Une histoire de la réconciliation franco-allemande

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Signature du traité d’Aix-la-Chapelle par le président Emmanuel Macron et la chancelière allemande Angela Merkel, 22 janvier 2019. © Présidence de la République

Des prémices de la guerre de 1870 à nos jours, les relations franco-allemandes ont connu soubresauts et rebonds, les deux guerres mondiales symbolisant l’ultime fracture. La fin du XXe siècle marque le temps de l’apaisement et ouvre la voie à un véritable processus de réconciliation. Ainsi, si la relation bilatérale entre l’Allemagne et la France résulte d’années de progressive et intense coopération, elle demeure également indissociable de la construction européenne.

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Pendant 75 ans, le centre du continent européen a vécu au rythme des affrontements entre la France et l’Allemagne : la guerre franco-allemande de 1870 et les deux guerres mondiales. Le prix en fut épouvantable : plus de 70 millions de morts en Europe et dans le monde, dont 13 millions en Allemagne et en France. Sur les ruines encore fumantes de ces tragédies, pourtant, le cours de l’Histoire s’est inversé : la réconciliation franco-allemande est devenue, après la Seconde Guerre mondiale, le ressort d’une (re)construction pacifique de l’Europe.

Le long chemin de l’inimitié à la concorde

Les guerres qui ont émaillé le XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle, depuis les guerres napoléoniennes, avaient ancré dans les esprits la "haine héréditaire" entre l’Allemagne et la France. Au début du XVIIIe siècle déjà, il y eut des efforts louables pour construire des ponts entre la France et ce qui était alors le Saint-Empire – la romancière Madame de Staël essayait de rendre les Allemands plus séduisants aux yeux des Français, l’écrivain Heinrich Heine entreprenant un effort équivalent outre-Rhin. Mais leurs voix restèrent isolées et se heurtèrent aux replis nationaux.

Il y eut entre les deux guerres mondiales d’autres tentatives : les ministres des Affaires étrangères français et allemand, Aristide Briand et Gustav Stresemann, avaient entrepris un grand effort pour panser les plaies causées par la Première Guerre mondiale et pour ouvrir la voie à des relations constructives, efforts récompensés en 1927 par le prix Nobel de la Paix, mais anéantis par la crise économique et la montée du nazisme.

Ce n’est que dans la seconde moitié du XXe siècle qu’un certain nombre de dirigeants français et allemands ont réussi à se soustraire au diallèle des conflits franco-allemands. Si le projet de Communauté européenne de défense (CED) échoue en 1954 devant l’Assemblée nationale française, en raison de la crainte du réarmement allemand, un "rapprochement" franco-allemand se produit dès la fin des années 1940, grâce à la mise en place d’un réseau d’infrastructure humaine autour de personnalités comme l’Abbé Franz Stock, le jésuite Jean du Riveau, le fondateur de mouvement de résistance "Combat" Henry Frenay ou encore le politologue Alfred Grosser, et la mise en place d’un réseau de structures publiques et privées : le Comité français d’échanges avec l’Allemagne nouvelle et l’Institut franco-allemand de Ludwigsburg sont fondés en 1948, les Comités de jumelages intercommunaux sont initiés dès 1950 par les villes de Montbéliard et Ludwigsburg, enfin la Chambre franco-allemande de commerce et d’industrie est créée en 1955. Joseph Rovan, ancien déporté de Dachau, futur ami et conseiller du chancelier Helmut Kohl, fit d’ailleurs paraître dès octobre 1945, dans la revue Esprit, un article emblématique sur l’Allemagne qui, avec ses accents prémonitoires, eut un impact important sur les relations franco-allemandes et le processus d’unification européenne. Il y énonçait l’existence d’une communauté de destin des deux peuples au sein de l’Europe, puisque l’Allemagne avait précipité l’Europe avec elle dans sa ruine. La France ayant désormais charge de l’Allemagne, celle-ci sera ce que la France fera d’elle – d’où le titre de l’article : "L’Allemagne de demain sera la mesure de nos mérites".

 

Robert Schuman

Première réunion du Conseil de l’Europe. Robert Schuman (1886-1963) et Maurice Couve de Murville (1907-1999), Strasbourg (Bas-Rhin), août 1949.
© Roger-Viollet

 

La réconciliation découle d’une volonté de vivre enfin en paix. De part et d’autre du Rhin, on avait compris qu’il fallait se soumettre à la contrainte pour la transformer en création, et il s’agissait d’abord de reconnaître que l’on a des intérêts communs – c’est le sens même du projet de Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) de Robert Schuman, ministre français des Affaires étrangères. Exposé le 9 mai 1950, il proposait la mise en commun de ce qui était à l’époque le nerf de la guerre, le charbon et l’acier : "Le rassemblement des nations européennes exige que l’opposition séculaire de la France et de l’Allemagne soit éliminée […]. Le gouvernement français propose […] de placer l’ensemble de la production franco-allemande de charbon et d’acier sous une haute autorité commune, dans une organisation ouverte à la participation des autres pays d’Europe […]. La solidarité de production qui sera ainsi nouée manifestera que toute guerre entre la France et l’Allemagne devient non seulement impensable, mais matériellement impossible".

 

Konrad Adenauer de Gaulle

Le chancelier allemand Konrad Adenauer accueilli par le général de Gaulle à son arrivée au palais de l’Elysée
pour la signature du traité franco-allemand, Paris, 22 janvier 1963. © Roger-Viollet

 

Les signataires du traité de coopération et d’amitié franco-allemand, dit de l’Élysée, du 22 janvier 1963, le général de Gaulle et Konrad Adenauer, ont donné ensuite l’impulsion nécessaire afin que les responsables français et allemands transcendent la complexité de leur relation au bénéfice d’une réconciliation exemplaire au service de la construction européenne. Non exempte d’ambiguïtés et de malentendus, l’entente des deux dirigeants se fait sur une volonté politique commune de contribuer à l’unité européenne. Leurs successeurs, quels qu’ils soient, mènent un dialogue constant permettant d’assumer toutes les contradictions qui naissent des différences de vues et d’approches de la situation internationale. Le traité de l’Élysée, qui énonce des rencontres régulières entre chefs d’État et de gouvernement et entre ministres, en matière de politique étrangère notamment, ne constitue certes pas un instrument magique pour faire progresser les relations entre Paris et Bonn/Berlin ; mais en tant qu’élément super-structurel "apaisant", il a évité d’hypothéquer l’avenir franco-allemand et européen. Ainsi, lors du processus d’unification allemande, les relations entre les dirigeants français et allemands furent si tendues que seules les habitudes de coopération prises depuis 1963 ont empêché des dissensions plus sérieuses. Il ne faut en effet pas oublier que d’un point de vue français, la division de l’Allemagne fut en réalité la condition préalable à une réconciliation avec le voisin. Or, en 1990, les paramètres traditionnels des rapports franco-(ouest)-allemands sont remis en cause par l’avènement d’une Allemagne unifiée au cœur de l’Europe. Depuis le traité de l’Élysée, la coopération n’a cessé de s’approfondir. À l’occasion du 25e anniversaire de sa signature, en 1988, sont mis en place le Conseil franco-allemand de la défense et de la sécurité, ainsi que le Conseil économique et financier franco-allemand, et en 1989 c’est la création de la Brigade franco-allemande qui conduit à l’émergence de l’Eurocorps en 1993. Un secrétariat général pour la coopération dans chaque pays et les Conseils des ministres franco-allemands, qui se substituent aux sommets franco-allemands, sont mis en place à la suite du 40e anniversaire du traité, en 2003. Le traité sur la coopération et l’intégration franco-allemandes, signé à Aix-la-Chapelle, le 22 janvier 2019, complète le traité de l’Élysée en passant de la volonté de coopération à celle de convergence dans plusieurs domaines, aussi bien économique que militaire ou encore transfrontalier. Aujourd’hui, les relations bilatérales n’ont aucun équivalent entre deux autres pays.

 

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Signature du traité d’Aix-la-Chapelle par le président Emmanuel Macron et la chancelière allemande Angela Merkel, 22 janvier 2019.
© Présidence de la République

 


Les traités de l’Élysée et d’Aix-la-Chapelle ont conduit à l’instauration d’un partenariat spécifique entre les deux pays, mais qui est légitimé par un processus de construction d’une symbolique de la réconciliation.

La mémoire de la Première Guerre mondiale, symbole de la réconciliation franco-allemande

Quand on évoque la réconciliation franco-allemande, elle fait davantage "sens" pour la Première Guerre mondiale, moins pour la Seconde, puisque l’Allemagne a occupé la France pendant quatre ans – voire pour la guerre franco-allemande de 1870, aux souffrances et conséquences sans pareil avec les deux guerres mondiales. Certes, toute guerre peut être instrumentalisée à des fins militantes. La signature du traité d’Aix-la-Chapelle, en 2019, a ainsi montré comment des leaders politiques français ont pu réveiller le souvenir de 1870 en accusant le président français de céder l’Alsace à l’Allemagne, alors que, dans le traité, il n’est question que d’approfondissement de la coopération transfrontalière au bénéfice des populations concernées.

La mémoire des peuples français et allemand n’est pas la même : contrairement à la France qui fait du 11 Novembre un jour de la "commémoration de la victoire et de la paix", l’Allemagne ignore cette date dans son calendrier mémoriel, car elle évoque le souvenir de son effondrement et des humiliations du traité de Versailles du 28 juin 1919 qui servirent d’engrais, 14 ans plus tard, à l’avènement du national-socialisme. Il reste que c’est bien le premier conflit mondial qu’évoquent le général de Gaulle et le chancelier Adenauer en assistant au service religieux en la cathédrale de Reims, le 8 juillet 1962, tout comme le président François Mitterrand et le chancelier Helmut Kohl en se tenant la main devant l’ossuaire de Douaumont, près de Verdun, le 22 septembre 1984. Cette posture des deux dirigeants français et allemand rappelle pour la première fois les douleurs et les pertes des deux peuples, et transforme ainsi la commémoration de la Première Guerre mondiale en souvenir consensuel d’une expérience terrible partagée.

 

Kohl et Mitterrand 1985

François Mitterrand et Helmut Kohl commémorent ensemble la bataille de Verdun, ossuaire de Douaumont, 22 septembre 1984. © RDA

 

C’est au château de Versailles, le 22 janvier 2003, que se tient la séance commune de l’Assemblée nationale et du Bundestag allemand, à l’occasion du 40e anniversaire du traité de l’Élysée, 84 ans après la signature du traité de Versailles, dans la galerie des Glaces du château – là où fut proclamé aussi l’empire allemand en 1871. Le 11 novembre 2009, la chancelière Merkel et le président Nicolas Sarkozy ont ensemble ravivé la flamme du tombeau du soldat inconnu de la Grande Guerre sous l’Arc de Triomphe – éminent lieu de la mythologie française, qui donne à la présence allemande – une première – un lustre particulier. C’est un événement, car c’est un rituel transnational qui fut mis en oeuvre, avec l’exécution des deux hymnes et la présence d’un détachement de la brigade franco-allemande et d’élèves-officiers des deux armées. Le discours du président Sarkozy, tout en se situant dans la tradition du geste du chancelier Kohl et du président Mitterrand, évoquait explicitement les victimes des deux camps, sans distinction aucune entre les morts des uns et des autres : "En ce 11 Novembre [nous] ne commémorons pas la victoire d’un peuple contre un autre, mais une épreuve qui fut aussi terrible pour l’un que pour l’autre". Le président

Emmanuel Macron et son homologue allemand Frank-Walter Steinmeier se placent résolument dans ce cadre, lorsqu’ils inaugurent ensemble, le 11 novembre 2018, l’Historial franco-allemand de la Grande Guerre du Hartmannswillerkopf, dans les Vosges. La dimension binationale est plus poussée qu’à Verdun, car l’Historial se situe dans un bassin transfrontalier de 8 millions d’habitants – une opportunité pour créer une mémoire commune ouverte et européenne du conflit. Enfin, le 10 novembre 2018, la chancelière Merkel et le président Macron ont, ensemble, commémoré la fin de la Première Guerre mondiale dans la clairière de Rethondes, dans la forêt de Compiègne, où fut signé l’Armistice, un siècle auparavant. Jamais encore, un chancelier fédéral ne s’était rendu en ce lieu de capitulation. Les deux dirigeants y dévoilent une plaque commémorative bilingue indiquant qu’ils "réaffirment ici la valeur de la réconciliation franco-allemande au service de l’Europe et de la paix".

Nicolas Sarkozy Merkel
Nicolas Sarkozy et Angela Merkel passent en revue des troupes allemandes à l’occasion de la cérémonie nationale du 11 Novembre,
Paris, 11 novembre 2009. © Philippe Wojazer/AFP

 

Certes, re-mémorisation et commémoration doivent avoir un sens, le travail de mémoire doit être nourri, et l’encre puisée à Verdun étant trop sèche désormais, pour réussir ce palimpseste, il fallait aussi aborder, ensemble, la Seconde Guerre mondiale. Il a fallu installer des points d’ancrage nouveaux, comme la compréhension mutuelle ou la transformation des lieux de douleur en lieux de recueillement commun. Il en va ainsi de la déclaration solennelle du président Jacques Chirac, en présence du chancelier Gerhard Schröder, à Caen, le 6 juin 2004, à l’occasion du 40e anniversaire du Débarquement des Alliés en Normandie, au Mémorial de la Paix : "En ce jour du souvenir et de l’espérance, les Françaises et les Français vous reçoivent plus que jamais en ami. Ils vous reçoivent en frère".

La mécanique de la réconciliation, entre oubli pacificateur et regard tourné vers l’avenir

Jusqu’à la fin des années 1980, la réconciliation a été perçue, des deux côtés du Rhin, comme incompatible avec une confrontation à la mémoire du dernier conflit mondial. Depuis la cérémonie de Reims, en 1962, les dirigeants français et allemands se sont appuyés en effet sur les lieux de mémoire qui renvoient à des épisodes antérieurs à la Seconde Guerre mondiale. La mémoire officielle franco-allemande privilégie ainsi les lieux consensuels (Reims, Verdun ou Versailles) par rapport aux épisodes historiques qui inspirent la plupart des débats mémoriels contemporains (Drancy, Auschwitz ou Oradour-sur-Glane). En ce sens, comme toute représentation historique, le grand récit de la réconciliation franco-allemande comporte une part d’oubli, pour différentes raisons. D’une part, le contexte "extérieur", celui de la Guerre froide, rapprochait de fait les démocraties d’Europe occidentale pour contrer la menace soviétique. D’autre part, des accusations mutuelles concernant des épisodes de la Seconde Guerre mondiale pouvaient mettre à mal les contacts potentiellement constructifs. Par ailleurs, après 1963, les dirigeants français et allemands sont convaincus que pour garantir la réussite du rapprochement franco-allemand, il fallait à tout prix lui éviter tout ce qui aurait pu éventuellement le menacer. Cette impasse sur le passé proche permit de masquer le non-retour de chacun des deux pays sur son propre passé – crimes nazis et collaboration. De hauts gradés de la SS en France, durant l’Occupation, tels Karl Oberg et Helmut Knochen, sont ainsi libérés en 1962 sur ordre du général de Gaulle. La mansuétude française à leur égard s’explique dans le contexte de la politique de réconciliation nationale des gouvernements français successifs et de réconciliation avec l’Allemagne en vue de la signature du traité de l’Élysée – ce qui vaut absolution. Dans son discours à Berlin, le 8 mai 1995, à l’occasion du 50e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, le président Mitterrand osera même rendre explicitement hommage aux soldats de la Wehrmacht et à leur courage. Enfin, il s’agit moins de mettre le passé en conformité avec les nécessités du présent que de favoriser la pérennité d’un "oubli", celui rédempteur qui, sans tomber dans le piège de l’occultation, permet de dépasser le passé douloureux, sans pour autant l’effacer. C’est la Grande Guerre qui sert ainsi de moteur "positif" à la réconciliation, au point que le président Valéry Giscard d’Estaing avait décidé de ne plus retenir comme date commémorative que le 11 Novembre, en en faisant une journée du souvenir pour toutes les guerres, et non plus aussi le 8 Mai.

Dans les années 1980 déjà, les milieux officiels franco-allemands acceptent cependant peu à peu de faire face aux épisodes douloureux de la Seconde Guerre mondiale – en témoignent les procès de Klaus Barbie, en 1987, puis de Paul Touvier, en 1994, respectivement chef de la Gestapo à Lyon et chef de la milice lyonnaise durant l’Occupation. L’émergence des mémoires de la Seconde Guerre mondiale dans le champ franco-allemand s’explique par l’évolution des deux sociétés et États, après la fin de la Guerre froide, et dans le changement de leur attitude face à leur propre histoire.

En Allemagne, la confrontation critique avec le passé nazi devient majoritaire au milieu des années 1980, avec notamment le célèbre discours du président fédéral, Richard von Weizsäcker, le 8 mai 1985, devant le Bundestag, dans lequel il lançait à ses compatriotes un message de réconciliation avec leur passé nazi : "Le 8 mai fut un jour de délivrance". Après que le président Mitterrand a, en 1981, rétabli le 8 Mai comme jour férié, non pas pour célébrer la victoire contre le nazisme, mais pour célébrer la liberté et la démocratie, le discours du président allemand donnera corps à cette interprétation qui permettra au chancelier Schröder de participer, en juin 2004, aux célébrations du 60e anniversaire du Débarquement. En France, cette confrontation critique franchit un cap décisif avec le discours du président Chirac, le 16 juillet 1995, lors de la cérémonie commémorant la rafle du Vél d’hiv des 16 et 17 juillet 1942, dans lequel, loin de la position gaullo-mitterrandienne sur le sujet, il reconnaissait officiellement la responsabilité de l’État français dans la déportation et le génocide des Juifs – implication de la France réaffirmée par les présidents François Hollande, en 2012, et Emmanuel Macron, en 2017.

 

François Hollande Joachim Gauck

François Hollande et Joachim Gauck visitent ensemble Oradour-sur-Glane, aux côtés de Robert Hebras, rescapé du massacre, 4 septembre 2013. 
Philippe Wojazer/AFP

 

Les deux pays sont aussi plus aptes à regarder ensemble un passé commun. Dans les échanges franco-allemands, au niveau de la société civile, ou au sein de l’Office franco-allemand de la Jeunesse (OFAJ), des lieux et des thèmes directement liés à l’histoire de la Seconde Guerre mondiale sont intégrés aux programmes à partir de la fin des années 1990. La réalisation d’un Manuel d’histoire franco-allemand pour les lycéens français et allemands, décidée en 2003, est le signe ultime de la réconciliation de deux pays qui veulent ainsi promouvoir un regard franco-allemand sur les événements historiques, notamment ceux tragiques de la collaboration et du génocide des Juifs. Le président Hollande et son homologue allemand Joachim Gauck se sont rendus ensemble, le 4 septembre 2013, à Oradour-sur-Glane – où le 10 juin 1944, 643 personnes furent massacrées par des soldats de la division SS Das Reich. Ce nouveau geste symbolique, et de repentance pour l’Allemagne, cette fois-ci sur un lieu de mémoire de la Seconde Guerre mondiale, montre à quel point les deux pays ont besoin de continuer à se réconcilier. L’on voit bien que les dirigeants français et allemands doivent montrer qu’ils n’ont pas seulement envie de dialoguer, mais qu’ils véhiculent une sorte d’émotion par-delà les rencontres régulières qui existent depuis plus de 50 ans.

Ces dernières décennies, les responsables politiques français et allemands ont donné les impulsions nécessaires afin que les deux pays améliorent les mécanismes d’imbrication des processus de coopération, puissent se fixer les mêmes objectifs et ensuite emprunter les mêmes chemins pour les réaliser. C’est le processus de réconciliation qui a permis aux deux pays de se rapprocher et qui leur permet, aujourd’hui, de continuer de se rapprocher, au point de prétendre parfois former un "couple", ce que le partenariat franco-allemand n’est assurément pas. Mais ce rapprochement franco-allemand possède une vraie exemplarité et a démontré une capacité à construire l’Europe de la paix et de la prospérité. Si l’on peut s’interroger sur certaines limites du grand récit de la réconciliation franco-allemande, l’on doit aussi admettre qu’il fut et reste une leçon de tolérance et de solidarité, qui peut être un modèle pour d’autres régions en conflit dans le monde.

 

Stephan Martens - Professeur d’études allemandes et européennes à la CY Cergy Paris Université, ancien recteur d’académie