1917 L’Entrée en guerre des États-Unis

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Discours du président américain Woodrow Wilson exhortant le Congrès à déclarer la guerre à l'Allemagne, Washington, 2 avril 1917
Discours du président américain Woodrow Wilson exhortant le Congrès à déclarer la guerre à l'Allemagne, Washington, 2 avril 1917 - © Ullstein Bild/Roger-Viollet

Sommaire

    Chronologie
    Chronologie
    La Première Guerre mondiale et les États-Unis
    juin 1914

    28 juin : assassinat de l'archiduc héritier d'Autriche-Hongrie François-Ferdinand à Sarajevo.

    Juillet 1914

    28 juillet : déclaration de Guerre de l'Autriche à la Serbie.

    août 1914

    Déclaration de guerre de l'Allemagne à la Russie (le 1er), à la France et à la Belgique (le 3) . de la Grande-Bretagne à l'Allemagne (le 4) . de l'Autriche à la Russie (le 5) . de la France et de la Grande-Bretagne à l'Autriche (le 12) . de l'Autriche à la Belgique (le 22) . du Japon à l'Allemagne (le 23) . de l'Autriche au Japon (le 25).

    20-24 août : bataille des frontières, repli de l'armée française.

    Août-septembre : échec des offensives russes en Prusse orientale.

    septembre 1914

    6-13 septembre : bataille de la Marne, repli des troupes allemandes sur l'Aisne.

    Septembre-novembre : course à la mer entre les armées allemandes et alliées.

    novembre 1914

    Entrée en guerre de la Turquie aux côtés des Empires centraux.

    février 1915

    4 février : début de la guerre sous-marine.

    Février-mars : échec des tentatives de percée françaises en Champagne.

    Février-avril : échec allié aux Dardanelles.

    Février-septembre : offensives allemandes en Prusse-Orientale et en Pologne, repli des russes.

    mai 1915

    7 mai : torpillage du Lusitania par les Allemands.

    23 mai : entrée en guerre de l'Italie aux côtés des alliés.

    Mai-juin : échec des tentatives de percée françaises en Artois.

    septembre 1915

    Septembre : entrée en guerre de la Bulgarie aux côtés des Empires centraux.

    Septembre-octobre : échec de la tentative de percée franco-britannique en Artois.

    octobre 1915

    5 octobre : débarquement allié à Salonique.

    Octobre-novembre : conquête de la Serbie par les Allemands, les Austro-hongrois et les Bulgares.

    février 1916

    21 février-18 décembre : bataille de Verdun.

    mars 1916

    Entrée en guerre du Portugal aux côtés des alliés.

    avril 1916

    28 avril : défaite britannique contre les Turcs à Kut-al-Amara.

    juin 1916

    Juin-septembre : offensives russes en Galicie et en Bucovine.

    Juillet 1916

    1er juillet-19 novembre : bataille de la Somme.

    août 1916

    Entrée en guerre de la Roumanie aux côtés des alliés.

    octobre 1916

    Octobre-décembre : conquête de la Roumanie par les troupes austro-allemandes et bulgares.

    novembre 1916

    Woodrow Wilson réélu président des États-Unis.

    février 1917

    1er février : intensification de la guerre sous-marine dans l'Atlantique . rupture des relations diplomatiques américano-germaniques le 3.

    mars 1917

    1er mars : publication du télégramme Zimmermann dans la presse américaine.

    11 mars : prise de Bagdad par les Britanniques.

    Mars-novembre : révolution russe . abdication du tsar Nicolas II (le 15 mars).

    avril 1917

    6 avril : déclaration de guerre des États-Unis à l'Allemagne.

    16 avril : échec de l'offensive Nivelle au Chemin des Dames.

    24 avril-15 mai : mission Joffre-Viviani aux États-Unis.

    mai 1917

    Mai-juin : mutineries dans l'armée française.

    juin 1917

    13 juin : arrivée en France du général Pershing, commandant en chef du corps expéditionnaire américain, et de son état-major.

    28 juin : entrée en guerre de la Grèce aux côtés des Alliés.

    Juin-juillet : arrivée des premiers éléments du corps expéditionnaire américain à Saint-Nazaire.

    Juin-décembre : offensive alliée dans les Flandres et bataille de Cambrai.

    Juillet 1917

    Juillet-septembre : occupation de la Bucovine par les Allemands.

    septembre 1917

    3 septembre : prise de Riga par les Allemands.

    octobre 1917

    Victoire britannique en Palestine.

    24 octobre-10 novembre : bataille de Caporetto, défaite italienne.

    décembre 1917

    7 décembre : déclaration de guerre des États-Unis à l'Autriche-Hongrie.

    15 décembre : armistice russo-allemand de Brest-Litovsk.

    février 1918

    9 février-3 mars : traité de Brest-Litovsk entre l'Allemagne, l'Ukraine et la Russie.

    mars 1918

    Mars-juillet : reprise des offensives allemandes en Picardie et en Champagne.

    mai 1918

    7 mai : traité de Bucarest entre les Puissances centrales et la Roumanie.

    27 mai-27 juin : engagement de sept divisions américaines au Bois Belleau.

    Juillet 1918

    Juillet-août : contre-offensives alliées, participation de divisions américaines à la bataille de Champagne et d'Île-de-France.

    Offensive générale alliée.

    septembre 1918

    12-14 septembre : réduction du saillant de Saint-Mihiel par les troupes américaines.

    15 septembre : offensive franco-serbe en Macédoine.

    29 septembre : armistice allié avec la Bulgarie.

    octobre 1918

    24 octobre-2 novembre : victoire italienne de Vittorio Veneto.

    30 octobre : armistice de Moudros avec la Turquie.

     

    Novembre 1918

    3 novembre : armistice de Padoue avec l'Autriche.

    9 novembre : abdication de Guillaume II.

    11 novembre : armistice de Rethondes avec l'Allemagne.

    Galerie photos
    La revue du 14 juillet 1917 à Paris. Les troupes, prêtes pour le défilé
    Des ouvrières confectionnent des obus de 75 mm aux usines de la société électrique de Suresnes, juillet 1915
    Arrivée des premiers contingents américains en France
    Une ouvrière employée aux ateliers du Métropolitain, 28 mars 1917

    En résumé

    DATE : juin 1917

    LIEU : France

    ISSUE : arrivée des premières troupes américaines

    FORCES EN PRÉSENCE :

    France, Royaume-Uni, États-Unis, Allemagne

    L’année 2017 marque le centième anniversaire de l’entrée en guerre des États-Unis, l’occasion de revenir sur le contexte politique de cet engagement, les principales batailles dans lesquelles les troupes américaines se sont illustrées, l’impact sur la société civile et la construction d’une mémoire américaine de la Première Guerre mondiale.

    UNE LONGUE TRADITION D’ISOLATIONNISME

    L’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand, le 28 juin 1914, enclenche un engrenage qui, par le système d’alliances, conduit à la guerre entre les grandes puissances européennes, la Triplice (Allemagne, Autriche-Hongrie, Italie) contre la Triple Entente (France, Angleterre, Russie). L’Angleterre, qui a besoin de combattants et de matières premières, fait appel aux pays des dominions (Canada, Terre-Neuve, Nouvelle-Zélande, Australie, Afrique du Sud) et aux colonies de l’Empire britannique qui se trouvent alors entraînés dans le conflit.

    Les États-Unis, au contraire, s’appuient sur une longue tradition d’isolationnisme - le discours d’adieu du premier président, George Washington, en 1796, ou celui de James Monroe, en 1823, en sont des exemples - pour affirmer leur neutralité. Le président Woodrow Wilson, élu en 1912, est conscient que l’entrée en guerre menacerait l’unité de la nation. Depuis la fin du XIXe siècle, les États-Unis ont accueilli de nombreux immigrants, venus de toute l’Europe travailler dans les villes et les usines. Certains retournent dans leur pays dès la mobilisation générale pour combattre. Ambassadeurs et consuls les y encouragent et surveillent les réfractaires. D’autres veulent éviter que les États-Unis s’engagent pour l’un ou l’autre camp. Les Irlando-Américains, fortement opposés à l’Angleterre qui refuse toujours d’accorder l’indépendance à l’Irlande, sont politiquement puissants dans le parti démocrate, celui du président Wilson. De nombreux Américains d’origine allemande sont influencés par les mouvements socialistes internationalistes qui voient dans la guerre un complot des capitalistes et des nationalistes. Pacifistes, ils militent pour une neutralité totale, contre tout envoi de produits et de provisions aux belligérants.

    Le Sud, d’où Wilson est originaire, est aussi farouchement opposé à la participation à la guerre. Le blocus anglais, en empêchant la vente du coton aux Empires centraux, a provoqué une panique économique. Les Sudistes conservent le souvenir de la ruine causée par la guerre de Sécession dans les années 1860. Ils redoutent que le gouvernement fédéral profite de l’état de guerre pour augmenter son pouvoir et qu’un président républicain remette en cause l’ordre racial dans le Sud, affirmé par la ségrégation.

    Lorsque le 7 mai 1915, le Lusitania, paquebot transatlantique britannique, est coulé par un sous-marin allemand avec environ 1200 passagers dont 128 Américains, Wilson proteste et demande au Congrès des fonds pour développer l’armée et la marine et les "préparer" à toute éventualité. Convaincu que le gouvernement des États-Unis est disposé à s’engager contre l’Allemagne et lui-même hostile à une entrée en guerre, le ministre des affaires étrangères, William Jennings Bryan, démissionne le 9 juin 1915. Mais l’implication militaire des États-Unis est temporairement évitée.

    Seuls les conflits qui menacent la sécurité du territoire sont susceptibles d’être acceptés par la population américaine. La révolution mexicaine en est un exemple. Après le départ du président Porfirio Diaz le 27 mai 1911, le Mexique est secoué par des combats entre des chefs militaires et des mouvements rebelles, comme celui d’Emiliano Zapata pour une réforme agraire dans le sud et de Francisco "Pancho" Villa dans le nord. En 1914, les États-Unis occupent le port de Veracruz pour protéger les intérêts des résidents américains et fournissent des armes aux forces révolutionnaires de Venustiano Carranza, qui gouverne le pays de 1915 à 1920. En mars 1916, son rival Villa attaque la ville de Columbus, dans le Nouveau-Mexique, et tue seize personnes, dans le but de provoquer des représailles de la part des États-Unis, ce qui affaiblirait Carranza. Wilson décide une "expédition punitive" et envoie le général John J. Pershing, qui franchit la frontière et poursuit la petite troupe de Villa, sans succès. En janvier 1917, lorsque les menaces de guerre contre l’Allemagne se font plus précises, Wilson rappelle Pershing.

     

    Pershing

    Le général Pershing. © Daniau/ECPAD Défense

     

    VERS L’IMPLICATION

    Neutralité ne veut pas dire non-intervention. Face au sort tragique de la population civile dans les territoires de Belgique et du nord de la France occupés par l’Allemagne, des initiatives privées sont mises en œuvre. Herbert C. Hoover, ingénieur millionnaire et futur président, fonde en octobre 1914 puis dirige la Commission for Relief in Belgium (CRB) qui, en négociant avec les diverses forces en présence, réussit à nourrir neuf millions de Belges et deux millions de Français menacés de mourir de faim. D’autres organisations américaines, comme la Croix-Rouge américaine et la Fondation Rockefeller, s’engagent aussi pour soulager les souffrances des populations civiles, créant ainsi des modèles pour les interventions humanitaires ultérieures.

    Woodrow Wilson est réélu en novembre 1916. Durant sa campagne, il a promis de tenir les États-Unis à l’écart de la guerre. Mais cette position, dictée par la situation intérieure, est de plus en plus difficile à assumer face à l’escalade des tensions. Fin janvier 1917, Wilson expose devant le Congrès sa doctrine d’une paix sans victoire. Au nom de principes moraux et des intérêts de l’humanité, il refuse de remplacer l’ancien équilibre des forces par un nouveau, celui des vainqueurs. Il propose une "communauté de pouvoir" qui serait une organisation garante de la paix. Il défend la liberté de circulation sur les mers et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes au nom de la "doctrine Monroe" de 1823.

    Le 31 janvier 1917, l’Allemagne annonce la reprise de la guerre sous-marine contre tous les navires commerçant avec les ports anglais ou français, sans sommation. Cela représente une grave menace pour le commerce américain. Le 3 février, la rupture des relations diplomatiques entre les États-Unis et l’Allemagne est officielle. Entre cette date et le 4 avril 1917, neuf navires américains sont coulés par des sous-marins allemands, provoquant la mort de 43 marins, dont 13 Américains.

    Fin février 1917, les Britanniques interceptent, décryptent et communiquent à Washington un télégramme secret envoyé le 16 janvier par le ministre des affaires étrangères allemand, Arthur Zimmermann, à son ambassadeur au Mexique. Dans ce message, il annonce la guerre sous-marine et en cas de rupture de la neutralité américaine propose aux Mexicains une alliance militaire et l’aide de l’Allemagne pour récupérer des territoires perdus en 1848 (Texas, Arizona, Nouveau-Mexique). Publié dans la presse le 1er mars, le texte provoque une vague de fureur nationaliste aux États-Unis même si la proposition est rejetée par le président mexicain Carranza. Le basculement de l’opinion publique est la réaction à ces diverses agressions.

     

    poste recrutement

    Poste de recrutement dans l’armée, New York, 20 avril 1917. © Rue des Archives

     

    Le 2 avril 1917, comme la constitution l’y oblige, le président demande au Congrès de déclarer l’état de guerre avec l’Allemagne. Il propose une "association" (et non pas une alliance, trop contraignante) avec les puissances de l’autre camp. Dans son discours, il explique que les États-Unis n’ont pas de buts personnels à faire valoir . ils n’envisagent ni conquête, ni domination, ni indemnité, ni compensations matérielles. Wilson voit dans son pays "un des champions des droits de l’humanité", de la liberté des nations. Il interprète la guerre comme le résultat des intrigues des autocrates et critique la diplomatie secrète d’une "classe restreinte et privilégiée". "Le monde", dit-il, "doit être rendu sûr pour la démocratie". Son objectif n’est pas seulement de contrecarrer les buts de guerre de l’Allemagne mais de modifier son gouvernement.

    LA PARTICIPATION MILITAIRE DES ÉTATS-UNIS

    Le Congrès vote la guerre le 6 avril 1917. Après l’entrée en guerre, les tensions ethniques obligent le président à insister sur le caractère national de la participation au conflit. Il accentue sa campagne pour l’unité du pays et la lutte contre toute opposition. Les pacifistes sont accusés d’être pro-allemands, lâches, traîtres, et anti-américains. Parce que la guerre coûte cher et qu’il n’est pas souhaitable de recourir largement à l’emprunt, le gouvernement vend des Liberty bonds, qui remportent un grand succès (25 milliards de dollars), et le Congrès institue un impôt sur les revenus.

    Des bureaux spécialisés sont mis en place pour faire passer le pays à une économie de guerre et renforcer ainsi le pouvoir de contrôle de l’État. En juillet 1917, est fondé le War Industries Board, (modifié en mars 1918), dirigé par Bernard Baruch, un financier de Wall Street. En août, le Lever Act donne au président un pouvoir important sur la production agricole et sur la distribution, et la possibilité de pratiquer le contrôle des prix pour les denrées rares (au nom de l’approvisionnement du front). Wilson crée la Food Administration dont le directeur est Herbert C. Hoover, ex-directeur de la Commission for Relief in Belgium pendant la guerre. Hoover impose des jours sans viande et des jours sans pain. Les Américains sont incités à cultiver leurs jardins. C’est dans ce contexte, pour réserver les céréales aux troupes, que le Congrès interdit la vente de boissons alcoolisées, une mesure temporaire renforçant le 18e amendement proposé par le Sénat le 18 décembre 1917 et en voie d’être ratifié. La loi de prohibition de fabrication d’alcool est présentée comme un devoir national, d’autant que la bière est associée aux Allemands.

     

    adieux

    Jeunes femmes disant au revoir aux soldats américains, août 1917, New York. © Rue des Archives/Everett

     

    En août 1917, la Fuel Administration encourage l’exploitation de mines de charbon peu productives. En décembre, la United States Railroad Administration assure le contrôle fédéral sur les chemins de fer qui ont un rôle stratégique.

    En avril 1918, le National War Labor Board (dirigé par l’ancien président Taft et par Frank P. Walsh, un homme de loi) institue le United States Employment Service pour éviter les grèves et assurer la répartition de la main d’œuvre. Il emploie de nombreuses femmes. La journée de huit heures est instituée dans les industries de guerre, les conditions de travail sont convenables, les salaires décents. Même si le coût de la vie augmente de 50%, le revenu réel des salariés progresse de 20%. Cependant c’est une période transitoire, les mesures prises étant temporaires.

    L’entrée en guerre ravive les tensions ethniques. Les Allemands sont désignés comme ennemis, des journaux germanophones sont interdits et des mots à consonance germanique sont remplacés : la choucroute (Sauerkraut) devient le "chou de la liberté" (Liberty cabbage).

    Les pacifistes sont pourchassés et emprisonnés. En avril 1917 est fondé le Committee on Public Information. Le 16 juin, avec l’Espionage Act, des journaux d’opposition à la guerre comme The American Socialist sont interdits de diffusion postale. En 1918, le Congrès vote deux lois, les Sabotage Act et Sedition Act. Elles visent les opposants à la guerre, syndicats internationalistes, pacifistes et socialistes.

    Pour les Français et les Anglais, les besoins en combattants sont urgents. Les pertes sont élevées et le front russe s’effondre, permettant aux Allemands de renforcer leurs armées à l’ouest. La mobilisation américaine est lente. L’armée est peu nombreuse, les unités éparpillées sur un large territoire et il faut l’équiper et l’entraîner. Plutôt que le recours traditionnel aux milices, la conscription est instituée pour les hommes de 21 à 30 ans inclus, puis entre 18 et 45 ans, par le Selective Service Act du 18 mai 1917. Trois millions d’hommes sont mobilisés et deux millions d’autres sont volontaires. C’est l’occasion pour des populations marginalisées comme les Noirs et les Amérindiens de se porter volontaires pour affirmer leur loyauté envers leur pays.

     

    Américainsà Saint-Nazaire

    L’arrivée des troupes américaines à Saint-Nazaire, juin 1917. © Daniau/ECPAD Défense

     

    Le corps expéditionnaire américain (American Expeditionary Force) est dirigé par le général Pershing. Décidé à conserver l’unité de commandement de ces troupes, Pershing s’oppose aux chefs militaires français et anglais qui veulent intégrer les Américains dans les unités existantes pour remplacer leurs soldats tombés au combat. La première division arrive en France en juin et la deuxième en septembre 1917. Les États-Unis ont fourni des équipements et des uniformes aux armées anglaise et française quand ils étaient neutres, mais en attendant que l’économie américaine soit reconvertie en économie de guerre, ce sont les armées anglaise et française qui équipent et approvisionnent l’armée américaine. Les Français fournissent des canons (de 75 et 155 mm) tandis que les Anglais donnent des mortiers, des mitraillettes, des casques d’acier et même des uniformes.

    Pour soutenir le moral des troupes et maintenir leur unité malgré leur dispersion sur le front, Pershing encourage la fondation d’un journal, The Stars and Stripes, par référence au drapeau américain. Écrit par des soldats, dont certains journalistes mobilisés, publié pendant 71 semaines, du 8 février 1918 au 13 juin 1919, il est tiré à mille exemplaires au début, et compte plus d’un million de lecteurs au bout d’un an.

     

    Américains et Français 1917

    Soldats français et américains, 1917. © Maurice-Louis Branger/Roger-Viollet

     

    Face aux attaques allemandes du printemps 1918, le général américain Pershing réalise l’urgence. En juin et juillet 1918, plus de 584 000 hommes sont envoyés en Europe. Il faut transporter les troupes et la marine marchande américaine n’y suffit pas. Des navires anglais sont utilisés. En août 1918, il y a près de 1,5 million de combattants américains en France. Ils se distinguent dans les batailles de Seicheprey (26e division d’infanterie), de Cantigny (1re division d’infanterie), du bois Belleau (2e division d’infanterie et une brigade de Marines), ainsi qu’à Château-Thierry et pendant les offensives de Saint-Mihiel et de Meuse-Argonne. Des pilotes participent aux combats, souvent mortels, contre l’aviation allemande. Le plus jeune fils de Theodore Roosevelt, Quentin, est abattu avec son appareil le 14 juillet 1918 à Chamery (Aisne).

    LES CONSÉQUENCES DE L’ENGAGEMENT SUR LA SOCIÉTE AMÉRICAINE

    La participation militaire américaine est limitée, mais décisive face à des armées épuisées par trois ans d’une guerre particulièrement sanglante. Lents à intervenir, les Américains étaient prêts à assumer le poids de la guerre quand l’armistice a été décidé le 11 novembre 1918. Leur arrivée modifie les rapports de force et convainc les Allemands de demander l’armistice. Fidèle à ses principes de promotion de la démocratie, Wilson refuse de négocier avant l’abdication de l’empereur Guillaume II. Le 8 janvier 1918, dans la déclaration des "Quatorze Points", il a exposé la position des États-Unis dans la perspective d’établir une paix durable : liberté de navigation et de commerce, évacuation de la Belgique et de la France, autodétermination des nationalités, sécurité collective des nations garantie par une organisation collective. Ces principes moraux forment la base des discussions de la conférence de la paix.

    Aux États-Unis, la participation à la guerre augmente les pouvoirs du gouvernement fédéral et lui donne les moyens d’organiser le territoire, de mobiliser la population, et de décider qui fait partie de la communauté nationale. Avant l’entrée en guerre, les "suffragettes", des femmes militant pour obtenir le droit de vote, étaient opposées à une intervention des États-Unis dans le conflit. Après la décision du Congrès, elles s’engagent dans le soutien à la nation en guerre. Les femmes participent à l’économie de guerre en nombre légèrement supérieur à leurs effectifs pendant la paix, mais surtout la guerre accélère leur emploi dans de nouvelles professions (employées, secrétaires, standardistes, publicitaires) en plein essor. De nombreuses femmes servent dans l’armée comme volontaires, mais sans avoir droit à aucun des avantages et des protections dont les hommes bénéficient. Cependant, la participation des femmes à l’effort de guerre est reconnue par le 19e amendement, qui leur accorde le droit de vote en 1920.

    La guerre revêt aussi une grande importance pour les Afro-Américains. Ils ont servi dans des unités ségréguées, sous l’autorité d’officiers blancs, souvent cantonnés à des tâches de soutien, mais environ 20% ont participé aux combats et trouvé l’occasion de se distinguer. Ils ont le sentiment d’avoir combattu pour la démocratie en Europe et, à leur retour, ils luttent pour leurs droits politiques et leur inclusion dans le récit national.

     

    Independence Day 1917

    Le 1er bataillon américain défilant à Paris pour la fête de l'Independence Day, le 4 juillet 1917. © Paul Queste/ECPAD Défense

     

    ENTRETENIR LE SOUVENIR DE L’ENGAGEMENT AMÉRICAIN

    Au total, plus de quatre millions d’Américains et d’Américaines ont été mobilisés. Environ 126 000 ont été tués, 234 300 blessés, et 4 526 portés disparus pendant la Première Guerre mondiale, qui devait être la "guerre pour terminer toutes les guerres". De nombreux cimetières militaires et monuments commémoratifs témoignent sur le sol français du sacrifice des combattants américains : à Suresnes, à Montfaucon ou encore à Montsec.

    Aux États-Unis, le souvenir de la guerre est entretenu par des monuments aux morts locaux, érigés dans les années 1920 et 1930. Le plus important est une tour haute de 66 mètres, inaugurée le 11 novembre 1926, à Kansas City, Missouri, désignée comme Liberty Memorial. Cependant, aucun monument national commémorant la Première Guerre mondiale ne se trouve à Washington, alors que la capitale fédérale a pourtant vu ériger des monuments rendant hommage aux soldats américains engagés dans les guerres qui ont succédé à celle de 14/18. Le monument à la guerre du Vietnam, bien qu’ayant fait l’objet de nombreuses critiques, a été inauguré dès 1982, celui en mémoire des soldats engagés dans la guerre de Corée en 1995 et celui commémorant la Seconde Guerre mondiale en 2004.

    Ce n’est que ces dernières années qu’est né un projet de monument commémoratif national, qui a d’ailleurs fait l’objet d’une intense bataille législative. En décembre 2014, après plusieurs années de discussions au Congrès, une loi autorise enfin la construction d’un monument, dans Pershing Square, près de la Maison Blanche. Il doit être inauguré le 11 novembre 2018, à l’occasion du centenaire de la signature de l’armistice.

    Auteur

    Annick Foucrier - Professeure d'histoire, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Directrice du Centre de recherches d'histoire nord-américaine, CNRS UMR SIRICE 8138

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