le procès, comme l'interrogatoire d'ailleurs, ne font pas la départie entre sa vie mondaine jugée immorale, son cosmopolitisme suspect, et ses activités de renseignement. Ils ne sont que le reflet d'une opinion publique française et alliée qui réclame des coupables pour les morts, les mutineries et autres maux de la guerre. A l'arrière, les ligues relayées par la presse entretiennent l'idée du complot ennemi, attisent la traque aux collaborateurs de tous bords. Margueritte Francillard est la première française fusillée pour espionnage le 10 janvier 1917. Mlle Dufays connaît le même sort au mois de mars. L'affaire Mata Hari, personnage au comportement pour le moins ambigu, est une occasion de plus pour renforcer la cohésion nationale - les archives britanniques montrent par ailleurs qu'elle n'a pas livré aux Allemands d'informations capitales (Léon Schirmann).

Au terme du procès, le tribunal la reconnaît coupable d'intelligence avec l'ennemi et la condamne à être passée par les armes - d'autres femmes sont jugées et condamnées pour espionnage pendant les derniers mois de guerre : Augustine Josèphe, Susy Depsy, Régina Diano, etc.

Au matin du 15 octobre 1917, à 6h15, sa grâce ayant été rejetée par le Président de la République Raymond Poincaré, Margaretha Zelle, ralliée au protestantisme depuis peu, est transférée en voiture cellulaire au polygone de Vincennes où l'attendent soldats et badauds. Mata Hari refuse qu'on lui bande les yeux. Onze balles et le coup de grâce asséné par un officier de cavalerie rassasient la vindicte populaire : "sa disparition réaffirmait l'autorité d'un pays rendu exsangue par une guerre meurtrière dont l'inutilité commençait à poindre" (J.-M. Loubier). Son corps, non réclamé, est mis à la disposition de l'institut médico-légal.

 
Source : MinDef/SGA/DMPA

Alfred Gaspart

1900-1993

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Au centre, Alfred Gaspart

 

Né en Argentine en 1900 de parents français, il revient en France quelques années plus tard pour effectuer ses études. Il est déjà passionné par l'art et la poésie, il s'inscrit alors dans les cours de l'École Germain Pilon et ensuite à l'Ecole nationale des Beaux-Arts de Paris, à l'atelier Cormon.

Dans les années trente, il s'installe dans le quartier Montparnasse à Paris où il se lie d'amitié avec Pierre-Albert Birot, André Derain, Jean Follain, Marie Laurencin, André Salmon. Peintre de la réalité (École française), il peint et photographie des figures, des paysages et des natures mortes.

Cet artiste se révèle au cours de ses cinq années de captivité (Stalag VII A à Moosburg - Bavière). Malade, souffrant de neurasthénie, il rencontre le jeune sculpteur Volti qui l'aide à survivre.

En 1943, Volti rentre en France avec une partie des dessins d'Alfred Gaspart. La même année, une bombe tombe sur son atelier et détruit une grande partie de son oeuvre, mais les dessins de Gaspart son épargnés et restent les témoins de cette vie douloureuse passée dans les camps.

En octobre 1944, sous le pseudonyme de "Timour", Alfred Gaspart reçoit le premier prix du Concours de la captivité par l'oeuvre YMCA de Genève.

Libéré en 1945, il se réfugie dans le silence et n'exposera plus malgré l'insistance de ses proches et de la Fédération nationale des combattants prisonniers. Il poursuit son oeuvre loin du public.

En 1993, il décède dans la solitude.

L'oeuvre de captivité de cet artiste se compose de 1840 pièces (toutes techniques et formats confondus). Ces dernières sont accompagnées de notes journalières (293 feuillets recto-verso) qui livrent la vie quotidienne , les pensées et les souffrances d'Alfred Gaspart. De nombreuses correspondances entretenues avec sa soeur Paule, qui est sa muse et sa complice, permettent également d'appréhender la vie de cet artiste.

 

Source : Mindef/SGA/DMPA

Louis Adrian

1859-1933

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Louis Auguste Adrian. Source : Archives départementales de la Manche

 

Du lauréat du concours général au chevalier de la Légion d'Honneur

Louis Auguste naît en 1859 dans une modeste famille catholique de Metz, de Jean Louis (receveur du gaz) et de Cornélie Joseph. La défaite de 1871 contraint les Adrian à l'exil, d'abord à Saint-Omer puis à Bourges, enfin à Tours (5 rue Sully). Boursier, élève brillant au lycée Descartes, il devient lauréat du concours général en 1878. Polytechnicien en 1880, il choisit le Génie, reste un an à l'École d'application de Fontainebleau avant d'être nommé lieutenant au 3e régiment d'Arras. Voici la description physique consignée dans le fichier des anciens élèves de l'École polytechnique : "Cheveux châtains clair - Front ordinaire - Nez moyen - Yeux bleus Bouche moyenne - Menton rond - Visage ovale - Taille 170".

Capitaine en 1885, il rejoint la chefferie de Cherbourg pour travailler au programme d'édification des nouvelles casernes de la Manche ainsi qu'aux ouvrages de défense des côtes. La vie de garnison lui fait connaître Saumur, Rennes, Granville, où il épouse en 1889 Marguerite Pigeon.

En 1885 il organise l'envoi et prend part au corps expéditionnaire de Madagascar. Sur place, il coordonne la logistique : amélioration du réseau routier, édification de ponts et de baraquements légers. Vaincu par le climat et le service, il est rapatrié en décembre 1895, avant d'être décoré à 36 ans, pour faits de guerre, de la croix de chevalier de la Légion d'honneur.


Le réformateur de l'Intendance

Adrian est affecté à la chefferie de Paris rive droite, puis suit le cours préparatoire à l'admission dans l'intendance. En mars 1898, alors sous-intendant militaire de 3e classe, il officie en tant que chef de service à la sous-intendance de Valenciennes. Il fait paraître dans la Revue de l'Intendance des articles sur la recherche et l'utilisation des ressources dans le Nord et rédige un manuel d'instruction à l'adresse des officiers suppléants aux sous-intendants.

En 1900, il est nommé à la première sous-intendance de Paris au service des Subsistances. L'année suivante il vérifie les comptes des corps de troupe à la deuxième Sous-intendance de Vincennes, et dispense des cours aux élèves, officiers stagiaires de l'Intendance.

En juillet 1904, alors 2e classe, il regagne Arras. Adrian, nommé sous-directeur de l'intendance au ministère de la guerre, est ensuite chargé de traquer les fraudes et entreprises de corruption des fournisseurs de l'armée auxquelles il remédie en proposant un nouveau cahier des charges de l'Intendance, source d'une amélioration des conditions de vie des effectifs. Ce travail lui vaut un avancement à la première classe en décembre 1908, ainsi que son inscription, le 20 juillet 1911, au tableau du concours pour le grade d'officier de la Légion d'honneur pour "services exceptionnels rendus à l'occasion de la reprise par l'Etat du matériel des Entrepreneurs de Lits Militaires" - il reçoit sa décoration le 31 décembre 1912.

Admis à la retraite anticipée sur sa demande en mai 1913, il s'installe dans la maison familiale de Genêts (Manche) avant d'apporter son aide en qualité d'expert aux éleveurs de l'Orénoque (Venezuela) dans la production et la conservation des viandes bovines pour qui il met au point des baraquements de bois préfabriqués et démontables.


Le "chef du service des improvisations"

Rappelé à sa demande en 1914, il est affecté en qualité de fonctionnaire du cadre auxiliaire au service du ravitaillement en Beauce et en Touraine. Adjoint au directeur de l'Intendance au ministère de la guerre il est chargé des questions d'habillement et d'équipement, devant faire face à la pénurie. Chargé début septembre 1914 de la récupération des textiles à Lille, il soustrait à la convoitise allemande plus de 4 000 tonnes de draps, toiles et lainages et organise le retraitement des tissus. De retour de mission, il planifie le remplacement des tenues, réorganisant les unités de production textile, fait réquisitionner les tenues des pompiers et des facteurs.

Au fait du quotidien au front, il prend l'initiative de fournir aux soldats des chapes en peau de mouton pour parer aux rigueurs de l'hiver. Il propose, en 1915, un modèle de bottes de tranchée et son système de baraquements, expérimenté au Venezuela, qui doit remplacer les tentes militaires coniques. En août 1915, la construction des baraquements passe du Génie à l'Intendance. Adrian, en prévision de la campagne d'hiver, décentralise la production des baraquements et met à contribution plus de deux cents entreprises pour la fabrication de cinquante unités par jour.


L'Intendant militaire et son casque

Le nom d'Adrian reste attaché au casque du Poilu. La guerre de tranchées est en effet menée avec des projectiles à dispersion. Les trois quarts des blessés portent des lésions à la tête dont 88 % sont mortelles. Un casque protecteur mais léger doit donc être attribué aux soldats. Adrian met ainsi au point une cervelière, calotte métallique de 0,5 mm d'épaisseur, placée dans le képi pour protéger le crâne des éclats de pierres, des balles, etc. Mais le modèle, fabriqué à 700 000 exemplaires, distribué à la fin de l'hiver 1915, n'est pas jugé assez efficace bien qu'il protège d'environ 60 % des éclats.

Le 21 février 1915, le ministère de la guerre, suivant la recommandation du général Joffre, décide de l'adoption d'un casque d'acier pour l'infanterie. Moins d'un mois plus tard, le choix se porte sur le modèle proposé par le peintre militaire Georges Scott "un casque de dragon", dont le mode de fabrication trop complexe rallonge les délais de fabrication, ce qui bénéficie au prototype d'Adrian. Pour accroître la protection balistique, Adrian étudie un casque basé sur un concept nouveau qui allie facilité de production et efficacité. En avril 1915, le casque constitué de 700 g de tôle d'acier est présenté et accepté. Ce casque est commandé à 1 600 000 exemplaires le 5 juin 1915. Plus de 7 millions d'exemplaires sont fabriqués dès la première année. Le casque remporte un tel succès auprès des militaires que les armées occidentales le commandent en masse (Italie, Belgique, Serbie, Roumanie, Hollande et Russie).

En octobre 1915, Adrian est promu commandeur de la Légion d'honneur, pour l'ensemble de son travail.


Un inventeur au service du soldat

Adrian imagine dès l'automne 1915 une cuirasse abdominale efficace contre les barbelés et les baïonnettes, et dote les bretelles des sacs à dos d'un arrêtoir afin de mieux répartir la charge et de limiter les usures produites par les courroies. L'intendant militaire est aussi un des artisans des taxis de la Marne. Joffre et Gallieni reprennent alors son idée d'utiliser les transports automobiles pour acheminer rapidement les troupes au front.


La réintégration, le "sauveur de Paris", le grand officier de la Légion d'honneur

En avril 1916, une loi sur le recrutement de l'Intendance permet la réintégration dans le cadre actif des sous-intendants militaires, retraités par anticipation en temps de paix et ayant rendu des services exceptionnels en temps de guerre. Désigné alors par le décret du 17 mai 1916, Adrian suscite griefs et jalousie. Le rapport d'enquête l'accuse entre autres de s'être occupé illégalement de marchés et d'avoir fait breveter ses inventions militaires.

Fin 1916, le service d'Adrian est supprimé et la construction des baraques retourne au Génie. Au mois de février 1917, Adrian est détaché à la mission d'essais, d'études et d'expériences techniques du sous-secrétariat des Inventions. Il y poursuit ses travaux sur les cuirasses, les lunettes pare-éclats, la tourelle blindée pour siège d'aviateur, et l'utilisation de l'énergie solaire.

Un second rapport insiste sur l'importance des services rendus et justifie ses actes au regard des conditions exceptionnelles. Nommé intendant militaire le 26 juin 1917, il est appelé par Clemenceau, Président du Conseil, pour diriger l'inspection générale des cantonnements du sous-secrétariat d'État de l'Administration. L'intendant militaire contrôle les services d'approvisionnement des armées et, à partir d'avril 1918, s'occupe du service des évacués, réfugiés et rapatriés.

Sa popularité croît encore lorsqu'il localise par triangulation, à partir des impacts des obus tombés sur Paris, la "Grosse Bertha" dans la forêt de Compiègne.

L'intendant militaire est placé dans la section de réserve en août 1918 par la Commission de Rajeunissement des Cadres. Mais la contre-enquête menée par Abrami, sous-secrétaire d'Éat, annule, en décembre 1918, la décision de la commission et réintègre, en mars 1919, l'intendant militaire dans ses fonctions d'inspecteur général.

Louis Auguste Adrian est promu à la dignité de grand officier de la Légion d'honneur le 16 juin 1920.

Malade, il se retire dans sa propriété normande de Genêts et décède à l'hôpital du Val-de-Grâce en août 1933.

 

Source : Mindef/SGA/DMPA

Henri Queuille

1884-1970

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Alger. Henri Queuille, commissaire d'Etat. Source : DMPA/SHD

 

Fils de François Queuille et de Maris Masson de Saint-Félix, Henri naît dans une famille bourgeoise de province.

A la mort de son père, pharmacien, en 1895, les Queuille s'installent à Tulle où l'adolescent fréquente le lycée à partir de 1896. Le jeune bachelier entreprend des études de médecine à Paris, se liant alors d'amitié avec Maurice Bedel et Georges Duhamel, avant de s'installer en 1908 dans sa ville natale. Il épouse en 1910 Margueritte Gratadour de Sarrazin dont il a deux enfants : Suzanne et Pierre. Il connaît une rapide ascension politique : conseiller municipal en 1912, maire et conseiller général de Corrèze l'année suivante, député en 1914.

Pendant la première guerre mondiale ses états de service de médecin dans diverses ambulances du front de l'est lui valent la Croix de guerre 14-18.

Membre modéré du parti radical, il entre au gouvernement d'Alexandre Millerand en juillet 1920 comme sous-secrétaire d'Etat à l'Agriculture. Reconnu par ses pairs, il multiplie les portefeuilles (Agriculture, Santé, Postes, Travaux publics, ravitaillement), étant ainsi nommé dix-neuf fois ministre de 1920 à 1940. Il est le principal initiateur de la politique agricole française de d'entre-deux guerres (création du génie rural, création et organisation de l'enseignement agricole, développement technique des campagnes, etc.) . il préside notamment la Fédération nationale de la mutualité et de la coopération agricole.

Il procède à la nationalisation des chemins de fer et à la création de la SNCF, et dirige l'Office national des mutilés, combattants, victimes de guerre et pupilles de la nation (1937). En 1939 il publie : Le Drame agricole : un aspect de la crise économique.

Républicain convaincu, conciliant avec les socialistes, il devient un proche d'Edouard Herriot, mais refuse refus de voter les pleins pouvoirs au maréchal Pétain le 10 juillet 1940. Il est alors révoqué de ses fonctions de maire de Neuvic. L'engagement de son fils Pierre dans la Résistance facilite ses contacts avec la France libre. Hettier de Boislambert le persuade de partir pour le Royaume-Uni.

Il gagne Londres en avril-mai 1943, en compagnie d'Astier de la Vigerie, de Daniel Mayer et de Jean-Pierre Levy, en dépit de sa méfiance envers de Gaulle. En mai il lance à la BBC un appel aux paysans de France, puis est nommé président de la commission du débarquement chargée de mettre au point les mesures à prendre dès la Libération. Deux mois plus tard, le gouvernement de Vichy prend un décret aux termes duquel Henri Queuille est déchu de la nationalité française et de son mandat de sénateur. En août, il part pour Alger, où de Gaulle, en rassembleur des partis politiques, le fait entrer au Comité français de Libération nationale (CFLN) en novembre 1943. Queuille se fait décharger de ses fonctions en septembre 1944, alors que le gouvernement s'installe à Paris, pour retourner à sa carrière politique, élu alors maire en octobre 1945 puis député aux élections législatives de 1946.

Les souvenirs des années de guerre du médaillé de la Résistance paraissent dans Journal 1939/1945.

Fidèle d'Édouard Herriot, il officie au gouvernement de la IVe République entre juillet 1948 et juin 1954. Etant par trois fois président du Conseil, il endigue l'agitation sociale, la montée du gaullisme et l'instabilité gouvernementale en menant une politique qualifiée d' "immobilisme", n'hésitant pas à, employer le force (en octobre-novembre 1948) et à retarder les élections . une politique cependant qui permet à la République de se maintenir.

Son activité en matière de politique étrangère aboutit à la signature en mars 1949 d'un accord franco-vietnamien, quasi-reconnaissance de l'indépendance de la colonie, à l'adhésion de la France au pacte Atlantique et la mise en oeuvre du plan Marshall le mois suivant.

Battu aux élections législatives de 1958, Henri Queuille s'en retourne à une vie politique locale. Il transforme sa commune en station de loisirs, y crée un lycée agricole et un collège technique. Continuant son travail de mémoire entrepris dès 1944, il rassemble archives, documents, témoignages et objets sur la Seconde Guerre mondiale et la Résistance, constituant ainsi le principal fonds du musée qui porte son nom.

 

Source : MINDEF/SGA/DMPA

François-Joseph Ier de Habsbourg

1830-1916

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Portrait de François-Joseph. Source www.elysee.fr

Empereur d'Autriche

 

François-Joseph est porté au pouvoir suite à l'insurrection révolutionnaire de 1848, succédant à son oncle Ferdinand Ier (le 2 décembre 1848) à Olmütz. Il est le fils aîné de l'archiduc François-Charles et de la princesse Sophie de Bavière. Il épouse Elisabeth de Bavière en 1854. Les victoires de son chancelier, le prince Schwarzenberg, et du général Radetzki rétablissent la domination autrichienne sur les Hongrois et le Italiens (1849). Soutenu par la Russie, il instaure un régime autoritaire hostiles aux minorités nationales, un appui qu'il perd en 1855 à cause de son hésitation lors de la guerre de Crimée.

L'empereur est battu en 1859 par les troupes de Victor-Emmanuel et de Napoléon III (batailles de Solférino et de Magenta). Il doit céder la Lombardie par le traité de Zurich (10 novembre 1859).

La rivalité avec la Prusse à propos de la domination des duchés de Schleswig et de Holstein, acquis sur le Danemark en 1864), fournit à cette dernière l'occasion de déclarer la guerre en 1866. Vaincu à Sadowa le 3 juillet 1866, il conclue la paix avec la Prusse (traité de Prague, le 23 août 1866), renonçant alors à ses droits en Allemagne du Nord au profit du vainqueur et à toute intervention dans l'unification de l'Allemagne - le gouvernement de Vienne ayant en 1851 fait échoué le mouvement de la "Petite Allemagne" inspiré par la Prusse. Il doit aussi céder la Vénétie à l'Italie, via la France (traité de Vienne, 3 octobre 1866), alliée à la Prusse suite à l'entrevue secrète de Napoléon III avec Bismarck à Biarritz (octobre 1865).

Pour calmer les mouvements nationaux de son empire, il accorde en 1867 un statut qui transforme l'Autriche en monarchie dualiste (austro-hongroise) d'essence fédéraliste. Les territoires de l'ancien empire d'Autriche sont séparés en deux parties de part et d'autre de la Leithasont constituées la Cisleithanie autour de l'Autriche et la Transleithanie autour de la Hongrie. La Cisleithanie est constituée de l'Autriche, de la Bohême, de la Moravie, de la Gabissie, de la Slovénie, de l'Istrie, et des territoires le long de la côte dalmate. Le suffrage universel masculin est accordé. La Transleithanie est- formée de la Hongrie, de la Croatie, des territoires autour de Temesvar, et de la Trans-sylvanie. Il n'y a pas de suffrage universel masculin, ce qui aurait valorisé le rôle des autres peuples sous domination de Budapest. L'empereur hésitera toujours entre une voie autoritaire (inspirée par l'Allemagne), et le fédéralisme des ministères Taaffe et Badeni. François-Joseph se satisfait de cette situation de blocage en politique intérieure.

La politique de rapprochement avec la Prusse menée par Andrassy conduit au ralliement à la politique de Bismarck : en 1873 alliance des trois empereurs en 1873 (Allemagne, Russie, Autriche), qui devient la Duplice en 1879 (Allemagne et Autriche), et finalement la Triplice en 1883 par l'adhésion de l'Italie, on parle même, à partir de 1892-1893 de " subordination diplomatique à l'Allemagne". L'Autriche occupe (en 1878) et annexe (1908) la Bosnie-Herzégovine afin de diminuer l'influence russe dans les Balkans qui depuis sa sortie de l'alliance conduit une politique panslave, intensifiant et intervenant dans ainsi dans les affaires de la Double Monarchie. L'annexion la Bosnie-Herzégovine entraîne une crise internationale. Le problème de la Bosnie apparaît lié à celui de la Serbie et de la situation des Slaves du Sud sous domination de Budapest et tentés de regarder vers Belgrade. Pris ainsi entre un panslavisme et un pangermanisme conquérants, François-Joseph échoue dans sa volonté d'incarner la voie moyenne en Europe centre-orientale.

Son long règne, 68 ans, lui fait endurer l'exécution de son frère Maximilien au Mexique en 1867, le suicide de son fils Rodolphe à Mayerling en 1889, l'assassinat de son épouse à Genève par un anarchiste en 1898 et celui de son neveu et héritier présomptif, François-Ferdinand, le 28 juin 1914 à Sarajevo, événement déclencheur de la première guerre mondiale. La double monarchie entre ainsi en guerre relativement stable politiquement. Son souverain a réussi à imposer un certain loyalisme dynastique chez la plupart de ses sujets, mais aussi au sein de l'armée et des autres institutions.

L'Autriche-Hongrie aura eu davantage à souffrir des rigueurs de la guerre et de son million de morts, que des mouvements antimonarchistes lorsque disparaît son fondateur.

 

Source : Mindef/SGA/DMPA