Reconvertir le patrimoine militaire

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Fort de Collioure qui accueille le centre national d’entraînement commando. © J-J. Chatard/DICOD

En visitant la France, il n’est pas rare de tomber sur d’anciens forts militaires, citadelles ou remparts, maintenus en l’état ou réaménagés. Autant de sites qui font partie du patrimoine du ministère des armées. Leur cession oblige l’État et les collectivités territoriales à réfléchir à leurs nouveaux usages. Dès lors, l’enjeu de la reconversion du patrimoine militaire réside dans la transformation - ou non - du paysage dans lequel il s’insère.

La mémoire de la Résistance : le Mont-Valérien

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Exécution de résistants du groupe Manouchian, clairière des fusillés du Mont-Valérien, 21 février 1944. © Association Les Amis de Franz Stock/ECPAD

En France, le souvenir de la Résistance s’est inscrit de différentes manières dans les paysages. À côté des maquis s’est imposée la construction monumentale du Mémorial de la France combattante au Mont-Valérien, devenu le premier haut lieu de la mémoire nationale. Il est sans doute l’un des symboles majeurs de la patrimonialisation, par l’État, des lieux de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale.

La mémoire de la Résistance : le maquis du Vercors

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Vassieux-en-Vercors, ruines de juillet 1944. © Collection M. Bleicher

Dans l’imaginaire collectif, les paysages de la Résistance renvoient souvent aux maquis, espaces qui accueillaient les femmes et les hommes souhaitant se réfugier dans les montagnes ou forêts des alentours pour organiser la Résistance face aux autorités vichystes et à l’occupant. Le massif du Vercors, avec son paysage naturel, ses villages reconstruits et ses monuments commémoratifs, abrite aujourd’hui la mémoire des maquisards des années 1943-1944.

La mémoire des villages martyrs : le village de Maillé

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Rue principale de Maillé, 1945. © Collection privée - Maison du Souvenir

Ce village d’Indre-et-Loire que certains appellent "l’autre Oradour-sur-Glane" a connu un destin mémoriel et paysager totalement différent de celui du bourg limousin. Au lendemain du massacre de Maillé, et avant même la fin de la guerre, est décidée la reconstruction totale du village, un choix qui n’est pas sans conséquence sur la perpétuation de sa mémoire.

La mémoire des villages martyrs : Oradour-sur-Glane

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Centre de la mémoire à Oradour-sur-Glane. © C. Janot/Agefotostock

À Oradour-sur-Glane, le paysage mémoriel frappe par sa singularité. Au lendemain de la guerre, il est décidé que les ruines du village seraient préservées "en l’état". Durant les années qui suivirent, le défi d’entretenir ce site s’est imposé pour beaucoup d’acteurs associatifs et étatiques, exigeant une réflexion sur les traces des traumatismes de la guerre dans le paysage.

La mémoire des poilus : la tranchée des baïonnettes

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La tranchée des baïonnettes aujourd’hui. © A. Roiné/ECPAD/Défense

Autre lieu emblématique des batailles de la Grande Guerre, la tranchée des baïonnettes se distingue de Notre-Dame de Lorette par son origine même : les corps des soldats n’ont pas été regroupés au sein d’un cimetière aménagé mais sont restés là où les hommes sont tombés. Un fait qui inscrit le récit de la tranchée des baïonnettes entre mythe et réalité.

 

La mémoire des poilus : Notre-Dame-de-Lorette

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La nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette, aujourd’hui - © E. Rabot/SGA/COM
La nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette, aujourd’hui - © E. Rabot/SGA/COM

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, les stigmates des combats sur la colline de Notre-Dame de Lorette ont été effacés du paysage environnant mais, un siècle plus tard, la plus grande nécropole militaire française, le monument et le mémorial international s’imposent au passant comme un lieu de souvenir, d’hommage et de commémoration.

 

Commémorer in situ

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Le mémorial de Caen. © H-J. Sipérius

En temps de paix, les champs de bataille, plages, villes touchés par la guerre sont prêts à accueillir des cérémonies et autres rites commémoratifs qui ont vocation à rappeler et transmettre le souvenir des événements passés, rendre hommage à celles et ceux qui les ont vécus et à leur donner un sens. Dès lors, l’espace et le paysage environnants sont convoqués pour "mettre en mémoire" l’histoire commémorée.

Les paysages comme lieux de mémoire

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"Réfléchir", création in situ d’un artiste plasticien appelé "Anonyme" : recouvrement d’un blockhaus par une mosaïque de miroirs, batterie de Leffrinckoucke, près de Dunkerque, 2015.

Les liens entre paysages et mémoire des guerres sont complexes. Après le conflit, que demeure-t-il du "paysage de guerre" ? Comment les sociétés construisent-elles un regard particulier sur les espaces marqués par les guerres ? En quoi les valeurs contemporaines accordées au paysage transforment-elles la relation des sociétés à la mémoire ?

Le paysage, un lieu de stratégie militaire

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Harkis du 158e bataillon d’Infanterie du secteur de Mascara pendant la guerre d’Algérie, été 1961. © J-P. Laffont / Roger-Viollet

Avant toute analyse de la reconstruction et reconversion des paysages après un conflit, il y a lieu de s’intéresser à la représentation du paysage pour le soldat qui en fait le théâtre de ses affrontements avec l’ennemi. Objet de guerre, le paysage devient rapidement sujet de guerre, obligeant les belligérants à utiliser leur environnement et ses contraintes, et à les intégrer dans la stratégie militaire globale.

De la stratégie militaire à la mise en mémoire

De la stratégie militaire à la mise en mémoire

Vue aérienne d’un paysage de Champagne. © S. Compoint

De tout temps, le paysage fut le premier spectateur des affrontements militaires entre les hommes. Transformé par la guerre, il n’en est pas moins un élément à prendre en compte dans l’élaboration de la stratégie militaire. Là où le visiteur vient aujourd’hui s’imprégner de la mémoire des événements passés, le soldat, quelques années ou décennies auparavant, écrivait l’histoire avec pour décor un paysage de guerre. De la stratégie militaire à la mise en mémoire, le paysage semble avoir été "patrimonialisé" pour devenir un lieu de mémoire, c’est-à-dire à la fois conserver les traces du passé mais aussi répondre aux préoccupations politiques, touristiques et sociétales. En dévoilant ses cicatrices, en accueillant des lieux de mémoire et musées, et en mettant en scène des cérémonies commémoratives, les paysages participent à la construction d’une mémoire individuelle et collective des conflits contemporains.

1958, une nouvelle République en guerre

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1958, une nouvelle République en guerre

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Pendant la
Pendant la "bataille d’Alger" : un parachutiste du 1er REP surveille le marché Clauzel, alors que la grève décrétée par le FLN s’amenuise et des magasins rouvrent, Alger, 3 février 1957. © STF/AFP

Sommaire

    En résumé

    DATE : Mai 1958

    LIEU : France

    ISSUE : Retour au pouvoir du général de Gaulle

    OBJET : Mettre un terme à l'instabilité gouvernementale et à la crise algérienne

    L’année 1958 connaît une situation exceptionnelle. Des changements institutionnels profonds s’opèrent alors que le pays est engagé depuis quatre ans dans une guerre qui semble sans issue. En faisant adopter une nouvelle Constitution, le général de Gaulle entend mettre un terme à la crise politique.

    En 1958, la guerre d’Algérie entre dans sa cinquième année. Elle semble dans l’impasse, aux plans politique et diplomatique. Les pourparlers avec le camp indépendantiste engagés en 1956 sont au point mort, chaque partie ayant des positions irréconciliables : le Front de libération nationale (FLN) revendique l’indépendance totale, alors que la France entend maintenir sa souveraineté sur les trois départements. La parole reste donc aux armes, notamment à la frontière tunisienne, où la "bataille des frontières" commence.

    Ce conflit, dont le coût explose, divise le pays. Dès lors, il paraît légitime de se demander dans quelle mesure le retour au pouvoir du général de Gaulle en mai 1958, et la réforme constitutionnelle survenue en octobre 1958, créent une dynamique inédite depuis le début de la guerre d’Algérie avec l’espoir d’un dénouement de la crise. Sur le plan militaire, l’armée française parvient à reprendre l’initiative, et sur le plan politique, le général de Gaulle inspire la confiance dans son intention d’en finir avec le conflit, la nouvelle Constitution d’octobre 1958 permettant d’envisager différentes solutions.

    VERS L’AFFAIBLISSEMENT DE L’ARMÉE DE LIBÉRATION NATIONALE

    Depuis 1955, le FLN s’efforce de constituer une armée permettant de pallier la pression, certes très relative, exercée par l’arrivée du contingent français. Un effort d’organisation est réalisé lors du congrès de la Soummam du 20 août 1956, au cours duquel la création de l’Armée de libération nationale (ALN) est officialisée. Le contexte est par ailleurs favorable à l’expression de la voix indépendantiste. En effet, l’année 1956 voit la montée en puissance du nationalisme arabe à la suite de la victoire diplomatique de Nasser après le dénouement de la crise de Suez. Aux frontières avec le Maroc et la Tunisie, dont l’indépendance en 1956 permet un soutien actif au FLN, les unités de l’ALN sont réparties en bataillons ("failek") de 350 hommes. Le territoire algérien est découpé en régions militaires ("wilaya") dans lesquelles des compagnies ("katiba") de 120 hommes, divisées en sections ("ferkas") de 30 hommes, sont implantées dans des zones de défense. Celles-ci sont généralement situées à l’intersection de plusieurs vallées, afin de permettre des déplacements dans différentes directions, et à proximité d’un village pour le ravitaillement. Les unités y sont réparties en petits groupes retranchés dans des abris naturels, principalement des grottes. Cette stratégie fondée sur la mobilité oblige l’armée française à répartir ses effectifs sur l’ensemble du territoire considéré comme "utile".

    Entre 1955 et 1957, la montée en puissance de l’ALN s’accélère, notamment dans la région de la Grande Kabylie et dans celle des Aurès. En 1956, le congrès de la Soummam évalue, selon Jacques Frémeaux, les forces à 20 000 hommes en Algérie, dont 7 000 soldats et 13 000 partisans (La France et l’Algérie en guerre, 1830-1870, 1954-1962, Paris, Économica, 2002, p.150) ; en août 1957, d’après Abane Ramdane, le potentiel de l’ALN atteint 90 000 hommes, dont 50 000 soldats et 40 000 partisans (Harbi Mohamed, L’Algérie et son destin, croyants ou citoyens, Paris, Arcantères, 1997, pp.109-110). Un an plus tard, selon l’évaluation de Guy Pervillé, les succès militaires français entraînent une baisse sensible des effectifs indépendantistes (La guerre d’Algérie, histoire et mémoire, Bordeaux, CRDP Aquitaine, 2008, p.185) : 50 000 hommes, dont 30 000 en Algérie (20 000 soldats et 10 000 partisans) et 10 000 hommes aux frontières (dont 7 500 en Tunisie).

     

    commando marine 1955

    Le commando de Marine de Penfentenyo en opération dans le Constantinois : arrivé sur place en août 1955,
    il a pour mission de sécuriser les zones côtières que tentent de contrôler les rebelles de l’ALN. © B. Pascucci/ECPAD/Défense

     

    Cette baisse des effectifs de l’ALN conduit à une diminution des attaques contre les forces françaises. En 1958, elles constituent environ un quart des actions de l’ALN, les trois quarts restants étant répartis entre les attentats contre les biens ou les personnes (c’est-à-dire des actions de type terroriste, révélatrices d’un affaiblissement du potentiel militaire conventionnel des indépendantistes).

    En 1954, l’armée française a hâtivement calqué les enseignements de la guerre révolutionnaire d’Indochine sur le conflit algérien. L’ennemi et ses modes d’action ont donc été mal appréhendés, conduisant le commandement français à mener, notamment en 1955, des opérations locales et ponctuelles, en fonction des opportunités ou des urgences. À partir de 1956, l’armée, dont l’effectif augmente régulièrement grâce à la mobilisation des appelés du contingent, s’adapte progressivement avec succès aux actions de l’ALN. Au cours de l’année 1958, deux objectifs (établis en 1956) sont atteints : d’une part, éviter des défaites dont le FLN tirerait avantage, notamment en termes de propagande interne ou internationale ; d’autre part, empêcher l’ALN de passer du stade de commandos, opérant sous forme de coups de main, à celui de fortes unités, capables de rechercher un affrontement comparable à un conflit conventionnel. Le succès peut être attribué notamment à deux facteurs : d’abord la construction de barrages le long des frontières permettant aux Français de remporter la "bataille des frontières" afin de couper l’ALN de renforts extérieurs ; ensuite, dans le cadre d’une "guerre psychologique", l’action d’intoxication au sein de l’ALN afin de l’affaiblir de l’intérieur.

    "BATAILLE DES FRONTIÈRES" ET "BLEUITE"

     

    C'est d’abord, la "bataille des frontières", de janvier à avril 1958, conséquence de l’achèvement de la ligne Morice, construction d’un réseau miné de 450 km de barbelés électrifiés le long des frontières, qui interdit progressivement aux renforts de l’ALN de parvenir en Algérie. Cette ligne Morice complète le dispositif de lutte mis en œuvre par la Marine nationale contre le trafic d’armes transitant par la Méditerranée. Dès 1955, elle a mis en place une surveillance sur mer (SURMAR) qui vise à interdire l’approvisionnement en armes de l’ALN par voie maritime. Puis, à partir de 1956, la demi-brigade des fusiliers marins (DBFM) a renforcé la surveillance le long de la frontière marocaine. Alors qu’en mai 1957, l’ALN parvient à faire passer environ mille armes par mois par la seule frontière tunisienne, le chiffre tombe à une centaine seulement au début de 1958. Refusant de laisser l’armée de l’intérieur être asphyxiée, l’ALN tente des percées du barrage entre Sakiet et Guelma. Face à ces intrusions, le général Vanuxem, commandant la zone de l’Est constantinois, engage les réserves françaises, constituées essentiellement de parachutistes. Ces derniers, aidés par les troupes de secteur échelonnées le long de la frontière, vont porter des coups sévères aux unités de l’ALN qui tentent de forcer le barrage. La bataille la plus importante, et la dernière, est celle de Souk-Ahras, en avril, notamment du 28 avril au 3 mai 1958, avec l’engagement de plus de mille combattants de l’ALN, luttant jusqu’au corps à corps contre les soldats du 9e régiment de chasseurs parachutistes (RCP). Ce dernier perd une compagnie, commandée par le capitaine Beaumont (32 morts et 40 blessés), lors de l’attaque du mont Mouadjene (Montagnon Pierre, La guerre d’Algérie, genèse et engrenage d’une tragédie, Paris, Pygmalion, 1984, p.72).

     

    bataille des frontières 1958

    Le 18e RCP en opération à El Ma El Abiod pendant la bataille des frontières. En 1958, le 18e RCP participe à 108 opérations. © Joubert/ECPAD/Défense

     

    Mais cette victoire militaire n’éclipse pas les conséquences politiques du bombardement mené au nom du "droit de suite", le 8 février 1958, du village de Sakiet-Sidi Youssef situé en Tunisie indépendante depuis 1956. Cette violation de la frontière et l’ampleur des pertes civiles (69 morts, 130 blessés) entraînent un revers diplomatique majeur aux Nations unies, où Paris doit accepter une mission des "bons offices" dirigée par la Grande-Bretagne et Washington. Cette séquence accentue encore les critiques à l’égard de la IVe République.

    Ensuite, la guerre psychologique, avec notamment une action d’infiltration et d’intoxication emblématique, baptisée KJ-27, dite aussi la "bleuite", lancée à partir de janvier 1958, dans la continuité de la "bataille d’Alger" (janvier à octobre 1957), par les services secrets du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE). Cette action vise à neutraliser les opérations militaires de l’ALN et son potentiel humain. Pilotée par le capitaine Paul-Alain Léger, elle cible prioritairement le colonel Amirouche, chef de la wilaya III en Kabylie. Persuadé que son secteur est noyauté par des agents doubles, ralliés à la cause française, Amirouche lance une importante et sanglante vague d’épuration au sein des combattants indépendantistes. Les autres wilayas sont rapidement touchées par ces purges qui se prolongent jusqu’en 1961. Ce succès, décrit dans le détail par Charles-Robert Ageron ("Complots et purges dans l'armée de libération algérienne (1958-1961)", in Vingtième Siècle, revue d'histoire, n°59, juillet-septembre 1998. p.15-27), provoque, sur le court terme, un effet dévastateur sur le moral des combattants et, sur le long terme, la perte de toute une génération de cadres, qui feront par la suite défaut au FLN. Un bilan est difficile à établir ; au cours de ces purges, les chiffres des membres de l’ALN éliminés (dont une majorité d’anciens citadins diplômés) sont estimés à 7 000 par Rémy Madoui (J’ai été fellagha, officier français et déserteur, du FLN à l’OAS, Paris, Seuil, 2004, p.98), et à 15 000 par Henri Le Mire (Histoire militaire de la guerre d’Algérie, Paris, Albin Michel, 1982, p.386).

     

    Malah

    Des soldats du 2e RPC combattent des Fellaghas dans une opération près de Malah, mars 1958. © S. Berthoud/ECPAD/Défense

     

    Ainsi, sur le plan militaire, la situation se stabilise en 1958, au prix d’affrontements violents, mais la situation diplomatique française continue à se dégrader, tandis que l’instabilité politique exaspère une part croissante de l’opinion. Face à l’attentisme de la majorité de la population métropolitaine, et aux divergences de la population musulmane sur la question de l’indépendance, les anti-indépendantistes (largement majoritaires en Algérie au sein de la population européenne) s’impatientent face à l’indécision du pouvoir politique à définir une attitude claire et cohérente pour le maintien de l’Algérie dans le giron de la France.

    "JE VOUS AI COMPRIS"

    Politiquement, l’année 1958 est marquée par la recherche active d’un pouvoir stable, capable de mettre un terme au conflit. La crise du 13 mai 1958 provoque le retour du général de Gaulle qui est perçu par toutes les parties comme un recours et un rempart face à l’incapacité de la IVe République à résoudre la crise algérienne. Ce dernier met en place la Ve République en octobre 1958, assurant les conditions d’une stabilité politique tout en maintenant une certaine ambiguïté sur ses intentions en Algérie. Le début de l’année 1958 est caractérisé, d’une part, par l’incapacité du pouvoir politique à répondre aux aspirations des tenants de l’Algérie française et, d’autre part, par la dénonciation de la pratique de la torture par l’armée française par des intellectuels alors minoritaires comme Henri Alleg (La Question, Lausanne, Éditions de la Cité, 1958) ou Jean-Pierre Vernant (Branche Raphaëlle, La torture et l’armée pendant la guerre d’Algérie, Paris, Gallimard, 2001).

     

    Soustelle Alger 1958

    Accueil triomphal à Alger de Jacques Soustelle, gouverneur général de l’Algérie du 1er février 1955 au 30 janvier 1956, mai 1958. © ECPAD/Défense

     

    La gestion du gouvernement de Guy Mollet (janvier 1956-mai 1957) lors de la crise de Suez de 1956, puis celle de Félix Gaillard (septembre 1957-avril 1958) lors de l’affaire de Sakiet Sidi Youssef, provoquent de fortes tensions entre les partisans de l’Algérie française, notamment le commandement militaire d’Alger, et le personnel politique au pouvoir. Le 13 mai 1958, l’investiture imminente de Pierre Pflimlin comme président du Conseil, réputé favorable à une négociation avec le FLN, incite les activistes partisans de l’Algérie française à monter un coup de force depuis Alger. Ils constituent un Comité de salut public mettant à sa tête le général Massu, soutenu par le général Salan, commandant en chef des forces en Algérie, nommé délégué général dès le début de cette crise. Le 1er juin 1958, Salan obtient du président de la République, René Coty, l’appel au pouvoir du général de Gaulle. Ce dernier a su habilement tirer profit de la dégradation de la situation en Algérie et du développement de l’activisme anti-indépendantiste en envoyant des signaux aux partisans de l’Algérie française tout en se posant en recours auprès des défenseurs de la légalité républicaine. Par la suite, les déclarations de ce dernier, à Alger, le 4 juin ("Je vous ai compris"), puis à Mostaganem, le 6 juin ("Vive l’Algérie française") rassurent les anti-indépendantistes, lesquels ont alors l’impression que le but de la guerre est clairement de conserver l’Algérie. Guy Pervillé estime cependant qu’en juin 1958 de Gaulle pense que l’Algérie est amenée à se séparer un jour de la France, sans savoir toutefois avec quels moyens et avec quels partenaires il pourrait conduire ce processus.

    OCTOBRE 1958 : L’INFLEXION DE LA POLITIQUE ALGÉRIENNE DE PARIS

    L’élaboration de la Constitution de la Ve République répond à la volonté du général de Gaulle de mettre un terme à l’instabilité gouvernementale, d’en finir avec la menace d’un coup d’État militaire et de se désengager du bourbier algérien. La première conséquence est d’imposer la primauté du suffrage universel comme la source légitime du pouvoir et, partant, comme arbitre ultime de l’issue du conflit. Le projet constitutionnel qui institue le recours au référendum est adopté à une large majorité de 79,25% le 28 septembre 1958. Dès lors, le suffrage populaire joue un rôle prépondérant dans la politique algérienne du Général. En janvier 1961 (référendum sur l’autodétermination en Algérie) puis en avril 1962 (référendum sur les accords d’Evian), les électeurs actent en effet l’évolution vers l’autodétermination puis l’indépendance.

     

    campagne électorale 1958

    Campagne électorale pour le référendum pour la constitution de la Ve République, 1958 : dans la Mitidja, à l’entrée d’une infirmerie. © Jean Marquis/Roger-Viollet

     

    La deuxième conséquence est de restaurer la stabilité et la primauté du pouvoir exécutif, incarné par le général de Gaulle qui, dès la fin 1958, infléchit la ligne intransigeante suivie par Paris depuis 1954 face au mouvement indépendantiste. Si l’annonce du plan de Constantine, le 3 octobre 1958, a pu être interprétée par les partisans de l’Algérie française comme un gage de sa volonté de rester en Algérie, il apparaît très vite que la réaffirmation de la prééminence de l’autorité civile sur l’autorité militaire est un moyen pour le Général d’ouvrir le jeu quant à l’issue du conflit. Les élections législatives du 30 novembre 1958 ayant mis en lumière la propension du général Salan à refuser de se plier aux exigences du gouvernement, un nouveau délégué général, Paul Delouvrier, est nommé le 12 décembre 1958. Il récupère des prérogatives politiques qui avaient été confiées à Salan. Celui-ci est de plus remplacé comme commandant en chef par le général Challe dont la mission est désormais cantonnée au seul domaine militaire. Il doit obtenir la victoire sur le terrain via la mise en œuvre de son plan lancé en janvier 1959. L’objectif est de permettre au général de Gaulle de négocier en position de force avec le FLN qui a rejeté la "paix des braves" proposée dès la conférence de presse du 23 octobre.

    La troisième conséquence de l’arrivée de la Ve République est en effet la réorganisation du FLN avec la proclamation du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), issu du Comité de coordination et d’exécution (CEE), embryon de pouvoir exécutif créé lors du congrès de la Soumman, le 20 août 1956. Le choix de la date de cette annonce, le 19 septembre 1958, quelques jours avant le référendum sur l’adoption de la Constitution, n’est probablement pas anodin et constitue une tentative de reprendre l’initiative perdue tant sur le plan militaire que politique. Le président du GPRA, Fehrat Abbas, notable modéré, contribue à en donner une image positive à l’étranger. Cette proclamation du GPRA s’inscrit dans le processus de radicalisation du FLN destiné à imposer l’indépendance face à celle d’une association avec Paris au sein de la Communauté prévue par la nouvelle Constitution. Par ailleurs, le choix de refuser toute solution autre que celle de l’indépendance a mené le FLN à porter le conflit sur le territoire métropolitain lors de la "bataille de Paris", du 25 août au 25 septembre 1958. En effet, cette "exportation" du conflit dans la capitale permettait de pallier le repli militaire sur le territoire algérien et de tenter d’obtenir le soutien de l’opinion métropolitaine pour peser sur la politique algérienne décidée par l’homme qui incarne la nouvelle République.

     

    Discours de Gaulle 1958

    Discours du général de Gaulle pour la présentation de la Constitution de la Ve République, Paris, place de la République, 4 septembre 1958. © Bernard Lipnitzki/Roger-Viollet

     

    Ainsi, l’année 1958 voit la France reprendre l’initiative, tant sur le plan militaire que politique. Militairement, les indépendantistes n’arrivent pas à enrayer l’asphyxie de l’armée de l’intérieur, en raison notamment des frontières devenues quasi hermétiques. Sur le plan politique, depuis les événements de mai 1958 qui ont porté le général de Gaulle au pouvoir, le FLN s’inquiète des conséquences possibles dans le règlement du conflit de la popularité de De Gaulle ainsi que de celles de la nouvelle Constitution d’octobre 1958. L’aspiration des Français et des Algériens à la paix, laisse penser au général de Gaulle qu’une solution d’autonomie dans un ensemble français est possible. Un an plus tard, après l’échec de ses tentatives de négociation, il semble intégrer dans ses calculs que seules les modalités pratiques de la reconnaissance d’une indépendance pleine et totale peuvent faire l’objet d’un compromis avec le FLN.

    Auteur

    Commandant Romain Choron - Chef de la division des archives orales au Service historique de la défense

    Le 60e anniversaire de la Constitution

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    Le président François Mitterrand, en compagnie du ministre de la défense Charles Hernu, au lendemain de l’attentat du Drakkar, Beyrouth, 24 octobre 1983

    De Gaulle et l’Algérie

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    Élèves de terminale en atelier

    La Maison natale de Gaulle

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    Exposition : L’armée polonaise en France pendant la Première Guerre mondiale

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    Musée Mémorial pour la Paix – Le Militarial - Boissezon

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    Un triptyque : Mémoire, Patrimoine, Pédagogie

    A 10 minutes de Castres et de Mazamet, dans le charmant village de Boissezon, se trouve Le Musée Mémorial pour la Paix. Situé dans un ancien fort du XIe siècle, ce musée est dédié aux conflits du 20ème siècle et principalement les 1ères et 2èmes guerres mondiales.

    Dans les 6 salles d’exposition, grâce aux 5000 objets exposés, le visiteur pourra découvrir les conditions de vie des combattants mais aussi des populations civiles durant ces conflits.

    Le Musée Mémorial pour la Paix de Boissezon est un lieu de mémoire, de sauvegarde du patrimoine mais aussi un outil pédagogique pour préserver la Paix ce bien si fragile.

    On peut venir en groupe (sorties d’associations), en famille, ou dans un cadre scolaire (du primaire au lycée et université).

    A voir aux alentours :

    • Nombreux ateliers d’artistes dans le village
    • Massif du Sidobre
    • Visite de Castres et Mazamet
    • Nombreux chemins de randonnées
    Sources : ©Musée Mémorial pour la Paix – Le Militarial - Boissezon

     

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    Infos pratiques

    Adresse

    La Bastide du Fort - 81490
    Boissezon
    05 63 50 86 30

    Tarifs

    Adultes 5 euros / Enfants de 12 à 18 ans 3 euros / Enfants de moins de 12 ans gratuit / Groupes (10 personnes) : 3 euros

    Horaires d'ouverture hebdomadaires

    Horaires d'été du 15 juin au 15 septembre : tous les jours, sauf le mardi,10h-12h et 14h-18h / Horaires d'hiver du 16 septembre au 15 décembre et du 15 février au 14 juin : dimanche et jours fériés de 14h00 à 18h00. Ouvert sur rendez-vous pour les groupes

    Fermetures annuelles

    du 16 décembre au 14 février